Vu au Sud - Vu du Sud

2 avril 2019: il y a un an, Abdelaziz Bouteflika quittait la présidence de l’Algérie

Abdelaziz Bouteflika lors de sa prestation de serment le 28 avril 2014.
Abdelaziz Bouteflika lors de sa prestation de serment le 28 avril 2014. REUTERS/Louafi Larbi/File Photo

Le chef de l’État a été chassé du pouvoir par une contestation populaire sans précédent, qui a poussé l’armée à le lâcher. La fin d’une très longue carrière politique et de 20 ans de présidence. Depuis, un nouveau président a été élu, mais cela n’a pas mis fin au mouvement de contestation.

Depuis un an, l’ancien président, qui se faisait déjà rare depuis son attaque cérébrale en 2013, n’a plus fait d’apparition publique. Peu d’informations filtrent sur le quotidien d'Abdelaziz Bouteflika. Agé de 83 ans, l’ancien dirigeant se trouverait toujours dans sa résidence médicalisée de Zeralda, sur la côte méditerranéenne, à une quinzaine de kilomètres d’Alger. Il sortirait et recevrait peu. Il ne s’est d’ailleurs pas rendu aux urnes, pour la présidentielle du mois de décembre dernier. C’est l’un de ses frères, qui a voté pour lui, par procuration.

Si l’ancien chef de l’État compte encore des partisans, une partie des Algériens considèrent qu’il fait déjà partie du passé après des années à s’interroger sur son état de santé. La question qui, en revanche, est régulièrement soulevée par certains, notamment les intellectuels ou les figures du Hirak, est celle de savoir s’il sera un jour traduit en justice. Pour le politologue Mohamed Hennad, « on ne peut pas faire l’économie du procès d’Abdelaziz Bouteflika, pour que le pays puisse aller de l’avant, quitte à ce qu’il soit déclaré inapte à être jugé. »

Plusieurs procès de proches collaborateurs de l’ancien président se sont tenus ces derniers mois. Deux ex-Premiers ministres ont été condamnés à 15 et 12 ans de prison, pour corruption. Le frère et ex-conseiller de l’ancien président, Saïd Bouteflika, à lui-même été condamne à 15 ans de détention pour complot, tout comme deux anciens chefs des renseignements.

 
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[Édito] Guinée, le jour d’après

 
 
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François Soudan est directeur de la rédaction de Jeune Afrique.

Alpha Condé, en 2016 au palais présidentiel, à Conakry.

En organisant le double scrutin du 22 mars malgré les affrontements qui en ont perturbé le déroulement et les réticences de la communauté internationale, Alpha Condé a maintenu coûte que coûte son calendrier. Un nouveau chapitre s’ouvre désormais pour le président guinéen : renouer le dialogue avec l’opposition et faire connaître sa décision sur une éventuelle candidature à un troisième mandat.

Dix ? Vingt ? Quel que soit le nombre de victimes des violences qui ont endeuillé le double scrutin du 22 mars, ce sont autant de morts de trop. Pour autant, le pire n’a pas eu lieu, en l’occurrence le scénario parfois annoncé d’une quasi-guerre civile entre un pouvoir campé sur ses certitudes et son agenda et une opposition déterminée à lancer contre lui l’assaut final, le tout sur fond d’affrontements ethniques généralisés.

Malgré les hésitations d’une partie de son entourage, dont certains membres ont fait défection ces derniers mois, le président Alpha Condé n’a rien changé à son chronogramme, si ce n’est un report de treize jours des législatives et du référendum, le temps d’une purge du fichier électoral par les experts de la Cedeao. Dimanche 22 mars, le décor d’une bataille générale était planté. On a eu droit à une succession d’escarmouches, hélas parfois sanglantes.

