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Présidentielle en Côte d’Ivoire : Guillaume Soro,
candidat envers et contre tout

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C’est depuis l’Espagne que Guillaume Soro a annoncé, le 12 octobre, qu’il briguerait la magistrature suprême en 2020. Il est le premier poids lourd à sortir du bois, mais peut-il vraiment l’emporter ?

Guillaume Soro est à cran. Au téléphone, cela s’entend, il est irrité, énervé. Restés à Abidjan, certains de ses proches s’interrogent. Ils le connaissent bien, nul doute qu’il se passe quelque chose. Mais ils sont loin de l’Europe, où leur chef vit depuis près de six mois, et Guillaume Soro ne leur dit rien.

C’est par l’écran de leur smartphone dernier cri qu’ils apprennent la nouvelle, le 12 octobre. L’image est mal cadrée, la connexion parfois capricieuse, mais depuis la Côte d’Ivoire c’est la seule façon de suivre en direct le dernier « crush » de leur patron. Le « crush », c’est le nouveau nom tendance donné par Guillaume Soro à ses meetings en forme de séances de ­questions-réponses. Est-ce le Soro guerrier qui veut écraser (to crush, en anglais) l’adversaire qui va apparaître ? Ou le Guillaume charmeur venu séduire l’assistance (un « crush », chez les ados) ? Un peu des deux, peut-être. L’ambitieux sait qu’en politique il faut subtilement mêler les sentiments.

« Je serai candidat »

Après Paris, en septembre, c’est cette fois à Valence, en Espagne, qu’est l’ancien président de l’Assemblée nationale. Son visage rond et pixélisé se dessine : « [En 2020], moi, je serai candidat. » Pas de déclaration solennelle, pas de grande interview, pas de rassemblement historique, juste quatre petits mots pour l’objectif d’une vie. Décidément, cet homme-là ne fait rien comme tout le monde.

Depuis des mois, tous les quinze jours, ses proches nous annoncent qu’il est candidat

« C’est un non-événement. Depuis des mois, tous les quinze jours, ses proches nous annoncent qu’il est candidat », balaie Mamadou Touré, le porte-parole du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), le parti présidentiel. Certes, les prétentions de cet homme pressé étaient un secret mal gardé. Mais là, c’est dit. En ces temps de crispations, où chacun s’observe sans se découvrir, voilà l’un des acteurs majeurs de la politique ivoirienne officiellement dans la course à la présidentielle d’octobre 2020. À 47 ans, cet impatient qui a été chef d’une rébellion à 30 ans, Premier ministre à 34 ans et président d’institution à 39, n’a plus qu’une marche à gravir. Il se dit « vieux », riant de ses « cheveux gris » : en Côte d’Ivoire, le droit d’aînesse est sacré.

« Cette annonce a peut-être été un peu précipitée, euphémise l’un des lieutenants de Guillaume Soro. Il avait prévu de la faire plus tard, mais il a été contraint de se dévoiler un peu plus tôt que prévu. » C’est bien cela qui, ces derniers jours, a rendu ce fin politique si irascible : une mésaventure obscure et rocambolesque. Encore une.

Tentative d’arrestation

Il la dévoile à son public de la petite salle de Valence – même à ses proches, il n’avait rien dit. Trois heures du matin, l’hôtel El Palace, en plein cœur de Barcelone, les six hommes habillés du rouge et noir des policiers catalans qui frappent à la porte, la tentative d’arrestation, lui qui refuse de les suivre, eux qui finalement repartent. La scène est étrange, l’affaire nébuleuse. Qui étaient ces hommes ? Pour qui agissaient-ils ? Guillaume Soro assure avoir échappé de peu aux barreaux. « Maintenant qu’il est candidat, ce ne sera plus aussi simple de l’arrêter ! Alassane Ouattara voudrait-il faire de Soro le prochain Khalifa Sall ou le futur Maurice Kamto ? » s’emporte un de ses proches.

