Les relations sont à nouveau tendues entre les deux hommes, au point qu’ils ne s’adressent plus la parole. Explications.
Ces dernières semaines, Alassane Ouattara (ADO) et Laurent Gbagbo n’échangent plus que par personnes interposées. Et les deux hommes n’ont pas prévu de se revoir, comme ils en avaient pourtant décidé lors de leur dernière rencontre le 27 juillet 2021, au petit palais de la présidence. Un mois après le retour au pays de Gbagbo, ces retrouvailles symbolisaient alors la reconnaissance par ce dernier de la légitimité de l’actuel chef de l’État.
ADO a pourtant toujours considéré que, de ses deux prédécesseurs, c’est Henri Konan Bédié qui l’avait le plus heurté. Mais de récents événements ont fait déborder le vase.
Provocations
Le 5 février, à Mama, son village natal près de Gagnoa, à l’Ouest, Laurent Gbagbo a accusé le président d’avoir perpétré un pustch civil pour se maintenir au pouvoir. « Celui qui fait un coup d’État constitutionnel, je ne suis pas son ami », a-t-il, entre autres, déclaré. Des propos perçus par Alassane Ouattara et ses proches comme un affront. Dans l’entourage présidentiel, deux options ont alors été envisagées : réactiver la procédure judiciaire pendante contre Gbagbo ou au contraire ne pas céder à la provocation et se concentrer sur la construction du pays. Et ce sont finalement les partisans de la deuxième solution qui ont pris le dessus.
Mais, le 13 février, Gbagbo est revenu à la charge. Cette fois, à Yopougon, dans la banlieue d’Abidjan, lors d’une rencontre avec des pasteurs évangéliques. « Quand on m’a arrêté en avril 2011, c’était au cri de “Gbagbo c’est fini”, a-t-il déclaré. Dix ans après, Gbagbo parle, donc, Gbagbo, ce n’est pas fini. »
En privé, selon nos informations, le chef de l’État dénonce l’ingratitude de son prédécesseur, qui ne l’a pas remercié pour les efforts déployés en faveur de son retour d’exil et de la libération de certains détenus.
De son côté, Laurent Gbagbo reproche à son successeur de ne pas avoir respecté ses promesses en ce qui concerne le paiement de ses émoluments d’ancien président, comme le prévoient les textes. Depuis son retour, en juin 2021, il n’a en effet pas reçu ses indemnités, dont les arriérés cumulés sur dix ans. Dans les coulisses de la présidence, l’ancien chef de l’État est en effet toujours considéré comme condamné par la justice ivoirienne et donc plus en possession de tous ses droits. Gbagbo a toutefois demandé à ses proches de n’entreprendre aucune initiative pour récupérer ces sommes, sa priorité étant la libération des derniers prisonniers. Il se consacre également à sa nouvelle formation, le Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI), qui a commencé à s’implanter à travers le pays.