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Côte d’Ivoire : fidèles, ministres, lobbyistes… Qui épaule le Premier ministre Patrick Achi ?

Pilier du système Ouattara, le chef du gouvernement a toujours cultivé une certaine discrétion. Jeune Afrique lève le voile sur ceux qui l’entourent

au cœur du pouvoir ivoirien.

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 15 mai 2022 à 16:15



Les proches de Patrick Achi. © Montage JA

Longtemps pilier du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et proche d’Henri Konan Bédié, Patrick Achi, 66 ans, a su se faire une place dans le premier cercle d’Alassane Ouattara (ADO), devenant l’un de ses plus proches collaborateurs, alors qu’il ne fait pas partie de son entourage issu du Rassemblement des Républicains (RDR). Il est aussi très apprécié de la Première dame, Dominique Ouattara. Si certains le voyaient déjà vice-président, le chef de l’État l’a reconduit dans ses fonctions le 19 avril, à la tête d’un gouvernement resserré. Les deux hommes travaillent ensemble depuis l’arrivée au pouvoir d’ADO, en 2011.

Ministre des Infrastructures jusqu’en 2017, Patrick Achi a ensuite été nommé secrétaire général de la présidence, avant de devenir Premier ministre en mars 2021, après le décès d’Hamed Bakayoko. Ce fils de député a un profil qu’Alassane Ouattara apprécie : c’est un technocrate, réputé travailleur.

Ancien étudiant de l’Université Stanford, il a très jeune côtoyé l’élite américaine. Et tout au long de sa carrière – dans le privé, où il a débuté, comme dans la sphère politique –, il s’est constitué un solide réseau. Il peut donc aujourd’hui compter sur une fidèle équipe de collaborateurs et de conseillers.

Abdourahmane Cissé

Lorsque l’actuel secrétaire général de la présidence quitte la banque d’affaires londonienne Goldman Sachs International, en 2012, Patrick Achi est l’un des premiers politiques ivoiriens qu’il rencontre. Au départ, Abdourahmane Cissé devait être son conseiller au ministère des Infrastructures économiques. Mais le polytechnicien rejoint finalement la présidence en tant que conseiller spécial chargé des finances, auprès d’Alassane Ouattara et du secrétaire général de l’époque, Amadou Gon Coulibaly, aujourd’hui décédé.

En 2013, il devient ministre du Budget – et le plus jeune membre du gouvernement – avant de revenir au palais en tant que conseiller spécial chargé des affaires économiques et financières. À partir de 2017, il pilote avec Patrick Achi, qui a succédé à Amadou Gon Coulibaly, plusieurs dossiers, dont celui de la réforme du franc CFA. L’année suivante, Cissé est nommé ministre du Pétrole, poste qu’il occupera jusqu’à ce qu’ADO le rappelle à nouveau.

Masséré Touré-Koné

Patrick Achi a connu l’actuelle secrétaire générale adjointe et directrice de la communication de la présidence sous Laurent Gbagbo. À cette époque, les deux opposants discutaient de la stratégie à adopter : Achi pour le compte de Henri Konan Bédié, le président du PDCI et Masséré-Touré Koné, pour celui de son oncle, Alassane Ouattara, alors patron du RDR (devenu RHDP).

Tous deux s’apprécient et se vouent un respect mutuel. Ils se sont particulièrement rapprochés pendant la crise post-électorale, lorsqu’ils étaient reclus au Golf Hôtel de Cocody. Et ils ont renforcé leur collaboration lorsque Patrick Achi a été nommé secrétaire général de la présidence.

Karim Traoré

Il n’était pas le favori. En avril, ce technocrate de 45 ans a été choisi, à la surprise générale, pour occuper les fonctions de directeur de cabinet de la primature. Il était, depuis juillet 2021, directeur de cabinet adjoint chargé de la gouvernance économique et des infrastructures.

Karim Traoré a été conseiller au ministère de l’Économie puis, de 2014 à 2018, directeur de cabinet du ministre du Budget d’alors, Abdourahmane Cissé, puis de Moussa Sanogo, toujours détenteur du portefeuille. Il a également officié quatre ans au FMI en tant qu’économiste, avant d’être rappelé par le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, dont il était proche. Il a alors occupé le poste de coordonnateur du programme social du gouvernement.

