Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Algérie : le trafic de migrants vers l’Espagne a généré près de 60 millions d’euros en 2021

Mis à jour le 3 novembre 2021 à 15:42
 

 

Deux clandestins algériens conduits par un policier espagnol à un Centre d’assistance temporaire pour étrangers, à Almeria, le 16 octobre 2021. © JORGE GUERRERO/AFP

Une véritable industrie. Depuis plusieurs mois, les arrivées d’embarcations de migrants algériens en Espagne se multiplient. Un trafic qui s’est professionnalisé, générant des millions d’euros de bénéfices sur le dos des candidats au départ.

Tolérance zéro. C’est la politique que les autorités espagnoles ont décidé d’adopter à l’égard des migrants clandestins pour tenter d’endiguer les vagues successives de harragas qui arrivent en provenance des côtes ouest de l’Algérie depuis plusieurs mois.

Mardi soir, un navire de la compagnie Trasmediterránea a quitté le port d’Almeria en direction d’Oran avec à son bord une centaine de migrants qui avaient été détenus pendant plus d’un mois dans des centres de rétention à Madrid, Valence et Barcelone. D’autres expulsions devraient suivre dans les prochaines semaines.

PRÈS DE 10 000 ALGÉRIENS SONT ENTRÉS CLANDESTINEMENT SUR LE TERRITOIRE ESPAGNOL EN 2021

Face à un phénomène qui a pris une ampleur inédite depuis le début de l’été, le gouvernement espagnol a donc décidé d’agir. Il s’active pour le rapatriement des migrants récemment arrêtés ou interceptés, et le transfert des clandestins dans des centres de rétention répartis à travers le territoire espagnol. La tâche se révèle ardue dans la mesure où la quasi-majorité des clandestins arrivant des côtes algériennes ne possèdent pas de pièce d’identité, ce qui complique leur expulsion vers leur pays d’origine.

Un autre front a été ouvert par les autorités, celui-là contre les réseaux criminels opérant sur l’axe Dellys-Mostaganem-Oran avec des complicités dans le sud de l’Espagne. Selon un document interne des autorités espagnoles que l’AFP a consulté, près de 10 000 Algériens sont entrés clandestinement sur le territoire espagnol depuis le début de l’année.

Navires plus performants

Ce chiffre ne tient pas compte des personnes qui ont pu échapper aux autorités portuaires. Au cours des mois de septembre et d’octobre, les services de sécurité algériens ont intercepté 1 793 harragas alors qu’ils tentaient de rejoindre les côtes espagnoles. En 2020, le bilan des entrées de clandestins en provenance d’Algérie dans les ports d’Almeria, Murcie et Alicante s’était établi à 11 500 personnes.

En raison des conditions climatiques clémentes, des dizaines de bateaux, de plus en plus performants, partent quotidiennement des plages de l’ouest algérien. L’époque où les harragas embarquaient sur des rafiots, des chalutiers, des bateaux pneumatiques ou de vieux esquifs semble révolue, laissant ainsi place à une industrie de la migration dirigée et contrôlée par des réseaux trans-méditerranéens.

Une récente enquête de l’Unité contre l’immigration irrégulière (UCRIF) de la police espagnole révèle que ces vagues successives de clandestins visent la saturation, le débordement et l’effondrement des services publics de sauvetage, d’interception, d’assistance humanitaire et sanitaire ainsi que d’accueil des migrants.

Car le dérèglement de ses structures permettrait à ces organisations criminelles d’acheminer un nombre croissant de migrants et de générer de plus en plus de revenus. L’enquête a également établi que ces réseaux disposent aujourd’hui d’une flotte de « bateaux-taxis », des embarcations dotées de puissants moteurs de 200 à 300 chevaux permettant de gagner rapidement les côtes espagnoles et d’effectuer plusieurs rotations par semaine.

