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Afrique de l’Ouest : Goïta, Doumbouya, Damiba… Le temps des colonels  

Au Burkina comme en Guinée, et comme cela avait auparavant été le cas au Mali, les ultimatums fixés par la Cedeao ont expiré sans que les militaires au pouvoir n’infléchissent leurs positions. Assimi Goïta, Mamadi Doumbouya et Paul-Henri Sandaogo Damiba… Portraits croisés de putschistes décomplexés.

 

Mis à jour le 26 avril 2022 à 10:44
 
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De g. à d. : le Malien Assimi Goïta, le Burkinabè Paul-Henri Sandaogo Damiba et le Guinéen Mamadi Doumbouya. © MONTAGE JA : Francis Kokoroko/REUTERS ; ANNE MIMAULT/REUTERS ; JOHN WESSELS/AFP

Beaucoup s’accordaient pour le dire. Plus d’un demi-siècle après les indépendances, l’Afrique de l’Ouest semblait bien engagée sur la voie de la démocratie. Alternances dans plusieurs pays, reconnaissance de leur défaite par les perdants, participation importante des citoyens… Certes, tout n’était pas parfait – loin de là -, mais les élections étaient devenues la routine. Le temps des coups d’État, à son apogée entre les années 1960 et le début des années 1990, semblait révolu. Et les images de militaires déboulant en armes dans les palais, puis annonçant à la télévision nationale la mise en place d’un comité à l’acronyme à rallonge, appartenir au passé.

En septembre 2015, le général Gilbert Diendéré ratait son coup contre les autorités de transition au Burkina Faso et rendait le pouvoir, en s’excusant, une semaine seulement après l’avoir pris par la force. Après ce « coup d’État le plus bête du monde », plusieurs observateurs faisaient la même analyse : les putschs militaires ne passent plus en Afrique de l’Ouest.

Et pourtant. Cinq ans plus tard, une série de coups d’État dans des capitales francophones ébranle ce constat.

 

Sueurs froides

Premier épisode au Mali, le 18 août 2020. Ce jour-là, le régime d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), de plus en plus contesté malgré sa réélection deux ans plus tôt, est renversé en quelques heures par l’armée sous les vivats des Bamakois. Dans leurs palais, plusieurs présidents commencent à avoir des sueurs froides et craignent que ce coup réussi et populaire fasse des émules dans leurs propres états-majors. Il en fera.

Le 5 septembre 2021, en Guinée, c’est au tour d’Alpha Condé, vivement critiqué pour son troisième mandat, d’être arrêté par des militaires. Là encore, tout Conakry applaudit. Cette fois, la question devient brûlante : qui sera le prochain sur la liste ? Réponse : Roch Marc Christian Kaboré qui, tout juste réélu mais contesté pour son incapacité à endiguer l’insécurité au Burkina Faso, démissionne sous la pression de l’armée le 24 janvier 2022. Là encore, nombre de Ouagalais saluent sa destitution par les militaires.

 

Anciens enfants de troupes

Tous ces putschs ont pour point commun d’avoir été menés par de “jeunes” quadragénaires, colonels ou lieutenants-colonels, aux profils relativement similaires : le Malien Assimi Goïta, le Guinéen Mamadi Doumbouya et le Burkinabè Paul-Henri Sandaogo Damiba. Tous ont été formés à l’étranger et ont dirigé des forces spéciales ou d’élite.

Goïta et Damiba, longtemps à la tête de troupes sur le terrain face aux groupes jihadistes, ont aussi pour caractéristique commune d’être des anciens enfants de troupes, passés respectivement par le prytanée militaire de Kati et le prytanée militaire de Kadiogo, avant de poursuivre des formations d’officier.

Tous partagent également une forme de patriotisme et de souverainisme, ce qui fait oser à certains la comparaison avec d’illustres aînés qui ont marqué l’histoire du continent : les capitaines Thomas Sankara et Jerry John Rawlings.

« Dans ces trois pays, les chefs étaient devenus totalement illégitimes. En les déposant, les colonels ont en quelque sorte restauré la légitimité de l’État », analyse un diplomate ouest-africain. IBK, au Mali, et Roch Marc Christian Kaboré, au Burkina Faso, étaient perçus, malgré leurs réélections, comme incapables de contrer l’offensive des groupes jihadistes qui gangrenaient leurs pays. Et, en Guinée, Alpha Condé n’était plus respecté depuis le tripatouillage constitutionnel qui lui a permis de briguer un troisième mandat en octobre 2020.