Georges Koffi Bolamo

Cet ancien gestionnaire de fonds d’investissements a rejoint Patrick Achi à la présidence en 2017. Alors secrétaire général, ce dernier l’a nommé directeur de son cabinet. Georges Koffi Bolamo gère de nombreux dossiers, comme le Millennium Challenge Corporation (MCC) ou encore, l’aménagement de la baie de Cocody. 

Il fait partie des fidèles de l’actuel Premier ministre, qui est, comme lui, un ancien du cabinet PwC. Beaucoup pensaient même qu’il succéderait à Emmanuel Ahoutou Koffi au poste de directeur de cabinet. Si Patrick Achi lui a finalement préféré Karim Traoré, il ne l’a pas pour autant oublié. Georges Koffi Bolamo a ainsi été maintenu au poste de directeur de cabinet adjoint chargé du développement du secteur privé.

Sidy Cissé

Depuis le premier quinquennat d’Alassane Ouattara (2010-2015), ce polytechnicien compte dans le dispositif du chef de l’État. En 2011, Sidy Cissé a intégré en tant que conseiller le cabinet de Patrick Achi au ministère des Infrastructures économiques, avant de devenir le directeur de cabinet adjoint d’Abdourahmane Cissé au Budget.

Amadou Gon Coulibaly lui a ensuite offert le même poste à la primature, et il l’a conservé lorsque Patrick Achi a pris ses fonctions. Ses bonnes relations avec ce dernier en font l’un des piliers de son équipe. Avant de rejoindre la sphère politique, Sidy Cissé a fait carrière dans le privé : il a été, entre autres, ingénieur chez Schlumberger.

Coralie Sissoko-Tailly

Elle est surnommée « l’ombre de Patrick Achi », dont elle est la cheffe de cabinet. À ce titre, Coralie Sissoko Tailly gère l’agenda et les affaires réservées. En 2010, alors qu’elle est auditrice chez Ernst & Young à Paris, il la fait rentrer à Abidjan et la nomme coordinatrice du pool des grands projets au ministère des Infrastructures économiques. Puis, en 2017, lorsqu’il est nommé secrétaire général de la présidence, elle le suit.

Coralie Sissoko-Tailly est la fille de Madeleine Oulai, une cacique du PDCI dans l’ouest du pays qui a rejoint le RHDP, le parti présidentiel.

Pierre N’Gou Dimba

Il est l’un des fidèles de Patrick Achi depuis l’époque où ce dernier était ministre des Infrastructures économiques. Pierre N’Gou Dimba a notamment géré le Projet de renaissance des infrastructures de Côte d’Ivoire (PRICI), cofinancé par l’État ivoirien et la Banque mondiale.

En 2017, cet ingénieur du génie civil est nommé directeur général de l’Ageroute, une société publique chargée de la réalisation des routes dans le pays. Puis, en avril 2021, quand Patrick Achi devient chef du gouvernement, il est nommé ministre de la Santé.

Pierre N’Gou Dimba est par ailleurs le président du conseil régional de l’Agnéby-Tiassa, voisine de la région de La Mé, d’où est originaire Patrick Achi.

Jean-Luc Assi

Ce proche des réseaux de la Grande loge de Côte d’Ivoire (GLCI) est député de la circonscription d’Akoupé, près d’Adzopé, le fief de Patrick Achi. Et ce dernier n’est pas étranger à sa nomination comme ministre de l’Environnement. Jean-Luc Assi fait d’ailleurs partie du cercle restreint des membres du gouvernement qui fréquentent le Premier ministre en dehors du bureau.

Il a passé une grande partie de sa carrière dans les entreprises publiques, dont la Société de gestion des stocks pétroliers de Côte d’Ivoire (Gestoci) ou l’Office national de l’eau potable (Onep), dont Patrick Achi assurait la tutelle lorsqu’il était le ministre des Infrastructures économiques.

Jacques Attali

Patrick Achi s’est récemment attaché les services de l’économiste français, qu’il côtoie depuis quelques années. Fin janvier, il l’a invité à venir à participer à une série de réunions à Abidjan. Et le 26, il l’a convié à un dîner dans sa résidence privée, située à Cocody Beverly Hills.

Le Premier ministre s’est rapproché de Jacques Attali afin de bénéficier de son expérience dans la planification. Il lui a confié une mission d’accompagnement du gouvernement dans le cadre du plan Côte d’Ivoire-Vision 2030, qui vise à faire émerger de grands groupes privés ivoiriens.

