Histoire

Au Mali, la réhabilitation de Modibo Keita (7&8)

 

Le président de la Mauritanie Moktar ould Daddah (à g.), accueilli par Modibo Keita (à d.) président du Mali pendant sa visite officielle pour le traité de Kayes, le 16 février 1963. © AFP

Guinée, mardi 19 novembre 1968. Il est 7 heures du matin, l’heure des informations à la radio nationale. Pourtant, à la place du bulletin traditionnel, le média d’Etat diffuse de la musique. Des chansons du vieux griot Banzoumana Sissoko qui évoquent l’époque du Grand Mali, des grands Empires. Le changement de programme suscite la curiosité des habitants de la capital Conakry. Que se passe-t-il donc ? Peut-on craindre un coup de force ? Où se trouve le président Modibo Keïta ?

Amadou Mahtar Mbow, premier Africain directeur de l’Unesco (Épisode 2: La légende Mbow)

Amadou
 
Amadou Mahtar Mbow, directeur de l'UNESCO, de 1974 à 1987. © SEYLLOU/AFP PHOTO

 

Au son des archives de RFI, nous racontons le siècle d'Amadou Mahtar Mbow, né en 1921 à Dakar. Après avoir évoqué son enfance coloniale, sa formation à l’École coranique et française, sa passion familiale pour l'histoire de l'Afrique et ses grands résistants, sa vocation pour l’enseignement et sa vision philosophique de la libération des Africains.

 

Nous retraçons l’engagement d'Amadou Mahtar Mbow pour la décolonisation, pour l’éducation de base, pour l’Unesco et sa vision avant-gardiste de la restitution des biens culturels et des œuvres d’art.

Avec Lamine Sagna, sociologue et auteur du livre « Amadou Mahtar Mbow, une légende à raconter », aux éditions Karan et la participation des chercheurs de Columbia University ; Souleymane Bachir Diagne, philosophe et Mamadou Diouf, historien des idées.

Mali: Modibo Keïta en quête de l’unité africaine (5&6)

 
 modibo
 
 
Le président de la Mauritanie Moktar Ould Daddah (à gauche) accueillli par Modibo Keita (à droite) présiden du Mali pendant sa visite officielle pour le traité de Kayes, le 16 février 1963

Modibo Keïta ne peut se résoudre à l’éclatement de la Fédération du Mali. Comment a-t-on pu mettre fin à une union, un regroupement qui devait servir de socle, de base à la construction de l’unité africaine ? Alors que le Sénégal de Léopold Sedar Senghor tourne vite la page, Modibo Keïta fait les yeux doux à la Côte d'Ivoire d'Houphouët-Boigny et forme l'Union des États ouest-africains avec le Guinéen Sékou Touré et Kwamé Nkrumah du Ghana.

Algérie : les révélations glaçantes d’un ancien membre de l’OAS

Mis à jour le 7 novembre 2021 à 11:06


Graffiti de l’OAS en novembre 1961, à Alger. © Marc Garanger/Aurimages via AFP


Dans « Commando Delta – Confessions d’un soldat de l’OAS », un ancien membre de l’Organisation de l’armée secrète raconte de l’intérieur plusieurs opérations menées par le groupuscule, qui a principalement sévi au début des années 1960, avant d’être dissous quelques années plus tard.

L’auteur, de son pseudo Edmond Fraysse, né en 1939 à Fès, affirme « avoir fréquenté les mêmes écoles que les Arabes », et se dit « au fait de toutes leurs traditions ». Chez ce soldat zélé, la fibre nationaliste, qui remonte au temps de Louis-Philippe, en 1848, lorsque ses ancêtres ont été envoyés en Algérie, l’emporte sur toute considération morale.

Aucun remord

Convaincu des bienfaits de la colonisation et de la nécessité absolue de maintenir l’Algérie sous domination française, Fraysse rejoint les rangs de l’OAS à 21 ans, après avoir effectué ses classes dans le 18e régiment des chasseurs parachutistes. Aujourd’hui, à 82 ans, il a décidé de prendre la plume pour s’adonner à un exercice de mémoire, et tente de réhabiliter le rôle de l’organisation classée à l’extrême droite. Pour le lecteur, l’immersion est plutôt réussie.