DANS CES TROIS PAYS, LES CHEFS ÉTAIENT DEVENUS TOTALEMENT ILLÉGITIMES

« Si IBK, Kaboré et Condé étaient aussi critiqués par leurs compatriotes, c’est aussi parce qu’ils ont été incapables de tenir leurs promesses respectives, poursuit notre interlocuteur. Les deux premiers sur le retour de la sécurité et de l’autorité de l’État, le troisième sur l’instauration de la démocratie, qu’il a honteusement bafouée après s’en être fait le héraut pendant des années. »

 

Grandes déceptions

De ces promesses non tenues sont nées de grandes déceptions parmi les populations. Alimentant au passage la défiance grandissante à l’égard des dirigeants, déjà considérés comme corrompus et coupés des dures réalités quotidiennes dans leurs tours d’ivoire. « En Afrique de l’Ouest, il y a un discrédit total de la classe politique et, in fine, de la démocratie, estime une source française qui suit la région. Les opinions publiques, bien souvent jeunes, n’y croient plus. Dans ce contexte, l’armée incarne la seule forme d’alternance à peu près solide et structurée. Et nous nous retrouvons alors avec des colonels au pouvoir, sans qu’ils y soient vraiment préparés. »

Une fois installés dans le fauteuil des chefs qu’ils ont démis, Goïta, Doumbouya et Damiba ont repris les vieilles antiennes que des cohortes de putschistes avaient répétées avant eux : concertations des “forces vives” de la nation, mise en place de nouvelles institutions, refondation de l’État… À ceci près que, là où il y a encore quelques années les transitions duraient douze mois ou à peine plus, les jeunes colonels réclament désormais des baux bien plus longs. Cinq ans pour Goïta (soit l’équivalent d’un mandat présidentiel au Mali), trois pour Damiba… Quant à Doumbouya, plus de six mois après son arrivée au pouvoir, il n’a toujours pas donné d’indications sur la durée de sa présence au palais de Sékhoutouréya. « Quand on les entend demander ça, il est difficile de ne pas penser qu’ils ont un appétit pour le pouvoir, souffle notre diplomate ouest-africain. L’agenda des transitions n’est rassurant dans aucun de ces pays. »

LA CEDEAO FAIT DU MALI UN CAS D’ÉCOLE CAR, S’IL EST MAL GÉRÉ, CE SERA ENCORE PLUS COMPLIQUÉ AVEC LA GUINÉE ET LE BURKINA FASO

Face à cette nouvelle génération de putschistes décomplexés, la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), souvent accusée d’être un syndicat de chefs d’État défendant leurs privilèges, semble impuissante. Par principe, elle a condamné ces trois putschs et a immédiatement suspendu le Mali, la Guinée et le Burkina Faso de ses instances. Puis des missions de médiation sont intervenues et des « chronogrammes » ont été réclamés, demandant l’organisation d’élections dans un « délai raisonnable ». Le tout sans grand effet.

 

Dérives autoritaires

Mais si Doumbouya et Damiba ont jusqu’à présent bénéficié d’une certaine clémence, ce n’est pas le cas pour Goïta. Depuis son second coup d’État, le 24 mai 2021, qui lui a permis d’avoir les pleins pouvoirs à Bamako, la junte malienne réclame une transition de cinq ans. Une position inacceptable pour les présidents des pays membres de la Cedeao. Le 9 janvier, ils ont adopté des sanctions économiques et financières très dures contre le Mali, qui vit depuis sous un sévère embargo. « La Cedeao fait du Mali un cas d’école car, s’il est mal géré, ce sera encore plus compliqué avec la Guinée et le Burkina Faso. Nous avons affaire à de jeunes officiers, tous colonels, qui ont une vision pour leur pays. Il faut les aider à ce que cette vision soit celle qui réponde au désir réel des peuples », estime Robert Dussey, le ministre des Affaires étrangères du Togo, qui plaide pour des compromis “au cas par cas”.

