Selon des résultats provisoires, le président togolais, Faure Essozimna Gnassingbé, a été réélu avec plus de 70 % des suffrages. Mais que fera-t-il de ce quatrième mandat ?
À quoi pense-t-il, en ce 23 février au soir ? À son père, ce chef omnipotent auquel il ressemble si peu et dont la mort, quinze ans plus tôt, l’a propulsé au pouvoir ? À ces dizaines de milliers de manifestants qui, il y a encore deux ans, arpentaient les rues de Lomé en réclamant la fin de la « dynastie Gnassingbé » ? Ou à ses opposants, si divisés qu’ils ont paru en oublier de faire campagne ?
La question lui serait posée qu’il n’y répondrait certainement pas : Faure Essozimna Gnassingbé, 53 ans, n’est pas homme à se laisser aller à la confidence. Mais peut-il encore douter du fait que la commission électorale va proclamer sa victoire à l’issue de l’élection présidentielle qui s’est tenue la veille ? Sans doute pas.
Annoncés dans la nuit du 23 au 24 février, les résultats provisoires lui ont finalement donné 72,36 % des suffrages. En face, Jean-Pierre Fabre, le candidat de l’Alliance nationale pour le changement (ANC), s’est effondré, obtenant moins de 5 % des voix. L’ancien chef de file de l’opposition paie-t-il des choix politiques hasardeux, lui qui a refusé l’idée d’une candidature unique ? C’est possible.
Désaveu cinglant
La lassitude des électeurs a également joué contre ce routier de la politique togolaise, raide et intransigeant, qui briguait la magistrature suprême pour la troisième fois consécutive. Mais alors qu’en 2010 et 2015 il était parvenu à obtenir autour de 35 % des voix, le désaveu est cette fois cinglant et, à Lomé, certains pronostiquent la fin de sa carrière politique.
Contre toute attente, l’homme qui est parvenu à émerger, c’est Agbéyomé Kodjo. Quoique contesté par l’intéressé, qui dénonce « une mascarade électorale » et a déposé un recours devant la Cour constitutionnelle, son score (18,37 % des voix) augure d’une vraie reconfiguration de l’opposition.
L’ex-Premier ministre de Gnassingbé Eyadéma est, dans son combat, soutenu par Philippe Fanoko Kpodzro. Déjà très présent durant la campagne, le fougueux archevêque émérite de Lomé est allé jusqu’à demander au pape François de « s’autosaisir du dossier togolais comme le ferait le Christ ».
Il y a pourtant peu de chance pour que la justice prenne le contre-pied de la commission électorale et mette Faure Essozimna Gnassingbé en difficulté. Certes, Washington a critiqué l’expulsion, trois jours avant le vote, des experts du National Democratic Institute (NDI) qui devaient observer le scrutin. Les États-Unis ont également suggéré au gouvernement togolais de publier les résultats « bureau de vote par bureau de vote » afin qu’aucun doute ne subsiste. Mais c’est à peu près tout.
Rien aujourd’hui ne l’oblige à mener une politique de large ouverture
Il faut dire que, ces dernières années, attachée à la stabilité du Togo, sensible à sa résilience face aux pressions qu’exercent les jihadistes présents au nord de ses frontières, attentive aussi à ses bonnes performances macroéconomiques, la communauté internationale a manifesté une certaine bienveillance à l’égard de son discret président. Elle s’est même accommodée de la révision constitutionnelle qu’il a fait adopter par voie parlementaire en mai 2019 et qui lui a permis de se représenter.
Que fera Faure Essozimna Gnassingbé de ce quatrième mandat ? « Il a été réélu avec un score confortable et n’a pas besoin de poser des gestes d’apaisement, avance l’universitaire Kokou Folly Hetcheli. Je ne vois pas ce qui le contraindrait à mener une politique de large ouverture. » « Aucune espèce de tractation n’est envisagée, confirme un ministre qui lui est proche.
Les élections se sont déroulées dans la clarté et la transparence. C’est la preuve que les Togolais ont adhéré à la vision prônée par le chef de l’État. » Un membre de son entourage précise qu’il « y aura davantage de dialogue et de concertation pour rassembler toutes les composantes de la société, afin que chaque citoyen se sente pris en compte pour une prospérité partagée », mais que « cette volonté d’ouverture n’impose pas de lancer des arrangements politiques ».
Vents favorables
Sur le plan économique, l’exécutif va poursuivre les efforts engagés dans le cadre du Plan national de développement (PND), lancé en mars 2019. Après avoir assaini les finances publiques et consenti des réformes pour renforcer l’attractivité du Togo, le chef de l’État veut approfondir les résultats obtenus et faire du PND le catalyseur de l’investissement privé, notamment dans les secteurs de la finance et de la logistique.
Une perspective qui permet à Lomé de tabler sur une croissance de 6,2 % cette année, contre 5,3 % en 2019. En espérant que la dégradation sécuritaire dans le Sahel ne contaminera pas le Togo et ne stoppera pas les vents favorables qui soufflent sur Lomé.