Ce n’est pas la première fois que l’ancien chef rebelle échappe à une interpellation. Le dernier épisode, tout aussi rocambolesque, remontait à 2015, lorsque Guillaume Soro, encore président de l’Assemblée nationale, avait dû se cacher plusieurs jours en France pour échapper à un mandat d’amener délivré par la justice française pour une vieille affaire l’opposant à Michel Gbagbo, le fils de Laurent Gbagbo. Seule l’intervention d’Alassane Ouattara en personne et l’affrètement d’un avion de la présidence ivoirienne au milieu de la nuit avaient permis au suspect de quitter la France. Il y a aussi eu ce mandat d’arrêt international, délivré en 2016 par le Burkina Faso dans l’affaire du putsch manqué l’année précédente. Alassane Ouattara s’était alors démené auprès de son homologue Roch Marc Christian Kaboré, et la notice avait été opportunément annulée « pour vice de forme ».

Mais ce coup-ci, c’est différent. L’entourage de Guillaume Soro assure que le commanditaire se trouve au sein même des autorités ivoiriennes. « L’ordre est venu du bureau d’Interpol à Abidjan, affirme Meïté Sindou, un proche conseiller de Guilllaume Soro. Les policiers espagnols ne savaient même pas à qui ils avaient affaire ! On leur avait parlé d’un terroriste. Ils ont découvert une fois à l’hôtel que c’était un ancien Premier ministre ! »

Le gouvernement ivoirien a catégoriquement démenti. « Cela ne vient pas de nous », affirment en chœur tous les ministres. « C’est de l’affabulation pure et simple, comme Soro la pratique souvent. Il doit chercher la cause de ses malheurs ailleurs ! », s’énerve l’un des responsables des services de renseignement ivoiriens. Sollicités, ni Interpol, ni l’hôtel El Palace, ni les autorités espagnoles n’ont souhaité réagir. « Comme toujours, Guillaume cherche à se victimiser. C’est sa seule stratégie », déplore Mamadou Touré, porte-parole adjoint du gouvernement.

Peur de l’empoisonnement

Certains le qualifient de paranoïaque. Mais chez « Bogota », comme il est surnommé depuis ses premières années de militantisme, la méfiance est un art de vivre. L’ancien chef rebelle sait qu’il faut toujours être sur ses gardes. À l’école de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci), qu’il a dirigée de 1995 à 1998, il a appris à brouiller les pistes. Changer de planque, ne jamais dévoiler son agenda, se travestir… Lorsqu’il est en Côte d’Ivoire, il ne dîne plus jamais à l’extérieur et fait goûter ses plats, par peur de l’empoisonnement. Les hommes qui assurent sa protection sont de vieux compagnons triés sur le volet. On n’est jamais trop prudent lorsqu’on a réchappé à plusieurs tentatives d’assassinat.

Guillaume Soro en est persuadé, tout est bon pour l’empêcher d’être candidat. Un temps, les autorités ivoiriennes ont envisagé un ajustement de la Constitution pour introduire un âge minimal ou un quota de parrainages d’élus pour pouvoir briguer la présidence. Mais cette piste ne serait plus privilégiée. Désormais, selon plusieurs sources de haut niveau, c’est le montage ou l’exhumation de dossiers judiciaires qui est étudié pour briser les ambitions du quadragénaire. « Nous avons des informations précises et des témoignages nous assurant qu’au plus haut sommet de l’État certains cherchent à lui mettre sur le dos des tentatives de déstabilisation du pays », assure Meïté Sindou.

Relance du mandat d’arrêt burkinabè ou nouvelles affaires ? Au sein du pouvoir ivoirien, on accuse Guillaume Soro de préparer quelque chose. « En connexion avec Moustapha Chafi [ancien conseiller spécial de Blaise Compaoré et ami de Soro] et des groupes jihadistes, Soro prépare un mauvais coup contre la Côte d’Ivoire », titrait en juin Le Patriote. Venant du quotidien appartenant à Hamed Bakayoko, le ministre de la Défense, la une avait relancé les craintes dans le camp de l’ancien patron des Forces nouvelles. « Ce régime ne lance pas de fatwa ! » assure le responsable du renseignement ivoirien cité plus haut.

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Une chose est certaine : les deux camps sont à couteaux tirés. Né avec les mutineries de 2017, derrière lesquelles l’entourage du président ivoirien a vu la main de Guillaume Soro, le ressentiment s’est transformé en inimitié. Après avoir quitté le parti présidentiel, l’ancien allié a été contraint d’abandonner son fauteuil de président de l’Assemblée nationale, qu’il occupait depuis 2012, et a vu son dernier proche, Sangafowa Coulibaly, sortir du gouvernement au début de septembre. « Il quitte le parti présidentiel ? Il quitte les fonctions gagnées grâce à nous et les avantages qui y sont liés », rétorque un ministre.