En Guinée, beaucoup commencent à s’interroger sur la lenteur de Doumbouya, qui a mis près de six mois à instaurer le Conseil national de transition (CNT), et son mode de gouvernance opaque. Au Mali et au Burkina Faso, l’arrivée des militaires au pouvoir n’a, sans surprise, pas mis un terme aux attaques meurtrières des groupes jihadistes, alors que l’une de leurs principales promesses était justement de rétablir un semblant de sécurité dans leurs pays. La junte malienne a aussi suscité une vague de réprobation, aussi bien en Afrique qu’en dehors du continent, en faisant le choix de recourir aux mercenaires de la nébuleuse russe Wagner.

LE PROBLÈME EST QUE CES GENS SONT CULTURELLEMENT PLUS RÉPRESSIFS QUE DES CIVILS

« Les nombreux problèmes auxquels ils sont confrontés ne peuvent évidemment pas se régler d’un coup de baguette magique, estime un responsable ouest-africain. Mais le temps passe et un certain scepticisme commence à émerger. Après avoir soulevé un espoir de changement, les colonels risquent de susciter, eux aussi, d’importantes déceptions. Le problème est que ces gens n’apprécient guère d’être contestés et qu’ils sont culturellement plus répressifs que des civils. »

De fait, la junte malienne est souvent pointée du doigt pour ses dérives autoritaires. Des opposants politiques ont été intimidés, d’autres arrêtés. Les journalistes, eux, sont quasiment réduits au silence. Le 17 mars, les autorités maliennes ont suspendu la diffusion de France 24 et RFI, accusés d’avoir diffusé de « fausses allégations » d’exactions commises par l’armée malienne.

En Guinée, les arrestations de proches d’Alpha Condé et les saisies des maisons de Sidya Touré et de Cellou Dalein Diallo, sous prétexte de récupération de ses domaines par l’État, ont aussi fait couler beaucoup d’encre.

Au Burkina Faso, le lieutenant-colonel Damiba, lui, ne s’est pas encore illustré dans ce domaine. Mais nul doute que, s’il venait à durcir son pouvoir, il serait confronté à la société civile et à la presse burkinabè qui figurent parmi les plus actives de la sous-région.

Guinée: la libération d'Alpha Condé par la junte fait débat

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La libération de l’ancien président Alpha Condé renversé par un coup d’Etat militaire le 5 septembre dernier par le colonel Mamadi Doumbouya, qui a été investi depuis lors chef de l’Etat guinéen, pose question. Cette libération à moins de 72 heures de la date fatidique du 25 avril - délai de rigueur imposé par la Cédéao à la junte pour produire un calendrier consensuel pour la restitution du pouvoir aux civils - est-elle politique ou judiciaire ?

Avec notre correspondant à Conakry, Mouctar Bah

Cette décision pose question au sein de la société civile entre ceux qui l'approuvent et ceux qui la condamnent. D'aucuns considèrent cette décision de la junte comme une manœuvre pour permettre à Alpha Condé, 84 ans, d’échapper à la justice de son pays.

Alsény Sall, porte-parole de l’Organisation guinéenne des droits de l’homme. « Pour nous, le premier travail que le CNRD devrait faire, c’est de soumettre son dossier à la justice qui est la seule habilité de décider des droits et libertés des citoyens. D’autant plus il y avait déjà des plaintes contre monsieur Alpha Condé, mais aussi contre certains de ses collaborateurs sur les cas de violations des droits de l’homme. C’est ce qui avait expliqué une adhésion totale des militants pro-démocratie au coup d’Etat ».

L'ultimatum de la Cédéao a peut-être contribué à la libération de l'ancien président. La réaction de Sékou Koundouno, responsable de la stratégie et planification du FNDC : « Il ne faudrait pas que le CNRD se trompe de stratégie. Nullement la Cédéao n’a fait cas de la libération d’Alpha Condé. S’ils le font, peut-être que c’est une stratégie de communication, mais ce n’est pas la demande de la Cédéao ».

 

Cet activiste de la société civile demande à la junte « de ne pas confondre un régime de transition à un régime issu des urnes ». « Nous sommes en période de transition, il faut le dialogue, poursuit-il, il faut la concertation entre l’ensemble des forces vives de la nation, par ce que en tout été de cause aucune entité aujourd’hui ne bénéficie d’une légitimité ».

Le RPG, l’ex-parti au pouvoir qui avait fait de la libération d’Alpha Condé l’une de ses exigences majeures avant de prendre part aux assises nationales et aux concertations politiques initiées par la junte, attend l’effectivité de cette libération pour réagir, a dit l’un de ses responsables.

