Vu au Sud - Vu du Sud

Sébastien de Montessus : « Au Sénégal, au Burkina et en Côte d’Ivoire,
Endeavour est le premier producteur d’or »

| Par 
Sébastien de Montessus, en 2015.

Sébastien de Montessus, en 2015. © Bruno LEVY pour JA

 

Après la fusion avec Teranga Gold, le patron d’Endeavour se félicite de la présence renforcée de son groupe en Afrique de l’Ouest, où il espère encore découvrir de nouveaux gisements.

Alors que la fusion de son groupe Endeavour Mining – présent au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire et au Mali – avec Teranga Gold – actif au Sénégal – a été validée le 21 janvier par les actionnaires d’Endeavour et doit l’être ce 22 janvier par ceux de Teranga, le directeur général du groupe coté à Toronto a répondu aux questions de Jeune Afrique.

Le patron minier français, venu d’Areva, qui en est à sa deuxième grande opération en moins d’un an, après l’acquisition de Semafo, en avril 2020, détaille la stratégie du nouvel ensemble devenu le premier groupe aurifère en Afrique de l’Ouest, validée avec son mentor et actionnaire, le tycoon égyptien Naguib Sawiris.

Jeune Afrique : Quelles sont les prochaines étapes de la fusion ?

Sébastien de Montessus : Après des deux assemblées générales cette semaine, nous attendons l’accord des autorités canadiennes la semaine suivante. Je suis serein, cette opération a le soutien de tous les grands actionnaires des deux sociétés, aussi bien de Naguib Sawiris côté Endeavour, que de la famille Mimran et de Barrick Gold côté Teranga.

Les discussions ont été très productives, confirmant l’intérêt de ce rapprochement pour construire le premier groupe aurifère du continent, centré sur cette région phare qu’est devenue l’Afrique de l’Ouest pour l’industrie aurifère.

Quel est le rôle joué par Mark Bristow, le patron de Barrick, dans cette fusion ?

Il y a deux ans, début 2019, au moment où il avait décidé de se séparer de sa mine de Massawa, il nous avait contacté pour proposer à Endeavour de le reprendre. Nous avions étudié attentivement le dossier pour nous rendre compte qu’au final il y avait des synergies beaucoup plus évidentes pour cet actif au sein de Teranga Gold, bien implanté au Sénégal avec sa mine de Sabodala, plutôt qu’avec Endeavour qui n’y était pas.

À cette époque, Barrick et Teranga se connaissaient mal, alors que j’avais des relations anciennes à la fois avec David Mimran ainsi qu’avec Mark Bristow, que j’ai présenté l’un à l’autre.


>>> À lire sur Jeune Afrique Business+ : La lettre de David Mimran et de Mark Bristow à Teranga pour fusionner avec Endeavour


La fusion actuelle entre Teranga et Endeavour était-elle donc déjà prévue dès cette époque ?

Elle est la suite logique du rachat de Massawa par Teranga. Grâce à cette fusion-acquisition, Endeavour hérite d’un actif de classe mondiale, capable de produire d’ici trois ans quelque 400 000 onces par an grâce à la combinaison de Massawa avec Sabodala. Il n’y a plus d’occasion d’acquisition pareille actuellement sur le continent !

Nous pouvons désormais présenter aux investisseurs un portefeuille géographiquement équilibré dans quatre pays – Sénégal, Burkina Faso, Côte d’Ivoire et Mali – où, pour les trois premiers, nous sommes les premiers producteurs d’or.

Y a-t-il une volonté de ne pas mettre tous vos œufs dans le même panier d’un point de vue sécuritaire, du fait de votre présence importante au Burkina, pays jugé plus risqué que le Sénégal par les investisseurs ?

D’un point de vue opérationnel, nous sommes très à l’aise au Burkina Faso, notre premier pays de production depuis notre rachat de Semafo en avril 2020.

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L’AFRIQUE DE L’OUEST RESTE SOUS-EXPLORÉE

Mais il est clair que du point de vue des investisseurs non-spécialisés sur le secteur minier, que nous souhaitons attirer, cette nouvelle présence au Sénégal est favorablement accueillie du fait de cette perception de risques davantage répartis, et notamment dans ce pays jugé politiquement stable.

Quels vont désormais être vos objectifs stratégiques ?

Cette acquisition clôture notre développement par croissance externe. Avec quelque 1,5 million d’onces produites par an, Endeavour est désormais établi parmi les dix plus gros producteurs d’or mondiaux, et ce avec des coûts de production parmi les plus bas du marché, autour de 850 dollars l’once.