L’objectif annoncé du Front national de défense de la Constitution (FNDC) était de rendre le double scrutin impossible. Les saccages de bureaux de vote, conduisant au déplacement des urnes dans les mairies ou les préfectures, les intimidations, les attaques des domiciles de chefs de quartiers ou de militants du parti au pouvoir ainsi que les manifestations sur la voie publique faisaient partie de cette stratégie parfaitement assumée et publiquement revendiquée.

« Exit option »

Ce boycott actif qui, dans l’esprit de certains de ses promoteurs, visait à faire tomber le régime, a fonctionné dans une douzaine de préfectures sur les 33 que compte le pays et dans trois communes de Conakry sur cinq. Dans la capitale, Matoto et Dixinn ont été touchées, mais c’est pour l’essentiel à Ratoma, fief de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), qu’ont eu lieu les plus sérieux affrontements.

Dans l’intérieur du pays, la région du Fouta, où le parti de Cellou Dalein Diallo est solidement implanté, a clairement choisi l’« exit option », au besoin par la force. En Basse-Guinée, où l’Union des forces républicaines (UFR) de Sidya Touré réalise ses meilleurs scores, les localités de Boké et de Télimélé ont été le théâtre de protestations, tout comme celles de Yomou et de Nzérékoré (Guinée forestière).

Dans cette dernière préfecture, les heurts ethnico-confessionnels tragiques de 2013 entre Guerzés et Koniankés se sont répétés à un degré moindre, faisant plusieurs morts.

Avec une spécificité : le référendum sur la nouvelle Constitution n’a été ici qu’un prétexte, nombre d’autochtones guerzés estimant qu’aucun scrutin ne devait se dérouler en Guinée forestière en l’absence de celui qu’ils considèrent comme leur leader naturel, le capitaine (et ex-président) Moussa Dadis Camara. Lequel, en son exil de Ouagadougou, s’était pourtant abstenu de prendre parti dans le conflit entre Alpha Condé et ses opposants.

À noter enfin qu’une partie de la diaspora guinéenne, au sein de laquelle le FNDC est très actif, a organisé des manifestations parfois teintées de violences devant les ambassades de Guinée à Dakar, Freetown, Libreville et Londres.

L’exemple de l’opération Sentinelle

Contrairement à ce qui a été dit, l’armée guinéenne n’est pas directement intervenue dans le processus électoral.

Elle a cependant été déployée en tant que « force de troisième intervention » dans plusieurs localités du Fouta, à Conakry et à Nzérékoré « dans le but de disperser des foules hostiles et des factions civiles en conflit violent, de sécuriser certains édifices publics et lieux sensibles », selon le ministre de la Défense, Mohamed Diané, qui cite à titre d’exemple la mobilisation des troupes de l’ « opération Sentinelle », en France, pendant la crise des Gilets jaunes, en mars 2019.

Difficile de savoir si, à la différence des forces de police et de gendarmerie, en première ligne dans le maintien de l’ordre, lesquelles ont parfois fait usage d’armes létales, des militaires ont outrepassé leur fonction strictement républicaine encadrée par les lois de juin 2015.

Mise en avant par le FNDC et certaines ONG, la présence sur le terrain d’unités de la Garde présidentielle et des « bérets rouges » (parachutistes) est qualifiée de « fake news » à la présidence, où l’on minimise par ailleurs la portée de ce qui ressemble fort à une tentative de coup de force survenue le 20 mars, avant-veille du double scrutin, alors que l’opposant Cellou Dalein Diallo venait de lancer un appel à l’armée, l’exhortant à se mettre « du côté du droit » et non « au service de la dictature ».

Apprentis putschistes

Ce vendredi-là, un groupe d’une cinquantaine de militaires menés par un officier du génie, le commandant Pascal Zémi, fait irruption au camp Alpha Yaya, dans la banlieue de Conakry, lors d’un rassemblement de l’unité d’élite du Bata (Bataillon autonome des transports aéroportés) et tente de le rallier à sa cause. Objectif : s’emparer du palais présidentiel.