Guillaume a oublié combien de fois le président lui a sauvé la mise ces dernières années

Hier encore quatrième personnage de l’État, le voilà redevenu simple député. Chez ses partisans, on regrette « l’ingratitude » du chef de l’État. « Sans Guillaume, il ne serait pas au palais présidentiel. En 2011, nous avons risqué nos vies pour lui et ses ministres, dont certains étaient cachés sous leur lit alors qu’on prenait les plus grands risques », lâche un proche de Soro. « Guillaume a oublié combien de fois le président lui a sauvé la mise ces dernières années. Il devrait être un peu plus reconnaissant, rétorque un conseiller d’Alassane Ouattara. Guillaume veut être candidat ? Libre à lui ! Il en a le droit. Le président a dit et répété que tous ceux qui souhaitaient se présenter pouvaient le faire. »

Pourtant, la plupart des ponts sont bien coupés entre les deux hommes. Ils ne se parlent plus – sauf pour échanger des civilités –, et les médiateurs sont devenus rares. L’ancien président nigérian Olusegun Obasanjo ? Il a été jugé trop proche de Soro, dont il est l’un des protecteurs. Cheick Boikary Fofana, le chef des imams ivoiriens ? Trop proche d’Alassane Ouattara. Même Blaise Compaoré, l’ex-président burkinabè, proche des deux hommes, a du mal à être entendu. Seul Macky Sall, le chef d’État sénégalais, semble encore en mesure de calmer le jeu.

Fâché avec son « mentor » Alassane Ouattara, Guillaume Soro soigne ses relations avec Henri Konan Bédié, avec lequel il est allé tirer quelques bouffées de cigare dans son appartement parisien, en septembre. Il travaille à un rapprochement avec Laurent Gbagbo, l’ancien président dont il était Premier ministre. Avant que Guillaume Soro fasse arrêter Laurent Gbagbo dans sa résidence présidentielle bombardée, les deux hommes s’appréciaient.

Vieux logiciel

L’ex-chef rebelle n’a jamais coupé les liens avec certains membres de sa mouvance, comme son ancien ministre de la Jeunesse, Charles Blé Goudé. Il a continué d’appeler son ancien copain de chambrée à l’université et adjoint à la Fesci durant ses cinq années d’incarcération à la Cour pénale internationale (CPI). Désormais, une visite à La Haye, où vit Charles Blé Goudé, ou à Bruxelles, où réside l’ancien président (tous deux sont en liberté conditionnelle depuis leur acquittement, en janvier), n’est plus complètement exclue.

« Si je gagne au premier tour, honnêtement, je serai content. Mais s’il y a un deuxième tour, c’est là que les partis d’opposition vont se réunir pour dire qui aura le plus de points et qui aura le soutien des autres », a déclaré Soro à Valence, s’inscrivant dans l’alliance « tout sauf Ouattara ». Dans les rangs du pouvoir, on assure pourtant que l’ancien ami passé à l’ennemi ne fait pas peur. « Guillaume Soro, c’est rien. Pour nous, il n’existe même pas. Il y a les fantasmes et il y a les faits, tacle un important ministre. Il s’agite beaucoup sur les réseaux sociaux, mais que pèse-t-il réellement ? Lorsqu’il nous a quittés, personne ne l’a suivi. Il n’est entouré que de son petit cercle de fidèles, qui en plus se livre une guerre interne. Et les dernières élections ont révélé son peu d’ancrage sur le terrain : il a envoyé une cinquantaine de candidats aux municipales, mais moins de cinq ont été élus. »

Chez Ouattara, ils ont un vieux logiciel. Nous, nous faisons de la politique autrement

Dans les rangs de Guillaume Soro, on concède que les derniers temps n’ont pas toujours été faciles, mais on assure qu’il n’est pas question de faire de la figuration. « Chez Ouattara, ils ont un vieux logiciel. Nous, nous faisons de la politique autrement », explique l’un de ses conseillers, qui reconnaît que son chef s’inspire des méthodes d’Emmanuel Macron. Son équipe est en contact avec certains des artisans de la campagne du chef d’État français. « Les nôtres sont un peu partout sur le terrain, ils entendent la colère contre le pouvoir en place, et beaucoup nous rejoignent. » Populaire chez les jeunes mais détesté par une partie de la population, tactique mais sans parti politique, originaire du Nord musulman mais chrétien et marié à une femme du Sud-Ouest… Difficile de mesurer ce que pèse réellement l’enfant de Ferkessédougou. Face à lui, nul ne dit s’alarmer d’un danger Soro.