Nous devons pérenniser cet ensemble et pousser nos projets de développement internes. Notre projet ivoirien de Fetekro devrait être lancé avant la fin de l’année 2021. Nous avons désormais un portefeuille de sites tous situés à moins de 2 heures d’avion d’Abidjan.

Vous disiez à l’instant qu’il n’y avait plus d’opportunité de rachat de sites tels que Massawa-Sabodala. Cela signifie-t-il que le potentiel région a baissé ?

Il y a moins de possibilités de rachats de sites aurifères déjà développés ou en exploitation. En revanche, je suis très confiant sur les perspectives de découvrir de nouveaux gisements dans une région ouest-africaine qui reste sous-explorée.

Nous allons donc continuer à investir dans l’exploration, aussi bien à proximité de nos sites actuels, que dans de nouvelles zones. Par exemple nous venons de débuter une activité d’exploration en Guinée.

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L’INDUSTRIE AURIFÈRE DOIT CONTINUER À SE CONSOLIDER

Il n’est pas question pour vous de regarder aussi des opportunités en Afrique centrale, voire en Afrique de l’Est ?

Ce n’est pas à l’ordre du jour. Il y a suffisamment de potentiel en Afrique de l’Ouest. Cette région est devenue la quatrième zone de production d’or au monde derrière la Russie, le Canada et l’Australie. Les découvertes qui y ont été faites ces dernières se sont montrées particulièrement prolifiques. Et d’un point de vue opérationnel, un portefeuille minier disséminé est coûteux.

Mine de Hounde, au Burkina Faso.
Mine de Hounde, au Burkina Faso. © Anne Mimault/REUTERS

 

L’industrie aurifère a connu ces derniers mois de nombreuses opérations ou tentatives de fusion et d’acquisition : vous avec Semafo puis Teranga, mais aussi Barrick avec Acacia puis Randgold, ou encore tout récemment Nordgold et Shandong avec Cardinal Resources. Ce mouvement de concentration va-t-il se poursuivre ?

Oui je le crois, et je pense que c’est nécessaire. L’industrie aurifère doit continuer à se consolider. Il y a encore de nombreux petits acteurs, qui ont du mal à attirer les investisseurs. Les fonds spécialisés qui les financent habituellement ne sont plus la panacée, ils manquent de moyens.

Pour grandir, investir et dénicher de nouveaux gisements, il faut réussir à attirer des fonds généralistes qui cherchent des entreprises ayant une capitalisation boursière de plusieurs milliards de dollars, telle que celle d’Endeavour (autour de 7 milliards de dollars post-fusion).

Pour cela, il faut que les groupes aurifères grossissent, mais aussi et surtout qu’ils soient aussi compétitifs sur les plans financier et opérationnel que n’importe quelle autre industrie. Il n’y a pas de raison que des géants comme Black Rock ou Fidelity ne mettent pas de l’argent dans les compagnies aurifères.

Dans votre région de prédilection, quels sont vos principaux rivaux ?

Ils sont peu nombreux, tous plus petits que nous en terme de production, et ils n’ont pas la même stratégie de se concentrer sur une seule région. Clive Johnson, le patron de B2Gold [actif au Mali et en Namibie] a d’ores et déjà indiqué qu’il souhaitait que ses prochains grands projets soient hors d’Afrique.

Nordgold, bien établi au Burkina Faso et actif en Guinée, fait peu d’exploration et sa production décroit de ce fait. Quant à IamGold, ils sont en train de vendre des actifs. Quant aux sud-africains, Goldfields veut concentrer ses efforts sur le Ghana, et AngloGold est en restructuration…

L’or, valeur refuge par excellence, a atteint des niveaux records en 2020 du fait des incertitudes économiques liées à la pandémie. Vous attendez-vous à une chute brutale des cours lors de la reprise ?

On le voit bien ces dernières semaines, les incertitudes demeurent, en dépit de l’arrivée des vaccins. Les États ont injecté des milliards dans les économies pour les maintenir à flot, ce qui a détruit de la valeur monétaire et crée de l’inflation. Par conséquent, l’or va rester attractif, au moins à moyen terme, je pense que nous allons continuer à observer des cours élevés.

Ceci étant dit, mon rôle de dirigeant d’entreprise va être de continuer à veiller à ce que nos coûts restent bas, pour que nous puissions dégager des bénéfices et continuer à investir dans l’exploration et le développement de nouvelles mines, contribuer au développement des communautés et des États qui nous accueillent, ainsi que distribuer des dividendes à nos actionnaires.

