Vu au Sud - Vu du Sud

Côte d'Ivoire: baisse de près de 20% du prix d'achat du cacao aux producteurs ivoiriens

Des agriculteurs travaillent dans une plantation de cacao, près de Sinfra, en Côte d'Ivoire.

Des agriculteurs travaillent dans une plantation de cacao, près de Sinfra, en Côte d'Ivoire.
 © ISSOUF SANOGO/AFP

Très attendu par les cacaoculteurs ivoiriens, le nouveau prix bord-champ pour la grande campagne de cacao a été fixé vendredi par le Conseil Café-Cacao : 825 FCFA le kilo. C’est légèrement en hausse par rapport à la petite campagne entre avril et juin, mais en baisse de près de 20% par rapport à l’année dernière.

Avec notre correspondant à Abidjan, François Hume-Ferkatadji

Fixé à 825 FCFA le kilo de fèves de cacao, le prix retombe au niveau de la campagne 2019-2020. Mais pour de nombreux planteurs, il ne permet pas de faire face à l’évolution du coût de la vie. L’inflation est de 2% chaque année et les coûts d’entretien des champs augmentent également. D’autant que le Ghana voisin, lui, maintient son prix équivalent à 1 000 FCFA le kilo.

Selon Yves Koné, directeur général du Conseil Café-Cacao, le nouveau « différentiel de revenu décent » (DRD), une prime versée aux agriculteurs si les cours du cacao baissent, permet déjà de maintenir un prix au-dessus de celui du marché. « Cette année, par exemple, le prix moyen du marché c’est 1 132 francs. Avec ça vous ne pouvez même pas donner 700 francs au planteur sans le DRD. Les planteurs ne comprennent pas, peut-être qu’ils ne comprennent pas le mécanisme du prix. Mais je pense que les planteurs en profitent largement », nous déclare-t-il.

Pour lutter contre l’effondrement du prix du marché, le directeur du Conseil Café-Cacao a également indiqué son désir de voir la production baisser dans le pays - 2,2 millions de tonnes l’année dernière -, tout en concédant qu’il est très difficile de contrôler le niveau des récoltes.

Perte de confiance

L’ouverture de cette campagne est marquée par la perte de confiance entre les organisations de planteurs et le Conseil Café-Cacao, accusé d’être incapable de faire respecter ce prix minimum garanti pour les planteurs.

Du côté des organisations de planteurs, les inquiétudes restent très fortes à l’ouverture de cette campagne. Obed Doua, président de l’Apropaci, l’association des organisations professionnelles agricoles de Côte d’Ivoire, craint que ce prix minimum garanti ne soit pas respecté sur le terrain.

« À un certain moment, dans la période de la campagne, c’est finalement la loi de l’offre et de la demande. Donc les acheteurs nous font du chantage. En plein mois de décembre, où les producteurs ont le plus besoin d’argent, ils font de la rétention du cash », explique-t-il.

Depuis plusieurs mois, les tensions sont importantes entre le Conseil Café-Cacao et les organisations paysannes. Le mécanisme du nouveau « différentiel de revenu décent » est jugé opaque, tandis que les représentant des cacaoculteurs réclament l’organisation d’un « Grenelle du cacao », réunissant tous les acteurs de la filière.

 

RDC, Mali, Côte d’Ivoire… : ce que coûtent les députés africains

Mis à jour le 30 septembre 2021 à 12:08

Array

C’est une question presque taboue : quel est le salaire des députés ? Dans de nombreux pays du continent, l’information n’est pas publique. « Jeune Afrique » a mené l’enquête, et les résultats révèlent des disparités parfois abyssales.

Vingt-huit fois plus que le salaire moyen. C’est, en moyenne, la différence entre ce que gagnent les députés africains – sans compter leurs éventuelles primes – et le revenu de leurs administrés. Mais ce chiffre cache de très fortes disparités : celles relatives aux salaires des élus des différents pays, et celles qui existent entre le niveau de vie des députés et celui des populations qu’ils représentent.