« Depuis six mois, il est absent du pays. Sans argent, déprimé, il s’enivre à longueur de journée », assure un membre du cabinet présidentiel. « Qu’il rentre seulement, et on verra ! » Rendez-vous est pris. Guillaume Soro a prévu d’organiser prochainement la convention de son tout nouveau mouvement politique, le Groupement populaire de solidarité (GPS). Là-bas, il annoncera à nouveau sa candidature. Avec les formes cette fois. « Il sera de retour avant la fin de l’année et créera la surprise, rit un de ses lieutenants. Il tenait à faire un cadeau de Noël à Alassane Ouattara ! »


Globe-trotteur

Guillaume Soro aime entretenir le secret sur ses déplacements. Après la France, où il possède plusieurs pied-à-terre (il est notamment propriétaire d’un appartement à Neuilly-sur-Seine, en région parisienne), la Turquie et l’Espagne, il a prévu de se rendre à Londres, au Royaume-Uni et à Milan, en Italie, avant de regagner la Côte d’Ivoire. En revanche, après l’annulation de son visa diplomatique, il ne pourra se rendre aux États-Unis, comme il le souhaitait.

Togo: Jean-Pierre Fabre désigné candidat de l'ANC à la présidentielle 2020

Jean-Pierre Fabre: «J’accepte d’être le porte-étendard pour réaliser avec vous l’alternance».
© AFP PHOTO / ISSOUF SANOGO

Les 107 délégués de l’Alliance nationale pour le changement (ANC) ont clôturé leur congrès de deux jours après avoir désigné Jean-Pierre Fabre, porte-étendard du parti pour la prochaine échéance présidentielle de 2020. L’intéressé l’a accepté en appelant à la mobilisation.

Dans une ambiance de fête, les militants de l’Alliance nationale pour le changement (ANC) sont repartis chez eux après avoir accompli un devoir, celui de désigner leur candidat à la prochaine élection présidentielle. Il s’agit bien du président du parti, Jean-Pierre Fabre.

Tenue d'apparat traditionnel

C’est en tenue d'apparat traditionnel que l’élu du jour est apparu dans un premier temps à la cérémonie de clôture : perles, collier en or autour du cou, assis à côté de son épouse, qui s’exécutait aux rythmes de la fanfare.

La première motion du congrès désigne donc Jean-Pierre Fabre, président de l’Alliance nationale pour le changement comme candidat à l’élection de 2020. La réponse ne s’est pas fait attendre et c’est Jean-Pierre Fabre lui-même qui a répondu : « J’accepte d’être le porte-étendard pour réaliser avec vous l’alternance et le vrai changement que le peuple togolais appelle de tous ses vœux. »

Les Togolais à la peine

Après 60 ans d’indépendance, dit-il encore, « les Togolais peinent malgré les efforts imposés aux populations qui vivent encore en dessous du seuil de la pauvreté. Il faut sortir le pays de cette situation ». Quant aux chances de gagner cette échéance présidentielle, « c’est à la mobilisation des électeurs de défendre leur vote », conclut Jean-Pierre Fabre.

 

Franc CFA – Avant d’adopter l’eco, le FMI recommande le respect des « préconditions »

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Selon l’institution internationale, le succès du projet de remplacement du franc CFA, en Afrique de l’Ouest, par une monnaie commune - l’eco - dépendra de la prise en compte de certains facteurs à la fois politiques et économiques. Elle s’inquiète par ailleurs du ralentissement de la croissance au sud du Sahara.

Sur la question du franc CFA, le Fonds monétaire international – de même que la Banque mondiale – avance sur un terrain miné. L’institution internationale, dirigée à l’époque par le Français Michel Camdessus, avait été rudement mise en cause pour la dévaluation brusque de la monnaie régionale de 1994. Le franc CFA avait alors perdu la moitié de sa valeur face au franc français, ce qui avait affecté l’épargne des ménages et la valeur des actifs du secteur privé.