CERTAINS VOYAGEURS VONT JUSQU’À DÉBOURSER 1 MILLION DE DINARS POUR LA TRAVERSÉE

Des écoutes effectuées par la police espagnole sur les téléphones portables de plusieurs trafiquants ont mis en lumière l’existence d’un réseau algéro-espagnol spécialisé dans l’achat et la livraison en Algérie de bateaux achetés auprès de fournisseurs espagnols.

Au cours des dernières semaines du mois d’octobre, la police espagnole a effectué des descentes dans les structures d’accueil de l’îlot d’Escombreras, dans la baie de Carthagène, pour enquêter auprès des migrants sur ce vaste réseau.

Renchérissement

Six personnes, âgées de 18 à 35 ans, ont été arrêtées et inculpées pour crimes liés à l’immigration clandestine. Les prévenus ont accepté de coopérer avec la justice pour identifier les passeurs et leurs acolytes qui opèrent entre les deux rives.

L’acquisition de ces vedettes rapides et modernes a induit une hausse du prix de la traversée. Le coût d’une place sur un bateau s’élève aujourd’hui à plus de 800 000 dinars (environ 5 000 euros). Établi en fonction du poids et de la taille du voyageur clandestin, ainsi que des conditions météo, ce tarif peut être revu à la hausse. Certains voyageurs vont jusqu’à débourser 1 million de dinars (6 300 euros).

La réussite de la traversée de milliers de migrants agit comme un appel d’air pour les candidats qui souhaitent partir… et provoque le renchérissement du prix du voyage. Le trafic génère des fortunes qui permettent aux membres du réseau d’investir davantage dans ces bateaux et de verser des commissions substantielles aux complices.

Selon les estimations effectuées par JA, le commerce de la migration clandestine a généré plus de 60 millions d’euros au profit des réseaux de passeurs depuis le début de l’année 2021.

L'ex-otage Sophie Pétronin, de retour au Mali, recherchée par la gendarmerie

L’ex-otage Sophie Pétronin, libérée il y a un an, le 8 octobre 2020, après quatre années de captivité dans le Nord, est de retour au Mali où elle est recherchée par les forces de sécurité. L’information a été retenue par RFI pendant plusieurs jours pour des raisons de sécurité, mais elle a depuis été diffusée par d’autres médias, maliens et français, et sur les réseaux sociaux, accompagnée souvent d’informations erronées

Sophie Pétronin est revenue au Mali en mars dernier. Après plusieurs demandes de visas refusées par Bamako, l’ex-otage accompagnée de son fils Sébastien passe par le Sénégal et franchit la frontière par la route, sans cacher son identité aux agents de police, selon des sources proches de la famille. Ces mêmes sources expliquent que Sophie Pétronin n’était pas heureuse en Suisse et qu’elle voulait retrouver le pays où elle avait passé vingt ans de sa vie et où se trouve toujours sa fille adoptive.

Sept mois et un avis de recherche 

Plus de sept mois s’écoulent sans difficultés, jusqu’à cet avis de recherche émis par la gendarmerie malienne vendredi dernier (le document est daté du 29 octobre), demandant à toutes les unités de gendarmerie d’appréhender Sophie Pétronin et « de la conduire sous escorte » à la direction de la gendarmerie nationale. Selon ce document, authentifié par RFI auprès du ministère malien de la Sécurité, l’ex-otage aurait été « signalée vers Sikasso », à plus de 350 km de Bamako, dans le sud-est du pays.  

► À lire aussi : Sophie Pétronin: «J'étais dans l'acceptation de ce qui m'arrivait» [Entretien]

 
 Pourquoi les forces maliennes cherchent-elles aujourd’hui à appréhender Sophie Pétronin ? Sa présence sur le territoire était-elle connue, tolérée, avait-elle été régularisée ? S’agit-il d’une question de sécurité ? Sophie Pétronin a-t-elle eu un comportement qui aurait déplu aux autorités ? Enfin, comment s’expliquer que les services de renseignements et les forces de sécurité, s’ils cherchent vraiment Sophie Pétronin, ne l’aient pas déjà trouvée ? En tout état de cause, diverses sources très accessibles connaissent son lieu de résidence, et l’avis de recherche de la gendarmerie ne relève en aucun cas d’un avis de disparition. 