Tony Blair

C’est dans le sillage d’Alassane Ouattara et du défunt Amadou Gon Coulibaly que Patrick Achi a connu Tony Blair. Initialement rattachée à la présidence, la cellule d’experts du Tony Blair Institute For Global Change (TBI) – qui a conclu un contrat avec l’État ivoirien – travaille désormais étroitement avec le cabinet de Patrick Achi. Chaque fois qu’il se rend à Abidjan, l’ex-Premier ministre britannique s’entretient avec le chef du gouvernement ivoirien, même si c’est avec le président qu’il entretient une véritable proximité.

Romain Vuillerminaz

Fondateur de l’agence de communication Républics et ancien du groupe Havas, Romain Vuillerminaz fréquente Patrick Achi depuis 2017. S’il n’apparaît pas officiellement dans l’organigramme de la primature, il joue un rôle important auprès du chef du gouvernement. Il a ainsi participé à des entretiens d’embauche.

Bien connu au sein du parti français Les Républicains, il a conseillé plusieurs de ses grandes figures, comme Jean-François Copé et Nathalie Kosciusko-Morizet.

Gregory Meeks

En mars dernier, Patrick Achi a rencontré à Washington le président de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants. C’est le cabinet Atlantic Council qui a facilité ce rendez-vous. Lors de leur entretien, Gregory Meeks l’a assuré du soutien des États-Unis à la Côte d’Ivoire, essentiellement en matière de financement et de lutte anti-terroriste.

Si Abidjan dispose déjà d’un réseau impressionnant de lobbyistes aux États-Unis, cette rencontre entre les deux hommes ouvre la voie à de nouvelles relations.

Burkina Faso: des opérations de pompage difficiles pour sauver les mineurs à Perkoa

Au Burkina Faso, le niveau de l’eau baisse tout doucement dans la mine de Perkoa dans le centre-ouest, où huit personnes sont toujours portées disparues après une inondation. Il reste environ 5 mètres pour atteindre le toit de la chambre de refuge. Malgré les difficultés que rencontrent les sauveteurs, le dispositif de prise en charge se renforce chaque jour sur place. Yaya Boudani.

 

Pour remonter l’eau du fond de la mine à la surface, il faut plusieurs pompes sur une ligne, selon Sabo Boukari, le responsable de l’équipe technique : « C'est des relais avec plusieurs pompes qui sont installés pour pouvoir envoyer jusqu'à la surface. La difficulté est que si une seule pompe tombe en panne dans la chaine, tout le système est en arrêt. »

 Plusieurs techniciens sont mobilisés, comme le volontaire Babou Bama, un ex-travailleur à la retraite afin de remettre sur pied, les pompes en panne. « Il y a des pompes qui tombent en panne et comme c'est mon domaine, j'ai demandé si on peut me permettre d'aider ceux qui sont sur le terrain. Il y avait des vieilles pompes qu'ils utilisaient et des pompes qui ont été endommagés par une "noyade". Donc, nous sommes en train de les reviser pour les mettre en service dès la nuit. »

Toujours impossible de plonger

Les plongeurs attendent toujours le feu vert des laboratoires d’analyse d’eau. L’office nationale de l’eau a procédé à un nouveau prélèvement pour une contre-analyse. Le lieutenant Sidi Stephane Nana, coordonnateur de l’équipe des pompiers donne des explications : « Le problème de la visibilité n'est pas résolu puisque l'on n'a même pas les appareils qui permettent de voir dans l'eau, étant donné que c'est une eau boueuse. Et l'on ne sait pas ce que cela renferme en matière de produits chimiques. »

►À lire aussi : L'inquiétude des familles des mineurs piégés à Perkoa

Le niveau d’eau a encore baissé. L’équipe de prise en charge sanitaire a déjà installé son quartier général sur le site. Plusieurs ambulances sont sur place.

  

Tchad: manifestation hostile à la France à l’appel de la coalition d’opposition Wakit Tama

 
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Au Tchad, une manifestation contre la France a eu lieu dans la matinée de ce samedi 14 mai, à l’appel de la coalition d’opposition Wakit Tama. La manifestation a été envahie par des lycéens qui ont fini par attaquer des symboles de la France. 

Avec notre correspondant à Ndjamena, Madjiasra Nako

Des coups de sifflets ou encore des klaxons de motocyclettes ont retenti le long du parcours sur près de 3 Km. Sur les pancartes, on pouvait lire : « Non à la France », « France dégage ».  

Des centaines de lycéens ont rejoint la procession, juchés sur des motos. Le cortège a même tenté de dépasser le rond-point où devait se terminer la marche. Mais quelques tirs de grenades lacrymogènes les ont alors obligés à battre en retraite. 