L’opération se heurtant à un refus, les apprentis putschistes essaient d’entraîner les soldats de faction au camp de l’armée de l’air. Nouvel échec.

Zémi et ses hommes prennent alors la fuite et se réfugient dans une villa de la baie de Kountia, où ils sont vite repérés et encerclés par les forces spéciales. Tous sont appréhendés, mais le major de garnison de la ville de Conakry, le colonel Ousmane Cissé, est tué lors de l’assaut.

Si l’hypothèse d’un putsch politiquement commandité et sérieusement organisé est écartée, cet incident n’en a pas moins contribué à crisper un peu plus encore la situation préélectorale.

Sans observateurs – ce qui en limite forcément la crédibilité internationale – et malgré de nombreuses perturbations, en particulier dans les fiefs de l’opposition, le double scrutin du 22 mars a donc eu lieu. Sa tenue marque en quelque sorte les limites de l’influence extérieure sur la Guinée.

Coûte que coûte

Persuadé que la France, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et le président en exercice de la Cedeao, Mahamadou Issoufou, œuvraient de concert dans l’unique but de rendre caduc le référendum constitutionnel (lequel aurait été impossible à organiser après le 21 avril, le protocole additionnel de la Cedeao interdisant toute modification de la loi fondamentale six mois avant une élection présidentielle), Alpha Condé a maintenu coûte que coûte son calendrier.

Il a pour cela joué d’une carte souverainiste à laquelle certains pays non francophones, comme le Nigeria, l’Afrique du Sud, le Rwanda ou l’Angola, sont sensibles et qui traverse également le débat autour du franc CFA : toute évolution politique et institutionnelle en Afrique doit se faire dans un cadre endogène, loin de toute pression « occidentale ».

À cet égard, les termes très secs du Quai d’Orsay, estimant le 24 mars que le « caractère non inclusif » du processus n’a pas permis « la tenue d’élections crédibles et dont le résultat puisse être consensuel », ont été largement compensés aux yeux de la présidence par ceux, moins intrusifs, de l’ambassade des États-Unis et surtout par le communiqué de la Cedeao du 25 mars, qui se contente de « prendre acte » du double scrutin, de condamner les violences qui ont émaillé son déroulement et de réitérer sa « totale disponibilité à faciliter le dialogue entre tous les acteurs ».

Quant au profond différend entre Alpha Condé et Mahamadou Issoufou, le second estimant que « les anciens leaders de la Feanf [Fédération des étudiants d’Afrique noire en France] doivent montrer l’exemple » et le premier pensant que, si son homologue nigérien ne brigue pas un troisième mandat, c’est moins par conviction que parce qu’il craint de subir le même sort que son prédécesseur Mamadou Tandja (renversé pour avoir nourri ce type de projet), sans doute faudra-t-il attendre la fin du mandat d’Issoufou à la tête de la Cedeao, dans trois mois, pour qu’il s’apaise quelque peu.

Quelles leçons ?

Les résultats des législatives, mais aussi et surtout du référendum constitutionnel n’étant pas encore connus à l’heure où ces lignes sont écrites, les leçons du 22 mars ne peuvent être que partielles.

Le FNDC, qui apparaît plus que jamais comme une coquille au sein de laquelle l’UFDG occupe l’essentiel de la place, est certes parvenu à perturber le double scrutin, mais pas à l’empêcher (sauf en certaines localités et circonscriptions). A-t-il cru trop vite que la messe était dite ?

Côté pouvoir, la régulation chaude a une fois de plus prévalu, autour d’un président certes à l’aise dans ce genre d’exercice, mais dont l’omniprésence et les initiatives incessantes ont pour effet de paralyser celles de ses collaborateurs.