Le récit des assassinats avec force détails morbides ne laisse transparaitre aucun remord. « Cette aventure reste pour moi une grande fierté », clame l’auteur. Qui ne semble pas considérer certains de ses actes, dont le meurtre d’un témoin, comme du terrorisme caractérisé.

L’OAS est fondée le 11 février 1961 par une poignée de généraux, capitaines et colonels. Celui qu’ils adulaient autrefois, le général de Gaulle, représente désormais pour eux un traître à la patrie qui aurait renié tous ses engagements sur l’Algérie.

Après s’être fait repérer à la suite d’attentats et d’actions violentes, Edmond Fraysse intègre le commando Delta, qu’il définit comme le « bras armé de l’élimination extra-judiciaire d’individus qui semaient la terreur parmi les Européens d’Algérie ». À l’époque, une guerre clandestine féroce oppose le Front de libération nationale (FLN) aux partisans de l’Algérie française, qui voit les assassinats ciblés succéder aux attentats.

Les multiples références à un islam par nature belliqueux, supposément lancé à la conquête de l’Occident, font écho aux multiples saillies contemporaines du noyau dur de la droite française à l’encontre de la communauté musulmane de France. En exclusivité, JA publie des extraits de Commando Delta (éditions Nouveau Monde) qui permettent de comprendre ce qui a poussé plusieurs de ces individus à basculer dans la clandestinité et le terrorisme.

Les raisons d’un engagement

« Peu à peu, nous nous sommes rendus à l’évidence : les autorités françaises semblaient incapables de détecter les préparatifs de tous les attentats terroristes. Pour moi, cela a été le premier déclic. L’aveuglement ou l’impuissance de nos services secrets n’a fait que renforcer le sentiment de peur et d’insécurité qui s’est répandu dans les rangs de la population européenne. Et cette peur est devenue le terreau fertile des tueurs du FLN, parfaitement conscients du fait que leurs actions sapaient durablement le moral de cette population. […]

« La consternation a peu à peu cédé la place à l’indignation, puis à la colère. Choquée et déstabilisée par l’impuissance des pouvoirs publics à prendre la mesure de cette guerre et à assurer sa sécurité, une frange importante de l’opinion publique s’est radicalisée. Pourquoi la métropole ne se décidait pas à mettre en œuvre tous les moyens matériels et humains pour faire face au terrorisme ? […]

SUR FOND DE DÉFIANCE GALOPANTE VIS-À-VIS DE PARIS, LA RÉSISTANCE POPULAIRE EST DEVENUE À NOS YEUX UN DROIT, ET MÊME UN DEVOIR

« Certains de nos frères d’armes, généraux et colonels, appréhendaient déjà des lendemains difficiles. Véritables visionnaires, ils avaient compris que l’insouciance, l’angélisme, la tolérance et les alliances politiques, parfois surprenantes, qui se nouaient à Paris risquaient de coûter cher à la métropole. […]

« Pour moi, l’attitude des autorités a clairement contraint la société civile à envisager de prendre son destin en main. Cette incapacité du gouvernement à décider de mesures d’urgence contre le terrorisme a servi de déclic, alors que plusieurs indices laissaient entrevoir une nouvelle flambée de violence. […] La raison pour laquelle nous avons basculé, moi et tant d’autres, se situe dans cette défaillance de la République que nous avons prise pour de la lâcheté. […]

« Sur fond de défiance galopante vis-à-vis de Paris, la résistance populaire est devenue à nos yeux un droit, et même un devoir. Cela ne relevait-il pas de la légitime défense ? […] Il devenait de plus en plus légitime de prendre en main notre destin, en l’occurrence en s’octroyant cette fonction régalienne que représente la protection. »

Assassinat ciblé

« Un important responsable du FLN, connu comme efficace collecteur de fonds, séjourne régulièrement à Constantine. […] Prénommé Abdel, celui qui devient vite notre première cible commune est un homme de 1,70 m environ, rondelet, qui porte une calotte sur le crâne. Il possède un commerce alimentaire dans une petite ruelle donnant sur la rue Caraman.

