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Bénin : Sébastien Ajavon veut être candidat à la présidentielle

| Par Jeune Afrique
Sebastien Ajavon, en mars 2018, à Cotonou

Sebastien Ajavon, en mars 2018, à Cotonou © Charles Placide pour JA

 

L’opposant et homme d’affaires béninois, réfugié en France après avoir été condamné par la justice béninoise pour « trafic de drogue », a l’intention d’annoncer sa candidature à la présidentielle du 11 avril 2021.

Selon nos informations, Sébastien Ajavon est bel et bien décidé à se présenter à l’élection présidentielle béninoise face à Patrice Talon. L’homme d’affaires l’avait déjà laissé entendre de manière allusive dans un post sibyllin publié le 31 décembre sur Facebook. De son côté, le président sortant n’a, pour l’heure, pas officiellement annoncé sa candidature, mais il devrait selon toute vraisemblance briguer un second mandat.

L’homme d’affaire béninois, condamné en octobre 2018 à 20 ans de prison par contumace par la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) pour « trafic de drogue », a dévoilé son projet aux cadres de son parti, l’Union sociale libérale (USL).

« Se tenir prêts »

Sébastien Ajavon, qui a obtenu le statut de réfugié politique en France en avril 2019, a donné pour consigne à plusieurs des cadres de son parti, dont Abalo Donklam, porte-parole de l’USL, et Émile Koudjo, chargé des actions de mobilisation, de reprendre contact avec les militants afin de leur expliquer sa démarche et de leur demander de « se tenir prêts ».

L’homme d’affaires, tout comme son parti – qui n’est pas légalement reconnu au Bénin –, soutient que les arrêts rendus par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) rendent caduque la décision de la Criet. Il avait en effet saisi la Cour lors d’une offensive judiciaire lancée devant plusieurs instances internationales et notamment menée par l’avocat français Antoine Vey. La CADHP avait ordonné l’annulation de la condamnation d’Ajavon par la Criet en mars 2019. Constatant la non-application de cet arrêt, la Cour d’Arusha avait, en novembre 2019, condamné l’État béninois à verser 36 milliards de F CFA à Sébastien Ajavon.

Le 4 décembre, la CADHP a par ailleurs jugé que la « révision constitutionnelle [de 2019] a été adoptée en violation du principe du consensus national » et a, en conséquence, « ordonné » à l’État béninois « d’abroger » la charte des partis politiques ainsi que cette réforme. Celle-ci prévoit, entre autres, la création d’un poste de vice-président et un système de parrainage des candidats à la présidentielle.

Pour les cadres de l’USL, cette dernière décision marque un « retour à la Constitution de 1990 », cadre légal dans lequel ils estiment que Sébastien Ajavon peut être candidat à la présidentielle. Dans le cas contraire, le parti, qui demande un dialogue national, affirme qu’il n’ira pas aux élections.

Nouveaux recours

Qualifiée de « décision politique » par les autorités béninoises, l’application des arrêts de la CADHP – qui a donné un délai de trois mois au pays pour s’y conformer – n’est pas à l’ordre du jour. La candidature de Sébastien Ajavon a, dans ce contexte, fort peu de chances de devenir effective. L’opposant n’en semble pas moins décidé à la rendre publique, tandis qu’il prévoit, toujours selon nos informations, de déposer de nouveaux recours devant les instances internationales.

Côte d’Ivoire : le FPI peut-il se réconcilier avec lui-même ?

| Par 
Assoa Adou à Abidjan, le 15 janvier 2019.

 Assoa Adou à Abidjan, le 15 janvier 2019. © ISSAM ZEJLY pour JA

 

Assoa Adou, le secrétaire général de la branche pro-Gbagbo du FPI, a rendu visite à Pascal Affi N’Guessan le 4 janvier. Un signe de rapprochement entre l’ancien président et celui qu’il a longtemps considéré comme un traître, qui pourrait se concrétiser dans les urnes à l’occasion des législatives.

La démarche se voulait avant tout symbolique, mais elle en dit long sur le chemin parcouru par les frères ennemis du Front populaire ivoirien (FPI). Lundi 4 janvier, Assoa Adou, le secrétaire général de la branche pro-Gbagbo du parti, s’est rendu, accompagné d’une délégation, au domicile de Pascal Affi N’Guessan, dans le quartier de la Riviera, à Abidjan. Depuis leur bataille pour le leadership du FPI, le premier n’avait plus jamais franchi la porte de la résidence familiale du second.

