Côte d'Ivoire: l'opposition vent debout contre la réforme de la CEI
Par RFIPublié le 05-07-2019Modifié le 05-07-2019 à 04:05
Le projet de loi sur la nouvelle Commission électorale en Côte d'Ivoire ne passe pas dans l'opposition. Sommé par la Cour Africaine des droits de l'homme et des peuples de rendre la CEI plus indépendante, le régime avait entamé en janvier des discussions en vue de la recomposer. Or l'opposition et la majeure partie de la société civile demandaient une réforme en profondeur. Ce jeudi 4 juillet, la plateforme de 23 partis de l’opposition, autour du PDCI, ainsi que les groupes parlementaires d’opposition se sont réunis pour organiser la riposte politique.
15 membres au total. Parmi eux, trois représentants du parti au pouvoir, trois de l’opposition, six de la société civile, un du conseil supérieur de la magistrature, auxquels s'ajoutent un membre nommé par le président de la République et un par le ministre de l’Intérieur.
Pour l’opposition qui réclamait une réforme profonde, la future Commission électorale prévue par le projet de loi ne sera pas plus indépendante que la précédente. Ce qui n'est pas surprenant pour Alain Lobognon, député du groupe Rassemblement, proche de Guillaume Soro.
« Nous ne sommes pas surpris. Nous savions que le gouvernement n'allait jamais faire cette réforme. Pour nous, il faut une CEI débarrassée des représentants des partis politiques, une CEI débarrassée des représentants du gouvernement. Il apparaît clairement que ce gouvernement se donne tous les moyens de confisquer le pourvoir. Il se donne les moyens de ne pas organiser des élections en 2020. »
Pour Moriféré Bamba, président du RPCI , membre de la plateforme d’opposition, cette recomposition de la CEI est un signe de plus des « reculs démocratiques que le régime Ouattara fait subir à la Cote d’Ivoire ».
« Le régime vient d'opérer un passage en force, affirme le président du RPCI. c'est devant cette situation que le groupe parlementaire de l'opposition et les partis politiques se retrouvent pour unir nos forces et engager la résistance face à ce qui est ni plus ni moins que la tentative d'instauration d'une dictature en Côte d'Ivoire. »
Autre sujet de colère de l’opposition : la nouvelle carte d’identité à 5 000 francs. Pour les partis de l'opposition, la manœuvre est destinée à écarter les Ivoiriens les plus pauvres de l’enrôlement sur les listes électorales. Ils appellent donc à un grand rassemblement de protestation ce samedi 6 juillet.
« Eco », future monnaie unique de la Cedeao : les chefs d’État maintiennent l’objectif de 2020
02 juillet 2019 à 10h06 |Par Jeune Afrique avec AFP
La création de la monnaie unique de la Cedeao, sur les rails depuis le début des années 1980, sera-t-elle enfin une réalité en 2020 ? Les chefs d’État réunis samedi à Abuja ont entériné ce calendrier, et se sont entendus sur son nom : « Eco ». Reste à lever une série d’obstacles.
Ils étaient tous là, ou presque. Seuls les présidents sénégalais Macky Sall et capverdien Jorge Carlos de Almeida Fonseca, n’avaient pas fait le déplacement, samedi, à Abuja, pour la 55e session ordinaire de la conférence des chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao).
Si cette session a vu le passage de relais entre le nigérian Muhammadu Buhari et le nigérien Mahamadou Issoufou pour la présidence de la Cedeao pour l’année à venir, c’est surtout le projet d’union monétaire ouest-africaine qui a retenu l’attention. Et sur ce point, les chefs d’État ont entériné l’essentiel des conclusions de la réunion des ministres et gouverneurs des banques centrales des 17 et 18 juin à Abidjan.
« Eco a été adopté comme le nom de la monnaie unique de la Cedeao » et devrait donc entrer en vigueur en 2020 dans les quinze États de l’espace Cedeao. Véritable serpent de mer, ce projet a cependant été repoussé à maintes reprises depuis 1983.
Les obstacles sont en effet nombreux. Pour ce faire, huit pays devront en effet abandonner le franc CFA et sept autres leur monnaie nationale. Dans son communiqué final, le sommet « réaffirme l’approche graduée (pour l’adoption) de la monnaie unique en commençant par les pays qui atteignent les critères de convergence ».
Parmi ceux-ci, les principaux sont la création de réserves de change couvrant au moins trois mois d’importations ; un déficit budgétaire inférieur à 3 % du PIB ou encore une inflation inférieure à 10 %.
Première échéance : 29 octobre 2019
Concrétisation du rêve des panafricanistes partisans de l’abandon du franc CFA, l’adoption de la future monnaie unique ouest-africaine devra cependant faire face à de nombreux obstacles. Selon le document issu de la réunion de mi-juin à Abidjan, le modèle de la future banque centrale devrait être fédéral et le régime de change retenu sera flexible, avec un ciblage de l’inflation globale comme cadre de politique monétaire. Par ailleurs, les pays ont jusqu’au 29 octobre pour transmettre à la Commission de la Cedeao leurs programmes pluriannuels de convergence pour la période 2020-2024.