Dans cette aventure, quel est le rôle de Naguib Sawiris, patron de La Mancha, qui reste le premier actionnaire du nouvel ensemble formé par la fusion d’Endeavour et de Teranga ?

J’ai monté La Mancha avec lui en 2012, nous avons construit tous les deux une relation de confiance solide. Ensemble nous avons fait d’Endeavour le premier producteur d’Afrique de l’Ouest, et d’Evolution Mining le second d’Australie. C’est une belle réussite qui a profité à la famille Sawiris.

Naguib est naturellement impliqué dans toutes les décisions importantes, nous nous appelons très régulièrement, et il continue de nous faire confiance. La Mancha va d’ailleurs mettre 200 millions de dollars supplémentaires pour monter au capital d’Endeavour à hauteur de 19 % du nouvel ensemble, ce qui fera de lui le premier actionnaire…

Y a-t-il des changements organisationnels post-fusion ?

Non, pas vraiment. Notre siège opérationnel restera à Londres, et notre siège régional à Abidjan, même si nous continuerons de conserver des bureaux importants à Ouagadougou et Dakar, hérités respectivement de Semafo et de Teranga.

Quid de l’introduction à la bourse de Londres ?

Notre objectif est de conserver notre cotation à Toronto, mais de la compléter par un listing à Londres, où nous comptons intégrer l’indice FTSE à la fin du second trimestre 2021. Il s’agit pour nous d’attirer notamment ces grands investisseurs généralistes dont je parlais, bien présents sur la place financière anglaise.

Covid-19: en Afrique, une deuxième vague plus meurtrière que la première

                             Un membre de l'équipe médicale dans un centre de santé installé au sein de l'hôpital Steve Biko à Pretoria, en Afrique du Sud, le 11 janvier 2020.

Un membre de l'équipe médicale dans un centre de santé installé au sein de l'hôpital Steve Biko à Pretoria, en Afrique du Sud, le 11 janvier 2020.
 AFP - PHILL MAGAKOE

Texte par :RFISuivre

Selon l'Africa CDC, le Centre de contrôle et de prévention des maladies de l'Union africaine, le taux de mortalité lié à la pandémie de coronavirus en Afrique dépasse maintenant la moyenne mondiale. Vingt et un pays sont particulièrement touchés.

Selon le CDC, 70% des malades du Covid-19 en Afrique sont recensés dans cinq pays. L'Afrique du Sud, avec 41% des cas, est loin devant. Suivent le Maroc, la Tunisie, l'Égypte et l'Éthiopie. Mais « la grande inquiétude » du CDC, d'après son directeur John Nkengasong, se fixe aujourd'hui sur le taux de mortalité des malades. 

Ce taux de mortalité s'élève à 2,5% des cas recensés, pour une moyenne mondiale qui s'établit à 2,2%. Le directeur de l'Africa CDC y voit un tournant par rapport à la première vague, puisque ce taux était alors en dessous de la moyenne mondiale. Parmi les pays concernés, le CDC cite le Soudan avec un taux de mortalité de 6,2% des cas détectés, l'Égypte (5,5%) ou encore le Liberia (4,4%).

Engorgement des systèmes de santé

Pour le Centre de contrôle et de prévention des maladies, cette hausse est liée à une accélération du nombre de cas de coronavirus détectés. Le mois dernier, ce nombre a augmenté de 14% chaque semaine en Afrique. Cette augmentation peut engorger les systèmes de santé de certains pays en raison d'une quantité limitée de lits et de matériel notamment.

« Lorsque l'on constate une augmentation des décès quotidiens, cela signifie que les systèmes de santé commencent à entrer dans une phase de tension, explique John Nkengasong. Cela signifie aussi que l'on arrive à un point où les infirmiers et les médecins voient se réduire leur habilité à s'occuper des patients. À cause de cela, les soins commencent à ne plus être à la hauteur, puisque l'on a moins de lits et moins de matériel disponibles. »

Le directeur de l'Africa CDC insiste : « L'Afrique a besoin d'une fourniture importante d'oxygène, juste pour porter assistance aux cas existants sur le continent. Cette surmortalité n'est pas nécessairement due aux nouveaux variants de la maladie, c'est juste que nos systèmes de santé commencent à être dépassés. J'ai entendu le directeur du CDC du Nigeria dire que certains hôpitaux ont dû commencer à faire le tri entre les patients qui seront traités et ceux qui ne le seront pas. Donc, la crise est là, la deuxième vague est là, violemment, et nos systèmes de soins commencent à être débordés. »

Une moyenne

Mais un épidémiologiste exerçant en Afrique met en garde contre une trop grande dramatisation : entre autres facteurs, selon lui, les chiffres du CDC illustrent surtout une augmentation du « recrutement », selon le terme consacré. C'est-à-dire qu'il y a, par exemple, plus de gens qui se font hospitaliser aujourd'hui par rapport à la première vague. Ce qui, mécaniquement, fait augmenter toutes les données statistiques.