Cinq jours plus tôt, Affi N’Guessan avait été libéré et placé sous contrôle judiciaire, après presque deux mois de détention préventive. Poursuivi pour de nombreux chefs d’inculpation, l’ancien Premier ministre se voit reprocher son rôle dans l’appel à la désobéissance civile et la proclamation d’un très éphémère Conseil national de transition (CNT) après la réélection contestée d’Alassane Ouattara, le 31 octobre dernier.

Signe de dégel

Officiellement, Assoa Adou et son état-major avaient fait le déplacement pour manifester leur « compassion » et leur solidarité à Pascal Affi N’Guessan après son emprisonnement. Mais beaucoup ont aussi vu dans cette visite un nouveau signe de rapprochement entre Laurent Gbagbo et celui qu’il a longtemps considéré comme un traître.

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JAMAIS LES « GBAGBO OU RIEN » N’ONT FAIT UN TEL PAS VERS NOUS

« Il y a quelque temps, on ne se saluait même pas. Alors aujourd’hui, quand on va chez lui, c’est sûr que cela peut être vu comme un signe de dégel », estime Franck Anderson Kouassi, le porte-parole du FPI pro-Gbagbo. « Ce n’était pas une visite anodine, jamais les GOR [les « Gbagbo ou rien »] n’ont fait un tel pas vers nous, glisse un proche collaborateur d’Affi N’Guessan. Il faut y voir un geste politique, qui augure d’un rapprochement entre nos deux camps. »

Juste après sa libération, Laurent Gbagbo avait appelé son ancien ministre pour prendre de ses nouvelles et lui annoncer l’envoi de cette délégation menée par Assoa Adou. Glaciaux depuis le schisme qui a déchiré le parti en 2014, les rapports entre les deux hommes se sont améliorés ces derniers mois à la faveur de leur combat commun contre le troisième mandat d’Alassane Ouattara.

Pascal Affi N’Guessan, l’un des rares candidats à la présidentielle dont le dossier a été validé par le Conseil constitutionnel, mi-septembre, avait rapidement rejoint l’appel à la désobéissance civile lancé par Henri Konan Bédié, le président et candidat du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). À ses côtés, en concertation avec Gbagbo, il s’était engagé sur une ligne dure à l’égard de la « forfaiture » de Ouattara. Les deux hommes avaient ensuite refusé de participer à l’élection et appelé à son boycott actif. Devenu porte-parole de la plateforme d’opposition, puis celui du CNT, Affi N’Guessan avait finalement été arrêté le 6 novembre alors qu’il tentait de rallier son fief de Bongouanou, dans le Moronou.

Fin d’une décennie de boycott

Au fil de ces jours incertains, le président du FPI officiellement reconnu, que ses adversaires soupçonnaient il y a encore quelques mois de jouer les « opposants utiles », s’est imposé comme une des figures de l’opposition. Ses deux mois en détention n’ont fait qu’accroître son aura, l’érigeant en symbole de la répression du régime.

Désormais libre, Pascal Affi N’Guessan, 67 ans, entend bien faire fructifier ce nouveau capital politique. Dans sa ligne de mire : la présidentielle de 2025. Mais avant ça, il lui faudra franchir plusieurs étapes importantes, à commencer par les prochaines législatives, prévues le 6 mars. Le FPI « légal » a l’intention d’y participer. Son président sera d’ailleurs lui-même candidat à sa réélection dans sa circonscription de la sous-préfecture de Bongouanou. Le FPI pro-Gbagbo a lui aussi annoncé son intention d’y prendre part. La fin d’une décennie de boycott et le grand retour des partisans de Laurent Gbagbo dans le champ politique ivoirien.

Cette volonté partagée d’aller aux législatives pourrait, dans les jours à venir, rapprocher encore un peu plus les deux branches du FPI. Concrètement, Gbagbo et Affi N’Guessan réfléchissent à présenter des listes communes – même avec le PDCI et les autres formations de l’opposition, afin de ne présenter qu’un seul candidat face à celui du Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, parti présidentiel).

« Nous n’avons pas d’autre choix que de nous entendre avec les GOR si nous voulons éviter un échec », résume-t-on dans l’entourage d’Affi N’Guessan. En coulisses, les discussions ont déjà démarré. Ainsi, le 5 janvier, après la réception de la délégation d’Assoa Adou, un buffet a été organisé chez l’opposant fraîchement libéré. Entre deux petits fours, les lieutenants des deux camps y ont évoqué leur potentiel rapprochement en vue des législatives.