Vingt-cinq ans après, le FMI, dirigé depuis le 1er octobre par la Bulgare Kristalina Georgieva, ex-directrice générale de la Banque mondiale et ancienne vice-présidente de la Commission européenne, prend ses précautions alors que le débat fait rage sur l’avenir de cette monnaie au moment où les pays de la Cedeao planchent sur son remplacement, en Afrique de l’Ouest, par l’eco.

Interrogée le 19 octobre, lors d’une conférence de presse du Comité financier et monétaire international, qui conseille le Fonds, en présence de Lesetja Kganyago, gouverneur de la Banque centrale sud-africaine (SARB) et président du Comité, Kristalina Georgieva s’est voulu prudente : « Nous savons que autant la Cemac [Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale] que la Cedeao [Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest] sont à un stade où elles réfléchissent à l’avenir de leur union monétaire. Et la question est pour ces pays de déterminer ce qui servira le mieux leurs économies. La décision n’est pas encore prise ».

Quel projet politique derrière l’eco ?

Elle a toutefois alerté ces États sur l’importance “d’ancrer leur monnaie d’une manière qui facilite la stabilité des prix et qui soit bénéfique pour leur économie”. Et rappelé la disposition du FMI à “appuyer le meilleur résultat possible à mesure que les discussions se poursuivent”.

La création d’une union monétaire sur le continent africain devrait être un projet politique

De son côté, le gouverneur sud-africain a insisté sur le caractère “politique” de toute union monétaire, au-delà du seul cas de l’eco et en référence au projet souvent évoqué d’une monnaie unique panafricaine : “Tout comme l’euro était un projet politique, la création d’une union monétaire sur le continent africain devrait être un projet politique. Il y a des leçons importantes à tirer et il y a des conditions préalables qui doivent être remplies”.

Lesetja Kganyago attend de la Cedeao un engagement politique comparable à celui de l’Union européenne : « Comme nous le montrent les leçons [tirées] de l’Europe, si vous voulez créer une union monétaire, vous avez en fait besoin d’une intégration plus profonde. Vous devez poser des questions au sujet d’une union fiscale […] et une union bancaire. Et toutes ces choses sont complexes. Cela n’empêche pas les différentes régions du continent de s’engager dans une union monétaire. Donc, le fait que la Cedeao ait décidé d’aller de l’avant et de faire ces choses, si toutes les conditions préalables sont remplies, indique, j’en suis sûr, que [les États de la région] pourraient aller de l’avant, tant qu’il y aura un engagement politique, un engagement politique à cet égard ».

Croissance mondiale en berne

Arrivé à la tête de la SARB en novembre 2014, ce vétéran du secteur financier africain est familier des turbulences économiques et politiques. Il est parvenu à réduire la volatilité du rand vis-à-vis du dollar américain, après des années de déclin entre 2012 et 2016 (-50 %), et durant une forte période d’instabilité politique : en décembre 2015, le pays a connu trois ministres des Finances successifs en moins d’une semaine

Cette rencontre avec les médias a été organisée en marge des Rencontres annuelles du groupe de la Banque mondiale et du FMI, organisées du 14 au 20 octobre.

La plupart des 45 pays à la plus faible croissance se trouvent en Afrique subsaharienne

Selon la mise à jour d’octobre 2019 du rapport Perspectives économiques mondiales, publié par le FMI, la croissance économique est anticipée à 3,2 % cette année, soit vingt point de base de moins que dans l’évaluation de juillet dernier, et le niveau enregistré en 2018.

Le FMI mise sur la Zleca

Les perspectives de croissance du sous-continent, selon le Fonds, sont à peine supérieures à celle de l’économie mondiale cette année (3 %). Sur ce point, la patronne du FMI a exprimé son inquiétude quant au fait que “la plupart des 45 pays qui vont croître encore plus lentement que le reste du monde se trouvent en Afrique subsaharienne”.

Selon la dirigeante, cela engendrera un accroissement de “la distance entre les économies avancées et les économies en développement”. Aussi, pour l’ancienne DG de la Banque mondiale, si “la question du système monétaire est importante […] une question beaucoup plus importante est de générer une croissance soutenue et de stimuler l’intégration dans et au sein des nations africaines”, à travers notamment une mise en œuvre effective et efficace de la Zleca.

« Ouattara, c’est fini. Le PDCI est là » : à un an de la présidentielle,
Henri Konan Bédié mobilise dans son fief

| Par - envoyé spécial à Yamoussoukro

À un an de la présidentielle, des dizaines de milliers de partisans du PDCI ont participé samedi 19 octobre à un grand meeting en hommage à Félix Houphouët-Boigny, le premier président de Côte d'Ivoire. Une démonstration de force dans le bastion du parti d'Henri Konan Bédié.

