Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Burkina Faso : après l’attaque d’Inata, une armée en plein doute 

Par  - envoyé spécial à Ouagadougou
Mis à jour le 18 novembre 2021 à 15:00

 

Cérémonie militaire à Ouagadougou, en mars 2019 © ISSOUF SANOGO/AFP

Face à la multiplication des assauts jihadistes, les militaires burkinabè se sentent vulnérables et ne cachent plus leur mécontentement. À tel point que certains s’inquiètent de rumeurs de coup d’État.

Jamais l’armée burkinabè n’avait subi un tel revers, une telle humiliation. Bien pire que les traumatismes infligés à Nassoumbou, en 2016, ou à Koutougou, en 2019. Dimanche 14 novembre, à l’aube, le détachement militaire d’Inata, dans la province du Soum, a été pris d’assaut par un groupe jihadiste. L’attaque s’est déroulée comme de nombreuses autres auparavant : des dizaines d’hommes armés ont surgi à moto et à pick-up, ont encerclé leurs cibles, les ont frappées sans pitié, puis se sont évanouis dans le désert. Bilan : au moins 49 gendarmes et 4 civils tués.

Une saignée de plus pour une armée qui n’en finit plus de compter ses morts. En six ans, près de 500 membres des forces de défense et de sécurité ont été tués dans des attaques similaires. Après une période de relative accalmie lors des dernières élections, en novembre 2020, qui ont abouti à la reconduction du régime de Roch Marc Christian Kaboré pour un quinquennat, l’infernale spirale sécuritaire a repris son cycle au Burkina Faso.

Dans la Tapoa, l’Oudalan, le Soum… Depuis fin octobre, pas une semaine ou presque ne passe sans qu’une attaque ne soit rapportée. Après le Nord et l’Est, où de larges pans du territoire échappent au contrôle de l’État, c’est désormais au tour du Sud-Ouest d’être rongé par l’insécurité. Un sujet de préoccupation majeur pour les autorités, tant cette région frontalière de la Côte d’Ivoire, par laquelle passe la grande majorité des importations, est vitale pour le pays.

LES MILITAIRES MANQUENT D’OUTILS POUR PRÉVENIR LES EMBUSCADES OU LES ATTAQUES SURPRISES

« Besoin urgent de ravitaillement »

Dans ce contexte morose, où seuls Ouagadougou et le Plateau central sont encore relativement préservés, le moral des troupes est en berne. Sous couvert de l’anonymat, les militaires déplorent l’âpreté de leurs conditions de vie et de travail quand ils sont envoyés en mission au Nord ou à l’Est. Il y a d’abord les problèmes d’équipement, à commencer par l’absence de moyens de communication fiables. Avec de simples téléphones dans des zones non couvertes par le réseau, difficile de ne pas se sentir isolé ou d’obtenir rapidement des renforts en cas de besoin. Les militaires manquent aussi d’outils pour prévenir les embuscades ou les attaques surprises, comme des moyens de vision nocturne ou des capacités de lutte contre les IED (engins explosifs improvisés).

Tous pointent également les problèmes de ravitaillement, en carburant mais surtout en vivres et en eau. Une des questions essentielles, quand un soldat part en mission, est ainsi de savoir s’il y aura un forage sur place ou non.

Après l’attaque d’Inata, la fuite d’un télex a fait polémique sur les réseaux sociaux. Authentifié par l’une de nos sources, il émane du chef du détachement qui, deux jours avant l’attaque, y signalait un « besoin urgent de ravitaillement en vivres » car ses troupes étaient en « rupture totale de provisions » et s’alimentaient depuis deux semaines « grâce à l’abattage d’animaux autour de la caserne ».