Revenir dans le jeu

Pour les pro-Gbagbo, ce serait l’occasion de revendiquer à nouveau l’étiquette officielle du FPI et de revenir enfin dans le jeu. Après dix ans de boycott des élections nationales et locales, beaucoup de lieutenants du « Woody » de Mama ne veulent – ou ne peuvent – plus laisser filer les mandats et compromettre leur avenir. Quant à Pascal Affi N’Guessan et ses proches, ils savent bien le poids majeur conservé par les pro-Gbagbo sur le terrain et gardent toujours en travers de la gorge leur piètre score aux législatives de 2015, à l’issue desquelles ils n’avaient obtenu que trois sièges de députés.

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HAMED BAKAYOKO A REÇU ASSOA ADOU POUR ÉVOQUER LE SORT DE LAURENT GBAGBO

De son côté, Laurent Gbagbo, toujours à Bruxelles en attendant la fin de sa procédure devant la Cour pénale internationale (CPI), veut revenir à Abidjan dès que possible. S’il a récupéré son passeport, il attend désormais d’obtenir des garanties de la part des autorités ivoiriennes. Les tractations sont en cours et différents émissaires continuent à faire la navette entre les bords de la lagune Ebrié et la capitale belge. Le Premier ministre, Hamed Bakayoko, est notamment à la manœuvre. Le 6 janvier, il a reçu Assoa Adou à la primature pour évoquer le sort de l’ancien président.

« Tout cela ne sert qu’à gagner du temps, considère un proche de l’ancien président. En vérité, Ouattara n’a aucune envie de voir Gbagbo rentrer. Tout est une question de rapport de forces. Quand il n’aura plus d’autre choix, Ouattara finira par le laisser revenir en Côte d’Ivoire. » Pour Gbagbo, un rapprochement avec Affi N’Guessan en vue des législatives présenterait un double avantage : peser à nouveau sur l’échiquier politique et montrer sa « bonne foi » en jouant le jeu démocratique. Or, comme le rappelle un intime de Ouattara, l’une des conditions qui a été glissée à l’ancien président pour pouvoir rentrer est justement de laisser ses troupes participer aux prochaines élections tout en gardant, lui, une forme de recul.

[Tribune] Pourquoi la France doit investir davantage au Bénin

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Mis à jour le 08 janvier 2021 à 13h56
 
 

Par  Patrice Anato

Député LREM de Seine-Saint-Denis, coprésident du groupe d’études Diplomatie économique avec l’Afrique

Port autonome de Cotonou

Port autonome de Cotonou © Gwenn Dubourthoumieu pour JA

 

Alors que le Bénin a multiplié ces dernières années les réformes économiques pour améliorer son environnement des affaires, la France doit profiter de ce nouveau cadre, soutient le député français Patrice Anato.

Malgré la crise économique provoquée par le Covid-19, les économies des pays d’Afrique de l’Ouest ont fait preuve d’une résilience qui est aussi due, en partie, aux politiques publiques des gouvernements de certains pays.

Alors que les échanges commerciaux entre la France et la zone UEMOA frôlent une croissance à deux chiffres (+9,4 % en 2019 à 4,5 milliards d’euros), la Côte d’Ivoire et le Sénégal en concentrent traditionnellement les deux tiers et drainent l’essentiel des IDE de la France en Afrique de l’Ouest.

Et pourtant, d’autres pays de la sous-région connaissent une évolution qui méritent qu’on s’y arrête, à l’instar du Bénin, qui a su mener des réformes économiques d’envergure et améliorer drastiquement son environnement des affaires.

Des indicateurs au vert

De fait, quatre ans après le lancement de la stratégie nationale de développement « Bénin révélé », tous les indicateurs sont au vert. Grâce à des réformes véritablement enclenchées en 2018, plaçant le secteur privé au cœur de la transformation structurelle de l’économie, le pays affiche cette année la plus forte croissance des pays de l’Uemoa, et ce malgré la fermeture de sa frontière avec le Nigeria en octobre 2019 (+ 6,9 % contre seulement 1,8 % en 2015) et se hisse en douzième position au niveau subsaharien, d’après le FMI.

