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Togo : grand coup d’accélérateur pour l’accès à l’électricité   

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Sur le site du nouveau parc solaire de Blitta (centre).

Sur le site du nouveau parc solaire de Blitta (centre). © Presidence Togolaise

 

Le pays ouest-africain a massivement investi dans le domaine de l’énergie et progresse à pas de géant dans l’électrification de sa capitale Lomé et de l’ensemble du territoire.

Les Loméens font déjà partie des rares Ouest-Africains épargnés par les délestages. Ils devraient bientôt être parmi les mieux lotis en matière d’accès à l’électricité. D’abord parce que la donne est en train de changer radicalement du côté de la production, avec la mise en service, en juin dernier, du parc solaire de Blitta (première phase, dans le centre du pays) et, surtout, le démarrage de la centrale à cycle combiné (gaz-vapeur) Kékéli Efficient Power, d’Eranove, située sur la zone du port de Lomé – un investissement de 85 milliards de F CFA (130 millions d’euros). Sa première turbine, à gaz, a commencé à tourner en avril, générant une puissance de 47 mégawatts (MW) – d’ores et déjà la plus importante capacité de production du pays –, qui sera portée à 65,5 MW d’ici à la fin de l’année avec la mise en service de la turbine vapeur : de quoi alimenter en électricité 263 000 foyers (soit près de 2 millions de personnes).

Modernisation, renforcement, extension

Par ailleurs, des investissements massifs ont été réalisés en matière d’électrification, dont 20 milliards de F CFA pour les travaux de renforcement et d’extension du réseau électrique de l’agglomération de Lomé, qui doivent s’achever à la fin de 2022. Modernisation de 70 km de réseaux souterrains existants, construction de plus de 50 postes de distribution, renforcement du réseau moyenne tension sur 90 km de lignes souterraines et aériennes, extension du réseau avec la construction de 230 km de lignes, acquisition de kits de branchement…

Les travaux sont menés dans le cadre du Projet des réformes et d’investissement dans le secteur de l’énergie au Togo (Priset), et financés par l’État, la Banque mondiale, l’Union européenne (UE), l’Agence française de développement (AFD) et la Banque allemande de développement (KFW).

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L’OBJECTIF EST QUE 75 % DES TOGOLAIS AIENT ACCÈS À L’ÉLECTRICITÉ EN 2025

Le Projet d’extension du réseau électrique de Lomé (Perel), soutenu par l’AFD, l’UE et la KFW, prévoit en outre l’installation de lignes de basse tension et de moyenne tension, la construction de téléconduites et le raccordement de nouveaux abonnés. L’appel d’offres, lancé en 2019, pour la réalisation de ces travaux (estimés à 34 millions d’euros) a été remporté par le groupe panafricain AEE Power, qui va contrôler l’ensemble des segments de la chaîne ingénierie, approvisionnement et construction.

En dehors de Lomé, une cinquantaine de localités bénéficient du Programme d’extension du réseau électrique dans les centres urbains du Togo (Perecut), dont la convention de prêt a été signée le 9 avril 2021. Il doit permettre à 108 000 ménages (plus de 500 000 personnes) d’avoir accès à une électricité fiable d’ici à cinq ans. En 2020, 50 % des Togolais avaient accès à l’électricité. L’objectif du pays est qu’ils soient 75 % en 2025… et 100 % en 2030.

Mali: rencontre à Bandiagara pour la sécurisation du pays dogon

Des fermiers dogons en train de travailler. (Image d'illustration)
Des fermiers dogons en train de travailler. (Image d'illustration) DeAgostini/Getty Images

Comment sécuriser les populations de la zone ? Quel avenir pour les accords de paix locaux ? Quelle place pour les groupes d’auto-défense ? Une grande rencontre s’est tenue à Bandiagara, en pays dogon, afin de progresser sur tous ces sujets. Certains engagements ont été pris, même si des divergences importantes continuent de s’exprimer.

Dimanche, les autorités locales, les représentants des populations et ceux de Dan Na Ambassagou, groupe d’autodéfense constitué autour de chasseurs traditionnels dozos, ont débattu de ces sujets à dominante sécuritaire. Le cas des blocages récents de la route nationale 15, principal axe qui traverse le pays dogon, a notamment été au cœur des échanges.

La RN15 est régulièrement attaquée par les groupes jihadistes. Ces derniers temps, elle a surtout été bloquée par les chasseurs de Dan Na Ambassagou, qui s’efforcent de protéger les habitants – et qui en paye souvent le prix du sang –, mais qui sont aussi régulièrement accusés d’exactions contre les civils, notamment de la communauté peule.