Le docteur Matshidiso Moeti, directrice de l’OMS en Afrique, rappelle par ailleurs qu'il ne s'agit que d'une moyenne, qui ne s'applique pas à tous les pays. Même s’il faut s’assurer que ces pays puissent mobiliser suffisamment de soignants et avoir assez de fournitures. « En moyenne, nous ne pensons pas que le taux de mortalité soit vraiment pire qu’ailleurs. Mais on doit veiller à ce que des soins de base et de qualité soient assurés, qu’il y ait assez d’oxygène – ce qui commence d’ailleurs à être un problème à certains endroits – et s’assurer aussi que les malades accèdent aux soins à temps. »

Quid des variants sur le continent ?

Mais les experts s’inquiètent également de la circulation du variant sud-africain sur le continent. Un SARS-CoV-2 mutant qui ne semble pas plus dangereux mais qui se propage 1,5 fois plus facilement que le coronavirus, selon de premières études.

Jusqu’à présent, le Botswana, la Zambie et la Gambie ont confirmé la présence du variant sud-africain dans leur population, indique l’OMS. Mais l’organisation estime qu’il pourrait circuler dans d’autres pays du continent. La difficulté est de pouvoir détecter ce virus. Pour cela, il faut pouvoir séquencer son génome, c’est-à-dire lire son code génétique.

Et le séquençage reste un défi dans de nombreux pays du continent, comme le rappelle la directrice de l’OMS en Afrique, Matshidiso Moeti : « Ce que nous faisons à l’OMS, c’est de travailler avec plusieurs pays en Afrique disposant de laboratoires qui ont la capacité de séquencer les génomes et nous avons offert aux autres pays d’envoyer leurs échantillons à ces laboratoires pour établir s’il s’agit du variant et dire si ce virus circule ou non sur leur sol. En même temps, nous les aidons aussi à développer leurs propres capacités de séquençage. Ce qui va devenir de plus en plus important pour surveiller le virus. »

La question est de savoir si ce variant, comme ceux détectés en Angleterre ou au Brésil, sont sensibles aux vaccins. Des études sont en cours, mais le docteur Richard Mihigo, responsable des urgences et des vaccins à l’OMS Afrique est optimiste : « Les premières indications montrent clairement que les vaccins existants seront aussi efficaces contre certains de ces variants ».

 

L’objectif de l’OMS reste de voir 20% de la population africaine vaccinée d’ici la fin de l’année. À ce jour, le continent reste officiellement l'un des continents les moins touchés par le Covid avec un peu plus de 3 millions de cas détectés, et près de 82 000 morts.

• L’Afrique du Sud particulièrement touchée

Il est interdit pour les médias de pénétrer dans les hôpitaux sud-africains, mais les images et les témoignages qui s’en échappent montrent un afflux de patients sans précédent. Le ministre de la Santé lui-même a reconnu la gravité de la situation. « Le système de santé continue à être sous pression, avec un nombre d'hospitalisations toujours en augmentation », a détaillé Zweli Mkhize il y a quelques jours. La semaine dernière, ce nombre a augmenté de 18% par rapport à la semaine précédente.

L’Afrique du Sud compte désormais près de 40 000 décès dus au virus, et la violence de cette deuxième vague s’explique en partie par le variant découvert dans le sud du pays en octobre dernier. Cette mutation n’est pas plus mortelle, mais beaucoup plus contagieuse, ce qui contribue à surcharger les hôpitaux et faire augmenter la mortalité. Le pays a par ailleurs perdu l’une de ses personnalités politiques hier (jeudi). Jackson Mthembu, ministre délégué à la Présidence, est décédé des suites du coronavirus.

Cependant, le ministre Zweli Mkhize s’est montré encourageant, alors que « les premiers signes prometteurs d'un déclin des infections » ont commencé, selon lui, à apparaître.

Côte d’Ivoire : comment Alassane Ouattara prépare son futur gouvernement 

| Par Jeune Afrique
Alassane Ouattara, en décembre 2020.