Il faudra tout de même se demander pourquoi les législatives n’ont pas été organisées plus tôt alors que le mandat des députés a pris fin il y a deux ans, pourquoi malgré ce délai le contenu du dialogue politique n’a pas été épuisé, et surtout pourquoi Alpha Condé a laissé basculer dans les rangs de l’opposition des personnalités telles que Bah Oury et Sidya Touré – dans le cas de ce dernier, le président n’a pas su (ou pas voulu) réguler la rivalité qui l’opposait au Premier ministre, Kassory Fofana, et à l’un des influents conseillers à la présidence.

Renouer un dialogue inclusif avec une opposition qui ne reconnaît aucun des résultats (législatif et référendaire) du 22 mars ne sera certes pas une tâche aisée. Mais c’est indispensable, d’autant que des partis aussi implantés que l’UFDG et l’UFR se retrouveront de facto sans représentation nationale pendant cinq ans, ce qui n’est évidemment pas sain pour la démocratie.

Il faudra aussi renforcer les moyens de la commission électorale, réintroduire dans le fichier électoral les électeurs soustraits par les experts de la Cedeao pour ne pas s’être présentés au dernier enrôlement biométrique (ce qui n’en fait pas des électeurs fictifs), décrisper le climat politique en formant un gouvernement de large ouverture, essayer en somme de ressouder la fracture guinéenne en espérant, comme le demande la Cedeao, que « tous les acteurs politiques et de la société civile s’abstiennent de tout recours à la violence ».

L’élection présidentielle étant dans un peu plus de six mois, il faudra enfin qu’Alpha Condé se décide, ni trop tôt ni trop tard. Pour lui. Ou pour son dauphin.

 
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Présidentielle en Côte d’Ivoire : quelle stratégie pour Gbagbo et Bédié
après le retrait de Ouattara ?

| Par - à Abidjan
Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié

Malgré la menace que la pandémie de coronavirus fait peser sur la présidentielle ivoirienne, les différents camps de l’opposition sont en ordre de marche. Alors que certains appellent à une candidature unique, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo avancent chacun leurs pions.

En Côte d’Ivoire, comme ailleurs, l’épidémie de coronavirus bouleverse les calendriers. La vie à Abidjan tourne au ralenti : la ville a été coupée du reste du pays dans l’espoir de stopper la propagation du virus. La politique, elle aussi, est impactée. Les meetings de plus de cinquante personnes ne sont plus autorisés, des permanences ont été fermées, des responsables mis en quarantaine, d’autres confinés. Et puis, il y a ce gros point d’interrogation : l’élection présidentielle, prévue pour la fin d’octobre, pourra-t-elle se tenir dans les temps ?

Malgré cela, et en attendant d’être fixé, chaque camp tente comme il le peut de continuer à échafauder sa stratégie. Après le renoncement d’Alassane Ouattara à briguer un troisième mandat et, dans la foulée, l’officialisation du choix d’Amadou Gon Coulibaly comme candidat du RHDP (Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix), tous les regards se tournent vers l’opposition. Plus précisément vers le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et le Front populaire ivoirien (FPI).

Question de génération ?

Le président ivoirien avait dans un premier temps conditionné son retrait à l’assurance que leurs deux chefs de file, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo, respectivement 85 ans et 74 ans, renonceraient également à se porter candidats. S’il s’est ravisé, c’est parce qu’il a finalement préféré dicter le tempo.

« Le président estime toujours qu’il parviendra à faire renoncer Bédié. Des messages seront passés. Une pression nécessaire sera exercée, explique un intime d’Alassane Ouattara. Concernant Gbagbo, les chances de le voir rentrer en Côte d’Ivoire à temps s’amenuisent. » Autrement dit, l’ancien président, contraint pour l’instant de demeurer en Belgique, pourrait bien ne pas être une menace.