En bloquant pendant plusieurs jours cet axe routier, Dan Na Ambassagou entendait dénoncer les accords intercommunautaires signés dans plusieurs cercles du centre du Mali, notamment à Koro et à Bankass. Le président de Dan Na Ambassagou, Mamoudou Goudienkilé, juge désormais « caduques » ces accords locaux « qui nous mettent dans l’esclavage vis-à-vis des terroristes ».

Lui et Youssouf Toloba, chef de la branche armée de Dan Na Ambassagou, ont ainsi plaidé pour un renforcement des moyens militaires dans la zone, avec davantage de bases dans les localités longeant l’axe routier, et pour une « union avec l’État malien » pour combattre les jihadistes.

 

La légitimité de Dan Na Ambassagou questionnée

Officiellement dissoute il y a deux ans, Dan Na Ambassagou ne l’a jamais été dans les faits et les autorités maliennes se sont souvent engagées à désarmer les groupes d’autodéfense tout en recourant, plus ou moins officiellement, à leurs services sur le terrain.

« Ils n’ont ni l’autorité, ni la légitimité pour déclarer ces accords caducs », rétorque un conseiller du ministre de la Réconciliation nationale, qui suit le dossier de près. Et qui juge toutefois « légitime » la demande d’un renforcement des moyens militaires dans la zone.

Outre l’axe routier RN15, de nombreux villages du pays dogon vivent sous le joug de groupes jihadistes appartenant au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), lié à Aqmi. Certains, comme celui de Dinangourou, sont même entièrement sous blocus depuis plusieurs mois.

« Ils se sont engagés à ne plus bloquer la route et c’est une avancée », juge enfin une autorité locale présente à la rencontre, qui poursuit : « Dan Na Ambassagou ne reconnaît pas les accords locaux, mais cela n’engage qu’eux. Ces accords ont permis d’améliorer la circulation des populations et de réduire les attaques. »

Mali : qui sont les piliers et les relais du pouvoir d’Assimi Goïta ?

| Par Jeune Afrique
Mis à jour le 30 août 2021 à 11h50
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Patron désormais incontesté de la transition malienne, le président Assimi Goïta a conservé à ses côtés une garde prétorienne dont il a connu la plupart des membres dans les rangs de l’armée. « Jeune Afrique » présente les hommes du colonel.

Pour garantir sa survie dans un régime de transition, il vaut mieux s’entourer d’hommes en qui on a une confiance – presque – aveugle. Et depuis qu’il a endossé le costume de président de la République, le colonel Assimi Goïta, qui se sait scruté sur la scène internationale, applique ce principe à la lettre.

Secret par nature, il a tout verrouillé autour de lui depuis la crise du 24 mai 2021 qui a plongé le Mali dans son deuxième coup d’État en moins d’un an. Il ne s’entoure désormais que d’une poignée de fidèles, au premier rang desquels les camarades du Comité national pour le salut du peuple (CNSP), qu’il rencontre tous les jours pour « parler de la situation du pays ».

Colonel Sadio Camara

Entre Sadio Camara et Assimi Goïta, le compagnonnage ne date pas d’aujourd’hui puisque les deux hommes ont été au front ensemble. Nommé dès le début de la transition au très stratégique ministère de la Défense, son éviction du second gouvernement de Moctar Ouane avait conduit à un second coup d’État en moins d’un an. Assimi Goïta estimait alors que cette mise à l’écart sans son accord était une « violation de la charte de transition » et du « serment prêté [par Bah N’Daw] le 25 septembre 2020 ».

Colonel Malick N’Diaw

À 42 ans, ce natif de Ségou dirige le Conseil national de transition (CNT), l’organe législatif du Mali depuis décembre 2020. Pièce maîtresse du dispositif de Goïta, il faisait déjà partie du quatuor qui a mené le coup d’État du 18 août 2020. Comme ses compagnons, il est passé par le Prytanée militaire de Kati, dont il deviendra le directeur des années plus tard. Discret et connu pour ses qualités de négociateur, ce colonel n’en est pas à son premier coup d’État. Il avait déjà été l’un des acteurs du putsch de 2012 qui avait renversé Amadou Toumani Touré (ATT) et porté Amadou Haya Sanogo au pouvoir.