« Je croyais qu’on ne mobilisait plus ? » Sur la place Jean-Paul II de Yamoussoukro, un cadre du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) savoure. Derrière lui, des dizaines de milliers de personnes, entre 30 000 et 50 000, drapés de vert et de blanc, reprennent en choeur le refrain d’un air de Zouglou : « HKB, Henri Konan Bédié ». « Ouattara, c’est fini. Le PDCI est là », lance fièrement Serge, l’un des nombreux militants présents.

En organisant un grand meeting dans la capitale ivoirienne, samedi 19 octobre, à tout juste un an de l’élection présidentielle, le PDCI voulait marquer le coup. Affaibli par le départ de plusieurs de ses cadres pour le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), l’ancien parti unique avait peut-être aussi besoin de se rassurer.

Pour l’occasion, ses barons avaient sorti leurs plus belles cylindrées. Ils étaient tous là, de Jean-Louis Billon à Thierry Tanoh, en passant par Maurice Kakou Guikahué, Gaston Ouassénan Koné, Charles Konan Banny et Émile Constant Bombet. Même Kouadio Konan Bertin (KKB), régulièrement en froid avec Henri Konan Bédié, avait fait le déplacement.

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L’héritage d’Houphouët au coeur de la bataille

À Yamoussoukro, le parti et son président ont voulu jouer sur les symboles. En organisant son meeting en marge des célébrations de la naissance Félix Houphouët-Boigny, le 18 octobre 1905, le PDCI voulait se positionner comme le seul et unique héritier du père de la Nation ivoirienne. « Les vrais héritiers d’Houphouët sont ceux qui protègent le PDCI », a lancé Bédié après avoir rendu un long hommage à celui qui « a légué une Côte d’Ivoire prospère et solidaire des autres pays ». La veille, il avait participé à une messe et s’était recueilli sur sa tombe.

Depuis son décès, le 7 décembre 1993, le premier président ivoirien est demeuré l’unique référent d’une classe politique en manque de renouvellement. Alliés d’hier, ennemis du moment, Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara se disputent aujourd’hui son héritage. Le premier a été son ministre et lui a succédé. Le second fut son Premier ministre pendant trois ans.

Yamoussoukro, l’ancien village d’Houphouët-Boigny officiellement capitale administrative du pays, est au coeur de cette bataille. Ce n’est pas un hasard si le RHDP a choisi d’y organiser son premier grand séminaire et que c’est dans cette même ville, boudée depuis des années par les élites politiques, qu’il installera son siège. Le parti devrait aussi y organiser une série d’événements à l’occasion de l’anniversaires de la mort d’Houphouët-Boigny.

Virulence du discours

À 85 ans, le sphinx de Daoukro n’a toujours pas dévoilé ses intentions pour la prochaine présidentielle. Il était en tout cas au centre de ce meeting, seul responsable d’envergure du parti, avec Guikahué, à prendre la parole. À la tribune, il a une nouvelle fois appelé à la mise en place d’une Commission électorale indépendante (CEI) « consensuelle et indépendante ».

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Plus les jours passent, et plus son discours envers le pouvoir gagne en virulence. « Nous assistons à des dérives dangereuses et totalitaires qui menacent gravement notre chère République. Réveillons-nous pour dire non à cette dictature rampante », a déclaré l’ancien président. Dressant un tableau particulièrement sombre de la situation en Côte d’Ivoire et du bilan du régime d’Alassane Ouattara, il a dénoncé une « gouvernance opaque de l’administration où la compétence n’est plus un critère de sélection » et vilipendé un « système mafieux, opaque et clientéliste ».

Le FPI de Gbagbo bien représenté 

Un mois après leur premier meeting commun à Abidjan, le PDCI et le Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo ont une nouvelle fois mis en scène leur rapprochement. Une grosse délégation du FPI, menée par son secrétaire général Assoa Adou, et des dizaines de militants étaient présents. Une réconciliation suivie avec « une attention toute émue » par Laurent Gbagbo, à en croire Assoa Adou, tout juste de retour de Bruxelles, où réside l’ancien président dans l’attente de la fin de sa procédure devant la Cour pénale internationale (CPI).