Jamais à Sikasso 

Ses proches affirment ne pas s’expliquer cet avis de recherche, ni ce qui l’a motivé, et assurent que Sophie Pétronin ne s’est jamais rendue à Sikasso, qu’elle ne s’est jamais éloignée de Bamako, et qu’elle n’avait en aucun cas l’intention de retourner à Gao, ville du Nord où elle avait vécu jusqu’à son enlèvement en 2016. Ils ne précisent pas non plus les démarches réellement entreprises auprès des autorités pour clarifier le statut de Sophie Pétronin sur le sol malien. 

« Lever des ambiguïtés » 

Du côté du ministère de la Sécurité, on explique simplement qu’il s’agit de « lever certaines ambiguïtés », sans davantage de précisions sur la régularité de sa situation.  

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Selon plusieurs sources, l’ambassade de France avait été rapidement avertie de la présence au Mali de Sophie Pétronin. Mais aucun commentaire sur ces derniers développements qui relèvent, selon l’ambassade, d’un « dossier personnel ». 

Même son de cloche de la part de sources diplomatiques françaises qui affirment ne pas interpréter cet avis de recherche comme un « acte hostile » de la part des autorités maliennes vis-à-vis de la France, dans le contexte actuel pourtant déjà tendu. 

► À écouter et lire aussi : Anthony Fouchard: «Sébastien Pétronin a été missionné par l'État français» [Invité Afrique]

Grève de la faim pour les migrants de Calais, la médiation se poursuit 

Analyse

Un médiateur, Didier Leschi, a été envoyé à Calais pour discuter avec les trois personnes en grève de la faim pour dénoncer les conditions de vie des migrants. Après un premier échange le 27 octobre, la médiation va se poursuivre jeudi 28 octobre.

  • Nathalie Birchem, 

 

Grève de la faim pour les migrants de Calais, la médiation se poursuit
 
Didier Leschi s’est rendu à Calais pour une mission de médiation auprès des trois grévistes de la faim, mercredi 27 octobre.LOUIS WITTER/LE PICTORIUM/MAXPPP
        •  

Le dialogue est amorcé mais il devra se poursuivre pour « construire des solutions », a déclaréDidier Leschi, le médiateur envoyé à Calais par le gouvernement, au sortir de sa réunion le 27 octobre après-midi, avec Philippe Demeestère, 72 ans, jésuite, Anaïs Vogel, 35 ans, Ludovic Holbein, 38 ans. Ces trois bénévoles à l’Auberge des migrants enchaînaient hier leur 16e jour de grève de la faim pour dénoncer le sort fait aux migrants à Calais.

→ ANALYSE. Calais, Briançon : l’Église monte au créneau pour défendre les migrants

Tous trois sont installés depuis le 11 octobre dans l’église Saint-Pierre. Ils demandent la « suspension des expulsions quotidiennes et des démantèlements de campements, durant la trêve hivernale », l’« arrêt sans condition de toute confiscation des tentes et effets personnels des personnes exilées » durant la même période, et l’« ouverture d’un dialogue citoyen raisonné entre autorités publiques et associations non mandatées par l’État, sur l’ouverture et la localisation de points de distribution de tous biens nécessaires au maintien de la santé des personnes exilées ».

« Nous ne réclamons pas l’ouverture des frontières mais juste que l’État respecte la loi et cesse les traitements dégradants », avait résumé Anaïs Vogel au commencement de l’action.

Une première prise de contact

Didier Leschi, par ailleurs directeur général de l’office français de l’immigration et de l’intégration, ne s’est pas pour l’instant prononcé sur ces revendications. « C’est une première prise de contact, qui a duré plus d’une heure trente, et qui va se poursuivre demain », a-t-il précisé, avant de se rendre à la préfecture.

→ EXPLICATION. Un prêtre en grève de la faim à Calais, quelle est la position de l’Église catholique ?