Colonel Modibo Koné

Il a quitté le ministère de la Sécurité et de la Protection civile pour diriger la Sécurité de l’État. Au Mali, ce poste est réputé pour être dirigé par les hommes de confiance du président. Issu du Prytanée militaire de Kati et formé à l’École militaire interarmes de Koulikoro (Émia), c’est un homme de terrain, qui a participé à plusieurs opérations de l’armée malienne dont « Maliba », lancée en 2013 et qui visait à reconquérir le nord du territoire.

Colonel Ismaël Wagué   

Il était chef d’état-major adjoint de l’armée de l’air quand il a été nommé ministre de la Réconciliation nationale du gouvernement de transition. Un ministère qu’il a sans nul doute obtenu grâce à la bonne réputation qu’il avait au sein de l’opinion publique lorsqu’il a perpétré le coup d’État du 18 août 2020.

Capitaine Demba N’Daw

Directeur de cabinet avec rang de ministre, il est l’un des plus proches collaborateurs de Goïta. Capitaine de l’armée de terre lui aussi passé par le Prytanée militaire de Kati, il est celui qui gère l’agenda du président de la transition. Lors de la crise du 24 mai, c’était lui qui avait la responsabilité de la ligne téléphonique entre Goïta et les nombreuses personnalités étrangères qui souhaitaient échanger avec le nouvel homme fort du Mali.

Commandant Baba Cissé 

Conseiller spécial de Goïta et chargé de sa communication, il a pris du grade ces derniers mois. Très accessible par rapport à son rang de commandant, il sait se montrer grave quand il le faut. Après le coup d’État du 24 mai, c’est lui qui a pris la parole pour justifier le passage à l’acte de Goïta et de ses hommes. Peu à l’aise devant les caméras, c’est lui que le colonel mandate pour transmettre ses messages à l’antenne.

Abdoulaye Diop

Diop est la surprise du dispositif de Goïta. Diplomate chevronné qui fut un temps ambassadeur du Mali à Washington et qui est passé par l’Union africaine, il s’est positionné dès sa prise de fonctions au ministère des Affaires étrangères comme le VRP du président de la transition. Début juillet, il a multiplié les déplacements – à Accra, Kigali ou Kinshasa – pour « porter le message du président Goïta » auprès des chefs d’État de ces pays. Autrement dit pour redorer l’image d’un Goïta en manque de popularité à l’international.

Robert Dussey

Le chef de la diplomatie togolaise, qui se rend très fréquemment à Bamako, est un pont entre Goïta et le président Faure Essozimna Gnassingbé. Fidèle à une longue tradition de facilitateur, le président togolais, qui entretient de bonnes relations avec Goïta depuis le coup d’État d’août 2020, s’était posé en médiateur lors du bras de fer entre Bah N’Daw et le colonel pour la formation du gouvernement en mai dernier.

En véritable parrain, il est de ceux qui ont pris la défense du pouvoir malien face au trio formé par Alassane Ouattara, Goodluck Jonathan et Nana Akufo-Addo pour éviter des sanctions économiques trop lourdes de la Cedeao contre le Mali.

La vie sans le franc CFA : sommes-nous prêts ?

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La transition vers l’eco aura un impact tant sur les grands équilibres économiques que sur les transactions du quotidien.

La transition vers l'eco aura un impact tant sur les grands équilibres économiques que sur les transactions du quotidien. © PATRICK GELY/SIPA

 

Banquiers, économistes, gestionnaires de fonds… Les financiers de la zone Uemoa font face à la métamorphose du franc CFA, avec plus ou moins d’appréhension.

Après un nouveau report du lancement de la monnaie unique de la Cedeao qui devait voir le jour en 2020, la date putative de la transition est fixée à 2027 par les quinze chefs d’État et de gouvernement concernés. Est-ce que cette fois sera la bonne ? Le doute est légitime, car le délai pour créer l’eco est très court. Les huit pays membres de l’Uemoa tardent à ratifier l’abandon de l’anachronique franc CFA. Le Nigeria boude cette démarche des pays francophones. On voit peu d’amélioration de la convergence entre les États candidats à l’union monétaire. Le cours de l’eco sera-t-il fixe ou flexible? Sa Banque centrale sera-t-elle vraiment indépendante ?

Les acteurs économiques sont nombreux à se préoccuper du flou qui entoure cette révolution monétaire et l’expriment dans un éventail d’analyses qui va de l’optimisme à l’inquiétude la plus vive. Représentants de ces deux extrêmes :  Jean-Luc Konan, directeur général de Cofina (spécialiste de la mésofinance), et Luc Rigouzzo, cofondateur de la société de capital-investissement Amethis.