Une situation aberrante, mais qui ne surprend pas tant que ça. « Il y a des centaines de millions de francs CFA qui sont donnés pour nourrir la troupe. Mais des gradés font des retenues et, en bout de chaîne, il ne reste parfois plus rien dans les gamelles. Évidemment, cela alimente la grogne », déplore un proche du président Kaboré. Le 17 octobre, à la sortie du conseil des ministres, le chef de l’État a personnellement reconnu des « dysfonctionnements » à Inata et dénoncé une situation « inacceptable », promettant une enquête et des sanctions – le commandant du groupement des forces du secteur Nord et celui de la première région de gendarmerie ayant déjà été relevés de leurs fonctions.

Rumeurs de coups d’État

Selon un officier, de nombreux soldats se sentent aujourd’hui totalement abandonnés, voire méprisés, par leur hiérarchie. « Le sentiment général parmi la troupe est que les chefs, tant militaires que politiques, n’en ont rien à faire de leurs vies », assure-t-il. Chez beaucoup, le manque de motivation au combat est criant. Pas envie de servir de chair à canon. Entre des soldats qui refusent de risquer leur peau et des chefs qui ne se rendent que rarement sur le terrain, l’incompréhension est grandissante. « Pourquoi irait-on se faire tuer alors qu’ils restent planqués à Ouagadougou ? », s’indigne-t-on dans les régiments envoyés au front.

« Ils se sont engagés pour être soldats, pas pour être maçon ou boulanger. Ils connaissaient les risques du métier. Le vrai problème, c’est le manque de courage et de combativité de certains face à un ennemi qui n’est pas mieux armé qu’eux. Au premier coup de feu, ils détalent sans demander leur reste ! », critique un haut responsable du régime.

NOUS SOMMES CONSCIENTS DES VOCATIONS QUE POURRAIENT SUSCITER LES COLONELS GOÏTA ET DOUMBOUYA

Pour plusieurs militaires, c’est plutôt l’indécision de leur hiérarchie, ainsi que celle des autorités politiques, qui est à blâmer. « À force de tergiverser ou d’être trop prudent, les groupes terroristes en ont profité pour s’implanter », critique un officier. D’autres dénoncent la stratégie de multiplication des détachements, avec pour objectif de couvrir la totalité du pays. « Résultat, nous nous sommes retrouvés avec des petits postes un peu partout, facilement attaquables, dans lesquels nos hommes ont peur d’être déployés », poursuit ce gradé.

La situation en est arrivée à un tel pourrissement que les rumeurs de coups d’État se font de plus en plus pressantes à Ouaga, où les récentes prises de pouvoir par des militaires à Bamako et Conakry n’ont échappé à personne. « Il y a un vrai risque », s’inquiète une source occidentale qui suit la région. « Il y a dans l’armée de jeunes officiers brillants qui voient la situation se dégrader, qui ont envie de défendre leur pays et qui ne comprennent plus les atermoiements de leurs supérieurs », poursuit un bon connaisseur de l’armée burkinabè.

À Kosyam, comme dans les autres centres du pouvoir, tous reçoivent les mêmes échos. « Nous sommes au courant de ces rumeurs et conscients des vocations que pourraient susciter les colonels Goïta et Doumbouya, confie un proche collaborateur de Kaboré. Mais le cas du Burkina est différent de ceux du Mali et de la Guinée. Ces pays n’ont pas connu une insurrection populaire, une refondation démocratique ou encore un putsch manqué. Ici, la société civile est tellement mobilisée qu’il sera difficile pour des militaires de réussir un coup. »

Fracture générationnelle

Dans ce climat de méfiance, où l’on peut vite se retrouver suspecté d’être un putschiste en puissance, la fracture générationnelle au sein de la grande muette n’arrange pas les choses. Car entre les jeunes capitaines ou commandants et les colonels ou généraux plus âgés qui ont fait toute leur carrière sous Blaise Compaoré, c’est peu dire qu’une certaine défiance existe. Un épisode, notamment, l’a exacerbée.

En 2015, quand le général Gilbert Diendéré, bras droit de l’ancien président, tente un coup d’État contre les autorités de transition, la plupart des hauts gradés se rangent derrière lui – ou, à minima, ne font pas preuve d’une grande opposition. De leur côté, des jeunes officiers – que l’histoire retiendra plus tard comme les « boys » loyalistes – s’y opposent et prennent les armes pour mettre en échec les putschistes. Au bout d’une semaine, Diendéré plie et se rend, direction la Maison d’arrêt et de correction des armées (Maca).