Certains experts doutent pourtant de la capacité des États à respecter ces critères de convergence. Selon certains analystes, la création d’une monnaie unique apparaît comme prématurée et aurait des conséquences incertaines. « Ce serait se lancer dans le vide », considère ainsi Ndongo Samba Sylla, économiste à Dakar au sein de la fondation Rosa Luxembourg. De son côté, Abdourahmane Sarr, ancien expert monétaire au Fonds monétaire international, estime pour sa part qu’il « s’agit d’un choix politique » avec « les conséquences à subir par les générations futures. »
« La feuille de route sera suivie. La convergence dépend des efforts que fera chaque pays pour respecter les critères. C’est un aspect essentiel et fondamental », avait pour sa part assuré Jean-Claude Brou, le président de la Commission de la Cedeao.
Avenir du Mali ?
Mali – Ibrahim Boubacar Keïta : « Nous sommes en guerre »
01 juillet 2019 à 10h19 |Par François Soudan - Envoyé spécial à Bamako
Menace terroriste, tensions communautaires, urgences sociales… Pour sa première interview depuis sa réélection, en août 2018, le chef de l’État apparaît lucide sur les difficultés qui menacent la stabilité de son pays. Et déterminé à y remédier avant 2023.
Par quels chemins de crête l’enfant de Koutiala en est-il arrivé à traduire Lucrèce en français ? Ce poète et philosophe latin dont se délecte l’ancien sorbonnard en ses moments libres, le soir venu, a certes de quoi le séduire : comme lui, l’auteur du mythique De rerum natura fut un adversaire de l’obscurantisme et du fanatisme, un épicurien campé sur « les monts fortifiés du savoir, citadelle de paix d’où l’on peut abaisser son regard sur les autres ».
Mais si, dans la catégorie des présidents latinistes, Ibrahim Boubacar Keïta est le digne successeur de Senghor, le Mali d’aujourd’hui n’a que peu de chose à voir avec les jardins d’Éden et la colline de Koulouba, où le chef de l’État a reçu Jeune Afrique, aucun rapport avec celle de l’Aventin, sur laquelle se retira la plèbe romaine, drapée dans une hautaine dignité.
Le plus dur reste à faire
Pour sa première interview depuis sa réélection, en août 2018, Ibrahim Boubacar Keïta, 74 ans, apparaît comme un président concerné à l’extrême par les tragédies qui ensanglantent le centre du Mali, là où vivent 30 % de ses 20 millions de compatriotes. Stigmate d’ennuis de santé qui désormais appartiennent au passé, son visage a minci.
Derrière le ton patelin et les phrases qui sont autant de salves, la détermination le dispute sans cesse au sentiment d’impuissance, tant son travail s’apparente à celui de Sisyphe. Ce fin tacticien, qui connaît tout d’une politique d’alliances qu’il pratique depuis trois décennies, est parvenu à désamorcer la crise postélectorale avec un gouvernement d’ouverture et la perspective d’un dialogue national inclusif censé diluer les conflits sous l’arbre à palabres.
La liste est longue comme les six chapitres de De rerum natura, et, pour y faire face, le Mali a un cruel, pressant, oppressant besoin d’aide. Lucrèce, encore lui, nous en voudra-t-il si, dans la strophe qui suit, nous remplaçons le mot « nature » par « Mali » ? « N’entendez-vous pas ce que crie le Mali ? Que veut-il si ce n’est l’absence de douleur pour le corps et pour l’âme, un bonheur pacifié, délivré des soucis, affranchi de la peur ? » En ce mois de juin 2019, cet objectif paraissait encore bien lointain.
Nos alliés doivent comprendre que, au Mali, c’est aussi l’Europe que nous défendons
Jeune Afrique : Koulogon, Ogossagou, Sobane Da, Yoro, Gangafani… Plus de 300 civils ont été tués depuis le début de cette année. Quand s’arrêtera la série des Oradour maliens ?
Ibrahim Boubacar Keïta : Je suis encore sous le choc de ces villages martyrs. Lorsque je me suis rendu à Ogossagou, je croyais que nous avions atteint le fond de l’horreur, mais cela a continué. Après la Seconde Guerre mondiale, quand on a tiré les leçons d’Oradour-sur-Glane et de Lidice, on s’était dit que ces orgies de violences, où l’homme n’a plus rien d’humain, où sa morale est comme dissoute dans la haine, n’allaient plus se reproduire. Or nous y sommes, ici, au Mali. Alors oui, que faire ?
D’abord, comprendre que notre réhabilitation en tant que nation et en tant qu’État ne dépend que de nous seuls, au-delà de l’aide que des pays amis peuvent nous apporter. Ensuite, convaincre ces derniers de cesser de nous égarer par des promesses non tenues : il faut reconstruire et équiper notre armée de toute urgence. Nous consacrons à la sécurité 22 % de nos ressources budgétaires, nous ne pouvons pas aller au-delà sans réduire en deçà du tolérable nos dépenses sociales, donc sans assistance extérieure.
Notre sécurité relève de nous et de notre souveraineté, de notre dignité. Le Mali n’est pas un pays à genoux. Mais nos alliés doivent comprendre que, au Mali, c’est aussi l’Europe que nous défendons. À ces conditions, notre pays se retrouvera. Un vent nouveau est en train de se lever.
Nos ennemis sont autour de nous, avec nous, au-dedans de nous. Ils connaissent nos habitudes et exploitent la moindre de nos faiblesses
Plusieurs responsables administratifs et militaires ont été sanctionnés à la suite de ces massacres, ce qui signifie que vous reconnaissez une part de responsabilité à l’État. Quelle est-elle exactement ?