Alassane Ouattara, en décembre 2020. © Sia Kambou/Pool via REUTERS

 

Quelles personnalités intègreront le nouveau gouvernement ivoirien après les législatives du 6 mars ? Jeune Afrique dévoile les critères fixés par Alassane Ouattara.

Alassane Ouattara (ADO) devrait former son prochain gouvernement après les élections législatives, prévues le 6 mars. Il a effectué, le 17 janvier depuis Assinie, les derniers arbitrages dans le choix des candidats du Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) à ce scrutin. Le président, qui a encouragé les actuels ministres à concourir, se séparera de ceux qui n’auront pas été élus, ou réélus. Certains ont d’ores et déjà décidé de ne pas se présenter, à l’instar du ministre du Pétrole Abdourahmane Cissé, qui ne brigue pas la circonscription de Port-Bouët, au sud d’Abidjan.

Négociations avec l’opposition

Conformément à ses engagements en faveur de la réconciliation, ADO prendra également en compte la nouvelle cartographie électorale, qui se dessinera après les législatives. Certains cadres modérés de l’opposition, issus du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) d’Henri Konan Bédié ou du Front populaire ivoirien (FPI) de Pascal Affi N’Guessan, pourraient ainsi intégrer le gouvernement.

Cette option, actuellement à l’étude, dépend en partie de l’issue des négociations entre le pouvoir et l’opposition. Avant qu’Affi N’Guessan ne boycotte la présidentielle, et qu’il participe à la création du Conseil national de transition (CNT), ADO envisageait par ailleurs sérieusement de le faire entrer au gouvernement.

Convaincu de pouvoir obtenir une majorité absolue au Parlement, le chef de l’État veut également miser sur les nouvelles générations. Il souhaite exclure tous les ministres qui ont plus de soixante ans, à l’exception des technocrates. Certains, en poste depuis son premier mandat, sont donc visés par un potentiel départ.

Consultations informelles

Pour faire son choix, Alassane Ouattara s’appuie sur un trio : Hamed Bakayoko, le Premier Ministre, Adama Bictogo, le directeur exécutif du RHDP, et Patrick Achi, le secrétaire général de la présidence ont pour mission de lui proposer des noms de cadres et de technocrates. Des consultations informelles sont déjà en cours.

Enfin, ADO envisage également de nommer, après les élections législatives, de nouveaux directeurs généraux à la tête des entreprises publiques.

Qui forme la garde rapprochée du Béninois Serge Ekué, nouveau patron de la BOAD ?

| Par Jeune Afrique
Mis à jour le 17 janvier 2021 à 18h29
Le président de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), Serge Ekué.

 Le président de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), Serge Ekué. © DR

 

Le patron de la Banque ouest-africaine de développement, qui a encore gagné en influence dans la sous-région depuis sa nomination, s’est entouré d’une équipe issue, comme lui, du privé.

Le Béninois Serge Ekué a intégré à Lomé la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) en mai 2020, en tant que conseiller spécial de son compatriote Christian Adovelande. Cet homme très discret en a très vite pris la tête, le 28 août suivant, pour un mandat de six ans.

Une nomination directement favorisée par Patrice Talon, ce poste étant presque exclusivement réservé aux Béninois depuis 1982 – à l’exception de l’intérim du Malien Issa Coulibaly (2006-2008). À ses nouvelles fonctions, cet ancien directeur des activités de financement et d’investissement pour Natixis (Londres), qui a également exercé à la BPCE (Paris, Hong-Kong), a encore gagné en influence dans la sous-région. Certes peu connu du grand public, Serge Ekué bénéficie en effet d’un solide réseau.

Lorsqu’il officiait à Natixis, il a travaillé pour la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) en plaçant ses ressources sur les marchés financiers. Profitant de sa proximité avec l’ancien président de cette banque, l’Ivoirien Charles Konan Banny, il a fait fructifier son carnet d’adresses en Côte d’Ivoire. Il est proche du ministre du Pétrole Abdourahmane Cissé ou encore du patron de la banque d’affaires Algest Consulting, Ibrahim Magassa.

Au Bénin également, pays qu’il a aidé à lever des fonds sur les marchés internationaux, Serge Ekué est également très lié au Palais de la Marina, via le ministre de l’Économie et des Finances, Romuald Wadagni, lui-même issu du secteur privé (Deloitte). Il est également proche de l’ex-président de l’Assemblée nationale, Adrien Houngbédji. Enfin, en France, cet ancien de Sciences Po Bordeaux est également très connecté aux réseaux de l’ancien maire de la capitale girondine, l’ex-ministre Alain Juppé.

