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Avignon 2021 : Brett Bailey et Maguy Marin dénoncent la violence entre les hommes

Emmanuelle Bouchez

Publié le 12/07/21

Samson, de Brett Bailey, forte émotion dans le gymnase Aubanel.

Samson, de Brett Bailey, forte émotion dans le gymnase Aubanel.

Christophe Raynaud de Lage

CHRONIQUE D’AVIGNON — Avec “Samson” et “Y aller voir de plus près”, le metteur en scène sud-africain et la chorégraphe française se sont attaqués au même sujet, avec des choix de mise en scène radicalement différents.

Domination d’un peuple par un autre, lutte pour les richesses, convoitises jamais assouvies, guerres entre frères ennemis : deux metteurs en scène traitent, avec des moyens à la fois communs et opposés, du cercle infernal de la violence entre les hommes. L’un, également plasticien – Brett Bailey – vient d’Afrique du Sud. L’autre, la chorégraphe française Maguy Marin, si elle révèle encore une fois ici combien elle est maîtresse des espaces, force au contraire ses quatre interprètes à l’immobilité. Qui sera le plus efficace dans sa dénonciation ?

Une transe qui fascine

Sur scène, dès le début, un récitant intronise le personnage en héros : un homme de petite taille palabre et le couronne d’une coiffe blanche tressée (les fameux cheveux dont il tire sa force). Le voyage de Samson, bientôt condamné à l’errance, sera long, dans l’histoire comme dans la représentation. Car le metteur en scène, fasciné par les rituels chamaniques, a convoqué pour l’incarner Elvis Sibeko, danseur contemporain, mais aussi sangoma, guérisseur visité par l’esprit d’un puissant chef.

Pour se « charger » de la puissance du vaincu en lutte contre l’oppresseur, celui-ci s’enfonce peu à peu dans un autre monde. Il s’est dépouillé de son costume occidental et tête baissée, avec des pas lourdement frappés au sol, il tourne et virevolte. S’en va loin, jusqu’à finir par poursuivre avec rage ceux qui dansaient et chantaient autour de lui. Le jour de la première, Elvis Sibeko eut beaucoup de mal à revenir de sa transe. Rappelé à lui par les officiants à force de soins. Voilà peut-être ce qui rend bancal le projet de Brett Bailey : cette transe, et la danse qu’elle génère, prend toute la place, fascine et happe…

Et l’histoire de Samson ? On s’en moque un peu, à la fin. Pourtant, quand l’une des choristes s’empare du rôle de Dalila en chantant le grand air de l’opéra de Saint-Saëns (Mon cœur s’ouvre à ta voix, 1877), face à Samson revenu à lui, le moment est intense. Cette interprétation dégage une forte émotion dans ce gymnase Aubanel où le public retient soudain son souffle.

Y aller voir de plus près, de Maguy Marin sur la toute petite scène du Théâtre Benoît XII.

Y aller voir de plus près, de Maguy Marin sur la toute petite scène du Théâtre Benoît XII.

Christophe RAYNAUD DE LAGE

Maguy Marin sur la toute petite scène du Théâtre Benoît XII a organisé au contraire son affaire comme une conférence à la fois concise, sérieuse et ludique. Les amateurs de danse peuvent pleurer ! Ce n’est plus le mouvement qui l’anime ici : elle a choisi un autre mode d’expression pour nous faire réfléchir sur le danger qui menace nos démocraties.

Vidéos et humour

Sa remontée jusqu’aux guerres à fois coloniales et civiles des Grecs anciens, qu’elle compare aux conflits occidentaux des deux siècles derniers, est brillante. D’une matière aride – la guerre du Péloponèse décrite par l’historien grec Thucydide –, elle tire une perspective pour éclairer notre présent. La scène est peuplée d’écrans comme de traces de fouilles (casques, javelots, terre et cailloux). Quand les quatre interprètes ont retiré leurs masques de tragédie grecque, ils commencent, en tee-shirt, leur lecture du livre consacré à Corcyre (Corfou) où la guerre contre Corinthe sur fonds de rivalité entre Sparte et Athènes finit en guerre civile atroce.

À coups de cartes géographiques et de champs de bataille miniatures filmés en vidéo et démultipiliés sur scène, l’analyse politique de Thucydide devient très concrète. Il faut certes une grande concentration au spectateur, mais Maguy Marin, en experte des images, a su développer de fines stratégies – dont celle de l’humour – pour « y aller voir de plus près » et réaffirmer au plus grand nombre que, depuis la nuit des temps, le populisme peut se nourrir de toutes les crises…

Côte d'Ivoire: une rencontre Gbagbo-Bédié en vue d'une alliance entre EDS et le PDCI

Photomontage représentant les deux anciens présidents ivoiriens Henri Konan Bedié (G) et Laurent Gbagbo ( D).
Photomontage représentant les deux anciens présidents ivoiriens Henri Konan Bedié (G) et Laurent Gbagbo ( D). SIA KAMBOU / AFP/ Peter Dejong/REUTERS

Trois semaines après son retour en Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, rencontre ce samedi 10 juillet Henri Konan Bédié, dans sa résidence de Daoukro. Les deux leaders de l’opposition ivoirienne et anciens présidents de la République entendent donner un nouvel élan au processus de réconciliation nationale, alors que leurs partis respectifs se sont combattus pendant la crise de 2010-2011. Mais plus qu’une simple rencontre de sympathie, cette visite, pourrait poser les bases d’une alliance consolidée entre Ensemble pour la Démocratie et la Souveraineté (EDS) et le PDCI, en vue des prochaines élections locales, en 2023, et de la présidentielle de 2025.

