Les dirigeants ouest-africains ont trouvé un compromis pour relancer la monnaie unique de la Cedeao, censée entrer en vigueur dès 2027. Décryptage.
La monnaie commune de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) se fixe un nouvel horizon. Lors du dernier sommet de l’institution régionale à Accra fin juin 2021, le comité ministériel présidé par le ministre ghanéen des Finances, Ken Ofori-Atta, a avalisé une nouvelle feuille de route pour le lancement de l’eco, appellation choisie pour la future monnaie unique, désormais prévue pour 2027.
En attendant cette perspective et alors que la Communauté reste mobilisée pour éviter les dérapages budgétaires liés à l’impact de la pandémie de Covid-19 sur les performances macroéconomiques des États, ceux-ci ont été dispensés pour cette année du respect des critères de convergence.
Interrogé par Jeune Afrique, un économiste ouest-africain bien informé des discussions souligne « l’effort accompli pour rapprocher les positions des protagonistes », en l’occurrence les anglophones d’un côté et les membres de la zone franc de l’autre, et fournir « un cahier des charges détaillé pour la création de la monnaie unique ». Mais il craint que « les reports successifs, depuis 1987, ne nuisent à la crédibilité du projet ».
Quelle majorité pour décider ?
Ken Ofori-Atta paraît pourtant bien décidé à permettre à la monnaie unique de voir le jour. À Accra, il a exhorté les décideurs politiques à affiner les outils de gestion économique et à assurer la création de cette devise dans les nouveaux délais proposés.
Mais, si le projet de Pacte a bien fait l’objet d’intenses débats fin juin 2021, d’importants points restent encore à trancher. Aucun consensus ne s’est, par exemple, dégagé sur la notion de majorité pouvant valider les décisions. Quatre options étaient soumises à la décision du comité ministériel : la majorité simple de l’ensemble de la zone (soit huit États), celle des membres États constituée d’au moins 50 % des huit pays de l’Uemoa et de 50 % de ceux de la ZMAO (Gambie, Ghana, Guinée, Liberia, Nigeria et Sierra Leone), une majorité qualifiée de huit États avec une contribution moyenne au produit intérieur brut (PIB) régional d’au moins 71 % et, enfin, une majorité qualifiée de huit États pesant au moins 51 % du PIB.
Selon le rapport du comité technique, consulté par JA, ce point fera l’objet d’un acte additionnel et ne devrait pas empêcher que le projet soit soumis aux chefs d’État.
Une feuille de route technique à 18 millions de dollars
Autre point crucial : le régime de change. Si la question semblait tranchée – les pays de la Cedeao avaient acté depuis la précédente feuille de route 2015-2019 le principe d’un régime de change flexible pour leur monnaie commune –, la feuille de route révisée insiste sur le lien entre l’entrée en phase de stabilité et le lancement de la future monnaie.
Cette feuille de route, dont le coût de mise en œuvre est estimé à environ 18 millions de dollars (15,26 millions d’euros), comporte dix programmes prenant en compte l’ensemble des activités indispensables à la mise en service de la monnaie, dont le renforcement du mécanisme de surveillance au sein de la Cedeao, la création d’un fonds de solidarité et de stabilisation communautaire, ou encore l’harmonisation des statistiques de la balance des paiements.
La future banque centrale – dont le pays hôte doit encore être fixé – est censée débuter ses opérations en 2025.
L’intégration en question
Saluant « un travail technique appréciable », l’économiste togolais Kako Nubukpo note « des questions en suspens auxquelles nous avons essayé de répondre au cours des états généraux de Lomé », à commencer par la vision de l’intégration économique voulue.
« S’agira-t-il d’un fédéralisme ou d’une simple coordination des politiques économiques ? », se demande-t-il, précisant que « si le fédéralisme est choisi, il faudra assumer une grande solidarité budgétaire ». Et l’économiste de rappeler la forte hétérogénéité au sein des États de la Cedeao, « où le PIB annuel de la Gambie est l’équivalent de 23 heures de celui du Nigeria ».
LE NOUVEL ECO EN CINQ DATES
2021-2022 : détermination de la taille du capital de la Banque centrale d’Afrique de l’Ouest (BCAO), puis mise en commun des réserves.
Fin 2023 : signature de l’accord créant la BCAO et désignation du pays hôte du siège de l’institution.
Début 2025 : démarrage des activités de la BCAO.
2027 : lancement officiel de l’eco.