L’État a une ardente obligation de protection des citoyens, et je n’élude pas ma propre responsabilité. Mon rôle est de donner les moyens à notre politique de défense et de réaliser le bon casting pour ceux qui sont chargés de la mettre en œuvre. Nous sommes en guerre, et quand il y a faute, quand il y a laxisme, je sanctionne. Nos ennemis sont autour de nous, avec nous, au-dedans de nous. Ils connaissent nos habitudes et exploitent la moindre de nos faiblesses. Certes, la sanction peut parfois paraître injuste. Le gouverneur de Mopti qui vient d’être relevé de ses fonctions était de bonne volonté et faisait de son mieux, mais ce mieux n’était pas suffisant.
L’armée malienne a été critiquée pour n’être pas intervenue à temps afin de mettre un terme aux massacres. Ce reproche vous paraît-il justifié ?
Nous sommes confrontés à un conflit asymétrique, où les protagonistes sont mêlés à la population. Ce n’est pas évident. Mais il est vrai que les effets de l’état d’alerte n’ont pas été assez rapides, et je me suis posé la question de savoir pourquoi, dans une zone qui est pourtant relativement bien couverte par les réseaux de téléphonie mobile. Pourquoi aussi des groupes d’assaillants se déplaçant sur des motos pétaradantes pouvaient circuler sans éveiller l’attention. Ce sont des zones d’ombre que le procureur du pôle antiterroriste tente d’éclaircir en ce moment. J’attends son rapport, ainsi que celui du ministre de la Justice.
Les violences et les clivages auxquels nous assistons sont une excroissance, une contagion de ce qui s’est passé dans le Nord au cours de la dernière décennie
Certains de ces massacres ont été l’œuvre de milices communautaires, qui agissent dans une logique de suppléance de l’État – c’est tout au moins ce qu’elles affirment. Va-t-on vers une balkanisation du Mali ?
Non. Il n’y a pas de tribus au Mali, mais des ethnies qui, en particulier dans le Centre, cohabitent depuis des siècles de façon apaisée avec des codes établis de règlement des conflits entre pasteurs et agriculteurs. Il n’y avait pas, jusqu’à une période très récente, de patriarche dogon qui n’eût son ami peul, et réciproquement.
Les violences et les clivages auxquels nous assistons sont une excroissance, une contagion de ce qui s’est passé dans le Nord au cours de la dernière décennie. Dans le cadre de leur projet expansionniste et hégémonique, les terroristes jihadistes ont mis à profit les failles et les faiblesses du maillage administratif pour s’insinuer et propager un discours exclusif de haine, le tout sous le couvert de la religion. Si l’État n’est pas présent dans chaque village, les mosquées, elles, sont partout.
L’État n’a pas eu besoin de milices pour sécuriser l’élection de 2018, comme certains le prétendent
Qui élabore et manipule ce discours ?
Iyad Ag Ghali, dont l’ombre plane sur le Centre, tout comme elle plane toujours sur la région de Kidal. Amadou Koufa, à qui est venue l’idée d’exhumer les mânes de Sékou Amadou et de son empire théocratique peul du Macina au XIXe siècle pour mieux décerveler la jeunesse. Mais aussi certains politiciens bamakois sans grands scrupules, ceux-là qui, pendant l’élection présidentielle de 2018, ont joué avec le feu en prétendant que j’étais anti-peul, alors que j’ai remporté largement autant de suffrages peuls que de suffrages dogons.
Les jihadistes du Front de libération du Macina ne sont pas les seuls à opérer dans le Centre. La milice dogon Dan Na Ambassagou, qui les combat, figure parmi les suspects du massacre d’Ogossagou. Or cette milice aurait collaboré avec les forces de sécurité maliennes…
C’est une contre-vérité. L’État n’a pas eu besoin de milices pour sécuriser l’élection de 2018, comme certains le prétendent. Pour le reste, celle dont vous parlez est loin d’être la seule. Le centre du Mali est truffé de milices.
Dan Na Ambassagou a été officiellement dissoute à la fin du mois de mars. L’est-elle vraiment ?
Elle l’est !
Mais elle ne l’accepte pas.
C’est compréhensible. Mais la loi passera. Aucune complaisance. Lorsque je suis allé me recueillir au village de Sobane Da et que j’ai annoncé l’interdiction de circuler à moto et la destruction de ces engins dans toute la région, parce que tel est le moyen de déplacement des tueurs, cela concernait tout le monde.
Je suis disposé à reconstruire le Mali avec tous ses enfants. Cela n’a rien à voir avec l’impunité, et les criminels devront répondre de leurs actes
Des voix s’élèvent au Mali et parmi les ONG pour demander l’ouverture de canaux de négociation avec les chefs jihadistes Koufa et Ag Ghali, à l’instar de ce que les Américains font avec les talibans. Quelle est votre opinion ?
Elle n’a pas changé. Une mer de sang nous sépare de ces gens. Je suis disposé à reconstruire le Mali avec tous ses enfants, y compris avec ceux qui apporteront la preuve d’une repentance sincère. Mais attention : cela n’a rien à voir avec l’impunité, et les criminels devront répondre de leurs actes.
Donc pas de négociation avec Iyad Ag Ghali ?
Sur quelles bases ? Ce monsieur exige l’application de la charia, l’interdiction de l’école républicaine et moderne, le califat, la fin de toutes les valeurs qui fondent notre vivre-ensemble. Nous n’avons rien à nous dire.