Il n’y a finalement pas eu de prise de parole à cause de la cohue, mais le porte-parole de Wakit Tama, se dit fier de la mobilisation. Me Max Loalngar: « Ce qui s’est passé, nous a fait chaud au cœur. Nous pensions que nous étions des illuminés. C’est la première fois qu’on a eu autant de ralliement. Il y avait des commerçants, des associations, mais vous avez vu aussi que, peut-être que mes frères du Nord étaient plus nombreux que nous qui portons le pantalon, mais le peuple tchadien, dans son ensemble, était là. »

À la fin de la manifestation, des groupes de jeunes ont attaqué plusieurs stations Total à travers la capitale. 

À lire aussi: Tchad: manifestation aux accents anti-français de la coalition d’opposition Wakit Tama

À noter que le parti Les Transformateurs, dirigé par Succès Masra, se désolidarise de cette manifestation à l'appel de Wakit Tama. Il estime, dans un communiqué, que c’est contre l'injustice et le système politique au Tchad qu'il faut se battre.

Mali: manifestation de soutien à l'armée à Bamako

 

Une manifestation de soutien aux autorités de transition a eu lieu, ce vendredi après-midi 13 mai, place de l'indépendance à Bamako, à l'initiative des organisations proches du gouvernement. Le mot d'ordre officiel était « opération Espoir », en soutien aux Forces armées maliennes (Fama) qui, selon le discours officiel, remportent ces derniers temps des succès contre les groupes terroristes.

Quelques milliers de personnes ont répondu à cet appel et sont venus écouter les différents orateurs, dont Ben le Cerveau, le leader de l'organisation Yerewolo-debout sur les remparts, un des plus farouches défenseurs de la junte.

Les participants portaient massivement les couleurs du drapeau national et, pour un certain nombre, les t-shirts siglés d'un E majuscule « opération Espoir ». C'est le signe du soutien aux Fama, promu par le M5-RFP du Premier ministre Choguel Maïga et le collectif pour la défense des militaires, dont Mahamad Oumar Dembélé est le porte-parole.

« Cela fait suite à toute cette cabale que nous qualifions de malhonnête, tantôt d'exactions, tantôt de charniers. Nous sommes là pour dire que le Mali est indivisible par rapport à son armée. Notre objectif, c'est aujourd'hui notre souveraineté, notre intégrité territoriale, le respect mutuel entre États et la considération avec la plus grande estime de nos forces de sécurité. »

Dénoncer la Cédéao, la Minusma et la place de la France

Mais il y avait aussi d'autres mots d'ordre : dénoncer l'attitude de la Cédéao vis-à-vis du Mali, la communauté ouest-africaine demeurant ferme sur les conditions de la transition, et sur les sanctions imposées à Bamako.

Les manifestants venaient aussi dénoncer l'accord d'Alger signé en 2015 avec les groupes rebelles nordistes, le franc CFA et de manière plus globale la présence française et européenne dans le pays. Tandis que Barkhane poursuit son désengagement, la Minusma, la force de l'ONU, dont le mandat doit être ou non renouvelé en juin, et dont la liberté d'action s'est réduite ces derniers mois sur le territoire malien, était aussi visée.

Ces dernières semaines, nous voyons que nos soldats remportent beaucoup de victoires sur les terroristes. C’est pour cette raison que la France essaie de nous démoraliser, de faire peur à nos forces de défense et de sécurité pour qu’ils reculent face aux jihadistes. S’ils n’ont pas confiance en eux-mêmes, cela va se répercuter sur les populations. Quand on observe, on voit que ce que la France n’a pas pu faire depuis que ses militaires sont dans notre pays, nos soldats arrivent à le faire en si peu de temps. C’est-à-dire obtenir des victoires sur l’ennemi. Ce qui dérange la France, donc elle essaie de nous maintenir encore et toujours sous sa domination et nous empêcher de décider par nous-mêmes. C’est pour cela que nous sommes sortis aujourd’hui pour montrer que nous soutenons nos forces de défense. Quiconque s’attaquera à eux aura affaire à nous. Nous les soutenons pour ce qu’ils font pour la sécurité dans le pays. Nous manifestons pour notre pays, car nous sommes les seuls à pouvoir nous sortir de cette souffrance. Nous devons tout faire pour sortir le pays de la crise.