Côte d’Ivoire : Idriss Diallo élu à la tête de la FIF, Didier Drogba largement battu

Idriss Diallo a été élu président de la Fédération ivoirienne de football, ce 23 avril, à Yamoussoukro. Il a devancé Sory Diabaté et l’ex-attaquant Didier Drogba.

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 24 avril 2022 à 10:30
 
 
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Didier Drogba. © (Photo by Sia KAMBOU / AFP)

 

C’est finalement l’homme d’affaires Idriss Diallo qui a été élu, samedi 23 avril, à la tête de la Fédération ivoirienne de football (FIF) à l’issue d’une élection organisée à Yamoussoukro, et lors de laquelle l’ancienne star du ballon rond, Didier Drogba, a été éliminée dès le premier tour.

Idriss Diallo est élu pour les quatre prochaines années. Ancien membre de la FIF et vice-président de l’Afad, un club de Ligue 1, il a obtenu 63 voix contre 61 face à son rival du second tour, Sory Diabaté, ancien vice-président de l’institution. Au premier tour, ils ont tous deux largement devancé Didier Drogba qui n’a rassemblé que 21 voix sur 130. Malgré son immense carrière et sa popularité, l’ex-attaquant de Marseille et de Chelsea, qui avait annoncé sa candidature au début de 2020, n’était pas donné favori.

Battu malgré le soutien de la CAF

« Je voudrais féliciter Didier [Drogba] qui a eu le courage de s’engager dans cette course et qui a rendu cette élection plus que populaire au-delà de nos frontières », a déclaré Idriss Diallo dans la foulée de son élection, promettant d’être un « président juste ».

Soutenu, selon plusieurs observateurs, par la Confédération africaine de football (CAF) et la Fifa, Didier Drogba n’a pas réussi à convaincre les présidents de clubs ivoiriens qui constituaient l’écrasante majorité des votants. Il lui a été reproché de ne pas assez connaître le football local et d’avoir fait une campagne minimale, sans labourer suffisamment le terrain.

Cette élection va-t-elle mettre un terme à la longue crise qui a ébranlé la FIF ? Elle avait en tout cas été plusieurs fois reportée depuis 2020, en raison d’un imbroglio sur le système de parrainage des candidats qui avait alors bloqué la candidature de Didier Drogba. La FIF avait été mise sous tutelle en décembre 2020 par la Fifa, qui avait installé un Comité de normalisation.

Ancien dirigeant du plus grand club national l’Asec Mimosas de 1984 à 1998, Idriss Diallo aura pour mission de redonner des couleurs au football ivoirien. Le pays ne s’est pas qualifiée pour la Coupe du monde en 2018 et en 2022 et reste sur deux éliminations en quarts et en huitièmes lors des deux dernières Coupes d’Afrique des Nations (CAN). La Côte d’Ivoire organisera la prochaine CAN du 23 juin au 23 juillet 2023.

Côte d’Ivoire : Didier Drogba, l’anti-Samuel Eto’o ?

L’ancienne gloire du football ivoirien se présente ce 23 avril à l’élection à la présidence de la Fédération ivoirienne de football (FIF). Il rêve d’un destin à la Samuel Eto’o, élu fin 2021 à la tête de la Fecafoot. Mais le match est loin d’être gagné.

Par  - à Abidjan
Mis à jour le 22 avril 2022 à 14:13
 

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Didier Drogba lors d’une conférence de presse pour défendre sa candidature à la présidence de la Fédération de football de Côte d’Ivoire, le 18 avril 2022 à Abidjan. © ISSOUF SANOGO/AFP

 

Le ciel est bleu azur. Il fait beau et terriblement chaud. Jean, sneakers et t-shirt noir, Didier Drogba s’essaie au basket. L’ancien footballeur reçoit le ballon du président de la Banque africaine de développement (BAD), Akinwuni AdesinaL’immense basketteur d’origine congolaise Dikembe Mutombo se tient à ses côtés. Du haut de son mètre 88, Drogba paraît bien petit. Son tir au-delà de la ligne des trois points échoue sur l’arceau du panier.

Pas de quoi décevoir les centaines d’enfants présents. Ils n’ont d’yeux que pour leur idole et s’époumonent « Drogba, Drogba ». Ce 7 mars, l’ex-international ivoirien participe à l’inauguration d’une nouvelle académie de basket-ball au sein de l’orphelinat de Bingerville, une commune d’Abidjan.