Au sein de la BOAD, où il s’active pour exécuter le nouveau plan stratégique (2021-2025) de l’institution, qu’il a contribué à élaborer, il s’est entouré d’hommes et de femmes issus des secteurs financiers et bancaires. Voici les personnalités qui l’appuient au quotidien.

• Moustapha Ben Barka

Moustapha Ben Barka.
Moustapha Ben Barka. © BOAD

Il a été nommé au poste de vice-président de la BOAD en février 2020. Le Malien est un habitué du Palais de Koulouba. Cet ancien secrétaire général de la présidence de son pays a en effet été ministre à plusieurs reprises (Industrie et Promotion des investissements ; délégué auprès du ministre de l’Économie et des Finances).

Mais Moustapha Ben Barka est aussi un ancien du secteur privé (2000-2013), tout comme Ekué. Il a notamment officié à la Banque nationale du Canada, ainsi qu’au sein des groupes marocains Finance Com et BMCE Capital. Il a succédé à son compatriote, l’économiste Bassary Touré, arrivé au terme de ses deux mandats de cinq ans.

• Maryse Lokossou

Maryse Lokossou.
Maryse Lokossou. © BOAD

Directrice de cabinet de Serge Ekué depuis le 16 novembre 2020, elle gère l’agenda du président de la BOAD, mais elle supervise également les activités du cabinet et la coordination des différents départements de l’institution. Ancienne conseillère technique des financements internationaux au ministère de l’Économie et des Finances du Bénin, dirigé par Romuald Wadagni, dont Ekué est proche, elle a par ailleurs également officié au sein du groupe bancaire BNP Paribas Fortis en tant que gestionnaire de portefeuille.

Elle a par ailleurs occupé le poste d’analyste des risques commerciaux au sein des groupes de service informatique Atos Origin et Sopra Steria Next (ex-Sopra Consulting). Enfin, elle a été, de 2011 à 2017, directrice adjointe de projets à la Société Générale.

• Serge André Philippe Bouah

Serge André Philippe Bouah.
Serge André Philippe Bouah. © AIP

Serge Ekué a confirmé cet Ivoirien au poste de directeur de la communication, du marketing et des relations publiques de la BOAD, qu’il a intégré il y a treize ans. Une fonction qu’il a en effet déjà exercée par le passé. Serge André Philippe Bouah a par ailleurs exercé au sein de cette institution comme chargé de mission et directeur de l’unité de gestion de la sécurité.

• Josette Atayi Symenouh

Josette Atayi Symenouh.
Josette Atayi Symenouh. © BOAD

Promue en novembre 2020 secrétaire générale de la BOAD par Ekué, elle assure à ce titre la coordination des équipes ainsi que les relations avec le Togo, où se situe le siège. Elle est une ancienne de la banque, où elle est arrivée en 1996 : elle a occupé plusieurs postes au sein de cette institution, dont celui de directrice des conseils et des services généraux.

Bénin-Nigeria : quand la fermeture de la frontière alimente les trafics

| Par - envoyé spécial à Sèmè-Kraké et à Cotonou
Mis à jour le 15 janvier 2021 à 10h12
Aude Osnowcz/Wostok Press

Aude Osnowcz/Wostok Press © Matthieu MIllecamps pour JA

 

En dépit de l’annonce du 16 décembre 2020, les camions de marchandises ne passent pas entre le Bénin et le Nigeria, poussant les commerçants à poursuivre des trafics jamais interrompus, qui expliquent le faible impact de ce blocus de 16 mois.

Lunettes à montures dorées, lourdes montres au poignet et embonpoint… Les quatre hommes qui sortent du bureau d’un officier des douanes exhibent tous les signes extérieurs de richesse.

La porte à peine refermée, tandis qu’ils récupèrent les téléphones portables qu’on leur avait demandé de confier au planton pour éviter un éventuel enregistrement embarrassant, l’un d’eux extirpe de sa poche une imposante liasse de nairas.

Dans la salle d’attente, une demi-douzaine de personnes, médusées, le voient ostensiblement compter une dizaine de billets, qu’il tend au jeune douanier chargé de l’accueil des invités.

Coffre plein de sacs de riz

Ce dernier glisse un regard alentour, fait « non » de la tête, mais finit par prendre l’argent. Les quatre hommes quittent le bureau, un large sourire sur les lèvres, puis s’engouffrent dans leur voiture, dont le coffre est sans doute plein à craquer de sacs de riz. Direction, le Nigeria.

