Père Jean Bevand
1945 - 2020
Le Père Jean Bevand est né le 14 août 1945 à Oyonnax en France, dans le diocèse de Belley-Ars, diocèse où se trouve la cure du grand curé d’Ars, mondialement connu comme patron de tous les prêtres.
Après ses études secondaires, Jean entre au Grand séminaire du diocèse de Belley et il y séjourne de 1963 à 1965. Il effectue son service militaire en coopération à Beleko, une paroisse dans le diocèse de Ségou. Il fait même une année de plus (1965 – 1968) pour mettre en route le 2nd cycle (6e à 3e du système français) de l’école fondamentale de la paroisse. Il y est en communauté avec son oncle Joseph Bevand et le Père Josef Stamer, avec lequel il collaborera plus tard dans le domaine du dialogue islamo-chrétien. C’est là qu’il décide d’engager sa vie comme missionnaire d’Afrique.
En 1968, il entre à Gap pour son année spirituelle. En 1969, il est à Strasbourg, au Foyer des Missionnaires d’Afrique de la rue de Neuwiller, pour ses études théologiques. Il obtient en 1973 une maîtrise en théologie. Entre temps, le 28 octobre 1972, à Strasbourg, il prononce son Serment Missionnaire et il est ordonné diacre. Le 23 juin 1973, il est ordonné prêtre à Oyonnax dans sa paroisse natale.
Il est nommé au Mali où il retrouvera son oncle, le Père Joseph Bevand (+1988). Ils seront tous les deux missionnaires au Mali, et tous les deux passeront le plus clair de leur vie missionnaire dans les diocèses de Ségou et de Bamako, où ils ont laissé un grand souvenir. Jean avait été marqué par la vocation de son oncle, et il voudra lui aussi se consacrer pour la mission.
Jean arrive à Falajè le 1er janvier 1974. Il y apprend la langue bambara, qu’il maîtrisera très bien, et s’initiera aux us et coutumes des bamanans. Il est alors nommé à Niono, dans le diocèse de Ségou, où il restera une année. D’août 1975 à octobre 1978, il est nommé à Ségou, où il est vicaire, puis très vite, il devient le curé.
En 1981, il est nommé à l’IPEA à Rome qui en 1980 avait changé de nom en PISAI (Pontificio Istituto di Studi Arabi e d’Islamistica). Les responsables ont très vite perçu chez Jean un intérêt pour la rencontre avec les musulmans et sa capacité à poursuivre des études en sciences islamiques. L’IPEA était installé à Rome depuis 1964 et conférait la licence en études arabes et en islamologie. Jean profitera bien de ces études approfondies de l’islam et il sera en mesure d’enseigner, plus tard, à l’IFIC quand cet Institut (Institut de Formation Islamo-chrétienne) ouvrira ses portes à Bamako en 2007. Le Directeur, le Père Josef Stamer, fera appel à lui pour y dispenser des cours et accompagner les étudiants.
À son retour de Rome, en 1985, Jean est à nouveau nommé dans le diocèse de Ségou et il va devenir curé de Markala, la paroisse qui se trouve au bord du fameux barrage sur le fleuve Niger. Il est toujours, à ce jour, le plus grand barrage de retenue d’eau du Mali. Le barrage a été construit à l’époque coloniale dans le but de favoriser l’irrigation pour le développement de la culture du riz, de la canne à sucre et du coton. C’est le fameux Office du Niger. Sa réalisation a été rendue possible, grâce, en grande partie, à la main d’œuvre constituée de milliers d’Africains, dans le cadre des travaux forcés. Pour cultiver les terres inondables dans l’Office du Niger, des populations ont été massivement déportés de force de la Haute-Volta (le Burkina Faso aujourd’hui) et du Soudan (le Mali aujourd’hui). Aujourd’hui encore, on y dénombre des villages mossis, gourounsi, samos, etc. Des Pères venus de la Haute-Volta, ont d’ailleurs été sollicités à plusieurs reprises pour venir travailler dans cette zone et animer des communautés dont ils parlaient la langue et connaissaient les coutumes.
En 1985, Jean est nommé curé de Kolongotomo. C’est une vaste paroisse où se côtoient des ethnies très diverses, aux langues tout aussi diverses. Jean y reste quelques années. En 1988, Jean participe à la grande Session-Retraite à Jérusalem en Terre Sainte. Il en gardera de très beaux souvenirs. En 1992 il quitte le diocèse de Ségou et il est appelé à Falajè comme directeur du Centre de langue. Il dispense avec compétence son cours de bambara et ses étudiants l’apprécient. Très vite, en 1998, il devient aussi le curé de la paroisse de Falajè, une des plus anciennes paroisses du Mali. Les confrères apprécient Jean, son bon sourire et son bon sens. En 2002, il est choisi comme Conseiller, dans le conseil provincial du Mali à l’époque. Un confrère qui a vécu avec le Père Jean Bevand écrit ceci : « J’ai connu Jean à Falajè ; c’est lui qui m’a initié au bambara, puis je l’ai connu comme délégué de Secteur, alors que j’étais à Konatebugu. Puis il est venu nous rejoindre au presbytère. J’ai aimé ce confrère, très disponible, discret, qui avait une très profonde amitié pour le peuple malien et son église. Il parlait toujours des maliens avec respect, souvent avec cet humour léger et amical qui le caractérisait. Je me sens privilégié d’avoir partagé ces moments avec lui… »
En 2003, il devient curé de Kolokani et il est choisi comme Délégué au Chapitre de 2004 à Rome. À son retour, en août 2004, il est à nouveau choisi comme curé de Falajè. Il va y rester trois ans puisqu’en 2007. Il est alors appelé comme professeur à l’IFIC qui vient d’ouvrir ses portes sur la colline de Hamdallaye à Bamako. Le premier Directeur, le Père Josef Stamer, connaissait bien Jean Bevand pour avoir été très proche de lui dans tout son cheminement de jeune missionnaire. Il savait que Jean pourrait accompagner avec compétence et sérieux les étudiants qui allaient se présenter pour se former dans le dialogue interreligieux. Jean se donne à fond pour cette tâche, enseignant et accompagnant les étudiants, participant aux voyages dans le Nord Mali, à Djenné et Tombouctou, quand c’était encore possible. Il avait une grande expérience dans le domaine de l’œcuménisme et du dialogue interreligieux. Il participera à plusieurs reprises à des sessions de formation organisées par la Commission épiscopale de la CERAO pour le dialogue interreligieux dans toute 3 la sous-région. En 1991, il remplacera le Père Josef Stamer comme secrétaire de cette Commission. Plus tard il sera encore choisi par l’archevêque de Bamako pour être à la tête du secrétariat pour le dialogue interreligieux et l’œcuménisme sur le plan national.
