Une étude est en cours pour évaluer le montant des investissements nécessaires à la réhabilitation de la ligne ferroviaire entre les capitales sénégalaise et malienne, sur laquelle plus aucun train ne roule depuis 2018.
Après avoir examiné plusieurs options (transformation de l’Agence nationale des chemins de fer, de l’organe transitoire Dakar-Bamako Ferroviaire…), le gouvernement sénégalais a finalement décidé en conseil des ministres le 11 mars la création de « Chemins de Fer du Sénégal » (CFS), la société nationale de patrimoine ferroviaire chargée de mobiliser et de supporter les investissements.
Fin février, le président Macky Sall avait pourtant évoqué une relance de Dakar-Bamako Ferroviaire (DBF), l’entité transitoire binationale qui a hérité en 2016 des actifs du concessionnaire franco-canadien Transrail.
Ce alors que la ligne n’a vu aucun train circuler depuis 2018. Fin décembre, DBF avait annoncé même la location de locomotives sud-africaines.
La structure n’a jamais réussi à mobiliser auprès des États les 20 milliards de FCFA (30,5 millions d’euros) qu’elle réclamait.
Remise en l’état de l’existant
En entérinant la création de CFS, le Sénégal valide ainsi le « schéma institutionnel » de la Banque mondiale, préalable au financement de la réhabilitation par l’institution, et clarifie sa position.
Depuis plusieurs mois, le Sénégalais Kibily Touré, l’administrateur général de DBF, militait pour que cet organe de transition soit transformé en opérateur et en société anonyme.
Une position qui avait de quoi irriter les fonctionnaires de Washington, favorables à une remise à l’état de l’existant (avec maintien de l’écartement métrique et de la charge à l’essieu), une exploitation par un opérateur privé, la séparation de l’infrastructure et de l’exploitation, la mise en place de deux sociétés de patrimoine ferroviaire…
Ce que le Mali a fait, en mettant en place la Société de patrimoine ferroviaire du Mali (Sopafer-Mali), qui a tenu son premier conseil d’administration fin novembre. Mais pas le Sénégal.
Investissement de 500 millions d’euros
Autant de conditions acceptées en juillet par les ministres sénégalais et malien des Transports, Oumar Youm et Ibrahima Abdoul Ly.
on avait l’impression que le Sénégal ne parlait pas d’une seule voix
Mais la différence de positions entre Kibily Touré et le ministre sénégalais avait suscité une certaine confusion auprès de la Banque mondiale sur les véritables intentions du Sénégal, avait expliqué Jeune Afrique en septembre 2019.
« Sa communication était troublée. On avait l’impression que le Sénégal ne parlait pas d’une seule voix », souligne une source proche du dossier.
Nécessitant un investissement de 500 millions d’euros, la réhabilitation de la ligne fait actuellement l’objet d’une étude, commandée par la Banque mondiale au cabinet espagnol Typsa, qui devra évaluer les surcoûts consécutifs à la dégradation des installations et faire l’inventaire social de DBF.
À l’issue de cette procédure, un appel d’offres international devrait être lancé pour sélectionner un opérateur privé. Plusieurs acteurs ont manifesté un intérêt, comme l’émirati DP World, le nigérian Dangote, ou encore l’exploitant belge Vecturis, connu pour ses activités d’opérateur au Gabon et à Madagascar, et comme gestionnaire du Dakar-Bamako entre 2007 et 2012.
Nombreuses mésaventures depuis la privatisation
La crise actuelle du coronavirus laisse cependant planer un doute sur la tenue de la visite dans les deux capitales d’une délégation de la Banque mondiale prévue fin mars. Celle-ci avait pour but de discuter des étapes du projet qui pourrait commencer à se concrétiser au second semestre 2021, selon les experts.
La réhabilitation de l’ouvrage est essentielle pour alimenter le Mali. « 90 % de ce chemin de fer est à destination du Mali, qui paye actuellement un coût trop fort pour ses importations », commente un spécialiste.
Dédiée surtout au transport de fret, la ligne de 1 260 kilomètres a connu depuis 2003, et sa privatisation, nombre de mésaventures et de projets avortés, voyant se succéder beaucoup d’acteurs.
En 2011, le groupe Advens, actionnaire de l’opérateur Transrail, avait refusé de vendre les 60 % qu’il détenait dans ce dernier aux deux États. Il avait vu sa convention de concession résiliée en 2015.
Après cette date, les signatures du Sénégal et du Mali avec une entreprise chinoise puis avec un groupement turco-émirati étaient restées sans suite.