« En 2015, cela arrangeait beaucoup de hauts gradés que le putsch réussisse. Ils n’ont jamais digéré que leurs cadets leur tiennent tête. Depuis, il y a une vraie cassure », assure un intime de Kaboré. Aux yeux des jeunes déployés sur le terrain, leurs aînés, toujours aux commandes de l’armée en raison du respect du principe d’ancienneté, seraient discrédités. « Ceux qui sont aujourd’hui colonels ou généraux, qu’ont-ils fait à part des défilés et des missions de l’ONU durant leur carrière ? » se moque un officier. « Ils sont âgés mais n’ont aucune expérience opérationnelle de crise comme celle que nous vivons en ce moment », ajoute un autre.

KABORÉ SE MÉFIE DE CERTAINS HAUTS GRADÉS ET LES CONSIDÈRE TOUJOURS COMME ACQUIS À COMPAORÉ

Depuis qu’il est arrivé au pouvoir, en 2015, Kaboré se méfie aussi de certains hauts gradés et les considère toujours comme acquis à Compaoré. Pourtant, le président sait qu’il n’a guère le choix : impossible de les mettre sur la touche tant que l’heure de la retraite n’a pas sonné. « Nous sommes obligés de faire avec. Et tant qu’ils sont là, nous ne pouvons malheureusement pas faire monter des jeunes plus compétents », déplore un proche du chef de l’État. Ce dernier a bien essayé de monter un plan de départ volontaire pour les pousser vers la sortie, en vain. Du coup, ce président civil, naturellement plus porté sur les questions économiques et sociales que militaires, fait comme il peut pour gérer. « Il échange par exemple directement avec certains jeunes officiers. Ce qui a tendance à agacer encore plus leurs supérieurs, qui n’apprécient pas d’être contournés de la sorte », confie un intime de Kaboré.

Pendant longtemps, le président a donné l’impression de tâtonner pour trouver la meilleure combinaison, avec plusieurs ministres de la Défense et chefs des armées nommés depuis 2016. Après le massacre d’au moins 160 civils à Solhan, le 5 juin, le régime a connu une zone de turbulences avec des protestations populaires à travers le pays. Kaboré avait alors promis des changements, lesquels se sont matérialisés entre septembre et octobre avec la nomination du général Gilbert Ouédraogo comme chef d’état-major général des armées et du général Barthélémy Simporé comme ministre de la Défense.

 

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Inauguration d’un monument a la mémoire de Thomas Sankara à Ouagadougou, le 2 mars 2019. © Sophie Garcia

 

Depuis, les autorités tentent de remobiliser les troupes. « Il n’y a pas que du négatif. Nous avons remporté des victoires contre les groupes terroristes. Il faut capitaliser dessus pour remotiver nos soldats », estime un officier. Le 1er novembre, à l’occasion du 61e anniversaire des forces armées burkinabè, le général Simporé a ainsi lancé un appel au « sursaut national » et plaidé pour une « offensive décisive en vue de reprendre le contrôle de tout le territoire national ». Pour l’instant sans succès.

Armée d’opérette

Il faut remonter à 2014 pour comprendre comment le Burkina Faso, longtemps considéré comme un îlot de stabilité au cœur d’un Sahel bouillonnant, en est arrivé là. Après la chute de Blaise Compaoré, au pouvoir pendant 27 ans, puis la dissolution de son ancienne garde prétorienne, l’ex-régiment de sécurité présidentielle (RSP), il a fallu réorganiser l’armée en profondeur. Le tout dans un contexte délicat, marqué par la multiplication des attaques jihadistes à partir de 2015. « Il a fallu très rapidement passer d’une armée d’opérette à une armée capable de mener une guerre asymétrique contre des groupes jihadistes », explique un proche du président. « Nous n’étions pas préparés au choc de la menace terroriste. Il a fallu l’encaisser puis s’adapter pour y faire face », poursuit un haut gradé.