L’événement est parrainé par son ami Masai Ujiri, président du club des Toronto Raptors (une franchise de NBA) et de la Fondation Giants of Africa. Disponible, humble, « DD11 », comme il est surnommé, paraît serein. Presque heureux. Difficile d’imaginer que se joue au même moment un tournant important de son après-carrière.

Défiance et rancœur

Changement de cadre et d’ambiance un peu plus d’un mois plus tard. Le 18 avril, Didier Drogba lance officiellement sa campagne de candidat pour l’élection à la présidence de la Fédération ivoirienne de football (FIF). Pas toujours à l’aise devant le micro, il bute sur certains mots, cherche à se justifier.

« Je suis conscient que le changement fait peur. Je suis candidat pour rendre justice aux acteurs du football. Même à ceux qui ont été instrumentalisés et qui sont contre moi », lance-t-il sanglé dans un costume bleu nuit, devant sa communicante et compagne Gabrielle Lemaire, ses soutiens comme l’ancien ministre des Sports Alain Lobognon et le général Michel Gueu.

Drogba, qui n’a pas répondu aux sollicitations de Jeune Afrique, est sur la défensive. C’est que depuis deux ans, le scrutin – initialement prévu en 2020, il aura lieu le 23 avril à Yamoussoukro – tourne au mélodrame avec sa candidature comme principale pierre d’achoppement. D’abord retoquée par la commission électorale, elle a finalement été acceptée après une intervention de la Fédération internationale de football association (Fifa).

Malgré cela, il ne fait pas figure de favori parmi les six candidats en lice, loin de là. Et sauf grande surprise, la victoire devrait se jouer entre Sory Diabaté, vice-président de la Fédération et président de la Ligue professionnelle de football, et Idriss Diallo, ancien numéro deux de la FIF.

COMMENT CELUI QUI FUT L’IDOLE D’UN PEUPLE PEUT-IL SE RETROUVER DANS UNE SITUATION SI INCONFORTABLE ?

Drogba n’a d’ailleurs pas participé au débat télévisé entre les concurrents, organisé par la Radiodiffusion Télévision Ivoirienne (RTI) le 20 avril, officiellement en raison d’un agenda chargé. Alors que ses deux principaux adversaires échangeaient, il était interrogé par Life TV, une chaine privée. Dans un communiqué, la RTI a expliqué avoir été prévenue seulement cinq minutes avant le début de son débat de l’absence de l’ancien attaquant.

Opportunisme

Comment celui qui fut l’idole d’un peuple peut-il se retrouver dans une situation si inconfortable ? Comment la candidature de l’homme le plus populaire de Côte d’Ivoire a-t-elle pu faire l’objet d’autant de remous ? D’où vient cette rancœur de la part du football ivoirien à son encontre ?

Tout au long de la campagne, il n’aura jamais réussi à se départir de cette image d’homme distant, voire hautain. De nombreux acteurs locaux lui reprochent de s’être impliqué trop tard, par opportunisme. « C’est un mauvais procès. Quand on est en équipe nationale, on aide. Didier a fait des choses sans le crier sur tous les toits », rétorque l’un de ses proches collaborateurs.

« On a voulu me coller une image parce que je suis rentré au pays il y a trois ans seulement. Certes, j’ai commis des erreurs car je ne maîtrisais pas les codes. Mais croyez-moi, j’apprends vite », a répondu l’intéressé lors de l’ouverture de sa campagne.

Heureux businessman

Quand il prend officiellement sa retraite en novembre 2018, Drogba n’imagine pas encore s’investir dans le football ivoirien. Il a joué son dernier match avec les Phoenix Rising, une équipe de deuxième division nord-américaine dont il est également actionnaire.

Son après-carrière de footballeur, il la prépare depuis plusieurs années. Celui qui depuis 2004 a investi massivement dans l’immobilier, notamment à Abidjan et à Bamako, la capitale malienne d’où est originaire son ex-épouse Lala Diakité Drogba, s’imagine faire du conseil dans le milieu du football et de la philanthropie avec sa fondation.

En 2014, il fait officiellement son entrée dans le monde des affaires en intégrant, grâce à l’appui de l’ancien Premier ministre Hamed Bakayoko, le capital de la Société des mines d’Ity (SMI), qui exploite alors un gisement d’or dans l’ouest du pays,. Il est alors associé à Idriss Diallo, un de ses adversaires actuels dans la course à la FIF.