Pour le moment, Bédié et Gbagbo assurent en privé que leur stratégie n’a pas évolué. « Il n’y a pas eu de réaction particulière à l’annonce du président, assure Jean-Louis Billon, l’un des secrétaires exécutifs du PDCI. Nous continuons à travailler pour respecter notre calendrier comme si de rien n’était. Le choix de Gon Coulibaly n’est pas une surprise, mais maintenant nous sommes fixés. Nous connaissons notre adversaire et nous pouvons affiner notre stratégie. »

« L’avenir de la Côte d’Ivoire n’est pas une question de génération, affirme de son côté Laurent Akoun, vice-président du FPI. Regardez aux États-Unis : Joe Biden a 77 ans, Bernie Sanders 78. Cette histoire d’âge, c’est un faux débat. Nous savons bien que le but d’Alassane Ouattara est de pérenniser le système actuel. Il ne sera peut-être pas candidat, mais, derrière Amadou Gon Coulibaly, c’est lui qui tire les ficelles. »

Bédié maître du jeu

C’est le 14 juin que le PDCI doit désigner son candidat, à l’occasion d’une grande convention. Le parti devait en préciser les conditions d’organisation lors d’un bureau politique prévu le 25 mars, mais l’événement a été reporté pour cause de Covid-19. Selon nos sources, il a prévu d’organiser au début de juin des conventions éclatées dans plusieurs régions du pays. Même si un appel à candidatures sera lancé, le Sphinx de Daoukro devrait être plébiscité à cette occasion, tant il est vrai qu’au PDCI il reste le seul maître du jeu.

La question de sa candidature agite néanmoins les cadres de la formation depuis de longs mois. Ses partisans soutiennent qu’il est le seul à pouvoir maintenir l’unité. Le seul également à être en mesure de nouer des alliances. Ses adversaires craignent au contraire que ce choix ne soit à l’origine d’une nouvelle vague de départ vers le RHDP.

La seule solution pour que Bédié ne soit pas candidat, c’est que la décision vienne de lui

Ils font cependant face à un dilemme : comment exprimer leur opinion sans aller à l’encontre des traditions politiques et culturelles du parti ? Âgé de 57 ans, le député de Yamoussoukro, Patrice Kouamé Kouassi, dit KKP, est pour l’instant le seul à avoir osé mettre les pieds dans le plat. « Notre génération est la mieux formée et la mieux outillée pour répondre aux enjeux actuels et futurs, avait-il déclaré lors d’une réunion du parti, en décembre 2019. Ne courons pas le risque de brûler cette génération qui ne demande qu’à servir en donnant le meilleur du meilleur qu’elle a reçu de vous, nos pères. Faisons confiance à la jeunesse, parions sur les jeunes, car ils sont l’avenir de la nation. » Mais, quelques jours plus tard, plusieurs vieux cadres lui demandaient de calmer ses ardeurs.

« La seule solution pour que Bédié ne soit pas candidat, c’est que la décision vienne de lui. Il faut qu’il renonce de lui-même lors de la convention. S’il est forcé ou humilié, cela ne marchera pas. Il ne sera jamais désavoué en public au détriment de quelqu’un de plus jeune. Ce n’est pas dans notre culture », explique un cadre du PDCI.

« À l’heure actuelle, le chef ne veut rien entendre. Il sera candidat. Il est prêt au combat et n’a pas préparé de plan B », assure l’un de ses visiteurs du soir. « Bédié candidat, c’est à double tranchant. Soit il est perçu comme un grabataire sénile, soit il réussit à endosser le costume de patriarche derrière lequel tous les déçus du régime se rangeront », poursuit un fin connaisseur de la politique ivoirienne.

Gbagbo de retour à temps ?

Au sein de l’opposition, au PDCI comme au FPI, certaines voix appellent en effet à la désignation d’un candidat unique dès le premier tour. « Dans la configuration actuelle, si nous y allons chacun de notre côté, ce sera difficile », estime un proche de Bédié. Laurent Gbagbo pourrait-il l’accepter ? « Pour le moment, cela n’est pas à l’ordre du jour, mais il n’est pas opposé à la candidature de Bédié », ajoute notre source.