« Le jour J, vêtu en civil, deux cagoules à portée de main, je glisse mon arme entre la ceinture et le pantalon, rabats par-dessus mon polo et ferme mon blouson en cuir. […] Tandis que nous garons le véhicule dans une petite rue, je me passe en boucle le film des gestes à accomplir. Cagoule ajustée, je pénètre le premier dans le magasin. Je dégrafe mon blouson et m’empare de mon arme. L’individu se retourne, réalise le danger imminent, mais il est déjà trop tard. La première balle l’atteint à la tempe, provoquant sur son visage d’horribles grimaces…

Jusque-là, tout est conforme à mes prévisions, sauf qu’il n’est pas seul. Un homme, médusé par la vue du sang, tétanisé, tente de se mettre à l’abri. En une fraction de seconde, ma raison me convainc que je dois fumer également ce témoin gênant, qui pourrait s’avérer source de graves ennuis dans le cadre d’investigations policières futures.

« Sans me poser davantage de questions, ni perdre un temps précieux, et avant qu’il ne m’échappe, je me précipite sur lui et lui loge une balle en plein front. Ses yeux exorbités me fixent étrangement, tandis que sa tête semble se tasser sur ses épaules. Il titube, ses jambes fléchissent, avant qu’il ne s’écroule comme une masse dans un violent soubresaut. […] Inutile en effet d’envisager le coup de grâce, un simple coup d’œil permet de confirmer que les deux hommes ont été “rectifiés” du premier coup. »

Edmond Fraysse, Commando Delta, Confessions d’un soldat de l’OAS, Éditions Nouveau monde, 240 pages, 17,90 €

Wouter de Vriendt, député belge: «On veut vraiment confronter le passé colonial de la Belgique»

 palais
 
Le Parlement fédéral de Bruxelles. © Wikipédia

La semaine dernière, le Parlement fédéral de Bruxelles a reçu de la part d’un groupe de dix experts un rapport accablant sur la colonisation belge au Congo, au Rwanda et au Burundi. Quelle suite les députés belges vont-ils donner à ce rapport ? Sont-ils prêts à envisager une réparation financière pour les trois pays touchés ? Le député écologiste Wouter de Vriendt, président de la Commission parlementaire spéciale sur le passé colonial, est l'invité de RFI. 

Pour les experts qui viennent de vous faire rapport, il faut reconnaître la colonisation comme un « crime ». Qu’est-ce que vous en pensez ?

Wouter de Vriendt : Je crois qu’il n’y a pas de doute là-dessus. Quand on voit les atrocités, la brutalité, la violence, le nombre de victimes, c’est clair que c’est vraiment une honte pour la Belgique. Et jusqu’à maintenant, on voit que les discours politiques étaient très ambigus.

Vous dites qu’il y a des choses qu’on ne sait pas encore. Quelles sont les zones d’ombre sur le passé colonial ?

Le rôle des grandes entreprises. Ce qu’on sait, c’est que le roi Léopold II a eu l’aide et le soutien des grandes entreprises belges pour investir et pour l’aider au Congo, mais c’est très difficile de regarder dans les archives des grandes entreprises et de vraiment connaître leur rôle dans le système colonial

On sait que l’Église [catholique] était aussi un partenaire du roi Léopold II

Donc, le pillage économique du Congo par la Belgique n’est pas encore connu dans toute son ampleur ?

Exactement. Et donc, le rapport décrit aussi qu’il faut encore étudier le rôle de l’église, parce qu’on sait que l’Église [catholique] était aussi un partenaire du roi Léopold II. Là, il s’agit des archives de l’église, mais ce n’est pas facile d’avoir accès à ces archives.

Et en quoi justement, ces archives de l’Église catholique peuvent être intéressantes pour vous ?