Pour ce haut fonctionnaire, qui avait été un des acteurs du démantèlement de la « lande » de Calais, en 2016, « il faut arriver à construire des solutions entre deux pôles : d’une part, améliorer la mise en hébergement [des migrants], et d’autre part éviter la reconstitution d’une lande à Calais ». Les grévistes ne s’étaient pas prononcés à l’heure où nous bouclions cette édition.

Le 25 octobre, interpellé sur la grève de la faim de Calais lors d’un déplacement à Montbrison (Loire), Emmanuel Macron avait semblé découvrir le sujet, sur lequel le Secours catholique l’avait pourtant interpellé par un courrier en date du 13 octobre. Après s’être fait préciser à quelle association appartenaient les trois militants, le président avait alors assuré : « S’il y a trois personnes qui sont en grève de la faim, je vais le faire regarder dès ce soir. Je vous le garantis. » Le lendemain, le ministère de l’intérieur dépêchait Didier Leschi sur place.

→ TRIBUNE. Migrants : « Notre parti à Calais, c’est celui de la charité »

Né en 1959, ce haut fonctionnaire, compagnon de route de Jean-Pierre Chevènement, expert reconnu sur la laïcité, a été préfet délégué pour l’égalité des chances en Seine-Saint-Denis avant de prendre en 2013 la direction de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). À la tête de cet organisme qui s’occupe notamment des conditions matérielles d’accueil (droit à hébergement et allocation) des demandeurs d’asile, il se retrouve fréquemment dans le collimateur des associations nationales d’aide aux migrants.

Évacuations quasi quotidiennes

Il lui faudra user de toute son expérience pour trouver une solution, qui préserve l’exigence d’humanité demandée par les grévistes et la fermeté mise en œuvre sous le mandat d’Emmanuel Macron.

En 2016, sous François Hollande, le gouvernement avait réussi à démanteler un campement géant de plus de 8 000 migrants en leur permettant de demander l’asile en France, y compris pour ceux qui relevaient d’un autre État européen, grâce à l’utilisation d’une clause permise par le règlement de Dublin. Mais depuis, d’autres migrants sont arrivés et les forces de l’ordre ont eu pour consigne de ne pas les laisser se réinstaller.

Sous le quinquennat d’Emmanuel Macron, qui avait souhaité qu’aucun migrant ne soit laissé à la rue, ces évacuations se sont accélérées, devenant quasi quotidiennes. Les tentes et effets personnels saisis sont emmenés dans des bennes, jusqu’à une ressourcerie où les migrants, s’ils sont accompagnés par une association, peuvent théoriquement les récupérer en fin de journée. En 2020, selon Human Rights Observers, sur le peu de personnes ayant eu accès à la Ressourcerie, 73 % n’ont pas retrouvé leurs effets personnels saisis durant les opérations d’expulsion.

→ COMPRENDRE. Pour l’Église, l’accueil des migrants est un impératif moral

À la suite de la grève de la faim, le préfet du Pas-de-Calais Louis Le Franc avait annoncé la semaine dernière sa décision d’établir un « nouveau protocole de restitution des effets personnels que les migrants auraient pu perdre lors des opérations d’évacuation ». Il a aussi été annoncé que les réunions avec les associations seraient plus nombreuses.

La préfecture communique également sur le fait qu’« un dispositif humanitaire de proximité, unique en France, est mis en œuvre à Calais », comprenant des mises à l’abri dans des centres éloignés de Calais, la distribution de repas et la mise à disposition d’eau et de sanitaires par une association agréée. Il avait fallu un bras de fer juridique avec les associations pour que l’État soit contraint à fournir ces prestations.

 

 

Le migrant, cet éternel épouvantail de campagne|The Conversation

« L’immigration dilue l’identité française », « les migrants imposent leurs cultures » la France sombre dans le « grand remplacement démographique » : l’agitation médiatique de la part d’entrepreneurs idéologiques autour de ces thématiques ne cessent d’accaparer l’attention, tentant de s’imposer dans les sondages, et balayant toute autre vision du « migrant » ou du « réfugié ».