Les deux Éléphants de la politique ivoirienne s’étaient rencontrés à Bruxelles, en juillet 2019, peu de temps après l’acquittement de Laurent Gbagbo. Mais à l’époque, ce dernier était en liberté conditionnelle, et n’était pas autorisé à s’exprimer publiquement sur des sujets de politiques nationales. Dans ces conditions, la rencontre avait eu lieu dans une relative discrétion, rapporte notre correspondant à Abidjan, François Hume-Ferkatadji.

Cette fois, c’est en terre ivoirienne, dans la région natale d’Henri Konan Bédié, sous les objectifs des photographes et des caméras, que les deux hommes, autrefois adversaires, vont se rencontrer dans le but affiché de faire avancer le processus de réconciliation nationale. Une visite de deux jours, à Daoukro d’abord, où Laurent Gbagbo sera reçu par son hôte lors d’une cérémonie traditionnelle d’« échanges de nouvelles », donnée en l’honneur de l’ancien détenu de La Haye. Puis à Bédiékro, le lendemain. C’est ainsi qu’a été renommé l’ancien campement d’Henri Konan Bédié, un village situé à 25 km de Daoukro. Au milieu des champs d’hévéa, les édiles de la plateforme électorale du FPI-pro Gbagbo, EDS et du PDCI vont s’adonner à une séance de travail, afin de consolider l’accord de collaboration qui lie les deux mouvements.

Une alliance probable

Car si les deux hommes se retrouvent avec emphase sous la bannière de la réconciliation nationale, il est avant tout question de politique et d’une alliance probable en vue de contrer l’hégémonie du parti présidentiel, le RHDP, emmené par Alassane Ouattarra. « C’est une manière pour l’opposition de marcher en rang uni », commente l’analyste Sylvain N’Guessan, « et de peser un peu plus pour avoir un mot à dire sur la gouvernance d'Alassane Ouattara », ajoute-t-il.

Les deux partis, pourtant idéologiquement opposés, entendent à terme faire tomber le président actuel, dans un jeu d’alliance désormais traditionnel de la vie politique ivoirienne.  « Il n’y a pas de rapprochement contre-nature », insiste-t-on au PDCI, comme chez EDS.

Un rapprochement commencé il y a deux ans

Pour les fidèles de Laurent Gbagbo, cette rencontre sera l'occasion de « retrouvailles fraternelles entre les deux leaders » et une nouvelle étape du « projet commun de réconciliation nationale » entre EDS et le PDCI. Mais pour Fahiraman Rodrigue Koné, de l'Institut des études de sécurité (ISS), « la réconciliation est une rhétorique convenue, l'objet est bien de constituer un front anti-Ouattara ». 

Le rapprochement a débuté il y a déjà deux ans, quand le 29 juillet 2019, Henri Konan Bedié a rendu visite à Laurent Gbagbo à Bruxelles. Fâché avec Alassane Ouattara, refusant de voir son parti phagocyté par le nouveau RHDP, le successeur de Félix Houphouët-Boigny se tourne vers son ancien ennemi.

►À lire aussi : Laurent Gbagbo à propos de la CPI: «Il fallait écarter un homme gênant»

Le 30 avril 2020, un « accord cadre de collaboration »  est conclu avec le PDCI, puis Henri Konan Bédié, comme les autres opposants, boycotte la présidentielle du 31 octobre pour dénoncer le troisième mandat présidentiel. Dans la foulée, le PDCI et la EDS nouent une alliance en vue des législatives de mars dernier. Une alliance qui a permis d'envoyer plus de 80 députés à l'Assemblée. Une formule qui pourrait ainsi être renouvelée lors des élections locales de 2023.

Alassane Ouatara, le président ivoirien, ne s’est pas prononcé sur cette visite et aucune rencontre avec Laurent Gbagbo ou Henri Konan Bédié n’est prévue, à ce jour.

Mali : l’abbé Léon, enlevé dans la région de Mopti, toujours retenu en otage

Mgr Jean-Baptiste Tiama, évêque de Mopti, en novembre 2020.
Mgr Jean-Baptiste Tiama, évêque de Mopti, en novembre 2020. AFP - MICHELE CATTANI

Au Mali, on est toujours sans nouvelles de l’abbé Léon Dougnon, kidnappé le 21 juin dans la région de Mopti. Lui et quatre autres chrétiens avaient été enlevés alors qu’ils étaient sur la route, près de Bandiagara. Après une médiation entre des notables communautaires de la zone et les ravisseurs, les quatre fidèles qui l’accompagnaient avaient été rapidement libérés, mais pas l’abbé Léon.