Abdoulaye Fofana, participant à la manifestation de soutien aux FAMa à Bamako

Un appel à manifester avec les mêmes mots d'ordre était aussi lancé à Paris par des organisations proches du M5-RFP, la plateforme du Premier ministre, Choguel Maïga. Une petite centaine de personnes se sont retrouvées place de la République.

►À lire aussi : L’OCI à son tour mobilisée pour sortir le Mali de la crise

Sénégal : qui est La Casamançaise, concurrente de Kirène sur le marché de l’eau minérale ?

En à peine six ans, la marque née en Casamance a réussi à s’imposer sur le marché local de l’eau en bouteille. Jusqu’à rattraper le leader ?

Par  - à Dakar
Mis à jour le 12 mai 2022 à 16:05
 


La Casamançaise, au Sénégal, et Maurice Sara, à gauche, en bleu marine. © La Casamançaise

 

On les trouve côte à côte dans presque toutes les épiceries et les supermarchés du Sénégal. Les bouteilles d’eau minérale de la marque Kirène, leader du marché, implanté au Sénégal depuis 2001, et celles de La Casamançaise, au logo bleu éclatant sur fond vert, numéro 2 d’un secteur estimé à environ 250 millions de litres d’eau par an.

En moins de six ans d’existence, la société d’embouteillage casamançaise (Sodeca) s’est taillée une solide place de dauphin dans un marché pourtant encombré (on recense une vingtaine de marques d’eau minérale dans le pays). Présente dans plus de 90 % des points de vente du pays, la marque se targue de représenter aujourd’hui près de 40 % des parts d’un marché longtemps confisqué par Kirène (nom commercial de Siagro, détenu par les frères Farès, l’une des premières fortunes du Sénégal).

Tout en refusant de se montrer plus précis quant aux chiffres, Maurice Sara, 55 ans, unique actionnaire de la marque lancée en juillet 2016, ne compte pas s’arrêter là. « Nous avons l’objectif d’être leader de l’eau dans les deux prochaines années », indique-t-il depuis la terrasse de l’hôtel Pullman, à Dakar, où le chef d’entreprise aux multiples activités a donné rendez-vous à Jeune Afrique. L’occasion de revenir sur le chemin parcouru.

Une lourde logistique

C’est dans le giron de l’activité de son père, Nemer Sara, premier distributeur dans le pays de la Société des brasseries de l’Ouest-africain (Soboa), que Maurice Sara a l’idée « de mettre en place une minérale dans une région, la Casamance, qui faisait souvent face à des ruptures ».

« J’ai fait une étude sur dix-sept points d’eau dans toute la Casamance, et il y en a un qui est sorti différemment. L’eau y était extrêmement faible en minéraux, avec 24 mg de résidus à sec, elle était semblable à de l’eau de pluie, ce qui est quelque chose de très rare », explique le natif de Dakar, Libanais d’origine, arrivé à Ziguinchor à l’âge de cinq mois. À l’époque, Maurice Sara – passé par l’Idrac, une école de commerce à Montpellier – dirige déjà plusieurs entreprises casamançaises dans les secteurs de la distribution alimentaire, du forage, du transport et de la promotion immobilière.

En 2009, le chef d’entreprise achète le terrain qui lui permettra d’exploiter l’or bleu, au cœur du village de Boucotte, en Basse-Casamance, à une vingtaine de kilomètres de la frontière bissau-guinéenne. Mais le projet est suspendu à la suite du décès de son père. La construction de l’usine démarrera finalement en 2014, après deux années de prospection.

Les ingrédients qui feront le succès de la marque d’eau minérale, le chef d’entreprise les a déjà en tête : la qualité de l’eau, « bonne et douce, même à température ambiante » et « le terme de référence », soit l’image d’une Casamance verte, naturelle, à l’identité forte, dotée de produits prisés dans tout le pays. Quelques années plus tard, le footballeur star Sadio Mané, originaire d’un village du nord de la région, deviendra d’ailleurs l’égérie de la marque.