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LES TECHNIQUES DE CHANGE NE BOUGERONT PAS

L’Ivoirien Jean-Luc Konan constate cette inquiétude chez ses partenaires qui sont habitués à la sécurité du franc CFA, mais il ne la partage pas. « J’ai travaillé au Ghana et j’ai constaté que le change flexible était parfaitement gérable, rappelle-t-il. Il nous force à anticiper les gains et les risques de nos opérations, à renforcer nos compétences en matière de gestion du risque de change. Nous quittons d’ailleurs le confort de l’arrimage à l’euro à chaque fois que nous faisons des transactions en dehors de la zone notamment avec la Chine ou les États-Unis. Les techniques de change ne bougeront pas. »

Pas de changement majeur donc, mais des précautions à prendre. « Entre le moment de la commande d’un bien à l’étranger et celui de sa livraison, nous déterminerons le prix final vraisemblable avec l’acheteur. Il nous faudra utiliser les mécanismes de couverture traditionnels, les achats et ventes à terme, des options de change ou de swap de devises », explique le financier ivoirien. À ses yeux, le plus important est « que cet élargissement de notre horizon économique et monétaire à quinze pays se fasse en plusieurs étapes selon un processus bien maîtrisé. Les États devront veiller au respect des critères de convergence, en l’occurrence l’inflation, le déficit budgétaire et la dette publique ».

Un risque d’exacerbation des tensions sociales

Cette approche ne fait pas l’unanimité. Nombre de dirigeants pointent plutôt le risque de dépréciations successives qu’un taux de change entièrement flexible ferait courir à la région. « La dévaluation du franc CFA en 1994 a été favorable aux exportateurs agricoles, mais pas aux consommateurs urbains. Or ces derniers sont devenus majoritaires en Afrique et dépendent de produits d’importation », avertit Luc Rigouzzo, qui indique l’éventuel renchérissement en monnaie locale constant des biens importés et la conséquente érosion permanente du pouvoir d’achat des classes urbaines moyennes et pauvres. Une évolution grosse de risques d’exacerbation des tensions sociales.

« Nos pays ont une balance commerciale déficitaire. Cela suppose d’importantes réserves de change pour faire face aux engagements commerciaux extérieurs. Il y a un vrai danger de déclencher une inflation terrible en cas de tension sur ces réserves », complète, depuis Abidjan, Youssouf Carius, fondateur de Pulsar Partners, qui gère un portefeuille d’investissements de 6,5 milliards de F CFA (10 millions d’euros).

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ON NE SAIT TOUJOURS PAS SI LA VALEUR DE L’ECO SERA GARANTIE OU EN FLUCTUATION CONSTANTE

Les effets vont au-delà des grands équilibres macroéconomiques. « Les épargnants sont mal rémunérés par des taux qui ne dépassent souvent pas 2 %. Le passage d’un change fixe, où l’inflation oscille entre 2 % et 3 % à un régime de change flexible où elle atteint généralement entre 8 % et 10 % pourrait gravement pénaliser les plus pauvres », décrypte Georges Vivien Houngbonon, l’économiste et administrateur du think-tank L’Afrique des Idées.

Pour Youssouf Carius, l’absence de débat sur la jugulation des cycles des prix des matières premières d’exportation, socles de bien des pays de la région, est une source majeure de préoccupation. Une autre – qui lui est directement liée – tient à l’absence de visibilité sur le régime de change de la future monnaie et son calendrier de mise en œuvre.

« Depuis 2003, on ne sait toujours pas si la valeur de cette monnaie sera garantie, comme celle du CFA, ou en fluctuation constante comme le naira », regrette Youssouf Carius.

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QUEL SERA LE PANIER DE MONNAIES AUQUEL CETTE MONNAIE S’ADOSSERA SI ELLE EST FLEXIBLE ?

« Un producteur malien de mangues non transformées destinées au marché de Rungis, en France, peut vivre quelque chose de violent avec un taux de change flexible, car il maîtrise moins son prix de vente, et si l’eco chutait, il n’aurait plus une recette “garantie” sur la durée. Je suis plutôt partant pour adosser l’eco à un panier de monnaies qui adoucirait les fluctuations monétaires », complète Jean-Marc Savi de Tové, associé d’Adiwale Partners, gérant d’un fonds de 50 millions d’euros visant les PME en zone Uemoa.

Quelles modalités pratiques ?