Au niveau de la Province de la PAO, il lui sera demandé de participer à la commission du même nom. Tout le monde connaissait ses compétences en ce domaine. Jean ne s’imposait jamais mais si on faisait appel à lui, il savait se rendre disponible. Un confrère remarque : « Jean était d’une disponibilité incroyable ! » En 2008, il est élu Supérieur Délégué du Secteur Bamako, dès la fondation de la nouvelle Province de la PAO. Là encore, il va développer ses talents pour aider les confrères à entrer dans cette nouvelle configuration provinciale. C’est une des qualités de Jean de savoir écouter, conseiller et aussi réconcilier quand c’est nécessaire. Les confrères feront souvent appel à lui quand il y aura des situations un peu délicates à résoudre. Son bon sens, son calme et sa patience dénoueront souvent des problèmes épineux. Il avait une disposition à être un bon facilitateur.
En 2012, il participe à la session de transition à Rome et même si l’âge commence à compter, il accepte d’être de nouveau vicaire à la paroisse des Saints Martyrs de l’Ouganda à Jelibugu, en ville de Bamako. En 2016, suite à plusieurs mouvements dans la communauté, il accepte d’être le curé, mais dès qu’il le peut, en 2018, il accepte, avec l’accord de l’archevêque, de confier sa charge de curé à un confrère plus jeune. Très simplement, comme à son habitude, il reste sur place et devient un vicaire. En 2016, le pape avait appelé Jean à Rome pour lui confier le ministère de « missionnaire de la miséricorde ». Il a accepté cette charge avec une grande discrétion et une grande générosité.
Ce que l’on peut retenir de Jean, en plus de sa grande disponibilité, c’est d’une part sa précision et le soin dans la préparation de son travail aussi bien intellectuel que pastoral et, d’autre part, sa fidélité dans les relations amicales et l’étendue immense du réseau de connaissances qu’il s’était constitué tout au long de sa vie missionnaire. Sa communauté souligne que Jean motivait toujours à respecter le projet communautaire. Il tenait à rendre visite aux voisins pour les saluer, même s’il n’était pas toujours bien accueilli.
Le dimanche 22 novembre 2020, pendant qu’il célébrait la messe dans l’église des Saints martyrs de l’Ouganda, il eut un malaise. Il a reçu les soins nécessaires et semblait se remettre de cette fatigue lorsqu’il a subitement rendu l’âme le jeudi 26 novembre au matin, à l’hôpital de Bamako.
Les confrères l’avaient accompagné pour faire quelques analyses et il s’est éteint alors que les médecins commençaient tout juste à l’ausculter. La nouvelle de son décès s’est répandue à la vitesse d’un éclair. Très vite le Cardinal archevêque de Bamako se rend dans la communauté de Konatebugu pour dire toute son émotion et ses encouragements devant un décès si rapide qui laisse tout le monde dans la stupeur. Rien ne nous préparait à un départ si brusque. Tout récemment encore, c’est lui qui avait prêché pour la messe d’action de grâce de notre jeune confrère François d’Assise Diarra, de Kolokani, une paroisse où Jean avait laissé de grands souvenirs.
Les funérailles se sont déroulées le jeudi 3 décembre 2020, dans la paroisse des Saints Martyrs de l’Ouganda. Elles ont été précédées par une belle veillée de prière le mercredi dans la soirée. Luc Kola, le Provincial, avait fait le déplacement de Ouagadougou. Il a parlé au début et à la fin des obsèques. Le Cardinal présidait, entouré de deux évêques : Monseigneur Jonas Dembélé, évêque de Kayes et président de la Conférence Épiscopale du Mali et de Monseigneur Augustin Traoré, évêque de Ségou et vice-président de la Conférence Épiscopale du Mali.
Une trentaine de prêtres concélébraient et une foule compacte de fidèles, de religieux et religieuses et d’amis étaient là pour traduire toute l’affection qu’ils portaient au Père Jean Bevand. Une très grande photo du Père se trouvait au-dessus de l’autel avec ces mots : « À jamais dans nos cœurs, Père Jean Bevand, intercède pour nous auprès du Seigneur ».
Un tel départ, précipité, à quelques jours de Noël, a marqué tout le monde. Ce confrère zélé, plein d’humour et de compétence, un homme de Dieu, un vrai missionnaire, nous quitte mais nous laisse un grand souvenir. C’est sûr, avec son oncle, également missionnaire d’Afrique, Jean ne nous laisse pas seuls. Ils vont tous les deux intercéder pour le Mali, pour son Église et pour tout ce peuple qu’ils ont aimé et servi sans compter. Selon la formule qu’on aime prononcer au Mali, dans de pareilles circonstances, que la terre leur soit légère !
Josef Stamer et Alain Fontaine.