UN DÉPUTÉ NIGÉRIAN TOUCHE PLUS DU DOUBLE DU SALAIRE D’UN DÉPUTÉ EUROPÉEN

Au Maghreb, l’indemnité de base de celles et ceux qui siègent au Parlement avoisine 1 900 dollars par mois ; en Tunisie, cependant, il n’est que de 780 dollars. En Afrique centrale, les élus peuvent gagner jusqu’à 120 fois plus que leurs administrés, comme c’est le cas en RDC. Le record est détenu par les élus nigérians, qui touchent pas moins de 9,3 millions de nairas par mois, plus de 22 000 dollars. C’est plus du double du salaire d’un député européen, qui perçoit 8 995 euros (10 500 dollars, soit 3,5 fois le revenu moyen dans la zone), ce qui représente trois fois plus que le revenu mensuel moyen en France et treize fois plus que celui évalué en Bulgarie.

5 700 dollars par mois

Des chiffres qui sont à mettre en perspective, en outre, avec les primes et allocations dont bénéficient les élus. Qu’il s’agisse d’espèces sonnantes et trébuchantes ou d’avantages en nature, elles peuvent parfois doubler les revenus perçus, voire plus.

Dans le cas du Gabon, par exemple, les primes – fonds de souveraineté, frais de compte-rendu et de transport – font déjà grimper le salaire à environ 5 700 dollars par mois. Et ce, sans compter les frais de session (70 dollars par jour) et les avantages connexes, dont : le passeport diplomatique, le véhicule de fonction, l’accès à l’assurance maladie et à un régime de retraite spécial.

En RDC, où les députés sont payés 5 500 dollars par mois alors que le revenu moyen brut mensuel est de 47 dollars, la récente polémique sur les « 500 jeeps » mises à leur disposition a, sans surprise, créé la polémique.

Il n’existe actuellement aucune base de données sur les salaires des députés africains. Pour établir le comparatif ci-dessous, les journalistes de Jeune Afrique et de The Africa Report ont mené l’enquête auprès des élus, de la Côte d’Ivoire au Mali en passant par le Nigeria, la RDC et le Maroc. Voici la revue des revenus, pays par pays :

Guinée : Mamadi Doumbouya devient officiellement chef de l’État

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 1 octobre 2021 à 17:57


Mamadi Doumbouya, ici le 5 septembre, a été investi président de la transition en Guinée le 1er octobre. © JOHN WESSELS/AFP

Devant sa femme et des personnalités politiques guinéennes, mais en l’absence de représentants étrangers de haut rang, le putschiste a été investi président de la transition ce vendredi 1er octobre.

Mamadi Doumbouya, a prêté serment vendredi 1er octobre comme président d’une transition à la durée et au contenu toujours inconnus. Le commandant des forces spéciales qui a renversé le président Alpha Condé le 5 septembre, en uniforme d’apparat beige, portant béret rouge et lunettes noires, a juré devant la Cour suprême « de préserver en toute loyauté la souveraineté nationale », de « consolider les acquis démocratiques, de garantir l’indépendance de la patrie et l’intégrité du territoire national ». Sa mère et son épouse, une officier de gendarmerie française, et de nombreuses personnalités politiques guinéennes étaient présentes. Cellou Dalein Diallo (UFDG), Sidya Touré (UFR), Faya Millimouno (BL), Siaka Barry ou encore Ousmane Kaba avaient fait le déplacement au palais Mohammed-V de Conakry.

S’octroyant un grade supplémentaire de colonel, Mamadi Doumbouya s’est de nouveau engagé au respect par la Guinée de tous ses « engagements nationaux et internationaux ». Il a par ailleurs assuré que, comme prévu par la « charte » de la transition, sorte d’acte fondamental publié lundi 27 septembre et entré en vigueur immédiatement, ni lui ni aucun membre de la junte ou des organes de transition ne serait candidat aux futures élections.

Culte de la personnalité

Avant de lui faire prêter serment, le président de la Cour suprême, Mamadou Sylla, a comparé la tâche du colonel Doumbouya au pilotage d’un navire « chargé de beaucoup d’événements douloureux, d’exigences nombreuses et d’attentes immenses et urgentes ». Il l’a appelé à ne pas se laisser dérouter « par la force des vagues de la démagogie et la tempête du culte de la personnalité ». Après deux coups de force au Mali voisin, le colonel Doumbouya a conduit le troisième putsch en un an en Afrique de l’Ouest, réalisé en quelques heures au prix d’un nombre indéterminé de vies humaines, les médias faisant état d’une dizaine à une vingtaine de morts.