Hélène BertheleuUniversité de Tours et Catherine Wihtol de WendenSciences Po

Pourtant l’affaire Cédric Hérou – du nom d’un militant ayant convoyé des migrants d’Italie vers la France et poursuivi juridiquement dans ce cadre – et la décision du Conseil Constitutionnel de mettre fin à son procès et de prononcer la relaxe au nom du principe de fraternité en 2019, a montré qu’une partie de la société civile s’illustre au quotidien par son engagement.

Le recours à cette thématique n’est pas récent et la politisation de l’immigration comme alibi politique enflamme les rendez-vous présidentiels depuis plusieurs années.

La peur de l’Autre comme construction de l’identité pour stigmatiser l’Autre, est agité au centre du débat comme épouvantail. Pourtant l’immigration n’est pas la préoccupation majeure des nationaux, selon les sondages (c’est la quatrième préoccupation des Français, d’après l’IFOP en octobre 2021) et n’a d’ailleurs pas toujours été au programme des candidats.

Un sujet en pointillé

Déjà, aux élections présidentielles en France on constate qu’en 1974, elle n’était pas à l’ordre du jour dans le programme de Valéry Giscard d’Estaing, bien qu’il avait créé un Secrétariat d’État à l’Immigration pour lancer une politique d’intégration après avoir suspendu l’immigration de travail en juillet 1974.

En 1981, le slogan « la force tranquille » de François Mittterrand ne pointe pas particulièrement l’immigration, malgré la promesse (non tenue) d’accorder le droit de vote local aux étrangers. https://www.youtube.com/embed/o_6C2ZUg6VE?wmode=transparent&start=0 Valéry Giscard D’Estaing invite les éboueurs (d’origine antillaise et africaine) à l’Elysée.

L’année 1983 est celle de la Marche des Beurs, de l’émergence de l’islam dans les conflits des entreprises automobiles, mais on y parle peu d’identité malgré l’entrée en politique du parti de Jean-Marie Le Pen aux élections municipales.

Le débat se focalise en 1988 sur le sujet par le biais de la réforme du code de la nationalité, un thème lancé par le Club de l’Horloge, inspirateur du Front national, abandonné par le candidat Jacques Chirac aux élections présidentielles face à François Mitterrand. En 1995, le même Jacques Chirac fait campagne sur la « fracture sociale », mais le thème identitaire n’est pas traité comme tel.

La rupture

Ce n’est qu’en 2002, au second tour que l’immigration est à l’ordre du jour, mais Chirac recueille un score de 80 % des voix face au Front national. Nicolas Sarkozy, élu à la présidence de la république en 2007 installe plus fortement le thème de l’identité. Il crée ensuite un ministère de l’Immigration, de l’Intégration et de l’Identité nationale, même si le débat qu’il voulait lancer sur ce dernier thème se termine sans conclusion, décliné dans les préfectures et au ministère de la Défense, loin des tumultes de la rue ou de la presse et de l’intérêt des nationaux. En 2012, le discours de Grenoble, aux inspirations très extrême droitière, annonce le ton de sa campagne, dont le dernier discours sera sur « l’étranger », à Villepinte. François Hollande, qui fait sa campagne sur « le changement, c’est maintenant », lance en fin de mandat la proposition de déchéance de nationalité pour les terroristes et délinquants, mais le thème est finalement abandonné car trop polémique.

La campagne d’Emmanuel Macron en 2017 semble éviter soigneusement le thème de l’immigration. Il évoque cependant la question des « clandestins » qui représenteraient une menace à la suite à la chute de Kaboul le 15 Août 2021.

Que nous apprennent les chiffres ? Selon Eurostat, la France compte 7, 4 % d’étrangers, l’Allemagne 10 %, l’Italie et l’Espagne 8 %, le Luxembourg 47 %. On dénombre 61 000 demandeurs d’asile arrivés dans l’Europe des 27 en 2020, soit la moitié des chiffres de 2018 et 2019. Depuis janvier 2021, 22 000 Afghans ont cherché une protection dans les pays voisins, soit l’Iran et le Pakistan pour l’essentiel et 332 000 sont des réfugiés internes dans leur pays, 2 500 sont arrivés en France depuis 2021.