Les ravisseurs avaient promis que l’abbé Léon serait lui aussi libéré et expliqué aux médiateurs communautaires qu’ils voulaient juste prendre le temps de réparer sa voiture, tombée en panne au cours de l’enlèvement. Panne qui avait d’ailleurs accéléré la libération des quatre autres chrétiens enlevés avec lui et devenus intransportables. Mais depuis une dizaine de jours, plus de nouvelles.

« La situation commence à inquiéter », explique-t-on au gouvernorat de Mopti, « on ne sait pas ce qui se passe, on se demande s’ils ne se sont pas ravisés. »

L’enlèvement n’avait pas été revendiqué et les ravisseurs n’ont pas souhaité dire clairement à quel groupe ils appartenaient, mais des sources locales désignent la Katiba Macina, affiliée au Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM) lié à Aqmi, et notoirement active dans la zone.

Une vidéo de deux autres otages maliens

Le GSIM a diffusé en début de semaine une vidéo montrant deux autres otages maliens, le sous-préfet de Farako, Ali Cissé, et le préfet de Gourma-Rharous, Drissa Sanogo. Des négociations devraient bientôt être ouvertes pour leur libération, selon leurs proches, mobilisés et en lien avec les autorités maliennes. Mais de l’abbé Léon, il n’en a à aucun moment été question.

Dans son entourage, on promet de ne pas baisser les bras pour obtenir sa libération. La communauté chrétienne de la région de Mopti est également mobilisée, une prière a même été composée spécialement pour l’abbé Léon, et pour tous les otages du Mali.

 

Tchad-France : ce que Emmanuel Macron et Mahamat Idriss Déby se sont dit 

| Par Jeune Afrique
Emmanuel Macron et Mahamat Idriss Déby le 5 juillet à l’Elysée.
Emmanuel Macron et Mahamat Idriss Déby le 5 juillet à l'Elysée. © Twitter Mahamat Idriss Deby Itno

 

Le président français a reçu son homologue tchadien le 5 juillet à l’Élysée. Transition et élections, dispositif militaire, problèmes financiers… Les deux hommes ont abordé plusieurs dossiers importants.

Emmanuel Macron et Mahamat Idriss Déby se sont entretenus durant une heure en tête-à-tête. Ils ont évoqué la transition tchadienne, notamment la formation du Conseil national de transition (CNT) et l’organisation du dialogue national inclusif.

Le président français en a profité pour redire son attachement aux principes affichés par l’Union africaine (UA), notamment la durée de la transition fixée à 18 mois et l’impossibilité pour les membres du Conseil militaire de transition (CMT), dirigé par le fils du défunt Idriss Déby Itno, âgé de 37 ans, de se présenter à la prochaine élection présidentielle.

Réorganisation de la présence française

Emmanuel Macron et son hôte ont aussi évoqué le prochain sommet des chefs d’État du G5 Sahel, qui se tiendra le 9 juillet par visioconférence. Le président français y participera, afin de présenter la réorganisation du dispositif militaire français dans la région. Durant leur entretien, il en a présenté les grandes lignes à Mahamat Idriss Déby. Selon nos informations, le centre de gravité de ce futur dispositif sera déplacé de N’Djamena à Niamey, afin de se rapprocher de la zone des Trois frontières. Une base aérienne et des militaires resteront toutefois dans la capitale tchadienne.

La présence française sera également réduite dans le nord du Mali, où des bases devraient fermer. Ces changements ont été plutôt bien accueillis par le président de la transition, qui a par ailleurs confirmé le maintien du bataillon tchadien de la force conjointe du G5 Sahel à Téra, au Niger.

« Provocation russe »

Toujours sur le plan sécuritaire, Mahamat Idriss Déby est revenu sur la récente incursion de militaires centrafricains en territoire tchadien. Selon lui, il s’agirait d’une « provocation russe ». Il a également alerté Macron sur la situation fragile au Soudan et montré sa préoccupation face à la menace que font peser les miliciens tchadiens et soudanais pro-Haftar présents en Libye. Enfin, les deux hommes ont abordé la situation financière préoccupante de N’Djamena, qui pourrait poser problème à court terme. D’où le déblocage d’une aide financière annoncé par Paris.

Durant son séjour en France, Mahamat Idriss Déby était accompagné de ses ministres Chérif Mahamat Zene (Affaires étrangères), Tahir Hamid Nguilin (Finances), Daoud Yaya Brahim (Défense) et du patron de l’Agence nationale de sécurité (les renseignements tchadiens), Ahmed Kogri. Son demi-frère et directeur de cabinet adjoint, Abdelkerim Idriss Déby, était également présent. Accompagné de ce dernier et de Chérif Mahamat Zene, le nouveau président tchadien s’est par ailleurs entretenu avec le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, dans la soirée du 6 juillet.