Quelques mois plus tard, les deux hommes créent Keyman Investment qui regroupe leurs sociétés respectives, DYD international Holding et Emerging Finance SARL, et dont Diallo est l’administrateur. Drogba et Diallo revendront leurs parts cinq ans plus tard, en faisant un profit considérable.

Projet individuel

Alors quand en 2018, plusieurs membres de l’Association des Footballeurs ivoiriens (AFI), dont il fût un des membres fondateurs, le sollicitent pour qu’il soit leur candidat à la présidence de la FIF, Drogba décline. « Il les a négligés et ne voulait même pas les prendre au téléphone », précise un de ses anciens associés. « Ce n’était pas le moment et il ne voulait pas se mêler de la guerre qui avait alors lieu dans le football ivoirien », répond un proche de Drogba.

À SA RETRAITE EN 2018, IL S’IMAGINE FAIRE DU CONSEIL DANS LE  MILIEU DU FOOTBALL ET DE LA PHILANTHROPIE AVEC SA FONDATION

« C’est lorsque Sidy Diallo a décidé de ne plus se présenter que Drogba a choisi d’être candidat. Mais c’était trop tard, on avait déjà choisi notre candidat. Le problème, c’est que le projet de Didier est individuel. Quand une personne fait partie d’une association, la première des choses c’est d’approcher ses membres pour étaler son projet. Ça n’a pas été le cas avec lui », expliquera l’ancien joueur Cyrille Domoraud en 2020. Le choix de l’AFI s’était entre temps porté sur Sory Diabaté.

Grand timide contre gars du peuple

Personne ne sait vraiment ce qui a fait changer d’avis Didier Drogba. Son entourage met en avant son envie d’aider le football ivoirien, d’avoir un impact dans son pays. A-t-il espéré que la présidence de la FIF lui servirait de strapontin pour briguer un poste important à la Fifa ? S’est-il inspiré de l’exemple de Samuel Eto’o, élu en décembre 2021 à la tête de la Fecafoot ?

La comparaison entre les deux hommes qui se sont longtemps partagés l’affiche du football africain est tentante. Ils ont pourtant peu de points communs. L’ancien international camerounais s’est certes lui aussi attaqué à une fédération en crise. Seidou Mbombo Njoya avait accédé au poste de président en 2018, mais son élection, contestée par plusieurs acteurs du football camerounais, avait été annulée mi-janvier par le Tribunal arbitral du sport (TAS). Malgré tout, il est resté en poste, avec pour mission de travailler à l’organisation d’une nouvelle élection.

ETO’O, C’EST BERNARD TAPIE. DROGBA, PLUTÔT EDOUARD BALLADUR, ANALYSE UN MEMBRE DE LA FIF

Mais à la différence de l’ivoirien, Eto’o est impliqué dans le foot camerounais depuis très longtemps. Il a fait l’effort de faire amende honorable auprès de ses anciens coéquipiers. Il avait avec lui le pouvoir politique, alors que celui d’Abidjan a décidé de rester neutre. Eto’o avait enfin la Fifa contre lui quand l’instance internationale est favorable à la candidature de Drogba.

« Drogba est un grand timide. Il a du mal à fédérer, au contraire de Samuel Eto’o, qui est un gars du peuple. Eto’o, c’est Bernard Tapie. Drogba plutôt Edouard Balladur », analyse un membre de la FIF.

Anti-système

Pour convaincre, Didier Drogba a joué la carte du candidat anti-système. « Il y a beaucoup d’intérêts dans le football ivoirien. Ce milieu est aux mains d’un petit groupe d’une sorte de cartel du football. Tout est fait pour que la fédération reste entre les mains de cette caste », dénonce un proche de Drogba.

De fait, Sory Diabaté et Idriss Diallo étaient tous les deux membres de la FIF ces dix dernières années, dont la mauvaise gestion a été épinglée. Un audit des comptes de la fédération sur les exercices 2019 et 2020 réalisé en 2021 par le cabinet Ernst & Young a fait état d’un trou de trésorerie de 4,5 milliards de Francs CFA.