Ce que veulent les migrants

Alors, comment comprendre chez le politique cette obsession pour la figure du migrant menaçant ? Les recherches sociologiques et anthropologiques sur les migrations et les observations fines des relations qui se tissent entre les « établis » et les « nouveaux-venus » montrent que les dimensions identitaires ne sont pas aussi présentes qu’on ne le croit.

Pour les nouveaux venus, ce qui compte, c’est de trouver leur place dans un environnement qui le permet. Alors que « l’étranger » est perçu comme un trouble-fête culturel et identitaire, voire comme une menace venant de l’extérieur, les femmes et les hommes qui, en réalité, s’installent en France, rêvent surtout de pouvoir reconstruire leur vie, d’assurer à leur famille une certaine stabilité sociale et économique et de contribuer à la vie commune, sans pour autant couper les liens avec la famille restée au pays. https://www.youtube.com/embed/j9lBUt3AFxU?wmode=transparent&start=0 Accueillir : témoignages (France 24, 2019).

Par exemple, on sait que le sens de la migration varie en fonction de la trajectoire sociale des individus : quand elles sont lues ensemble, les mobilités géographique et sociale montrent que l’enjeu n’est pas une question d’intégration mais celui d’une meilleure position sociale au regard de celle détenue avant le départ.

Un accompagnement du capitalisme

On remarque aussi que certains accèdent à la propriété dans le périurbain de la même façon que les Français ou encore que la conjugalité des descendants d’immigré.es est influencée, comme dans tous les couples, bien plus par l’origine sociale les conditions sociales de résidence et les rapports de genre que par des dimensions ethniques ou religieuses.

La dimension économique est souvent mise en avant pour apprécier l’intérêt des migrations, certains estimant que l’accueil les migrants, et notamment des demandeurs d’asile, coûte cher au pays ou contribue à augmenter le chômage. Les travaux scientifiques montrent le contraire.

S’il faut questionner cette approche comptable fort réductrice des migrations, il n’est pas inutile de rappeler que les migrations ont toujours accompagné le développement du capitalisme et constituent généralement un apport économique intéressant pour les pays d’installation, receveurs de main-d’œuvre étrangère.

Les chiffres récents confirment ce constat historique, toujours valable aujourd’hui, d’autant plus que les formes de sélection aux frontières encouragent les mobilités des plus qualifiés.

Dans ce contexte, la question est plutôt : que signifie cette crainte de voir affaiblie l’identité nationale ?

Réactiver la cohésion sociale

L’épouvantail de l’étranger a toujours été une manière de réactiver la cohésion sociale au moment où se rapprochent les enjeux politiques de l’élection présidentielle.

Mais comment cela fonctionne-t-il ? Cette rhétorique agite les peurs et encourage l’hostilité à l’égard des non-nationaux. Elle ne traduit pas tant un sentiment de menace qu’un réflexe de dichotomisation sociale visant à produire, au-delà d’une frontière entre les groupes, des tendances à la cohésion sociale comme le soulignait déjà le penseur Norbert Elias au sein d’un pays dont la souveraineté nationale est sans cesse questionnée, obligée d’exister aujourd’hui à l’intérieur d’arènes beaucoup plus vastes.

Si cette rhétorique fonctionne toujours aussi bien, c’est que la représentation que les Français se font des migrations reste encore très partielle.

Une représentation partielle des migrants

Les migrations ne constituent pas un élément clé des représentations sociales et de l’histoire de la plupart des régions françaises alors qu’elles sont incontestablement et depuis longtemps un élément du développement économique et démographique local.

L’héritage migratoire n’y est pas souvent valorisé alors que la recherche montre combien il est pluriel et diversifié, pour peu qu’on s’attache non seulement à la période récente, mais aussi aux XXe et XIXe siècles.