La scène se déroule au début de janvier, côté nigérian, au poste de contrôle conjoint de Sèmè-Kraké, l’un des principaux points de passage avec le Bénin. Preuve que les « facilitations » sont de nouveau possibles le long d’une frontière qui, fermée plus de seize mois, a rouvert le 16 décembre.

Comme cela avait été le cas au moment de sa fermeture, en août 2019, la décision d’Abuja a été aussi unilatérale que soudaine.

À l’époque, les craintes des Béninois avaient été grandes. Leurs échanges avec la première puissance économique du continent représentaient pas moins de 20% de leur PIB.

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LE FLUX DES MARCHANDISES N’A PAS ENCORE REPRIS. SEULS CIRCULENT LES PIÉTONS ET QUELQUES VÉHICULES INDIVIDUELS

Pourtant, la catastrophe annoncée n’a pas eu lieu, même si la mesure a eu un effet immédiat – et désastreux – pour les petits maraîchers proches du Nigeria, qui écoulent 80% de leur production chez leur voisin.

Avec un taux de croissance de 2% en 2020, le Bénin est parvenu à limiter l’impact de cette fermeture, en dépit de la pandémie de Covid-19 et alors que, selon les prévisions, l’Afrique de l’Ouest pourrait connaître une croissance négative de 2% à 4%.

L’annonce de la réouverture de la frontière n’en a pas moins été saluée de part et d’autre, même si celle-ci est pour le moment limitée aux piétons et à quelques rares véhicules individuels. Le flux légal de marchandises, lui, n’a pas repris.

Patrouilles et contrôles

Présent à l’investiture du président ghanéen, Nana Akufo-Addo, le 7 janvier à Accra, Aurélien Agbénonci, le ministre béninois des Affaires étrangères, a fait part de ses inquiétudes à Geoffrey Onyeama, son homologue nigérian. Lequel lui aurait promis d’accélérer le processus.

« C’est le statu quo. Nous n’avons reçu aucune consigne concernant le transport du fret, expliquait, le même jour, un officier de la douane béninoise sous le couvert de l’anonymat. De notre côté, la frontière n’a jamais été fermée. Nous subissons. »

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LE MILLIARDAIRE ALIKO DANGOTE, QUI EST UN PROCHE DU PRÉSIDENT BUHARI, AVAIT OBTENU UNE DISPENSE POUR LES MARCHANDISES DE SON GROUPE

Au Nigeria, alors que des dizaines de camions sont bloqués à quelques centaines de mètres de son bureau, Bello Mohammed Jibo, contrôleur du service des douanes, assure au contraire que les marchandises peuvent bel et bien franchir la frontière, « à l’exception des produits prohibés, comme le riz, les tomates, les véhicules… ».

Il assure également que les douaniers nigérians ont « profité de cette fermeture pour intensifier les patrouilles et les contrôles » afin de lutter contre les trafics, et qu’ils ont reçu pour consigne « de ne laisser entrer que les marchandises transportées dans les containers dans lesquels elles sont arrivées au port, et de bloquer les marchandises en vrac ».

En réalité, aucun camion ne passe, à l’exception de ceux du groupe Dangote, propriété du milliardaire nigérian Aliko Dangote. Ce proche du président Buhari avait obtenu, dès novembre 2020, une dispense pour les marchandises que son groupe importe via les ports de Cotonou et de Lomé.

Inflation record au Nigeria

Au-delà des efforts conjugués de la Cedeao, et des ministres béninois Romuald Wadagni (Finances) et Aurélien Agbénonci (Affaires étrangères) en faveur de la réouverture de la frontière, c’est l’activisme de Dangote et la dégradation de la situation au Nigeria qui ont fait bouger les lignes à Abuja.

L’inflation y a atteint des sommets, le prix des denrées alimentaires a crû de 18,3% en novembre dernier, et les restrictions d’accès au dollar imposées aux importateurs ont accentué les difficultés.

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« LA FERMETURE DE LA FRONTIÈRE A ENTRAÎNÉ UNE AUGMENTATION DE LA CONTREBANDE », ESTIME UNE COMMISSAIRE DE POLICE

« Les gros acteurs du secteur, comme Dangote Farms ou Olam, possédaient des stocks de riz suffisamment importants pour répondre immédiatement à l’explosion de la demande intérieure qui a suivi la fermeture. Ils ont été les principaux bénéficiaires de cette crise », souligne Léopold Ghins, analyste économique au sein du Club Sahel de l’OCDE, qui estime que cette mesure est fortement préjudiciable au climat des affaires.

