Après l’inauguration d’une salle du groupe français Vivendi en centre-ville, en 2017, son compatriote Pathé-Gaumont sort l’artillerie lourde avec l’ouverture, à la fin de 2021, d’un multiplexe de sept salles, dans le quartier Mermoz.
Depuis le début des années 1990, la capitale sénégalaise ne comptait plus qu’un seul cinéma, Le Christa, dans le quartier populaire de Grand Yoff. Aussi, après l’ouverture, en mai 2017, de la salle du CanalOlympia Teranga par le français Vivendi (groupe Bolloré), près du Grand Théâtre, l’inauguration d’un multiplexe XXL du réseau Pathé-Gaumont (Seydoux), prévue à la fin de l’année 2021, est très attendue par les Dakarois. Les chiffres donnent le tournis, en même temps qu’ils ravivent l’espoir des cinéphiles : sur une superficie de 5 000 m2, le multiplexe Pathé-Gaumont comportera sept salles de 126 à 396 places (dont une équipée du système 4DX), avec un écran de 21 mètres pour la plus grande, et une projection intégralement en laser.
Pour nous faire visiter le chantier, casque blanc vissé sur la tête, une vieille connaissance : Moustapha Samb. Ce dernier fut longtemps le responsable de la programmation culturelle à l’Institut français de Dakar et de la programmation des salles de cinéma des instituts français à travers toute l’Afrique subsaharienne. En 2019, ce passionné de cinéma décide de s’accorder une année sabbatique. C’est alors qu’il est contacté par Frédéric Godfroid, le directeur des opérations Afrique du réseau de cinémas Pathé-Gaumont, leader dans l’exploitation de salles en France. « J’ai connu le projet dès l’origine, quand le groupe est venu prospecter à Dakar, résume Moustapha Samb. Lorsque ses responsables m’ont contacté, ils avaient trouvé le terrain et cherchaient un directeur d’exploitation chargé de la programmation des films et de la supervision du staff. »
Un investissement de 13 millions d’euros
Le multiplexe est niché dans le quartier Mermoz, en plein centre-ville, à équidistance de la corniche ouest et de la VDN (la Voie de dégagement nord), les deux principaux axes routiers de la capitale, mais aussi à mi-chemin des Almadies, au nord, et du Plateau, au sud. Il jouxte par ailleurs le principal hypermarché Auchan de la capitale, ouvert en 2019. Une localisation idéale, selon ses promoteurs qui revendiquent un investissement de 13 millions d’euros – dont 90 % ont bénéficié aux entreprises sénégalaises précise Frédéric Godfroid. Et Pathé-Gaumont a pu compter sur le soutien de la Direction de la cinématographie, des mairies de Dakar et de Mermoz-Sacré-Cœur, et bien sûr du ministère de la Culture.
« Depuis quelques années, on assistait à une raréfaction des salles de cinéma en Afrique francophone, alors que dans le même temps de nouveaux talents africains ont émergé, rappelle Frédéric Godfroid. Or, nous sommes convaincus que la population d’Afrique de l’Ouest éprouve un besoin de culture, et notamment de cinéma. »
https://www.jeuneafrique.com/wp-content/themes/ja-3.0.x/assets/img/mondial2018/quote-article.png") left top no-repeat;">LA POPULATION D’AFRIQUE DE L’OUEST ÉPROUVE UN BESOIN DE CULTURE, ET NOTAMMENT DE CINÉMA »
Selon l’ambassadeur de Pathé-Gaumont sur le continent, deux raisons principales expliquent que les salles sénégalaises aient périclité au cours des deux dernières décennies : « D’abord, en raison du prix du foncier, un cinéma n’est pas très rentable au mètre carré. Par ailleurs, le passage au numérique, il y a dix à quinze ans, a nécessité des investissements conséquents. »
Aussi, le groupe s’est-il lancé dans plusieurs projets afin de combler le vide. Il a ouvert en 2019 un premier complexe de huit salles au centre commercial Tunis City en partenariat avec la Copit (groupe Mabrouk) et WB Cinémas (de Wassim Béji), à Tunis (où un second multiplexe est en cours de finalisation), et un autre à Sousse. Deux chantiers sont en cours à Rabat, au Maroc, ainsi qu’un multiplexe de six salles à Abidjan, en Côte d’Ivoire, en partenariat avec Prosuma. « Nous ne construisons pas de complexe en dessous de six salles », précise Frédéric Godfroid, qui annonce une programmation où coexisteront en harmonie les superproductions internationales et les films africains.
L’initiative ambitieuse de Pathé-Gaumont est la seconde du genre conduite par un opérateur français en Afrique francophone. Depuis janvier 2017, le groupe Vivendi avait en effet ouvert la voie à cette résurrection cinématographique à travers le réseau CanalOlympia. Aujourd’hui, celui-ci affiche 18 salles de cinéma et de spectacles (événements et concerts) implantées dans 12 pays : Niger, Sénégal, Burkina Faso, Guinée, Togo, Bénin, Nigeria, Cameroun, Gabon, Congo, Rwanda et Madagascar.
Des salles qui peuvent accueillir jusqu’à 300 personnes à l’intérieur, avec la possibilité d’en réunir plusieurs milliers en extérieur lors de grands événements. À Dakar, Kigali et Cotonou, CanalOlympia s’est également lancé dans les escape games, ces jeux d’énigmes en équipe où la logique et l’observation doivent permettre aux participants de s’échapper d’une pièce close.
https://www.jeuneafrique.com/wp-content/themes/ja-3.0.x/assets/img/mondial2018/quote-article.png") left top no-repeat;">LA DATE DE SORTIE DES FILMS SERA LA MÊME QUE DANS LES PAYS OCCIDENTAUX
Si, pour l’heure, le groupe Pathé compte moins de cinémas que son concurrent, il mise en revanche sur des multiplexes susceptibles de diversifier leur programmation. « Il est très difficile de réaliser une étude de marché sur un secteur qui n’existe pas vraiment », indique Frédéric Godfroid quand on l’interroge sur la viabilité du projet. Le responsable de Pathé-Gaumont pour l’Afrique estime toutefois que « l’équation économique » se présente de manière favorable, tout en rappelant que la date de sortie des films sera la même que dans les pays occidentaux. « Nous réfléchissons aussi à une programmation événementielle, ajoute-t-il. Nous souhaitons contribuer, à travers ces salles, à recréer une vie culturelle. »
Envie de faire plein de choses
Fort d’une longue expérience à l’Institut français, Moustapha Samb abonde en ce sens : « Sept salles, cela donne envie de faire plein de choses : éducation à l’image, animations, rencontres, événements… » Après avoir accusé du retard pour cause de pandémie, l’ouverture du multiplexe – encore en travaux – est désormais annoncée entre novembre et décembre 2021. « Tout le matériel est déjà sur place, à l’exception des écrans », précise son directeur d’exploitation.
Pour compléter le tableau, un espace attenant au cinéma a été concédé à deux restaurants : l’un adaptera des plats africains et sénégalais à la culture bio ; l’autre s’efforcera de recréer, au cœur de Dakar, une brasserie à la française. Un manège pour enfants doit aussi être aménagé dans un lieu commun avec Auchan.
Une fois entré en service, le cinéma devrait recruter une soixantaine de collaborateurs, dont 50 à plein temps, et générer une dizaine d’emplois indirects. Et, Frédéric Godfroid l’assure, la totalité des employés seront sénégalais.