Et avec Amadou Koufa ? N’est-ce pas ce qu’avait tenté de faire en 2017 la mission de bons offices de l’imam Mahmoud Dicko, avec votre bénédiction ?
Je n’ai pas particulièrement suivi ni approuvé cet aspect de la mission qui lui avait été confiée par le Premier ministre de l’époque, Idrissa Maïga. Il s’agissait plutôt de faciliter la libération d’otages en échange de celle d’individus détenus pour des crimes non létaux. Quoi qu’il en soit, nous allons vers un dialogue national inclusif au cours duquel aucun sujet ne sera tabou, y compris celui que vous évoquez. Le sentiment profond du pays sera pris en compte.
Lorsque des étrangers risquent leur vie pour nous, la moindre des choses est de les respecter
Des slogans hostiles à la présence de l’armée française et à la Minusma ont été scandés lors de récentes manifestations de l’opposition à Bamako. C’est une réaction qui semble prendre une certaine ampleur. Cela vous inquiète ?
Tout ce qui est injuste me gêne. Quand un pays ami comme la France envoie ses enfants au cœur de l’Adrar, qui est tout sauf un club de vacances, pour défendre nos valeurs communes, il n’est pas admissible de le vilipender. Les politiciens qui manipulent et exacerbent ce genre de sentiments xénophobes ne rendent service ni au Mali ni à la paix. Ils sont les complices objectifs de ceux qui veulent notre perte. Lorsque des étrangers risquent leur vie pour nous, la moindre des choses est de les respecter. Quant à la Minusma, elle fait de son mieux avec le mandat, hélas restreint, qui est le sien. Je l’ai répété cent fois : ce mandat doit évoluer.
Ne craignez-vous pas que, face à ces critiques, mais aussi face à la perspective d’un conflit long et coûteux, la France et l’ONU se désengagent du Mali et laissent les pays sahéliens se débrouiller ?
Ce serait une grossière erreur. Nous sommes un peuple digne, fier, et c’est bien malgré nous si nous avons dû faire appel à des forces extérieures pour nous aider à défendre notre territoire. Mais ces dernières n’ont pas répondu à notre demande par compassion. Elles sont venues ici parce que le Mali est une digue dont la rupture entraînerait un déferlement d’eaux nauséabondes vers la Méditerranée et le golfe de Guinée. Défendre le Mali, c’est aussi défendre toute l’Afrique de l’Ouest.
Kidal n’est pas et ne sera jamais pour le Mali ce que le Katanga fut au Congo au cours des années 1960
Le président Macron est-il sur la même ligne que vous ?
Oui, je le crois. Nous nous parlons régulièrement et longuement, de visu quand c’est possible et par téléphone. La dernière fois, c’était samedi [le 15 juin].
Paris laisse transparaître une pointe d’agacement quant aux lenteurs d’application de l’accord d’Alger conclu en 2015 avec les ex-séparatistes touaregs et divers groupes armés. En êtes-vous conscient ?
Je l’ai dit à Emmanuel Macron et à Antonio Gutteres, le secrétaire général de l’ONU : nous serions sourds si nous étions inconscients de cet impératif. Cet accord, nous l’avons négocié pied à pied pendant des mois. Nous en savons les forces et les faiblesses et, pour que sa mise en œuvre avance réellement, il faut que les deux parties soient loyales l’une envers l’autre.
Or ce n’est pas toujours le cas. Quand je vois certains leaders touareg de la CMA [Coordination des mouvements de l’Azawad] venir à Bamako encaisser leurs indemnités, puis, de retour à Kidal, exhiber avec arrogance le drapeau de l’Azawad, cela m’horripile. Idem pour le processus de désarmement, idem pour l’inclusion de cadres de la CMA au sein du dernier gouvernement d’ouverture : ce ne sont que volte-face et faux-fuyants. Kidal n’est pas et ne sera jamais pour le Mali ce que le Katanga fut au Congo au cours des années 1960.
Le G5 Sahel n’a pas donné un bon signe aux populations en déménageant son quartier général de Sévaré à Bamako pour des raisons de sécurité. Partagez-vous cet avis ?
Je n’ai pas souhaité ce déménagement, ni cette réimplantation clivante au cœur d’un quartier populaire de Bamako. La présence de ce QG à Sévaré, dans le centre du Mali, avait un sens opérationnel et symbolique fort. Mais je ne suis pas le seul à décider. Pour le reste, il faut aider le G5 Sahel, qui, faute de moyens, suscite peu d’enthousiasme, tout comme il faut aider le Mali. Nous ne tendons pas la sébile, mais il ne faut pas nous mener en bateau.
Où en est le rééquipement de l’armée de l’air malienne ?
Lorsque j’ai été élu pour mon premier mandat, en 2013, il n’y avait aucun appareil en état de voler. Depuis, nous avons acquis auprès de la France un transport de troupes Casa et deux hélicoptères Puma – lesquels, hélas, sont encore cloués au sol faute de maintenance appropriée. Lorsque je me suis rendu dans les villages martyrs, j’ai fait le trajet Bamako-Mopti à bord de notre Casa, puis me suis rendu sur zone avec un hélicoptère de l’ONU. Je n’en étais pas très fier, même si le Mali est membre des Nations unies.