Au-delà du régime basique de change, les modalités pratiques du futur système sont tout aussi importantes alertent les investisseurs de la région. « Prendre son indépendance monétaire et créer un espace monétaire regroupant francophones et anglophones, c’est très bien. Mais, concrètement, quel sera le panier de monnaies auquel cette monnaie s’adossera si elle est flexible ? Quelles institutions mettre en place pour la défendre ? Comment concilier les intérêts divergents des pays exportateurs et des pays importateurs de pétrole, ou à l’intérieur d’un même pays entre les importateurs, partisans d’une monnaie forte, et les exportateurs qui la souhaitent faible ? », presse Paul Derreumaux, président d’honneur de Bank of Africa et économiste.

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IL NOUS FAUT TROUVER UN ÉQUILIBRE ENTRE « NOTRE » MONNAIE À TOUT PRIX ET LA RÉALITÉ ÉCONOMIQUE

« Avec un eco en régime de change flexible, les pays de la zone CFA connaitraient une dévaluation monétaire par rapport aux cours actuels du franc CFA, ce qui augmenterait la valeur des importations et aggraverait leur déficit commercial au moins pour un temps. Les importateurs en pâtiront et risqueraient de fuir massivement l’eco en attendant l’installation définitive de la nouvelle monnaie. Il faudra leur fournir des garanties pour maîtriser ces risques », décrypte Georges Vivien Houngbonon.

Jean-Marc Savi de Tové, pour sa part, souhaite que « la BCEAO éduque plus les populations » et que « les gouvernants disent comment les pays de la Cedeao vont faire converger leurs économies ainsi que les mesures d’accompagnement prévues pour les pays les moins préparés­ ».

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PRÉTENDRE CHANGER DE MONNAIE EN DISANT « TOUT VA BIEN SE PASSER » EST TROP SIMPLISTE

« Il nous faut trouver un équilibre entre “notre” monnaie à tout prix et la réalité économique, estime-t-il. Ce qui doit primer, c’est que nos jeunes aient du travail et nos populations, de quoi manger.» Un avis proche de celui de Paul Derreumaux qui insiste : « Prétendre changer de monnaie en disant “tout va bien se passer” est trop simpliste. »

Le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, et son homologue béninois, Romuald Wadagni, à Abidjan, le 21 décembre 2019.
Le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, et son homologue béninois, Romuald Wadagni, à Abidjan, le 21 décembre 2019. © Ludovic MARIN/AFP

« Une monnaie commune avec le Nigeria, qui pèse autant que les quatorze autres membres de la Cedeao ne peut qu’être totalement contrôlée par lui. La monnaie de la Cedeao sera la monnaie du Nigeria. Or la politique de change de ce dernier est gouvernée par le pétrole, ce qui n’est pas le cas des autres. La convergence des intérêts sera difficile à trouver. En revanche, si le Ghana, la Guinée et l’Uemoa créaient une monnaie commune, fixe ou pas, et totalement indépendante de la France, si c’était leur choix, cela aurait du sens, car leurs économies sont plus convergentes et leurs tailles plus équilibrées », plaide Jean-Michel Severino, gérant du fonds éthique Investisseurs et Partenaires.

Anticiper la nouvelle donne monétaire

En attendant, les financiers de la zone Uemoa doivent intégrer dans leur modèle – avec plus ou moins d’enthousiasme et d’appréhension – la nouvelle donne monétaire, aussi incertaine soit-elle. Youssouf Carius  attend encore des clarifications des autorités. « Tant que je ne verrai pas le système se réformer, je ne réformerai pas mes activités et mes partenaires ne se préparent pas plus à l’eco. »

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NOUS NOUS ORIENTERONS VERS LES SECTEURS LES PLUS RÉSILIENTS

Pour autant, l’investisseur ivoirien ne cache pas son exaspération : « La migration monétaire ne devrait pas être politique, mais économique. Quand on est dans le flou, on anticipe le pire et on se souvient que certains de nos collègues ghanéens ont perdu 40 % de leurs investissements en raison des fluctuations monétaires provoquées par les risques pétroliers ».

D’autres adoptent une attitude plus proactive. Ainsi, Jean-Marc Savi de Tové se prépare, lui, activement à l’arrivée du risque de change dans ses activités. « Nous n’utiliserons pas de produits de couverture du risque de change, car ils sont trop chers, déclare-t-il. Nous nous orienterons vers les secteurs les plus résilients. Nous serons plus sélectifs encore sur nos investissements pour pallier la baisse de visibilité », explique l’investisseur togolais.