Les courants migratoires n’ont pas seulement touché les villes grandes et moyennes, mais aussi les petites villes industrielles, les industries en milieu rural ou encore le travail agricole. On pense spontanément aux ouvriers de l’industrie mais les historiens montrent qu’à ces contextes variés correspond une diversité de trajectoires socioprofessionnelles que les profils types sont loin d’épuiser. Tandis que certaines venaient travailler dans les fermes) d’autres s’installaient comme petits commerçants, à moins qu’ils ou elles ne fassent partie d’une élite artistique ou intellectuelle.

Ces trajectoires sont diverses, et elles sont toujours accompagnées de représentations de l’altérité qui se transforment décennie après décennie, la xénophobie accompagnant immanquablement les périodes de crise économique, tandis que les arguments démographiques peinent à convaincre.

Il faut donc étudier les migrant.es et leur environnement social comme un tout et ne pas céder à la tentation d’imputer au migrant, à sa culture ou à sa capacité d’intégration, la cause ou l’explication de ce qu’il advient. https://www.youtube.com/embed/S1bswZgxehI?wmode=transparent&start=0 France, terre d’accueil ? (Ina, 1969).

Du rejet à l’exclusion

Pourquoi certains individus et groupes arrivent-ils à se convaincre, face à un autre groupe ou à des nouveaux-venu.es, qu’ils sont non seulement les plus puissants, mais aussi les meilleurs ou les plus légitimes ?

De quel pouvoir disposent-ils pour affirmer leur supériorité ? Est-il de nature économique, sociale, culturelle ? Dans certaines situations, bien documentées aujourd’hui, les nouveaux venus se voient ainsi stigmatisés et écartés de la participation à la vie sociale, culturelle et politique dans leur vie quotidienne.

C’est le cas particulièrement des migrations postcoloniales dont les membres rencontrent des obstacles importants, subissent des discriminations empêchant l’accès aux ressources rares que sont le logement ou les emplois qualifiés. Venant pourtant d’horizons géographiques divers, les migrants sont amenés à se percevoir progressivement comme un ensemble, du fait de cette expérience commune de discrimination.

Une dichotomisation sociale

Dans ses travaux désormais anciens, Norbert Elias met en lumière plusieurs processus sociaux basiques de catégorisation, de stigmatisation, de minorisation, de distinction sociales qui, au cœur des relations ordinaires, de travail ou de voisinage, permettent de construire et entretenir une dichotomisation sociale.

L’explication par la différence culturelle ou religieuse reste omniprésente dans les diagnostics de conflits urbains ou scolaires et semble dotée, à tort, d’une capacité explicative extensive. Elias, lui, préfère non pas se détourner de ces différences dont parlent ses enquêtés sur le terrain, mais d’étudier, nuance importante, la situation qui les produit. Il se donne ainsi les moyens de comprendre pourquoi et comment elles deviennent les marqueurs aussi efficaces d’une frontière sociale, mais là encore lue comme culturelle, entre les uns et les autres.

Ainsi, la menace imaginaire constituée à l’endroit des nouveaux venus a une efficacité bien connue : elle a pour effet de stimuler la cohésion interne du groupe majoritaire, et semble le doter d’une capacité collective renouvelée à construire et imposer des normes sociales à la fois inclusives (« nous ») et exclusives (« eux »). Les peurs ainsi entretenues ont donc de beaux jours devant elles.

Hélène Bertheleu, Enseignante-chercheuse, laboratoire Citeres, Université de Tours et Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherches sur les migrations internationales, Sciences Po

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Mali : pourquoi Issa Kaou Djim, fervent défenseur de Goïta, a-t-il été arrêté ?

Mis à jour le 27 octobre 2021 à 18:24
 


Issa Kaou Djim le 31 mai 2021, à Bamako. © Nicolas Remene/LePictorium/MAXPPP

 

Accusé d’avoir eu un « comportement délictuel via les réseaux sociaux », le quatrième vice-président du CNT dort en prison. Il y a quelques jours, il s’en était pris vertement au Premier ministre, Choguel Maïga.