LA MARQUE S’EST DÉVELOPPÉE DANS LES QUATORZE RÉGIONS DU PAYS, ON A UNE CROISSANCE DE 30 À 40 % PAR AN

Les deux premières années d’activité sont toutefois éprouvantes. « On a eu des problèmes techniques, d’approvisionnement… Si la position géographique de l’usine nous différencie de nos concurrents, elle nous éloigne aussi de nos zones de vente. Nous sommes localisés à 500 km de Dakar, l’enveloppe financière destinée au transport est énorme. On a aussi eu du mal à démarcher des grossistes », relate Maurice Sara, pour qui l’année 2018 marque un tournant. On a équipé nos commerciaux en véhicules, on a formé nos propres grossistes, la marque s’est développée dans les quatorze régions du pays. On a réussi à devenir le challenger dans le marché de l’eau minérale au Sénégal. Depuis cette date, on a une croissance de 30 à 40 % par an. »

« 70 % des ventes » concentrées à Dakar

La Sodeca représente aujourd’hui quelque 228 emplois directs. La majorité d’entre eux – des locaux – travaillent à l’usine de Boucotte. Il y a un an, Maurice Sara a réuni les bureaux de la direction (600 m2) et lieu de stockage de l’entreprise (2 700 m2) dans une plateforme louée au quartier Hann Maristes, à Dakar. « Nous livrons les acteurs de la grande distribution et les petites supérettes des pétroliers en direct, indique-t-il. Environ 70 % de notre volume de vente est concentré sur Dakar et sa banlieue. » Le groupe s’appuie sur une flotte de 45 camions qui quadrillent le pays.

« En 2018, nous avions entre 17 et 20 % de parts de marché, en 2021, autour de 30 %. À présent, nous représentons 37 à 38 %, estime Maurice Sara. On a tout le temps été en cavale pour avoir une unité de production capable de suivre les commandes. Je n’imaginais pas qu’on allait grossir aussi vite en aussi peu de temps. Notre réussite amène une preuve qu’on peut monter de l’industrie ailleurs que dans la région de Dakar, et notamment en Casamance, qui d’un point de vue économique, était une zone de conflit. » L’avenir, Maurice Sara l’envisage sereinement. Mais qu’en est-il du groupe Kirène ?

Vingt ans d’existence de Kirène

Le leader du secteur ne joue pas dans la même catégorie. Si l’eau minérale reste son activité historique (50 % de son chiffre d’affaires – dont le montant exact ne nous a pas été dévoilé), Kirène produit également des jus de fruits dont le marque phare est Présséa (30 %), du lait UHT sous la marque française Candia (10 %) et des boissons gazeuses en partenariat avec PepsiCo depuis l’été 2020 (10 %).

Le groupe Siagro emploie directement 400 personnes et s’appuie sur une flotte d’une centaine de camions, toutes activités confondues. Son chiffre d’affaires est en progression de 10 à 15 % chaque année (en englobant les différentes activités du groupe), selon l’entreprise.

« Avant les arrivées de La Casamançaise et de Séo (numéro 3 du secteur de l’eau, apparu en 2018), nous avions une position particulièrement dominante sur le marché de l’eau », indique Alexandre Alcantara, DG du groupe depuis 2001, rencontré au siège de Dakar-Plateau. L’homme évalue toutefois la part de son concurrent direct sur le marché entre 20 à 30 %. Les deux groupes s’affrontent notamment sur le bidon de 10 litres d’eau – vendu 1 000 F CFA l’unité – qui représente la moitié de l’activité du marché.

CE QUI FAIT NOTRE FORCE, C’EST NOTRE HISTOIRE, KIRÈNE EST UNE DES MARQUES PRÉFÉRÉES DU SÉNÉGAL

« Ce qui fait notre force, c’est notre histoire. Cela fait plus de vingt ans que nous sommes présents. Kirène est une des marques préférées du Sénégal. Au Magal, par exemple, nous donnons chaque année l’équivalent d’une vingtaine de semi-remorques d’eau », se félicite Alexandre Alcantara, qui entend bien maintenir le leadership de la marque.

Le groupe a réussi à attirer des géants de la boisson comme Pepsi grâce, notamment, à sa « puissance de frappe », comme le souligne le directeur général, qui peut compter sur une équipe marketing d’une quinzaine de personnes – et d’une filiale commune avec Orange qui permet au groupe de capitaliser sur l’impressionnant maillage de l’opérateur téléphonique à travers le pays.

Si Maurice Sara n’entend pas contester la force de son grand rival, le dirigeant de Sodeca indique avoir investi 4 milliards de F CFA (soit plus de 6 millions d’euros) dans son entreprise depuis ses débuts (en comptant la construction du site, les réinvestissements et les crédits), et il voit une marge de progression pour sa marque. « Notre outil de production actuel permet encore de prendre 20 % du marché en plus. Et à terme, devenir le leader de l’eau. » En attendant, La Casamançaise devrait se décliner en eau gazeuse d’ici à quelques mois.