Je souhaite que le général Amadou Haya Sanogo soit jugé dès que possible, mais le temps de la justice n’est pas celui des hommes
L’ancien commissaire islamique de Gao à l’époque de l’occupation jihadiste a été condamné en 2017 à dix ans de prison. Puis très discrètement libéré il y a quatre mois, sans avoir purgé le cinquième de sa peine. Est-ce normal ?
Non, et son dossier est entre les mains du nouveau ministre de la Justice, Me Malick Coulibaly, afin de savoir ce qui s’est passé. Sur le principe, l’État de droit ne doit souffrir d’aucune faiblesse, et aucun criminel ne peut passer entre les mailles du filet. Mais, en réalité, l’État malien est encore mal outillé pour parer à tout dysfonctionnement et il est impératif qu’on nous aide à le rétablir dans toutes ses fonctions régaliennes.
Autre cas, celui du général Amadou Haya Sanogo, éphémère chef de l’État pendant trois semaines en 2012 et emprisonné depuis novembre 2013. Quand sera-t-il enfin jugé ?
Vous m’avez déjà posé cette question, et je vous fais la même réponse : au Mali, la justice est indépendante. En ce qui me concerne, je souhaite qu’il soit jugé dès que possible, mais le temps de la justice n’est pas celui des hommes.
Votre nouveau ministre de la Défense, le général Dahirou Dembélé, est cité dans le cadre de l’affaire dite des bérets rouges. Cela vous pose-t-il problème ?
Aucun. Il n’est pas, que je sache, inculpé.
Rassurez-vous : le vieil homme tirera sa révérence en 2023 après avoir, si Dieu le veut, conduit sa patrie sur les chemins de la paix et de la prospérité
Les élections législatives devraient être reportées d’un an, à mai 2020. C’est tout au moins votre souhait. Sept ans pour une législature, c’est plus qu’un simple glissement !
On ne peut vouloir une chose et son contraire. Beaucoup de Maliens, ainsi que nos partenaires étrangers, insistent pour que se tienne un dialogue national inclusif et qu’il soit prioritaire par rapport aux législatives. En termes de chronogramme, faire les deux pendant la même période, c’est mission impossible.
Au cours de ce dialogue, qui doit s’ouvrir bientôt, il sera question de la Constitution et de la nécessité de l’amender. Soyons clairs : il s’agit d’un toilettage de celle de 1992. Pas d’une nouvelle République ?
Absolument. Et rassurez-vous : le vieil homme tirera sa révérence en 2023 après avoir, si Dieu le veut, conduit sa patrie sur les chemins de la paix et de la prospérité. La création d’un Sénat et d’une Cour des comptes, la décentralisation, la conférence sociale et beaucoup d’autres sujets seront à l’ordre du jour. Les polémiques grotesques et dérisoires sur ma pseudo-incrustation au pouvoir ou ma volonté de fonder une dynastie familiale au Mali relèvent désormais du passé.
Il n’y a pas eu de crise postélectorale en 2018, mais la bouderie d’un seul homme, Soumaïla Cissé, inconsolable de ne pas être entré au palais de Koulouba
Vous avez formé début mai un gouvernement d’ouverture au sein duquel l’opposition est représentée. Les comptes de la crise postélectorale de 2018 sont-ils enfin soldés ?
Il n’y a pas eu de crise postélectorale, mais la bouderie d’un seul homme, inconsolable de ne pas être entré au palais de Koulouba. Quelle que soit l’ampleur de son ego, il ne représente pas le sentiment des 20 millions de Maliens. Quant au dialogue, il ne sera ni une conférence nationale ni un troisième tour électoral, que cela soit clair.
Vous faites allusion à Soumaïla Cissé, votre rival au second tour de la dernière présidentielle. Il a refusé de participer au gouvernement d’ouverture. Vous a-t-il dit pourquoi ?
Posez-lui donc la question ! Je l’ai reçu ici en premier et à plusieurs reprises, avant de passer le relais au Premier ministre, Boubou Cissé. Nous avons tenu compte de toutes ses observations. C’est donc à lui de donner les raisons profondes de son refus. J’espère pour ma part qu’il reste ouvert au dialogue.
Tiébilé Dramé, qui est devenu votre ministre des Affaires étrangères, était jusqu’à il y a peu l’un de vos adversaires les plus pugnaces. Et il vous est arrivé, vous-même, de l’égratigner. Le moins que l’on puisse dire est que ce rapprochement était inattendu. Comment l’expliquez-vous ?
Pourquoi s’appesantir là-dessus ? La lecture de Lucrèce, Sénèque et Cicéron m’a appris le stoïcisme et l’humilité. La pratique du karaté m’a enseigné que l’on pouvait répondre aux agressions par l’élévation de l’esprit. Et j’ai souvent en mémoire cette phrase du vieux roi Ferrante à son fils, dans La Reine morte, d’Henry de Montherlant : « Je vous reproche de ne pas respirer à la hauteur où je respire. » Restons-en là !
Une arrivée donc, mais aussi un départ, celui de Soumeylou Boubèye Maïga, qui avait beaucoup contribué à votre réélection. A-t-il démérité à la primature ?
Tout le Mali sait que je n’ai pas souhaité son départ. Et j’ai dit à ceux des miens qui le déstabilisaient qu’en réalité ils me desservaient et que, s’ils faisaient cela dans le but de prendre sa place, ils ne l’auraient pas. J’espère que mon jeune frère en convient.