Après son acquittement par la Cour pénale internationale (CPI), en janvier 2019, l’ancien président assurait à ses interlocuteurs qu’il souhaitait prendre sa retraite dans son village de Mama et écrire ses Mémoires. Depuis, il est coincé à Bruxelles, où il vit avec sa deuxième femme, Nady Bamba, en attendant la fin de la procédure judiciaire, et fait désormais passer le message qu’il sera le candidat du FPI, quel que soit son statut juridique. Quitte donc à ce que sa candidature soit rejetée.

S’agit-il de l’un de ces coups de bluff dont il a le secret ? Ceux qui lui ont rendu visite récemment décrivent un homme affaibli et fatigué. « Il est très lucide sur sa situation personnelle et celle de son parti, confie l’un d’eux. Il reste un vrai homme politique. »

Gbagbo ne souhaite pas voir Affi N’Guessan sur le devant de la scène

De fait, plus les jours passent et plus les chances de le voir rentrer en Côte d’Ivoire à temps pour pouvoir se présenter se réduisent. C’est le 11 mai que la chambre d’appel de la CPI doit examiner l’appel déposé par la procureure, Fatou Bensouda. Mais rendra-t-elle sa décision avant ou après les vacances judiciaires, qui courent du 17 juillet au 10 août ? Et quid de la peine de vingt ans de prison à laquelle il a été condamné dans l’affaire du « braquage » de la BCEAO ?

Bataille d’influence au FPI

Pascal Affi N’Guessan compte bien profiter de cette situation. L’ancien Premier ministre en rupture de ban avec Laurent Gbagbo depuis plusieurs années a amorcé un rapprochement au début de janvier. Les deux hommes se sont rencontrés à trois reprises. Et, depuis le 20 février, des discussions ont lieu tous les jeudis dans le but de réunifier les deux tendances du FPI d’ici à la fin d’avril, afin d’organiser un congrès unitaire en mai.

Toutefois, plusieurs sources doutent que la réconciliation aille à son terme. Car Affi N’Guessan a posé d’importantes conditions pour rendre à Gbagbo la présidence du parti : devenir son premier vice-président, assurant l’intérim avec les pleins pouvoirs, et être le candidat du FPI au cas où Gbagbo ne le serait pas.

Le prochain congrès du FPI devrait renforcer les pouvoirs de Gbagbo

« Mais cela, Gbagbo n’est pas prêt à l’accepter, explique un membre de son entourage. Il ne souhaite pas voir Affi N’Guessan sur le devant de la scène. » Par le passé, l’ex-président a utilisé Affi pour réduire l’influence de son épouse, Simone. Cette fois-ci, l’ancienne première dame a fait partie de ceux qui ont milité auprès de Gbagbo pour qu’il accepte d’ouvrir ces négociations. « Gbagbo cherche à gagner du temps pour éroder leur capacité de nuisance à tous les deux », précise un de ses proches.

Ces derniers mois, certains se sont inquiétés de voir Simone Gbagbo tisser sa toile dans les instances du parti, notamment auprès des secrétaires fédéraux et des anciens exilés. « Elle a l’ambition de s’affirmer comme la principale force politique au sein du FPI après Laurent Gbagbo. Pas forcément pour être candidate, mais pour y avoir une place centrale », explique un de ses proches. Politicienne coriace, Simone y parviendra-t-elle ? Selon nos sources, le prochain congrès du FPI devrait renforcer les pouvoirs de Gbagbo. Il aura alors la main sur les nominations et sera en mesure de contrôler son épouse.

Des partisans de Laurent Gbagbo, lors du meeting commun FPI-PDCI, le 14 septembre 2019 à Abidjan.

Grande coalition de gauche

S’il demeure le maître du jeu, Laurent Gbagbo pourrait tout de même être contraint de faire des concessions, au risque de voir Affi et Simone s’allier contre lui – un scénario sur lequel tablent les autorités ivoiriennes.