Signe de sa performance, le Bénin s’est vu décerner la mention très bien – la plus haute dans l’échelle de notation du FMI – pour la qualité de la gestion de ses finances publiques à l’occasion de chacune de ses revues depuis 2017. En 2019, le pays a aussi été classé premier en matière de transparence budgétaire par le FMI et l’Union européenne et parmi les quatre économies africaines les plus dynamiques.

Des performances à mettre à l’actif de l’assainissement des finances publiques (rationalisation des dépenses de fonctionnement, conduite d’une politique budgétaire axée sur l’investissement public, numérisation des procédures…) et de son corollaire, l’amélioration de l’environnement des affaires.

Multiplication des initiatives en faveur des entreprises

Sur ce volet aussi, le Bénin a multiplié les initiatives fortes pour alléger les démarches administratives, en réduisant significativement le délai de délivrance du permis de construire ainsi que celui du certificat de conformité et d’habitabilité, et en permettant la dématérialisation des processus de transfert de propriété, notamment.

Aujourd’hui, le Bénin est reconnu par la Cnuced comme le pays le plus rapide au monde en matière de création d’entreprise. Une même démarche de simplification a été appliquée à la fiscalité, avec la facilitation du paiement des impôts (démarches en ligne, exonération des micros et petites entreprises du paiement de la taxe professionnelle, suppression de nombreux impôts dans la Loi de finances 2020, dématérialisation des documents fiscaux etc.).

Misant sur les PPP et sur le secteur privé pour financer 61 % de son plan d’action gouvernemental, le gouvernement a également multiplié les initiatives pour améliorer la gouvernance économique : mise en place d’un guichet unique pour l’enregistrement des entreprises, modernisation des dispositions relatives aux marchés publics, révision des prix de cession du domaine privé de l’État, création de ZES avec des avantages pour les investisseurs, création d’un cadre réglementaire unifié pour les PPP, incitations fiscales pour soutenir les entreprises privées…

Une carte à jouer pour la France

Si les objectifs du plan « Bénin révélé » sont ambitieux (relancer de manière durable le développement économique et social, doubler le taux d’investissements grâce aux PPP, réaliser au moins 6% de croissance et créer environ 500 000 emplois directs), les résultats sont là, comme l’a rappelé Patrice Talon à l’issue de sa tournée nationale, le 12 décembre 2020 à Cotonou.

Le rythme de l’investissement privé s’est accéléré, avec une augmentation de 40 % de 2016 à 2019. Les flux entrants d’IDE sont passés de 132 à 208 millions de dollars entre 2016 et 2018, selon la Cnuced, leur part dans le PIB bondissant de 1,8 à 5,8 % dans l’intervalle.

Alors que les réformes structurelles en cours devraient encore améliorer la notation du pays de façon significative, c’est le moment pour les investisseurs traditionnels – France en tête – de profiter de ce cadre favorable. Les liens économiques qui unissent nos deux pays sont historiquement forts : la France est le premier investisseur étranger au Bénin, avec 10 % du total d’IDE – son stock d’investissements français dans le pays s’élève à 154 millions d’euros en 2019 et les flux s’élèvent à 1 million d’euros.

Principal investisseur étranger du pays, la France doit accentuer son soutien à ce partenaire économique à l’attractivité croissante, comme ne manqueront pas de le faire les autres principaux investisseurs que sont le Nigeria, le Brésil, la Côte d’Ivoire et le Sénégal. Dans cette dynamique, la diplomatie parlementaire a un rôle majeur à jouer en contribuant à inciter la France, ainsi que ses partenaires africains, à renforcer leurs liens et leurs échanges économiques, a fortiori dans les temps difficiles que nous traversons.

 

Sénégal : Ousmane Sonko, le dernier opposant à Macky Sall ?

| Par 
Mis à jour le 05 janvier 2021 à 11h21
Macky Sall et Ousmane Sonko.

Macky Sall et Ousmane Sonko. © Montage JA - JOHN WESSELS / AFP-Clément Tardif pour JA

 

Alors que dans le camp de Macky Sall, certains ne font pas mystère de leur désir d’engloutir l’opposition tout entière, Ousmane Sonko assume de porter seul – ou presque – la contestation. Quitte à être la première cible du pouvoir.

Il n’y a pas si longtemps, il n’était encore que cet inspecteur des impôts turbulent, qui s’était fait connaître en accusant le chef de l’État de « corruption » et de « viol de la Constitution et du code pétrolier ». C’était en 2016 et la sanction n’avait pas tardé à tomber : Ousmane Sonko était radié de la fonction publique par décret présidentiel pour « manquement au devoir de réserve ».