A-t-il un avenir politique ?
Il a l’intelligence nécessaire pour cela, chacun le sait. À charge pour lui de gérer son temps et de faire preuve de discernement.
Une seule chose compte à mes yeux : tenir le Mali uni, avec des institutions fortes et un jeu politique interne policé et respectueux
L’ex-ministre Tiéman Hubert Coulibaly vient de créer un nouveau regroupement de partis après avoir quitté la majorité, sans pour autant basculer dans l’opposition. Qu’en pensez-vous ?
J’ai prévu de rencontrer certains d’entre eux. J’en aurai le cœur net à ce moment-là. Mais tout ce monde doit savoir qu’une seule chose compte à mes yeux : tenir le Mali uni, avec des institutions fortes et un jeu politique interne policé et respectueux.
Avez-vous un dauphin pour 2023, ou l’intention d’en préparer un ?
J’ai la faiblesse de connaître un peu l’Histoire et ses leçons : ce genre de prétention ne prospère jamais.
2023, vous n’y pensez pas ?
Il y a tellement d’urgences à gérer et tant de travail à accomplir pour que le Mali soit à nouveau inébranlable… Chaque chose en son temps.
Face à la morosité des cours de l’huile de palme et du caoutchouc, le géant de l’agrobusiness entame un virage dans les produits de consommation. Mais il doit encore accroître sa production agricole et moderniser ses usines.
C’est un serpent de mer… Le géant ivoirien de l’agro-industrie Sifca annonce, depuis plusieurs années déjà, une diversification dans l’aval de ses trois filières clés que sont l’huile de palme, le caoutchouc et le sucre. Et cette fois pourrait être la bonne pour le groupe piloté par Pierre Billon, directeur général, et Alassane Doumbia, président.
Depuis dix ans, Sifca était contraint par une clause de non-concurrence avec Unilever. Un fait lié à la cession par le groupe européen en 2008 de ses parts dans Palmci et PHCI à Sifca et, via la coentreprise Nauvu, aux groupes de négoce singapouriens Wilmar et Olam (lequel est sorti en 2018). Mais, depuis l’an dernier, cette clause est échue. Et Sifca peut envisager la vente au consommateur de produits de grande consommation tels que les détergents, le savon, l’huile, la margarine, le bouillon, les confiseries ou les biscuits. Ce qui pourrait bien tout changer pour le premier employeur privé de Côte d’Ivoire et ses 33 000 salariés.
« Le groupe a les mains libres pour se développer dans l’aval. Il ne va pas s’en priver », estime Hamza Haji, directeur du crédit au sein de l’agence de notation Wara. Selon lui, cette diversification est essentielle pour Sifca, car « elle permettrait d’atténuer sa dépendance à l’égard des matières premières ».
Activité rizicole en hausse
Comme pour toute entreprise d’agrobusiness, ses résultats jouent au yo-yo au gré des cours du caoutchouc à Singapour ou de l’huile de palme à Kuala Lumpur. L’année 2015 avait été mauvaise, avec un résultat net juste à l’équilibre. Au contraire, 2017 a été un très bon cru avec 84 millions d’euros de résultat net… Mais 2018 s’annonce morose.
« Les cours de l’huile de palme et surtout du caoutchouc suivent une tendance baissière depuis 2012, ce qui a un impact significatif sur l’activité, souligne Boris Afran, analyste financier chez Hudson & Cie. Cette dépendance est le principal point faible du groupe. »
Le virage en direction de l’aval sera progressif pour le groupe d’Abidjan, qui possède déjà des marques de produits de consommation telles que Palm d’or, Dinor ou Dora dans l’huile de table raffinée, ou Saint Avé et Delicia dans la margarine, sans oublier Sucrivoire pour le sucre.
Sania transforme déjà la noix de palme en huile raffinée puis en sous-produits destinés à l’industrie cosmétique
Depuis l’an dernier, la filiale de vente d’huile alimentaire Sania commercialise aussi du riz sous la marque Dinor. Cet enrichissement du portefeuille a été rendu possible par Wilmar, son actionnaire à hauteur de 27 % depuis mai 2018, dont le négoce en Asie constitue l’un des points forts. Une activité rizicole qui, selon nos informations, pourrait aussi se développer à travers des filières de production ivoiriennes.
De l’huile de palme pour les cosmétiques
Une autre piste réside dans les usages non alimentaires. C’est ce que confie à Jeune Afrique Jean-Louis Kodo, aujourd’hui conseiller spécial d’Alassane Doumbia après avoir dirigé les filiales huile de palme Sania et Palmci. « Sania transforme déjà la noix de palme en huile raffinée puis en sous-produits destinés à l’industrie cosmétique, note-t-il. Le premier client est d’ailleurs Unilever. Bientôt, nous fabriquerons nous-mêmes du savon ! »
Mais pour conduire cette diversification tout en continuant à satisfaire ses grands clients acheteurs d’huile de palme comme Wilmar ou de caoutchouc comme Michelin, Sifca doit produire plus.
Ce financement est destiné à soutenir notre développement industriel
En mal de fonds propres pour financer son programme de transformation, de développement agricole et de diversification dans l’énergie verte (biomasse), le groupe est parvenu l’an dernier à obtenir un prêt syndiqué de 90 millions d’euros auprès de Proparco, de la banque de développement néerlandaise FMO et de la Société générale. « Ce financement est destiné à soutenir notre développement industriel. Toutes les filiales en tireront parti sur la base des budgets d’investissement validés », précise Jean-Louis Kodo.