Il faut vraiment savoir quel était le rôle des missionnaires de l’église au Congo. Par exemple, il y a la question des métis en Belgique, donc les enfants d’un père belge et d’une mère congolaise, qui ont été séparés de leurs parents, de leur famille et de leur mère surtout. Ces enfants étaient placés dans les mains des missionnaires au Congo, mais il y a beaucoup de questions qui se posent sur le traitement de ces enfants, on ne sait pas encore, et c’est à la commission parlementaire d’organiser des auditions pour mieux connaître vraiment tous les détails de cette histoire.

Juridiquement, il s’agit d’un vol. Donc, les œuvres d’art qui ont été volées doivent être restituées

Alors côté réparation, puisque le rapport des experts en parle, que peut faire la Belgique, à votre avis, à l’égard des quelque 120 000 œuvres d’art d’origine africaine que possède par exemple le musée royal de Tervueren, l'AfricaMuseum ?

Le rapport recommande fortement que la restitution soit mieux encadrée. Juridiquement, il s’agit d’un vol. Donc, les œuvres d’art qui ont été volées doivent être restituées, doivent retourner [au Congo], c’est la recommandation qui se trouve dans le rapport des experts.

Mais, peut-être que le conservateur du musée de Tervueren ou d’Anvers n’a pas du tout envie de restituer ces œuvres au Congo et peut-être qu’il va pouvoir gagner du temps en jouant sur les conflits de compétence en Belgique entre l’État fédéral et les nombreuses entités fédérées ?

Je dois vous dire que, même à Tervueren, ils ont déjà commencé à réfléchir sur le sujet et il y a déjà eu une restitution limitée d’œuvres d’art au Congo. Je suis sûr qu’il y a une volonté d’avancer sur le sujet.

Vous connaissez cette phrase du président Félix Tshisekedi [prononcée le 24 novembre 2019 dans son discours de remerciement à la Belgique pour la conservation du patrimoine] : « Il faudra bien que le patrimoine congolais revienne au Congo […] Mais une chose est de demander son retour, une autre est de conserver ce patrimoine »…

Conserver le patrimoine, c’était l’argument [des Belges], juste après l’indépendance du Congo, pour ne pas retourner les œuvres d’art et les biens qui avaient été volés. Donc, il faut quand même faire attention à ne pas abuser de cet argument-là. À Kinshasa par exemple, il y a un musée national respectant les bonnes conditions.

Parmi les dix experts qui viennent de vous faire rapport, deux préconisent des « réparations financières ». Qu’en pensez-vous ?

Je ne vais pas m’exprimer là-dessus, parce que je parle en étant président de la commission. Donc, c’est à mes collègues, c’est à la commission parlementaire de prendre des décisions. Mais il est clair que c’est une question qui se pose, qui se pose aussi à l’étranger. Il y a des pays qui ont déjà payé des réparations par rapport à leur passé colonial. On va sans doute débattre là-dessus dans la commission parlementaire.

À quels pays pensez-vous ?

Il y a le Canada par exemple, il y a l’Australie où se pose la question, il y a aussi l’Allemagne envers la Namibie. Mais la Belgique, c’est vraiment le premier pays dans le monde qui se lance dans un tel exercice avec cette ampleur parce qu’on veut vraiment confronter notre passé colonial dans son entier. Ce n’est pas limité à des incidents particuliers. Non, c’est vraiment le passé colonial de la Belgique au Congo, au Rwanda et au Burundi. Donc, c’est un travail très ambitieux, en fait.

Et pour Laure Uwase, de votre comité d’experts, il faut « envisager le paiement d’une dette coloniale pécuniaire face à cette responsabilité morale de la Belgique »…

Oui, cela est une question très sensible évidemment. Et là-dessus, on sait déjà que les opinions politiques divergent. Et ce sera aux politiques, ce sera à la commission parlementaire de formuler des recommandations là-dessus pour enfin aboutir à des conclusions et à des recommandations.

►À lire aussi : Belgique: les experts rendent un rapport accablant sur le passé colonial du pays