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AUCUNE PRÉPARATION MATÉRIELLE DE L’ECO NE PARAÎT ENCLENCHÉE

Du côté d’Amethis Finance, la priorité est d’investir dans des économies diversifiées dont les monnaies sont relativement stables, mais moins dans les pays pétroliers. « Oui à l’eco ! Mais s’il n’est pas adossé à un panier d’autres grandes monnaies comme le dirham marocain, si sa flexibilité est totale. Cela accroitrait la volatilité et les risques pour les populations et réduirait l’attractivité de l’Afrique de l’Ouest pour les investisseurs », prévient-il.

Incertitudes, retards et incohérences

Jean-Michel Severino n’est pas moins critique à l’égard d’une situation qui cumule incertitudes, retards et incohérences. « Nous sommes perplexes face au futur monétaire, ce qui n’est pas propice aux décisions d’investissement, souligne-t-il. Aucune préparation matérielle de l’eco ne paraît enclenchée, et la situation est confuse entre ce qui se passe au niveau de l’Uemoa et de la Cedeao. »

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LES INVESTISSEMENTS NE SONT PAS AUTOMATIQUEMENT PLUS RENTABLES ET DONC NOMBREUX AVEC UNE MONNAIE FLEXIBLE

Cela pourrait conduire les investisseurs en devises à privilégier les investissements dans les secteurs d’exportation ou dans ceux qui peuvent se substituer aux importations, ce qui serait négatif pour le marché intérieur.

« Les investissements ne sont pas automatiquement plus rentables et donc nombreux avec une monnaie flexible », affirme Jean-Michel Severino. « Un exemple récent pour nous est une sortie d’une banque ougandaise spécialisée dans la microfinance, dont la rentabilité, malgré sa performance économique, été érodée par les dépréciations du shilling », ajoute l’ancien patron de l’Agence française de développement.

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AVANT LA MISE EN PLACE DE L’ECO, LES ÉTATS DEVRONT AJUSTER LEUR FISCALITÉ

« Si la monnaie commune se dévalue, cela attirera les investissements étrangers. À condition que la Banque centrale leur garantisse transferts de capitaux et convertibilité. Un arbitrage devra être trouvé entre le contrôle des changes pour préserver la stabilité monétaire et la garantie aux investisseurs de pouvoir rapatrier leurs fonds si nécessaire », précise Georges Vivien Houngbonon.

Nécessaire approfondissement de la réflexion

Outre l’impact sur la rentabilité des investissements, l’évolution du régime monétaire aura également des conséquences pour les équilibres budgétaires des pays concernés.

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MIEUX S’INSÉRER DANS LES CHAÎNES DE VALEUR MONDIALES DEMANDERA DU TEMPS

« Si la nouvelle monnaie se déprécie, si le déficit de la balance courante s’aggrave, s’il n’y a pas assez d’investissements étrangers, certains États auront du mal à faire face à la charge de leur dette, notamment ceux qui ont une base fiscale étroite. Avant la mise en place de l’eco, les États devront ajuster leur fiscalité, faciliter la création d’industries pour améliorer leur capacité exportatrice et mieux s’insérer dans les chaînes de valeur mondiales afin de dégager des capacités financières supplémentaires », avertit Georges Vivien Houngbonon. De fait, l’économiste béninois ne serait pas surpris si le calendrier de naissance de l’eco était modifié, tant sa mise en place nécessite d’approfondir une réflexion sur ces sujets essentiels.

« Allô, les autorités ? », serait-on tenté de dire à l’issue de ce tour d’horizon. Si elles souhaitent réussir leur ambitieux objectif, il leur faut choisir, et vite, les institutions, la transparence, la prudence, la modestie et les réflexes communautaires qui donneront à leur future monnaie commune, l’eco, le seul socle qui lui vaudra longue vie : la confiance.

 

Burkina : la ruée vers l’or des jihadistes

| Par - à Ouagadougou
Dans une mine d’or de la région d’Ouahigouya, dans le nord du Burkina.
Dans une mine d’or de la région d’Ouahigouya, dans le nord du Burkina. © © Jacques Pion/Hans Lucas via AFP

 

Depuis cinq ans, pour se financer, les groupes terroristes font main basse sur les sites d’orpaillage dans des zones où l’État burkinabè est quasi absent. Enquête.

Plus de deux mois après l‘attaque qui, dans la nuit du 4 au 5 juin, a coûté la vie à 132 personnes, Solhan se remet lentement du traumatisme. Cette localité de 10 000 habitants (dont 7 000 orpailleurs selon les autorités locales), située à une quinzaine de kilomètres de Sebba, le chef-lieu de la province du Yagha, dans le nord-est du Burkina, est devenue malgré elle le symbole de la contrebande de l’or à laquelle se livrent deux groupes rivaux : l’État islamique et le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, affilié à al-Qaïda).

