Sécurisation des sites miniers, relance de l’exploration, encadrement de l’orpaillage… Plusieurs sujets ardus attendent le nouveau ministre burkinabè des Mines et des Carrières.
C’est un géologue expérimenté que le Premier ministre burkinabè Albert Ouédraogo, qui a dévoilé la composition de son équipe le 5 mars, a choisi pour diriger le ministère des Mines et des Carrières. Jean-Alphonse Somé cumule en effet plus de trente ans d’expérience dans la cartographie et la prospection minière, aussi bien sur les terrains birimiens comme celui de Banfora, au sud-ouest du pays, que sédimentaires, dont celui du bassin de Taoudéni (qui s’étend aussi au Mali et en Mauritanie).
« Jean-Alphonse Somé est un technocrate qui connaît bien le secteur et est capable de rassurer les acteurs », commente un spécialiste de l’industrie minière burkinabè.
Directeur des Carrières puis directeur général du Bureau des mines et de la géologie du Burkina (Bumigeb), le nouveau ministre devra relancer les investissements dans la recherche minière alors que la production aurifère du pays, qui maintient une trajectoire de croissance, a atteint 66,8 tonnes en 2021. « Hâtons-nous lentement. On veut bien faire les choses avant de communiquer », a déclaré le ministre joint par Jeune Afrique.
Investir dans l’exploration
Du côté des groupes miniers actifs dans le pays – Endeavour Mining, IamGold (Essakane), West African Resources ou encore le russe Nordgold – on souligne que la transition menée par le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba devrait mettre l’accent sur la sécurisation des sites aurifères puis sur la relance de l’exploration minière.
« Depuis quelques années, nous n’avons plus d’investissements dans la recherche. Le Burkina, qui était devenu la première destination dans ce domaine, est aujourd’hui relégué au second plan. C’est un chantier pour les nouvelles autorités », explique un responsable d’une société minière.
Il faut dire que les exactions perpétrées par les groupes armés terroristes, qui ont fait environ 2 500 morts et 1,7 million de déplacés en six ans, n’ont pas épargné les opérateurs miniers. L’inquiétude des compagnies opérant au Burkina est exacerbée depuis le 14 novembre et l’attaque d’un détachement militaire chargé de sécuriser la mine d’Inata (exploitée par le groupe Balaji mais dont le permis a été suspendu), qui s’est soldée par la mort de 53 gendarmes.
Coût de la sécurité
Deux ans plus tôt, une embuscade contre un convoi transportant les employés de la mine de Boungou, exploitée par Semafo et rachetée par Endeavour Mining, avait fait 40 morts et plus de 60 blessés. Conséquence directe de cette insécurité : le gel des budgets alloués à l’exploration et, à l’inverse, un effort accru des dépenses de sécurité (estimé entre +10% et +25 %). Certaines mines ont par exemple été obligées d’héliporter leurs personnels sur site. Selon nos informations, le coût des rotations aériennes mensuelles atteint près de 3 milliards de F CFA pour une compagnie.
Pour rassurer le secteur, Jean-Alphonse Somé pourrait redonner corps à l’Office national de sécurisation minière : prévu pour compter 3 000 hommes, il peine à atteindre sa vitesse de croisière avec seulement 500 personnes déployées, soit à peine 13 % des besoins exprimés.
La question du cadastre
Le dernier chantier, et non des moindres, qui attend le nouveau ministre concerne la question du cadastre minier. Ce dernier doit être assaini, informatisé et rendu public, un processus qui demeure un défi, assurent plusieurs experts. Cela doit pourtant permettre aux nouvelles autorités d’encadrer l’orpaillage, dont dépend plus de 1 million de burkinabè, et d’éviter ainsi que, dans les zones où l’État est quasi-absent, les groupes terroristes n’accaparent les sites pour se financer.