LES AUTORITÉS VEULENT PROCÉDER AU RECRUTEMENT D’ENVIRON 3 000 SOLDATS SUPPLÉMENTAIRES

Dès le début du mandat de Kaboré, de gros efforts ont été faits pour augmenter le budget des forces de défense et de sécurité. Le montant alloué au ministère de la Défense est ainsi en constante augmentation depuis cinq ans : 95 milliards de francs CFA en 2016, 170 milliards en 2018, 222 milliards en 2020… « Cela nous a même plombé pour le reste », estime une figure du régime. Pour renforcer une armée qui compte environ 11 500 hommes, les autorités ont annoncé leur volonté de recruter environ 3 000 soldats supplémentaires, sans toutefois donner plus de précisions sur le calendrier. « C’est un défi important, car il faudra former, encadrer ou encore équiper ces recrues. Cela demande du temps et des moyens », explique une de nos sources militaires.

Si l’armée de l’air dispose de quelques hélicoptères d’attaque, de transport de troupe et d’avions de chasse, un des objectifs affichés est aussi de renforcer ces moyens aériens. « Cela nous permettra de réagir plus rapidement et de raccourcir nos délais d’intervention », justifie un haut gradé. Une unité de forces spéciales, placée sous le commandement du chef d’état-major général des armées, a aussi été créée, en juin. Quant à l’Agence nationale du renseignement (ANR), fondée en 2016 sur les cendres du système de renseignement du régime Compaoré, la plupart des acteurs burkinabè et étrangers s’accordent pour saluer sa montée en puissance.

 

Une stratégie « complètement revue »

En parallèle, le gouvernement a adopté, début octobre, une nouvelle politique de sécurité nationale. « Notre stratégie a été complètement revue », assure une figure de l’exécutif. Concrètement, que-ce que cela signifie ? « Jusqu’à présent, nous avons beaucoup privilégié l’approche militaire. Peut-être même trop, explique un ministre. L’idée est désormais d’adopter une approche plus globale. Il faut maintenir une action militaire pour maîtriser la violence, mais aussi développer d’autres types de réponses : humanitaire, politique, sociale… »

Selon un officier, consigne a aussi été passée de faire la distinction entre les différents acteurs du conflit. En clair, entre les chefs et jihadistes authentiques, qui se battent pour imposer leur idéologie radicale, et tous ceux – nombreux – qui ont rejoint leurs rangs parce qu’ils n’avaient pas vraiment d’autre choix. Convaincre ces derniers de déposer les armes est encore possible. Reste à savoir si les négociations menées localement avant les élections de 2020 peuvent évoluer en un programme national plus large.

LES VOLONTAIRES POUR LA DÉFENSE DE LA PATRIE NOUS SONT SOUVENT UTILES POUR MENER LA RIPOSTE

Malgré les critiques dont ils font l’objet, les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) font, eux, toujours partie intégrante de cette nouvelle stratégie. Ces supplétifs civils de l’armée, institués par une loi votée en 2018, sont toujours appelés à épauler les militaires partout où ils sont déployés. « Nous n’avons aucune raison de revenir dessus, estime un collaborateur de Kaboré. Ils sont aux avant-postes et nous sont souvent utiles pour mener la riposte. » Mais ils se plaignent parfois d’être abandonnés par l’armée, à l’instar de Ladji Yoro, célèbre chef VDP de la province du Loroum, qui avait lancé fin juin un appel à l’aide remarqué sur les réseaux sociaux.

Barkhane, « un non-sujet »

Dans cette lutte sans fin contre des groupes jihadistes qui se jouent des frontières, la question de la coopération avec les forces armées alliées demeure essentielle. Si la collaboration se passe plutôt bien au sein du G5 Sahel, les relations avec la France sont plus complexes. À l’indépendance, le Burkina Faso (alors Haute-Volta) avait été un des rares pays, avec la Guinée, à demander le départ total de l’armée de l’ancienne puissance coloniale. Depuis, la plupart des officiers burkinabè, jaloux de leur souveraineté, n’acceptent pas qu’une puissance étrangère déploie des soldats sur leur sol. Certains vivent donc très mal la présence de forces spéciales françaises à Kamboinsé, où est basé le dispositif Sabre depuis 2008.