Nombre d’experts établissent une corrélation entre l’insécurité et le boom aurifère du pays, qui suscite des convoitises grandissantes. Dans le Nord, l’Est, l’Ouest et le Sud-Ouest, l’insécurité rime avec prolifération de l’exploitation de l’or, contrebande et trafics en tout genre. « L’orpaillage est l’un des secteurs de l’économie par lesquels ces organisations se financent », confirme Rinaldo Depagne, directeur Afrique de l’Ouest à l’ONG International Crisis Group (ICG).

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LE ORPAILLEURS CONSIDÈRENT PARFOIS LA PRÉSENCE DES JIHADISTES COMME UNE AUBAINE

« Il n’existe pas de cas avéré d’exploitation artisanale d’un site aurifère par des groupes terroristes, relativise l’économiste Barnabé Kambou, spécialiste en gestion des politiques de développement et coordonnateur de l’Observatoire économique et social, une émanation du Conseil économique et social burkinabè.  Il est en revanche de notoriété publique que, dans les zones sous leur contrôle, ces groupes demandent la zakat [dans l’islam, aumône légale] aux orpailleurs, qu’ils protègent en contrepartie ». Les orpailleurs considèrent donc parfois la présence des jihadistes comme une aubaine, et non comme une menace.

Manipulation d’explosifs

« C’est surtout dans l’est du Burkina que les groupes terroristes s’adonnent à l’exploitation illégale de l’or », assure une source au ministère des Mines. Comme le soulignait déjà en novembre 2019 l’ICG, dans un rapport intitulé « Reprendre en main la ruée vers l’or au Sahel central », les prises d’otage se raréfient dans le Sahel, et avec elles les rançons, qui constituaient une source importante de revenus pour les mouvements jihadistes. L’or est donc pour eux un nouveau moyen de se financer et, aussi, de recruter.

Le rapport d’ICG indiquait par ailleurs que les sites aurifères servaient de lieu de formation, notamment en manipulation d’explosifs – technique utilisée pour l’extraction de l’or. Plusieurs membres de la katiba Khalid Ibn Walid, branche sud d’Ansar Eddine, auraient reconnu avoir reçu ce type de formation dans l’une des nombreuses mines artisanales du nord de la Côte d’Ivoire, près de la frontière malienne.

Les filières aurifères constituent ainsi une voie d’approvisionnement pour la fabrication d’engins explosifs improvisés (IED), en particulier dans le centre du Mali et dans certaines régions du Burkina, où le nitrate d’ammonium, commercialisé par des entreprises sahéliennes, est le principal composant de ces IED.

Transit par le Mali, le Ghana ou le Togo

Le rapport très documenté d’ICG soulignait justement que le « boom du secteur aurifère artisanal mena[çait] les États du Sahel central ». Outre « les enjeux financiers associés à l’exploitation aurifère artisanale, devenus considérables ces dernières années », les auteurs alertaient sur « la formation de réseaux commerciaux locaux, régionaux et internationaux informels » pouvant « contribuer au financement de groupes armés et/ou du terrorisme et à une augmentation du blanchiment d’argent dans la région ».

« Les filières de la contrebande transitent par le Mali, le Ghana ou le Togo, précise notre source au ministère burkinabè des Mines. Les contrevenants camouflent leur butin dans des véhicules ou sur des passagers, le temps que ceux-ci traversent la frontière. Ces quantités d’or alimentent des raffineries illégalement implantées au Mali et au Ghana voisins. Entre 20 et 30 tonnes sortent ainsi frauduleusement du Burkina. »

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AU BURKINA, AU MALI ET AU NIGER, PLUS DE 2 MILLIONS D’ACTEURS SERAIENT IMPLIQUÉS DANS L’ORPAILLAGE ARTISANAL

En 2020, l’Observatoire économique et social, à Ouagadougou, a chiffré le phénomène. Dans une étude portant sur les mécanismes de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, il a établi que, entre 2016 et 2019, l’exploitation illégale de l’or s’élevait à 70 milliards de F CFA (environ 107 millions d’euros) pour le seul Burkina.

La production artisanale représenterait aujourd’hui près de 50% des volumes produits industriellement. D’après ICG, elle atteindrait chaque année 20 à 50 tonnes au Mali, 10 à 30 tonnes au Burkina, et 10 à 15 tonnes au Niger. Soit une valeur monétaire globale allant de 1,9 à 4,5 milliards de dollars par an, si l’on se réfère au cours mondial de l’or.