Ce putsch a été largement condamné par la communauté internationale qui réclame la libération d’Alpha Condé, toujours aux mains des putschistes. Si les présidents de la Cedeao avaient été invités à cette cérémonie d’ouverture, aucun n’a fait le déplacement. Le président de la transition malien avait tout de même envoyé Malick Diaw, le président du Conseil de transition pour représenter son pays. Dans l’assistance figuraient les ambassadeurs de Chine et de Russie. Plusieurs pays occidentaux avaient limité leur présence à des diplomates de rang moindre mais le représentant du système des Nations unies était présent.

Durée indéterminée

Le colonel Doumbouya a assigné pour mission à cette transition une « refondation de l’État », la rédaction d’une nouvelle Constitution, la lutte contre la corruption, la réforme du système électoral, l’organisation d’élections « libres, crédibles et transparentes » et la « réconciliation nationale ». La junte a dit qu’elle rendrait le pouvoir aux civils après des élections à la fin d’une période de transition. Mais elle n’a jamais précisé la durée de cette transition, qui doit encore être fixée d’un « commun accord » entre les militaires et les forces vives du pays, ni précisé ses plans.

Le colonel Doumbouya, colosse aux manières posées, toujours protégé de près par ses hommes et apparaissant toujours en public en treillis et coiffé de son béret, semble résolu à se laisser du temps, malgré les pressions internationales, conviennent les analystes. La Cedeao a réclamé des élections présidentielle et législatives sous six mois. Elle a décidé de geler les avoirs financiers des membres de la junte et de leur famille et de les interdire de voyage.

Depuis son avènement, celui que les communiqués officiels désignaient déjà comme président de la République avant même son investiture, a multiplié les propos rassurants envers les investisseurs et des partenaires étrangers. Il a garanti le respect des contrats miniers et fait rouvrir toutes les frontières aériennes et terrestres. La « charte » de la transition confirme le colonel Doumbouya comme le nouvel homme fort de la Guinée, « chef de l’État et chef suprême des armées », qui « détermine la politique de la Nation » et qui « peut prendre des ordonnances ». Le président Doumbouya nommera par décret un Premier ministre de transition, qu’il pourra révoquer.

Au Mali, l’interminable bras de fer autour de l’organisation des élections

Mis à jour le 1 octobre 2021 à 17:03


Dépouillement des bulletins à Bamako en 2018 (illustration). © Nicolas Remene/Le Pictorium/MAXPPP

Soupçonnée par une partie de la classe politique de servir à prolonger la transition, la mise en place d’un organe unique d’organisation des élections est déjà critiquée.

Alors que s’esquisse un report des élections générales initialement prévues en février 2022, le gouvernement malien de transition a fait de la création d’un organe unique de gestion des scrutins l’une de ses priorités. Cet organe indépendant est censé asseoir pour de bon la légitimité du vote à venir et éviter les contestations, alors que le Mali enchaîne les crises politiques.

C’est au Centre international des conférences de Bamako (CICB), où quelque 750 Maliens issus des partis politiques, de la société civile, des organisations patronales et syndicales ou encore des autorités coutumières et religieuses se sont réunis du 24 au 26 septembre, que cette instance a commencé à se dessiner.

Pour commencer, elle a désormais un nom : Autorité indépendante de gestion des élections (Aige). « Cet organe unique est une demande de longue date des partis politiques, qui n’ont eu de cesse de dénoncer les insuffisances des instances en charge d’organiser les scrutins, qu’il s’agisse de la Ceni [Commission électorale nationale indépendante] ou du ministère de l’Administration territoriale », rappelle le juriste et journaliste Yacouba Dramé.

Éviter les fraudes

L’Aige doit hériter de plusieurs prérogatives jusqu’ici disséminées entre la Cour constitutionnelle, la Ceni, la Direction générale des élections (DGE) et le ministère de l’Administration territoriale et des Collectivités locales. Elle sera notamment chargée de l’organisation matérielle des scrutins, jusqu’ici dévolue au ministère de l’Administration territoriale, ce qui alimentait des soupçons de fraudes. « Dans la région de Mopti, au centre du pays, de nombreuses localités n’ont pas pu voter lors des dernières législatives du fait de la situation sécuritaire. Or on a vu émerger des résultats, souvent en faveur de la majorité, depuis ces mêmes zones, où il n’y a pourtant pas eu de vote », se souvient Yacouba Dramé.