Bien qu’un accord de défense ait été resigné en 2018 entre Paris et Ouagadougou, leur coopération militaire reste très ponctuelle. Depuis fin 2020, la force Barkhane n’a ainsi mené aucune opération en territoire burkinabè, alors qu’elle en mène régulièrement au Mali et au Niger voisins. Dans ces conditions, pas étonnant que la diminution du dispositif français au Sahel ne fasse ni chaud ni froid aux dirigeants burkinabè. « C’est un non-sujet pour nous », conclut un proche de Kaboré.

Restitution des œuvres africaines, crimes coloniaux et confiance en soi

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Gilles Yabi, responsable du think tank Wathi. Archive de Gilles Yabi

 

Vous revenez sur la restitution de 26 œuvres au Bénin, qui ont atterri à Cotonou le 10 novembre 2021, en même temps que le président Patrice Talon, reçu à l’Élysée la veille. Vous estimez vous aussi qu’il s’agissait d’un tournant historique

Oui, je crois qu’il ne faut pas sous-estimer l’importance de cette restitution. On a beaucoup parlé de moment historique et c’est vrai, aussi bien pour les pays qui récupèrent enfin leurs biens culturels, que pour la France et les autres anciens pays colonisateurs qui reconnaissent enfin que ces restitutions d’objets volés sont aujourd’hui une exigence minimale. 

Le président Macron, dans son discours en présence de son homologue béninois, a eu la bonne idée de citer des propos d’Amadou Makhtar Mbow, ancien directeur général de l’Unesco, tenus en 1978 : « Les peuples victimes de ce pillage parfois séculaire n’ont pas seulement été dépouillés de chefs-d’œuvre irremplaçables. Ils ont été dépossédés d’une mémoire qui les auraient sans doute aidés à mieux se connaître eux-mêmes, certainement à se faire mieux comprendre des autres ». 

Évidemment, les jeunes Béninois, les jeunes Africains, ont besoin de voir les œuvres de leurs ancêtres, de visiter des musées, d’apprendre sur la longue histoire de leur pays. Comme le dit Marie-Cécile Zinsou, historienne de l’art qui dirige la fondation Zinsou au Bénin, il s’agit d’accès au patrimoine, d’accès à la culture et de transmission. En plus du Bénin, le Sénégal, le Mali, la Côte d’Ivoire, l’Éthiopie, Madagascar et le Tchad ont adressé des demandes de restitution à ce jour. 

Vous dites qu’il faut saluer les efforts de toutes et de tous ceux qui ont contribué à faire bouger les lignes après des décennies de silence 

Absolument. Les autorités politiques de part et d’autre bien sûr mais aussi des experts, des intellectuels, comme Felwine Sarr et Bénédicte Savoy, qui avaient rédigé un rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain publié en 2018. Il y avaient notamment recommandé le vote d'une loi cadre qui permettrait de sortir du concept français d'inaliénabilité pour ces œuvres transférées dans les contextes coloniaux. On n’y est pas encore, mais c’est bien cela le sens de l’histoire. 

Au-delà de la dimension culturelle, la restitution des objets pillés est aussi le rappel de ce qu’a représenté l’expérience coloniale comme violences sur les populations africaines. 

Oui tout à fait. Et ce qui me semble très important, c’est le fait que depuis quelques années, il y a cette volonté très longtemps absente, dans les ex-puissances colonisatrices, de regarder leur passé en face, de reconnaître ce que furent dans la réalité quotidienne de millions de personnes, l’humiliation et la violence, d’arrêter d’opposer avec indécence à l’évocation des crimes odieux de la colonisation de prétendus bienfaits de la colonisation. 