Laurent Gbagbo fut le principal opposant de Félix Houphouët-Boigny. Lui et Bédié sont adversaires depuis près de 40 ans, mais depuis leur rencontre, le 29 juillet à Bruxelles, tout cela ne semble plus très important. « Beaucoup ne comprennent pas la portée de cette rencontre. Je rends un vibrant hommage au président Bédié pour avoir pris le parti de sauver la Côte d’Ivoire avec son jeune frère Laurent Gbagbo. Merci », a déclaré Assoa Adou. Chapeau panama sur la tête, Bédié venait d’allumer un gros cigare, se donnant des airs de parrains, sous les vivats d’une foule mi-amusée, mi-admirative.

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Malgré les symboles, les contours de cette alliance de circonstance restent à déterminer. Si Bédié a demandé « aux frères et soeurs amis qui partagent notre vision de la Côte d’Ivoire de se joindre au PDCI, de militer activement afin que nous gagnions ensemble les élections de 2020 », et évoqué le « soutien de tous » au candidat que le PDCI élira lors de sa prochaine convention, Assoa Adou n’a pas fait mot de cette prochaine échéance électorale. Car tout en favorisant le rapprochement avec le PDCI, Laurent Gbagbo garde le contact avec le pouvoir, afin de faciliter son éventuel retour en Côte d’Ivoire.

Guillaume Soro reste à distance

Toutes les autres branches de l’opposition, à l’exception de Pascal Affi N’guessan, étaient représentées à Yamoussoukro. Du Congrès panafricain pour la justice et l’égalité des peuples (Cojep) de Charles Blé Goudé, au Parti ivoirien des travailleur (PIT), en passant par le Rassemblement pour la Côte d’Ivoire (Raci), le principal parti soutenant Guillaume Soro.

Actuellement en Europe, l’ancien président de l’Assemblée nationale a officialisé sa candidature le 12 octobre lors d’un rassemblement en Espagne. L’ex-chef de la rébellion cultive sa proximité avec Bédié, mais se tient pour le moment à distance de la plateforme que ce dernier a créée et à laquelle il souhaite l’associer.

Longtemps opposé à un rapprochement avec Soro, qui fut son Premier ministre, Laurent Gbagbo a assoupli sa position, mais les rancoeurs demeurent. Lors de son intervention ce samedi, Assoa Adou ne s’est d’ailleurs pas fait prier pour dénoncer les affres de la rébellion en Côte d’Ivoire.

Mauritanie : la garde rapprochée de Mohamed Ould Ghazouani

| Par Jeune Afrique

Président de la Mauritanie depuis le 1er août, il délègue davantage que Mohamed Ould Abdelaziz, son prédécesseur et ami intime, qui aimait tout contrôler. Ses collaborateurs, qui l'aident à mettre en oeuvre son programme (dont les priorités sont l'économie et la justice sociale), ont donc acquis un plus grand poids politique.

• Mohamed Ahmed Ould Mohamed Lemine

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Son cousin et directeur de cabinet. Quotidiennement sollicité par le chef de l’État, il gère le domaine réservé. Occupait déjà les mêmes fonctions pendant la campagne présidentielle. A été ministre de l’Intérieur d’Ely Ould Mohamed Vall et ambassadeur au Mali.

• Mohamed Salem Ould Béchir

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Secrétaire général de la présidence. Jouit de l’entière confiance du chef de l’État, qui lui confie tous les dossiers sensibles. Tous deux sont issus de l’est de la Mauritanie. Fut le Premier ministre de Mohamed Ould Abdelaziz. A dirigé la Somelec (eau et électricité) et la Snim (mines).

• Ahmed Ould Bah

Plus connu sous le nom de Hmeida. Conseiller chargé des questions de sécurité d’Ould Abdelaziz, reconduit dans ces fonctions par Ould Ghazouani. À ce titre, il a été son interlocuteur privilégié lorsque celui-ci était chef d’état-major des armées. Tous deux sont très complices.

• Ismaïl Ould Bedda Ould Cheikh Sidiya

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Premier ministre. Ex-ministre d’« Aziz », il s’est beaucoup rapproché d’Ould Ghazouani pendant la campagne, qu’il dirigeait dans le Gorgol. Issu d’une famille influente : Cheikh Yacoub Ould Cheikh Sidiya, qui fut le grand marabout des présidents mauritaniens, est l’un de ses parents.