« Il a aussi été décidé que l’Aige gèrerait les candidatures et la proclamation des résultats. Mais les contentieux seront toujours tranchés par la Cour constitutionnelle », résume Ikassa Kampo, désigné coordinateur des experts nationaux.

« Les dés sont pipés »

Il a aussi été décidé que l’Aige comprendrait neuf membres, désignés pour un mandat de sept ans non renouvelable. Pour les choisir, « il y aura un appel à candidatures national puis le dossier des postulants sera étudié par un collège d’experts désignés par le gouvernement », explique Kaou Abdramane Diallo, rapporteur général des travaux de concertation.

Si la recommandation d’établir des « personnalités intègres et consensuelles » a été accueillie sous les vivats du CICB lors de la cérémonie de clôture du 26 septembre, la formule ne convainc pas une partie de la classe politique. « Ne faisons pas semblant de lancer un appel à candidatures alors que les dés sont pipés, attaque Yaya Sangaré, ancien ministre et porte-parole de l’Adema. Nous l’avons toujours dit, l’organe unique et les assises répondent à un agenda visant à prolonger la transition et à faire basculer la majorité au Mali. Le Premier ministre est issu d’un parti politique qui n’a pratiquement aucune existence sur le circuit politique malien. Il cherche à créer un instrument qui lui permettrait d’inverser les forces politiques au Mali à son avantage. »

Si l’objectif était de mettre sur pied un organe consensuel, tout porte à croire que ce but ne sera pas atteint. De nombreux partis ont en effet boycotté les concertations nationales. Ils accusent notamment les autorités de se cacher derrière la création de l’organe pour gagner du temps et se maintenir au pouvoir au-delà de février 2022.

Alors que les simulations des équipes de Moctar Ouane, renversé en mai 2021, se donnaient douze à seize mois pour installer l’organe unique, le nouveau Premier ministre, Choguel Maïga, ne donne plus de chronogramme précis. Il assume désormais l’idée de repousser les élections.

Burkina Faso: démantèlement d’un vaste réseau de fraude sur le carburant


Des bouteilles d'essence vendues dans la rue en 2015 (Image d'illustration).

Des bouteilles d'essence vendues dans la rue en 2015 (Image d'illustration).
 © SIA KAMBOU/AFP

Des investigations dans plusieurs villes du Burkina Faso ont permis, dans le courant de la semaine dernière, l’arrestation de dizaines personnes et la fermeture de plusieurs stations-service et dépôts de carburant. Cette fraude au carburant serait l’un des circuits du financement du terrorisme au Burkina Faso, selon des sources sécuritaires. Le procureur a d'ailleurs ouvert une enquête pour contrebande aggravée, blanchiment de capitaux et financement du terrorisme.

PUBLICITÉ

Cette vaste opération a permis d’interpeller 72 personnes actuellement en garde à vue. Des produits de contrebande et des moyens roulants saisis. Des stations-service et dépôts de carburants mis sous scellés. Les auditions et interpellations nécessaires se poursuivront afin de mettre fin à ces pratiques qui paralysent l’économie nationale et qui constituent des sources de financement du terrorisme, souligne le procureur Harouna Yoda.

C’est à l’aide de camions spécialement aménagés à l’intérieur desquels sont disposés des centaines de futs de 200 litres ou à l’aide de citernes qui n’ont aucun document délivré par la Société nationale burkinabè d'hydrocarbures (Sonabhy) que les trafiquants opéraient, selon le procureur.

L’autre circuit a été relevé par le journal L'Économiste. Des centaines de camions-citernes s’approvisionnent au Niger et au Bénin, avec des documents bien établis, mais le carburant en transit pour le Mali ne passe pas la frontière. « Il se retrouve dans certaines zones occupées par les groupes terroristes au  Burkina Faso », selon le journal. Ces trafiquants passaient les différents postes de douane, de police et de gendarmerie sans aucune difficulté comme s’ils accomplissaient des activités licites, fait savoir le procureur.

►À lire aussi : Afrique économie - Sahel: la ruée vers l'or profite aussi aux groupes armés et terroristes