Mais on entre dans une nouvelle phase historique, comme en témoigne le rapport rendu public le 26 octobre dernier par dix experts chargés d’assister les membres d’une Commission parlementaire spéciale sur le passé colonial belge. Cette commission parlementaire a été créée en 2020, après les déclarations du roi Philippe qui avait exprimé ses « plus profonds regrets », pour les « actes de violence » et les « souffrances » infligés au Congo. 

Avec ses 689 pages, le rapport d’experts dissèque les réalités terrifiantes de la colonisation de l’actuelle République démocratique du Congo. On ne sait pas encore à quelles décisions politiques aboutira ce travail, mais il est déjà extrêmement intéressant de voir enfin une reconnaissance explicite des crimes coloniaux par le parlement belge.  

Je parlais tout à l’heure de l’importance de l’accès à la culture pour les jeunes Africains. Ce qui est aussi crucial, c’est l’élimination de tout complexe d’infériorité et la reconquête de la confiance en soi. Si on déplore aujourd’hui à raison le trop grand nombre de conflits et de violences en Afrique, il ne faut jamais oublier l’immensité des atrocités commises par des Européens, des Américains et des Asiatiques, en leur sein, et celles qu’ils ont exportées ailleurs et infligées à d’autres peuples. Ce sont des faits établis. Le temps court de nos vies ne nous aide pas toujours à appréhender le temps long et ses sages et implacables vérités. 

COP26: en Côte d’Ivoire, l’exploitation des réserves d'hydrocarbures ne fait pas l'unanimité

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Une plateforme offshore d'exploitation de pétrole. (Illustration). Getty Images/HeliRy

À l'heure de la COP 26 et du réchauffement climatique, les vastes réserves d'hydrocarbures découvertes au large de la Côte d'Ivoire doivent-elles être exploitées ? Le débat n'est pas vraiment ouvert dans la société ivoirienne, même si certaines ONG prennent position.

Le choix est cornélien entre l'enfer climatique et le paradis budgétaire. Les immenses réserves d'hydrocarbures découvertes au large d'Abidjan par l'italien Eni font saliver tous ceux qui rêvent d'une Côte d'Ivoire subitement devenue un émirat tropical. La manne est estimée au bas mot à 1,5 milliard de barils d'or noir et 2 000 milliards de pieds-cubes de gaz. Des chiffres impressionnants et qui pourraient booster le développement de la Côte d'Ivoire.

Peut-on reprocher à un pays de penser à son développement, Surtout sur le continent qui pollue le moins la planète ? Pour les décideurs ivoiriens, le débat est tranché : la manne pétrolière servira à construire le pays. Mais tout le monde n'est pas de cet avis.

« Nous sommes dans un siècle où il n'est pas question de se réjouir de la découverte de pétrole, estime ainsi Caumouth Alban Koissi, représentant en Côte d'Ivoire de l'ONG Page verte internationale. Dans un pays ensoleillé comme la Côte d'Ivoire, il faut plutôt penser aux énergies alternatives comme le solaire. Mais on n'y pense pas, on est heureux du pétrole. Les pays africains font ce qu'ils peuvent aussi. On a besoin d'améliorer le niveau de vie des populations, et cela passe par le développement. Mais on doit le faire avec des énergies moins polluantes. Et, étant donné que les États africains n'ont pas la force financière pour y parvenir, il faut de l'aide de la part des pays qui se sont enrichis grâce au pétrole. » 

Caumouth Alban Kouassi, qui revient de Glasgow, déplore qu'en matière d'aide aux pays du Sud, les grandes puissances n'aient pas respecté leurs promesses passées, ni même adopté le mécanisme de réparation pour pertes et préjudice. Un principe de solidarité qui fait selon lui cruellement défaut.

Burkina Faso: au moins vingt morts dans une attaque dans le Soum

Au Burkina Faso, vingt personnes tuées dont dix-neuf gendarmes et un civil, c’est le bilan encore provisoire d’une dans la province du Soum ce dimanche 14 novembre. Des hommes armés ont pris d’assaut tôt ce matin-là le détachement de la gendarmerie. C’est l’une des attaques les plus meurtrières subies par les forces de défense et de sécurité depuis le début des attaques dans le pays.