Sa principale ambition est de parvenir à constituer une grande coalition des formations de gauche. Il a confié la mise en œuvre de ce projet à l’ex-ministre Ahoua Don Mello, désormais conseiller spécial chargé des grands projets du président guinéen, Alpha Condé. Plusieurs partis, comme le Cojep, de Charles Blé Goudé, ou le Lider, de Mamadou Koulibaly, ont d’ores et déjà été approchés.

Le FPI, dans toutes ses tendances, serait la principale force de cette coalition, et Gbagbo pourrait en être le candidat, ou simplement la figure de proue. Un schéma finalement pas si éloigné de celui adopté par Alassane Ouattara avec le RHDP.

 
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En Algérie, la filière automobile se cherche encore

| Par
Usine Renault à Oran

Si la cour d’appel d’Alger a confirmé, le 25 mars, les peines de prison d’Hassen Arboui et Mohamed Bairi, deux ex-patrons de l’industrie automobile algérienne, ces condamnations pénales ne résolvent pas le problème d’une filière automobile en panne sèche.

Présentées par leurs avocats comme des « sentences politiques », les condamnations par la Cour d’appel d’Alger, ce 25 mars, d’Hassen Arbaoui et de Mohamed Bairi, respectivement à quatre et trois ans de prison, marquent un nouvel épisode de l’affaire dite des « fausses usines automobiles » en Algérie.

Patron de Global motors industries (GMI), le premier était le partenaire industriel de Hyundai en Algérie. Quant au second, vice-président du Forum des chefs d’entreprise, organisation patronale pro-Bouteflika, il dirigeait Ival, l’importateur des camions du constructeur italien Iveco.

Des concessionnaires devenus « assembleurs automobiles »

En 2016, le gouvernement algérien avait pris des mesures drastiques pour limiter les importations de véhicules, avec des quotas très réduits attribués à chaque grande marque internationale définis selon leur implantation industrielle dans le pays. Avec pour objectif politique de s’appuyer sur la force d’attraction du second marché africain en nombre de véhicules – plus de 415 000 en 2014 -, pour pousser les groupes à y établir des usines d’assemblage d’automobiles, à l’instar de celle implantée à Oran par Renault, entrée en exploitation fin 2014. En 2016, les concessionnaires n’ont été autorisés à importer conjointement que 83 000 véhicules, soit trois fois moins qu’en 2015 (265 000 véhicules), et 5 fois moins qu’en 2014 (415 000).

Mais on ne démarre pas une filière industrielle ex-nihilo, surtout quand les grands fournisseurs automobiles de premier rang, les seuls approuvés par les marques internationales, ne sont pas implantés dans le pays. Du coup, plusieurs concessionnaires, importateurs ou industriels, ayant déjà des liens avec de grandes marques automobiles internationales, se sont parfois improvisés à partir de 2016 « assembleurs automobiles » avec pour objectif principal de contourner les fameux quotas à l’importation, et non de créer localement de la valeur ajoutée.

Bilan catastrophique

Dès mars 2017, les polémiques ont commencé à ce sujet, avec une commission d’enquête diligentée par le gouvernement à l’usine de Hyundai, suite à la diffusion de photos montrant que la seule opération de montage en Algérie consistait à visser les quatre roues aux véhicules. Les mêmes critiques ont été faites à l’usine d’assemblage d’Iveco, mais aussi à celles de la Sovac, concessionnaire des marques du groupe Volkswagen, qui avait lui lancé un projet industriel avec son partenaire allemand.

Après la multiplication des manifestations anti-Bouteflika, nombre de ces patrons d’usine ont été traduits en justice, parfois pour fraude à l’importation, parfois pour corruption : outre Hassen Arbaoui et Mohamed Bairi, le 17 juin 2019, Mourad Olmi, PDG de Sovac, a été placé en détention préventive dans une affaire de corruption.