Depuis, il a fait du chemin. Après avoir été élu député en 2017 et remporté 16 % des suffrages lors de la présidentielle de 2019, il est de fait devenu, à tout juste 46 ans, l’un des principaux opposants au président. Voire l’un des derniers.

Son propre parti, le Pastef, pourrait-il s’en trouver menacé ? Le 2 janvier, le ministre de l’Intérieur, Antoine Félix Diome, faisait savoir par voie de communiqué que la formation s’exposait « à la dissolution », comme « tout parti politique qui reçoit des subsides de l’étranger ou d’étrangers établis au Sénégal ».

En cause : une campagne de levée de fonds internationale lancée le même jour par Pastef. Elle aurait déjà permis de récolter plus de 125 millions de F CFA et 80 millions de promesses de dons, et les Sénégalais de la diaspora y ont largement contribué. « Les partis politiques ne peuvent bénéficier d’autres ressources que celles provenant des cotisations, dons et legs de leurs adhérents et sympathisants nationaux, et des bénéfices réalisés à l’occasion des manifestations », rappelle pourtant le ministre.

Les équipes d’Ousmane Sonko dénoncent une « manœuvre d’intimidation » : « La cotisation de nos militants est notre seul mode de financement depuis la création du parti, précise le chargé de communication de Pastef, El Malick Ndiaye. Mais le succès de cette campagne a fait peur aux autorités. »

Pastef enfreint-il la loi ou est-il la cible d’un pouvoir qui ne pouvait laisser passer pareille occasion d’entraver la progression de son adversaire ? Une chose est sûre : l’opposition sénégalaise est déjà très affaiblie par la mise hors-jeu de Karim Wade, du Parti démocratique sénégalais (PDS), et de l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall – tous deux sont inéligibles.

Quant à Idrissa Seck, arrivé deuxième à l’issue du dernier scrutin présidentiel, et Oumar Sarr, transfuge du PDS, ils ont rallié la majorité à l’occasion du remaniement du 1er novembre dernier. Dans le camp de Macky Sall, certains ne font pas mystère de leur désir de voir l’opposition entièrement engloutie dans la machine BBY (Benno Bokk Yakaar).

« De la politique à l’ancienne »

Pour gouverner plus « confortablement » et sans contestation, et préparer au mieux la présidentielle de 2024, à laquelle il ne peut participer selon la Constitution, le président n’a pas hésité à se séparer de plusieurs de ses plus proches ministres. « Il a toujours voulu éviter un combat des chefs, explique l’un de ses conseillers. Il a eu le courage de couper des têtes pour éviter que le travail du gouvernement ne soit parasité. » « On allait droit vers une cacophonie et une guerre fratricide, renchérit un observateur de la vie politique sénégalaise proche du président. Il fallait clarifier la situation. »

En écartant ces « ambitieux », Macky Sall s’est aussi rapproché de personnalités à l’ancrage territorial marqué : Idrissa Seck à Touba, Oumar Sarr à Dagana et Aïssata Tall Sall dans le Fouta pourraient renforcer sa coalition lors des prochaines élections locales. « Il n’est jamais bon pour un président en fin de mandat d’être minoritaire dans les collectivités », assure son conseiller. Une stratégie qui « relève de la politique à l’ancienne », tacle un cadre déçu de l’Alliance pour la République (APR, parti présidentiel) pour qui « coopter un chef de parti n’équivaut pas à coopter ses bases ».

Une ligne radicale et constante

Ousmane Sonko, lui, se veut confiant. Mieux, il se satisfait de découvrir le « vrai visage » d’opposants qui – selon lui – n’en étaient pas ou plus. Le député « patriote », arc-bouté sur sa position antisystème, assume de porter seul, ou presque, la contestation contre le régime de Macky Sall. Agitateur pour les uns, tribun pour les autres, il a su trouver son public et son électorat en un temps record.