Avec notre correspondant à Ouagadougou, Yaya Boudani

« Des chiffres toujours difficiles à accepter lorsque nous avons des victimes depuis que nous sommes dans cette situation de guerre » déclare Ousséni Tamboura, le porte-parole du gouvernement, en annonçant la nouvelle de l'attaque. Elle a eu lieu sur l’ancienne mine d’Inata. Des hommes armés venus sur des motos et des véhicules pickup, selon des sources sécuritaires, ont attaqué le détachement de la gendarmerie autour de 5h. Et il y a eu des combats. « Nous avons subi une attaque lâche et barbare, mais les hommes ont résisté avec bravoure face à l’ennemi », soutient Maxime Koné, le ministre de la Sécurité.

Des « attaques injustes »

L’armée de l’air a été mise à contribution dans la reconquête du site attaqué. Une source sécuritaire fait savoir que les hommes qui ont mené l’attaque, étaient sur place dès 3h et y sont restées jusqu’à 6h. Des recherches sont en cours afin de retrouver d’éventuels survivants, car plusieurs gendarmes manquent à l’appel. La zone où s’est déroulée l’attaque est assez vaste selon les autorités. « Depuis que nous sommes dans cette guerre. Nous continuons à subir des attaques injustes qui nous font perdre des hommes », s’est indigné le porte-parole du gouvernement. 

Vendredi 12 novembre, sept policiers étaient déjà morts lors d'une attaque dans la même région.

►À lire aussi : Burkina Faso: la société civile exprime son ras-le-bol sur la situation sécuritaire

 

Le gouvernement malien subventionne certains produits de base

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Chargement et déchargement des marchandises (fers, sacs de riz...) au port de Korioumé à Tombouctou au Mali (Image d'illustration). RFI/David Baché

Au Mali, les autorités de transition s’attaquent au coût de la vie. Depuis plusieurs mois, les prix à la consommation de certains produits se sont envolés, suscitant des difficultés et du mécontentement. Pour y faire face, le gouvernement a annoncé qu’il subventionnerait certains produits de base. 

Riz, sucre et huile alimentaire.... Le mécanisme annoncé lors du dernier conseil des ministres du mercredi 10 novembre est simple : les taxes à l’importation seront réduites de moitié pour une certaine quantité de ces produits de base. Ce sera le cas sur 300 000 tonnes de riz, 60 000 tonnes de sucre et 30 000 tonnes d’huile.

Les importateurs devront s’engager auprès des autorités. Ils devront répercuter cette baisse des taxes sur le prix de vente au détail, assurer la disponibilité des produits sur l’ensemble du territoire, et respecter la limite des quantités fixées.

Des brigades mises en place

Abdoul Wahab Diakité est le premier vice-président de l’Ascoma, l’Association des consommateurs du Mali. Il se réjouit, mais pas trop vite : « Si les mesures sont collectivement appliquées forcément, elles vont soulager le consommateur. Mais quand le gouvernement se retrouve à dire en conseil des ministres "Nous subventionnons, nous subventionnons", nous avons peur. Il y a les importateurs, les demi-grossistes et les détaillants... Est-ce que réellement tous les acteurs vont y adhérer ? » 

Les récentes tensions autour du prix du pain, dont les tarifs officiels n’ont pas toujours été respectés par les boulangers, sont de nature à renforcer cette méfiance.  

L’association de consommateurs Ascoma aurait d’ailleurs souhaité des consultations plus vastes de la part des autorités, et notamment une réunion du Conseil national des prix. Mais les autorités semblent déterminées à faire preuve de fermeté : elles ont déjà prévenu que des « brigades de contrôle » seraient mises en place pour assurer l’efficacité de l’opération.

►À lire aussi : Selon l'ONU, la facture alimentaire s'alourdit de manière alarmante pour les pays pauvres