À l’origine, Abuja avait justifié la fermeture de la frontière par la volonté de protéger son marché intérieur des tonnes de riz « réimportées » et des poulets congelés déchargés au Bénin pour être ensuite renvoyés à Lagos.

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« LES IMPORTATEURS SE SONT ORGANISÉS : AU LIEU DE PASSER PAR LA ROUTE, ILS SONT VENUS EN BATEAU »

Bien que le contrôle des marchandises n’entre pas dans ses prérogatives, la commissaire de police Maylise Wannou, du poste transfrontalier de Kraké Plage, constate cependant que cette fermeture « a entraîné une augmentation de la contrebande ».

De fait, côté béninois, à quelques encablures du poste-frontière, les grossistes en riz n’ont pas fermé leurs portes. Et l’activité n’y a, à en croire l’un d’eux, pas vraiment diminué.

« Après quelques semaines compliquées, les gens se sont organisés. Avant, les importateurs nigérians passaient par la route, mais, quand la frontière a été fermée, ils sont venus ici en bateau. Ils accostaient sur la plage pour charger le riz avant de repartir de l’autre côté, raconte un vendeur en désignant le littoral tout proche. Depuis la réouverture de la frontière, les trafiquants privilégient à nouveau la voie terrestre. »

« Après son passage sur les pirogues, le riz arrivait parfois humide, et mettait du temps à sécher. Là, c’est le retour à la normale », poursuit-il.

Port autonome de Cotonou, le 6 janvier 2021.
Port autonome de Cotonou, le 6 janvier 2021. © Matthieu Millecamps

L’intense activité qui règne, au même moment, à quelques kilomètres plus à l’Ouest, sur le Port autonome de Cotonou (PAC), où une noria de poids lourds fatigués semble ne jamais se tarir, vient étayer ses propos.

« L’impact sera globalement limité. Nous sommes passés de 10,1 millions de tonnes en 2019 à 9,5 ou 10 millions de tonnes en 2020 », explique Kristof Van den Branden, directeur commercial du PAC.

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LE BÉNIN A PROFITÉ DE CE CHOC POUR ACCÉLÉRER LA DIVERSIFICATION DE SON ÉCONOMIE

Malgré la baisse observée au cours des derniers mois de 2019, le trafic avait même augmenté, cette année-là, par rapport à l’année précédente (9 millions de tonnes en 2018).

Cordon ombilical

« Certes, les flux de riz ont diminué (on est passé de 1,4 million de tonnes à environ 600 000 tonnes), mais l’industrie a continué à se développer, en dépit de la fermeture de la frontière et de la pandémie. Le flux des exportations de coton a lui aussi tiré les chiffres à la hausse », résume Kristof Van den Branden.

Officiellement, le Bénin a profité de ce choc pour « accélérer la diversification de son économie » et couper le cordon ombilical avec le Nigeria. Dans les couloirs des ministères et des services de sécurité, on reconnaît toutefois que les frontières sont restées poreuses, y compris à partir du Nigeria.

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« IL EST DIFFICILE DE COMBATTRE CE TRAFIC DE RIZ ALORS QUE NOUS N’AVONS PAS DE RÉEL INTÉRÊT À Y METTRE UN TERME », ADMET UN MINISTRE BÉNINOIS

Les hommes d’affaires préfèrent souvent le port de Cotonou à celui de Lagos : les droits de douane y sont moins élevés, et le délai d’attente pour le dédouanement des marchandises n’excède pas trois jours, contre parfois 30 à 35 jours à Lagos.

« Il est parfois plus rapide, et donc moins cher, de passer par Cotonou, de faire remonter la marchandise au Niger, avant de la faire redescendre au Nigeria », confie un cadre de la direction béninoise des ports.

« Il est difficile de combattre ce trafic de riz quand on sait que l’essentiel de ceux qui le mènent sont des Nigérians et que, de notre côté, nous n’avons pas de réel intérêt à y mettre un terme », admet une source au sein du ministère béninois de l’Intérieur.

« La fermeture de la frontière a eu un impact indéniable, mais, très vite, Patrice Talon a posé pour postulat qu’il nous fallait “décrocher” de l’économie nigériane, en finir avec cette dépendance. C’est ce qui a été fait », insiste Aurélien Agbénonci.

Tout en assurant que « la diversification a payé », l’un de ses collègues du gouvernement avance une autre explication : « Les trafics étaient organisés, pour une grande partie, par certains membres des services de sécurité nigérians, lesquels étaient censés les annihiler. La fermeture de la frontière n’a fait que modifier les routes. Cette mesure n’a aucun effet si on ne lutte pas en même temps contre la corruption. »