L’essentiel de cette production artisanale et/ou illégale est exporté à Dubaï, qui déclare 1,9 milliard de dollars d’importations en provenance de ces trois pays, auxquels s’ajoute le Togo. Toujours dans ces trois pays, plus de 2 millions d’acteurs seraient directement impliqués dans l’orpaillage artisanal : 1 million au Burkina, 700 000 au Mali, et 300 000 au Niger, selon ICG.

« En 2016-2017, dans le Soum [Burkina], en particulier dans la région de Kéréboulé, les combattants d’Ansarul al-Islam [le groupe du défunt prédicateur radical Malam Dicko] s’étaient violemment opposés aux groupes d’autodéfense koglwéogo pour le contrôle des sites d’orpaillage. Il en a été de même dans certaines localités de l’Est et, en juin dernier, lors de l’attaque de Solhan », rappelle Kambou.

Omerta et décapitations

Selon nos informations, cette attaque sanglante, qui a ciblé le QG des Volontaires pour la défense de la patrie, chargés de la protection du site, aurait été provoquée par l’arrestation de deux orpailleurs soupçonnés d’appartenir à des groupes terroristes, en particulier au GSIM. Comme de nombreux analystes, le français Tristan Guéret, du cabinet Risk Advisory, pense qu’il s’est agi-là d’un acte de représailles des terroristes, visant à imposer leur autorité et « à forcer la levée de taxes parallèles ». Justement, les autorités locales avaient échoué à imposer le paiement d’une taxe annuelle de 10 000 F CFA aux quelque 7 000 orpailleurs (majoritairement burkinabè, mais aussi sénégalais, guinéens ou nigériens) qui tentaient d’y faire fortune.


Policiers se préparant à encadrer une manifestation de l’opposition, qui proteste contre la détérioration de la situation sécuritaire,
à Ouagadougou, le 3 juillet 2021. © Olympia de Maismont/AFP

En imposant un blocus dans les zones qu’ils contrôlent et en décapitant en public des informateurs supposés des forces de défense et de sécurité, les mouvements terroristes créent un climat de terreur pour renforcer leur emprise. Dans ce contexte, l’omerta règne, y compris sur leurs circuits de financement. À Ouagadougou, des vendeurs de volailles qui s’approvisionnent dans l’Est, nous ont confié que ces hommes armés se contentent parfois de prélèvements en nature tout en leur interdisant l’acheminement des céréales vers la capitale. L’État islamique a érigé ce mode de financement en véritable système.

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DROITS DE PASSAGE ET DE PÂTURAGE, TRAFIC DE CIGARETTES, DE BOIS PRÉCIEUX ET D’ESPÈCES PROTÉGÉES…

L’exploitation illégale de l’or n’est pas la seule source de revenus des terroristes. S’y ajoutent la perception de la zakat, des droits de passage ou de pâturage, le trafic de bois précieux, d’ivoire et d’espèces protégées, ou la collecte de vivres dans les zones abandonnées par les forces de défense et de sécurité.

« Les mouvements terroristes installent une économie grise. Dans le Sud-Ouest par exemple, ils se greffent au trafic transfrontalier de cigarettes et des produits de consommation courante, poursuit une source sécuritaire burkinabè. Les produits dérivés de ces trafics et des pillages (vol de bétail et de carburant, vivres) sont revendus localement via des intermédiaires. Ce sont des circuits organisés qu’il reste difficile de percer ».

« Il y a aussi les transferts de fonds venus de l’étranger, qui proviennent de certaines fondations sises dans des pays du Golfe, la microfinance, et les versements effectués par des sympathisants et des familles sous emprise par le biais de systèmes informels », ajoute Barnabé Kambou.

Peut-on dès lors considérer que l’exploitation illégale de l’or répond à la stratégie d’expansion géographique des groupes armés, au Burkina ou au Mali ? « Cela a été démontré, acquiesce notre source sécuritaire burkinabè. Ces groupes étendent leurs tentacules, notamment dans le nord, l’est et le sud-ouest du Burkina et, au-delà, dans le nord de la Côte d’Ivoire, pour contrôler l’exploitation des ressources naturelles ».

Selon une estimation faite par JA, le vol d’un cheptel de cent bœufs rapporterait plus de 30 millions de F CFA aux ravisseurs. En attendant, l’État, qui manque d’instruments de lutte, peine à démêler les ramifications financières de l’hydre terroriste et à assécher ses réseaux. Le couple insécurité-délinquance financière a encore de beaux jours devant lui.