Ce prêt, dont l’obtention a pris du temps, a été bien accueilli par les analystes, rassurés par la présence d’une banque privée au tour de table. Il est bienvenu car Sifca a engagé de lourds investissements pour moderniser ses usines, améliorer ses performances, accroître ses rendements agricoles ou acquérir du foncier.
Hors des frontières
Dans l’amont agricole, « en Côte d’Ivoire, il y a peu de possibilités [pour le groupe] d’augmenter [ses] surfaces, donc [il se concentre] sur l’amélioration des rendements », explique Jean-Louis Kodo. Et le groupe s’étend de plus en plus hors de ses frontières ivoiriennes.
« Nous développons nos activités agricoles au Liberia avec nos filiales CRC [caoutchouc] et MOPP [huile de palme], au Nigeria avec Rubber Estates Nigeria Ltd ou encore au Ghana à travers Wilmar Africa Ltd [WAL], Benso Oil Palm Plantation (BOPP) et Ghana Rubber Estate Ltd (Grel) », énumère Jean-Louis Kodo.
Le Liberia notamment offre de belles opportunités. Le pays de George Weah ne pèse que 5 % des 275 000 tonnes d’huile de palme produites par Sifca, mais si le groupe continue « les plantations au rythme actuel, ce pays représentera d’ici à dix ans l’équivalent de la moitié de la production ivoirienne », anticipe Jean-Louis Kodo. L’indonésien Sinar Mas, qui construit au Liberia une usine géante de transformation de noix de palme – l’une des plus grandes du monde avec une capacité de traitement de 80 tonnes par heure –, s’est associé sur ce projet avec Sifca.
Modernisation des pratiques
’est du côté des plantation
Parallèlement, en Côte d’Ivoire, le partenariat avec Wilmar, le géant mondial de l’huile de palme et du sucre, commence à porter ses fruits sur le volet agricole. « Wilmar a pris en charge notre filière huile palme depuis un an et demi. Cet industriel connaît parfaitement son métier. Nous avons signé avec lui un contrat d’assistance qui apporte de précieuses ressources techniques opérationnelles, dont deux experts présents sur le terrain », souligne Jean-Louis Kodo, qui poursuit : « Ce n’est pas une révolution car les plantations Sifca ont déjà de très bons rendements, autour de 16 tonnes par hectare. Mais Wilmar nous aide à améliorer certaines pratiques comme le benchmark de nos investissements ou le choix du type de matériel à utiliser. »
Mais là où le potentiel est le plus important – et sans doute le plus difficile à réaliser –, cs villageoises dont la production annuelle se situe entre seulement 4 t et 6 t/ha. « Si ces rendements passaient à 12 t/ha, Palmci doublerait sa production », calcule Jean-Louis Kodo.
La situation de Sifca dans le sucre en Côte d’Ivoire est confortable, mais le groupe ne se satisfait pas de sa situation actuelle
Au-delà de ses investissements agricoles, le groupe modernise son appareil productif. Un choix loué par les analystes, notamment la restructuration opérée depuis 2014. Un plan d’allègement des effectifs et d’optimisation des coûts a été lancé, dans la filière caoutchouc par exemple, faisant suite à d’autres actions déjà en cours. La filiale hévéa SAPH est ainsi parvenue à diviser par quatre en cinq ans (de 4,10 à 1,09 dollar) son seuil de rentabilité par kilo de caoutchouc produit. Le succès de ce plan a conduit le groupe à le décliner dans toutes ses filières.
Augmenter la production
Côté sucre, la filiale Sucrivoire, qui opère dans un secteur protégé – le marché ivoirien se résume à un duopole avec Sucaf, une filiale de Somdiaa –, est pour sa part engagée dans un lourd programme d’investissement. Le plan prévoit d’injecter 158,5 millions d’euros d’ici à 2023 dans la filière pour faire passer la production de sucre blanc de 77 000 t (campagne 2016-2017) à 170 000 t.
« La situation de Sifca dans le sucre en Côte d’Ivoire est confortable, observe Hamza Haji, mais, comme dans l’huile de palme et le caoutchouc, le groupe ne se satisfait pas de sa situation actuelle. Et il veut améliorer ses marges. De plus, le gouvernement ivoirien envisage d’ouvrir davantage le marché aux importations. Notamment pour satisfaire les industriels de l’agroalimentaire, pour lesquels le sucre est une matière première et qui se plaignent du prix dirigé trop élevé. »
Sifca peut très bien atteindre 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires assez vite
Pour Sifca, augmenter fortement sa production présenterait ainsi un double bénéfice : mieux couvrir la demande afin de satisfaire les exigences de l’État tout en réalisant des économies d’échelles à même d’abaisser le prix de revient au niveau de celui du marché mondial.
C’est là l’un des multiples chantiers pour le groupe phare de l’économie ivoirienne dont la transformation en cours rend les analystes plutôt optimistes. « Sifca peut très bien atteindre 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires assez vite [contre environ 800 millions en 2017], juge Hamza Haji. Si les cours des matières premières remontent en 2020 – c’est la tendance attendue par les experts – et si le groupe parvient à développer son pôle produits finis, Sifca pourra alors réellement changer de dimension », conclut-il.