Il a le verbe haut, mais ses positions souvent tranchées ont fini par le rattraper. Sur ordre du procureur près du tribunal de grande instance de la commune IV de Bamako, Issa Kaou Djim, quatrième vice-président du Conseil national de transition (CNT), a été interpellé ce mardi 26 octobre dans le quartier de Lafiabougou Taliko, à Bamako, pour « comportement délictuel via les réseaux sociaux ».

Dans un message transmis au tribunal, le commandant de la brigade de recherches de la rive gauche de Bamako a fait savoir qu’au « terme de son audition et en raison des indices graves et concordants », Issa Kaou Djim avait été placé en garde à vue. Selon nos sources, il a été immédiatement conduit à l’École de la gendarmerie, dit camp 1, située dans le centre-ville de la capitale malienne, et il y a passé la nuit.

Tard dans la soirée, il a également fait appel à Me Kassoum Tapo, dernier ministre de la Justice du président Ibrahim Boubacar Keïta. Contacté par Jeune Afrique, celui-ci n’a pas souhaité commenter l’affaire en cours. 

Plein de colère

Que reproche-t-on vraiment à ce personnage haut en couleur qui passe pourtant pour être un fervent défenseur du président Assimi Goïta ? Selon les informations que nous avons pu recueillir, son arrestation fait suite à la diffusion d’une vidéo, le lundi 25 octobre, par la radio Joliba FM. Issa Kaou Djim était invité à réagir au communiqué du ministère des Affaires étrangères actant le renvoi du représentant de la Cedeao au Mali, Hamidou Boly, accusé d’être « impliqué dans des activités de déstabilisation contre la transition ».

Le problème, selon Issa Kaou Djim, c’est que Bamako aurait pu demander le remplacement de Hamidou Boly par « les voies diplomatiques sans faire de tapage ». Et d’expliquer qu’il aurait fallu dépêcher « le ministre des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, auprès du président de la Cedeao, pour l’informer que [Bamako] [n’était] pas d’accord avec les activités que mènent Boly ».

ANCIEN MEMBRE DU MOUVEMENT DU 5-JUIN, ISSA KAOU DJIM EN VEUT À SON ANCIEN COMPAGNON DE LUTTE, CHOGUEL MAÏGA

La vidéo dure sept minutes. Installé dans un fauteuil, vêtu d’un boubou blanc, un chéchia sur la tête, le quatrième vice-président du CNT s’exprime tantôt en bambara, tantôt en français, en esquissant de grands gestes avec les mains. Le ton est accusateur, parfois plein de colère. Un long monologue dans lequel un nom revient avec insistance : celui du Premier ministre, Choguel Maïga.

Ancien membre du Mouvement du 5-juin, Issa Kaou Djim en veut à son ancien compagnon de lutte, dont il fustige les méthodes. Il estime d’ailleurs que Hamidou Boly a été expulsé à cause du chef du gouvernement, à qui il reproche de « tenir un discours irresponsable qui embarque le pays dans l’abîme ».

Sort incertain

Alors que Bamako vit sous la menace de sanctions diplomatiques et économiques, Issa Kaou Djim prévient aussi qu’engager un bras de fer avec la Cedeao pourrait être un pari risqué pour les autorités de la transition. Il ajoute que la crise actuelle est « une fuite en avant venant d’un Premier ministre qui vient de la rue ». « Il faut arrêter, poursuit-il. Nous n’allons pas nous associer à cela. Nous allons appeler toutes les forces politiques dignes à dire non à ce bras de fer contre la Cedeao. »

Très offensif face à Choguel, Issa Kaou Djim demeure néanmoins fidèle au président Assimi Goïta. « La solution est de remercier Choguel et que Assimi prenne toutes ses responsabilités », conclut-il.

Le sort d’Issa Kaou Djim est aujourd’hui incertain. Ses proches espèrent faire valoir l’immunité conférée par son statut de membre du CNT. À condition qu’elle ne soit pas levée : « Selon le règlement intérieur, nous avons une immunité mais elle peut être levée en cas d’accusation d’atteinte à la sûreté et de flagrant délit », confie un membre de l’organe de transition.