SORY DIABATÉ ET IDRISS DIALLO ÉTAIENT MEMBRES DE LA FIF QUAND SA MAUVAISE GESTION A ÉTÉ ÉPINGLÉE

Le document dresse une liste de frais de mission, d’hébergements, d’eau… surévalués et non-justifiés. Tous les candidats ont d’ailleurs dû se soumettre aux résultats d’une enquête de probité diligentée par la Fifa et dont les résultats ne seront divulgués qu’après l’élection du prochain président de la Fif. Le joker de Drogba ?

Pour l’accompagner et former le comité exécutif que chaque candidat a dû former, Didier Drogba a fait le choix de s’entourer en majorité d’hommes et de femmes au pedigree flatteur mais qui évoluent en marge du football ivoirien. On retrouve parmi eux Jean-Louis Mennan, directeur général d’Orange Bank Africa, Marc Wabi, directeur général de Deloitte en Côte d’Ivoire, les banquiers Charles Kié et Daouda Coulibaly, ou encore Maférima Bamba-M’bahia, la directrice générale adjointe des impôts, et Malékha Mourad-Condé, directrice générale de la société publique Côte d’Ivoire-Tourisme, par ailleurs mariée à l’un des neveux d’Alassane Ouattara.

DIDIER DROGBA A FAIT LE CHOIX DE S’ENTOURER D’HOMMES ET DE FEMMES QUI ÉVOLUENT EN MARGE DU FOOTBALL IVOIRIEN

L’une des pierres angulaires du système Drogba est Paul Ledjou. Spécialiste en communication et en marketing, il avait été nommé en septembre 2019 directeur adjoint de Goals For Africa (GFA), le groupe de l’ex-capitaine de la sélection ivoirienne chargé de gérer ses investissements. Diplômé de HEC Paris, il était jusque-là l’un des piliers du groupe de communication Voodoo, le groupe du publicitaire Fabrice Sawegnon, pour lequel il a travaillé pendant près de quinze ans.

« Les membres de sa liste sont tous de très bons gestionnaires. Ils ont de forts réseaux, il y a quelques francs-maçons parmi eux mais presque aucun dirigeant de club. Or, ce sont ces derniers qui votent », résume un bon connaisseur du foot ivoirien.

La campagne menée par Drogba ces dernières semaines paiera-t-elle ses fruits ? « Je pense que j’ai toutes les chances de gagner cette élection », a tout de même lancé Didier Drogba le 18 avril. Et s’il échoue ? « La vie continuera. Il a sa fondation et ses affaires. Cette élection n’aura été qu’une étape », explique l’un de ses proches. Une étape avant de retenter l’aventure dans quatre ans ?

Côte d'Ivoire: le vice-président Tiémoko Meyliet Koné a prêté serment

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Sa nomination au poste de vice-président a été annoncée mardi 19 avril par Alassane Ouattara. Tiémoko Meyliet Koné a prêté serment ce mercredi en fin de matinée à Abidjan, devant le Conseil constitutionnel

Avec notre correspondant à Abidjan, Pierre Pinto

C’est lors d’une cérémonie solennelle que le vice-président a prêté serment devant les membres du Conseil constitutionnel, qui se sont déplacés pour l’occasion dans une salle de réception de la présidence de la République.

La cérémonie s'est tenue en présence du président de la République, du Premier ministre, de ministres d’État, de représentants du corps diplomatique ou des chefs traditionnels. Le président du Conseil constitutionnel Mamadou Koné a pris la parole pour expliquer au nouveau vice-président les obligations liées à sa charge : « Vous demeurerez sans conteste le deuxième personnage de l’État », lui a rappelé Mamadou Koné.

« Je mesure le défi qui est le mien »

Puis c’est Tiémoko Meyliet Koné lui-même qui s’est exprimé, d’abord pour remercier le chef de l’État de sa confiance, louant aussi son action politique : « Aux regards de vos ambitions, je mesure le défi qui est le mien. Je me mets à votre disposition. Vos orientations constitueront la boussole de mes actions », a encore déclaré le vice-président à l’adresse d’Alassane Ouattara.

« Je jure solennellement et sur l'honneur de respecter la Constitution, de remplir consciencieusement les devoirs de ma charge, dans le strict respect de ses obligations et avec loyauté à l'égard du président de la République », a aussi déclaré M. Koné avant d'ajouter : « Que le président de la République me retire sa confiance si je trahis ce serment ».

Le président ivoirien a donc désormais un vice-président sur la même ligne politique que lui. Un homme de confiance réputé peu porté sur la politique politicienne, mais compétent, de l’avis de ceux qui le connaissent.