Gouvernance en débat
Jean-Louis, fils du fondateur Pierre Billon, possède avec ses frères, Pierre et David, 44 % de Sifca. Depuis qu’il s’est engagé en politique sous les couleurs du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) – il fut ministre du Commerce de 2012 à 2017 –, on lui prête des ambitions présidentielles pour 2020. Même s’il s’est écarté des fonctions opérationnelles, cela peut être vu comme nuisible. Selon un analyste, « en attaquant Sifca, certains peuvent penser réduire les ressources de Jean-Louis pour une campagne ». Une théorie à laquelle l’intéressé a donné crédit fin 2018 en se plaignant du « harcèlement fiscal » que subissait Sifca.
Par ailleurs, la direction bicéphale – Pierre Billon, directeur général, et Alassane Doumbia, président – connaît des détracteurs, qui y voient un « facteur d’inertie ». À côté des 44 % des Billon, Alassane Doumbia, fils adoptif du directeur général historique, Yves Lambelin, possède 21 % de Sifca. Un équilibre en débat. Selon un connaisseur du groupe : « Il faut un seul chef, comme à l’époque de Lambelin. Sifca manque d’un décideur. Exemple avec la récente levée de fonds : elle a été lancée en 2013 et quasi achevée en 2016. Mais Pierre Billon et Alassane Doumbia n’étaient pas sur la même longueur d’onde. La conclusion a traîné. » Une vue qu’un autre analyste ne partage pas : « C’est normal d’être en désaccord. L’actionnariat reste familial, cela convient à ce type de groupe et induit une vision à long terme. »
Poids lourd XXL • 10 filiales, 6 pays • 521 milliards de F CFA de chiffre d’affaires en 2017 (+ 14,5 %) • 236000 t de caoutchouc produit en 2017 • 275000 t d’huile de palme brute en 2017 • 70000 t de sucre blanc en 2017 • Leader du pays sur le caoutchouc (28 %)
Nouvelle route au Burkina
Burkina Faso : dans l’Ouest, une nouvelle route pour désenclaver le « grenier » du pays
En déplacement dans la Boucle du Mouhoun, dans l’ouest du Burkina, le président a mis en service la route nationale reliant Dédougou à Tougan. Ce tronçon, dont le coût des travaux s’élève à 29,6 milliards de francs CFA, participe à la volonté gouvernementale de désenclaver cette région considérée comme le « grenier » du pays.
C’est une étape de plus en faveur de l’essor de l’ouest du Burkina Faso. Le président Roch Marc Christian Kaboré a inauguré mercredi à Tougan l’entrée de la route reliant cette cité de la province du Sourou à Dédougou, à 260 km à l’ouest de la capitale Ouagadougou. Les travaux, dont le coût est estimé à 29,6 milliards de francs CFA (45 millions d’euros), ont porté sur la réalisation d’une voie de 8 mètres de large traversant des localités de Tougan, Gassan ou encore Dédougou.
« Cette inauguration marque d’un point de vue opérationnel la volonté du président Kaboré de faire du désenclavement du Burkina une réalité », a déclaré Éric Bougouma, le ministre burkinabè des Infrastructures.
Un prolongement au Nord
Considérée comme le « grenier du Burkina Faso » – en raison de sa forte production de céréales, stockées dans des emplacements appelés « greniers »-, la Boucle du Mouhoun demeure une zone difficile d’accès, notamment en raison de l’état défectueux du réseau routier. Le bitumage du tronçon Dédougou-Tougan devrait ainsi apporter une bouffée d’air aux échanges commerciaux, d’autant que la province du Sourou reste une zone de grande production de produits maraîchers, rizicoles et de poissons, grâce aux plaines aménagées de la vallée du Sourou.
Cet axe sera d’ailleurs prolongé au Nord, jusqu’à Ouahigouya, pour un coût total de 44 milliards de F CFA. Son financement a été bouclé par le Fonds koweïtien pour le développement économique arabe, qui apporte environ 8,5 milliards de F CFA, et un pool de bailleurs parmi lesquels le Fonds saoudien pour le développement (8,4 milliards de F CFA), ainsi que la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (environ 10 milliards de F CFA). Le projet, qui comprend une route en goudron de 94 km, des postes de péage et des hangars agricoles, devrait promouvoir le développement économique de la région du Nord-Ouest.
250 milliards de F CFA de fonds publics pour le désenclavement
En mars dernier, le président Roch Marc Christian Kaboré avait inauguré la route inter-États Koupéla-Bittou-Cinkansé, à la frontière togolaise. Les travaux, dont le coût s’élève à plus de 100 milliards de F CFA, ont porté, entre autres, sur la réhabilitation de plus de 150 km de routes et de six ponts, la construction d’un péage à Cinkansé et l’aménagement de 14 km en 2×2 voies dans les agglomérations traversées.
Cette année, l’exécutif a engagé une enveloppe globale de 250 milliards de F CFA, dont 128 milliards au titre du Fonds spécial routier, pour désenclaver le pays. Au total, le linéaire de routes en travaux de bitumage et/ou d’entretien périodique s’étend à 1 254,67 km (réseau classé et voiries urbaines) dont 590,74 km sont achevés et 663,93 km en cours d’exécution, selon les données du ministère des Infrastructures.
Côté pistes rurales, ce sont pas moins de 1 375 km de routes qui ont été aménagés.