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IL EST DANGEREUX DE PENSER QUE DÉSTRUCTURER L’OPPOSITION EST UN MOYEN DE GAGNER DES ÉLECTIONS. »

« Les Sénégalais en ont assez des acteurs politiques versatiles, qui changent de camp au gré de leurs intérêts », confiait-il à Jeune Afrique en novembre. Un constat partagé par un ancien compagnon de route de Macky Sall. « Ce serait un danger de penser que déstructurer l’opposition est un moyen de gagner des élections, car l’opposition est un canal qui permet de rassembler la frustration des populations. Sans interlocuteurs, le débat se joue entre le pouvoir et la rue, analyse notre source. L’opposition, c’est comme l’eau qui coule. Si vous l’empêchez de passer d’un côté, elle finira toujours par couler ailleurs. »

Sonko revendique en tout cas une ligne radicale et constante. Il compte sur la levée de fonds lancée début janvier pour consolider sa position de challenger face à Macky Sall et préparer les prochaines élections – des locales déjà reportées et dont la nouvelle date n’a pas été fixée.

Sécurité : au Sahel, Endeavour Mining paré face à la menace terroriste [1/3]

| Par - à Ouagadougou
Mis à jour le 05 janvier 2021 à 12h20
Employés d’Endeavour à Ity

 Employés d'Endeavour à Ity © Endeavour

 

Rotations aériennes par hélicoptère pour le personnel, gardiennage renforcé, coordination quotidienne avec les forces publiques de défense et de sécurité… Le minier estime avoir déployé « toutes les précautions nécessaires » à ses opérations.

Malgré la menace des groupes armés, parfois actifs non loin de ses sites extractifs du centre et de l’est du Burkina Faso, Endeavour Mining, porté par les cours élevés de l’or, ne connaît pas la crise.

« Jusqu’à présent, on ne peut pas dire que ces crises sécuritaire et sanitaire aient sérieusement impacté notre production. Nous avons anticipé les risques, et nous sommes assurés d’être prêts à y faire face avec des moyens adaptés. Pour ce qui est du risque terroriste, nous prenons les précautions nécessaires grâce à une équipe d’experts en sécurisation de l’investissement et des personnes qui définit des procédures particulières permettant de réduire les dangers », assure Pascal Bernasconi, vice-président exécutif de la compagnie minière.

Installé dans le Pays des hommes intègres, mais également au Mali et en Côte d’Ivoire, Endeavour sera bientôt au Sénégal, du fait de sa fusion en cours de finalisation avec Teranga Gold. À terme, le groupe, coté à Toronto, espère devenir le premier producteur d’Afrique de l’Ouest du métal précieux, avec 1,5 million d’onces d’or écoulées chaque année.

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EN RÉALITÉ, PERSONNE, NULLE PART, N’EST À L’ABRI D’UNE ATTAQUE TERRORISTE

« Notre priorité reste la sécurité de nos employés, le bien-être des communautés voisines et la solidarité avec les États, qui sont nos partenaires », explique encore le cadre français, ancien patron de la filière minière d’Areva, chargé chez Endeavour des relations publiques, des questions sécuritaires mais également des procédures sanitaires.

« Le terrorisme, et la pandémie de Covid-19 sont en réalité des problèmes auxquels le monde entier est confronté, pas seulement le Sahel. Les terroristes frappent partout, et le Covid-19 fait plus de victimes en Occident qu’en Afrique. En réalité, personne, nulle part, n’est à l’abri d’une attaque terroriste », relativise-t-il.


>>> À lire sur Jeune Afrique Business+ : Le dispositif de sécurité d’Endeavour Mining négocié avec Roch Marc Kaboré à Boungou


Coûts d’exploitation explosés par les dépenses de sécurité

Pourtant, dans sa mine de Boungou, dans l’est du Burkina Faso, Endeavour ne badine pas avec la sécurité : rotations aériennes par hélicoptère pour le personnel expatrié mais aussi les locaux, règles strictes imposées aux services logistiques, gardiennage renforcé du site, coordination quotidienne avec les forces publiques de défense et de sécurité, la compagnie a largement étoffé ses mesures pour prévenir une attaque de groupes armés.

Tout le monde a en tête les quarante morts de l’attaque en novembre 2019 par un groupe djihadiste d’un convoi de bus transportant 241 salariés de la mine, reprise par Endeavour à son compatriote canadien Semafo en mars 2020.

Même si les dirigeants d’Endeavour refusent de s’étendre sur le sujet, les coûts d’exploitation des grands groupes tels que le leur ont explosé dans la région, avec les dépenses de sécurité avoisinant 25 % des charges des projets situés dans le centre et le nord du Mali et du Burkina Faso, selon les experts interrogés par Jeune Afrique.