Une semaine auparavant, le 10 juin, Mahieddine Tahkout, propriétaire d’un des plus importants réseaux de concessionnaires, Cima Motors (Hyundai, Opel, Chevrolet, Suzuki, Fiat, Jeep et Alfa Romeo notamment), et d’une usine d’assemblage Hyundai, a été placé en détention préventive, soupçonné de corruption et blanchiment.

Assouplissement des procédures

Si les premières condamnations en appel tombent maintenant, le gouvernement algérien est toujours à la peine pour relancer un marché automobile jadis flamboyant ou lancer un véritable démarrage industriel. Outre les affaires judiciaires, qui ont entraîné l’arrêt de la production chez Ival, Sovac et Hyundai, le secteur attend toujours des mesures de facilitation du dédouanement des pièces automobiles.

L’usine de Renault d’Oran a dû mettre tout son personnel au chômage technique le 1er mars suite au blocage de milliers de kits d’assemblage au port de la ville. Auparavant, elle avait dû réduire ses cadences pour ne pas dépasser les volumes de pièces autorisés par le gouvernement.

Ferhat Ait Ali Braham, le nouveau ministre de l’Industrie, arrivé à son poste en janvier 2020, a bien indiqué un assouplissement des procédures, mais les mesures ne devaient, aux dernières nouvelles, entrer en application qu’en avril prochain.

Depuis, l’épidémie de coronavirus a stoppé net toutes les usines algériennes.


Les peines des ex-Premiers ministres Ouyahia et Sellal confirmées, celle d’Ali Haddad allégée

Outre Hassen Arbaoui et Mohamed Bairi, la cour d’appel d’Alger s’est prononcée sur les cas des ex-Premiers ministres de l’ère Bouteflika Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, condamnés en première instance à respectivement quinze et douze ans de prison, des peines qui ont été confirmées en appel.

En revanche, elle a allégé les peines infligées à l’encontre des deux anciens ministres de l’Industrie Mahdjoub Bedda et Youcef Yousfi, qui ont vu leur condamnation passer de dix à cinq ans de prison, ainsi que celle à l’encontre de l’ex-patron du FCE Ali Haddad, qui a écopé de quatre ans de prison contre sept ans en première instance.

 
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Sahel: lancement de la force européenne Takouba pour appuyer l’armée malienne

Des soldats français au Sahel en janvier 2017 (photo d'illustration).
Des soldats français au Sahel en janvier 2017 (photo d'illustration). AFP/Stephane de Sakutin

Si onze pays européens ont officialisé, vendredi 27 mars au soir, la création de cette force, seuls six se sont engagés, pour le moment, à y participer formellement.

Longtemps restée à l’état de simple lettre d’intention, la liste des participants à la « task force » Takouba s’affine. Si onze nations européennes, compte tenu de la situation sécuritaire très dégradée au Sahel, soutiennent la création de cette force, toutes n’y participeront pas. Pour l’heure, seuls la Belgique, le Danemark, l’Estonie, les Pays-Bas et le Portugal sont, avec la France, prêts à envoyer des hommes.

Cette force Takouba sera composée de quelques centaines de soldats des forces spéciales. Des éléments qui pourraient entrer en action dès cet été dans la région des « trois frontières » au Mali, sous commandement français. Mais à ce stade, ni le chiffre de chaque contribution, ni leur nature ne sont évoqués.

Attentes françaises

Avec Takouba, les Européens « montrent leur capacité à se mobiliser ensemble pour leur sécurité », s’est néanmoins félicité la ministre française des Armées, Florence Parly.

Sur le plan politique, la France attend beaucoup de cette force européenne. Pour Paris, cela signifierait la fin d’un certain isolement dans cette guerre qui s’éternise au Sahel. Ce serait aussi un signal encourageant pour la création d’une Europe de la Défense que le chef de l’État, Emmanuel Macron, appelle de ses vœux.

À lire aussi: Sahel: la France renforce la force Barkhane qui passe de 4 500 à 5 100 soldats

 
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