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Soixante ans après l’indépendance, Oran s’ouvre tandis que l’Algérie reste fermée 

Reportage 

La deuxième ville d’Algérie, qui accueille actuellement les Jeux méditerranéens, veut se tourner vers l’avenir. Mais soixante ans après l’indépendance du pays, les Oranais sont de plus en plus nombreux à partir, lassés d’attendre un changement démocratique.

  • Amine Kadi (envoyé spécial à Oran, en Algérie), 
Soixante ans après l’indépendance, Oran s’ouvre tandis que l’Algérie reste fermée
 
Les Oranais ont eu beau, aidés par une forte migration interne, envahir les sites des compétitions et faire de Jeux « mal engagés sur le plan de la préparation » un succès populaire, ils seront finalement restés entre nationaux.MLTZ/ADOBE

Azeddine Habz, le champion de France du 1 500 m, a titillé le public du stade olympique d’Oran en remportant, samedi 2 juillet, cette épreuve phare de l’athlétisme aux Jeux méditerranéens. La bronca qui a suivi l’a contraint à vite rejoindre les coursives. Il avait sans doute tenté de venger Nathan Ismar et Sébastien Micheau, ses deux compatriotes du saut en hauteur, abondamment sifflés la veille à chaque saut.

« Deux Algériens étaient en course pour le podium de la hauteur, certes, mais leurs autres rivaux n’ont pas été traités de la sorte. C’est désolant », a déploré Seddik Touaoula, ancien champion junior de la discipline. Soixante ans après l’indépendance, célébrée mardi 5 juillet, la relation entre l’Algérie et la France demeure « compliquée ».

Des atouts pour briller

La deuxième ville du pays est toute fière d’accueillir les 19e Jeux méditerranéens, ses 3 500 participants venus de 26 pays du bassin méditerranéen. Oran, à l’inverse d’Alger où est attendu un grand défilé militaire ce 5 juillet, veut se tourner vers l’avenir. Elle a des atouts pour briller. La ville a largement profité des meilleures années Bouteflika et du pétrole à plus de 100 dollars le baril : nouveaux quartiers, pôle d’affaires, hôtels et tours luxueuses, tramway et rocades autoroutières ont donné un nouvel éclat à une cité aux ambitions de mégapole. « Les athlètes étrangers auxquels on a fait visiter les magnifiques sites de la ville étaient étonnés de découvrir un tel patrimoine », se félicite un membre du comité d’organisation.

Les Oranais ont eu beau, aidés par une forte migration interne, envahir les sites des compétitions et faire de Jeux « mal engagés sur le plan de la préparation » un succès populaire, ils seront finalement restés entre nationaux. À la tombée de la nuit, sur le front de mer pris d’assaut, pas le moindre touriste étranger. L’Algérie demeure l’un des pays les plus enclavés du continent. À la proche frontière marocaine fermée depuis 1994, s’est ajoutée celle fermée avec la Tunisie. Pour les revenus en devises, « l’espoir est ailleurs », soupire Karim Chérif, le président du groupe hôtelier Eden, qui espère que l’été sera « sauvé par notre diaspora qui n’a pas pu venir depuis plus de deux ans ». Le prix prohibitif du billet d’avion entre l’Europe et l’Algérie a déjà tempéré bien des ardeurs. Les Oranais redoutent déjà la dépression d’après les Jeux et les festivités de l’anniversaire de l’indépendance.

La « harga » plus que jamais

Rafik a la trentaine. La barbe taillée et le visage brûlé par le soleil, il raconte, attablé à une terrasse, son calvaire de leader local du Hirak (le « mouvement ») qui a fait tomber le régime de Bouteflika en 2019 et continue de contester l’intronisation d’Abdelmadjid Tebboune : « À chaque fois que je suis ici avec des amis, la police nous interpelle. Ils nous ont pourri la vie. » Comme ailleurs dans le pays, la désillusion, après les espoirs d’un changement démocratique, déconstruit les projets de vie : « Je me suis surpris à penser à partir moi aussi. J’ai pourtant encore mon emploi. Autour de moi, beaucoup d’amis du Hirak ont fui la répression. Ils sont de l’autre côté. »

L’« autre côté », ce sont les côtes espagnoles, à moins de six heures en hors-bord puissant. « La harga (migration clandestine) a repris beaucoup plus fort qu’avant le Hirak. Il y a toutes les nuits ou presque une demi-douzaine de bateaux semi-rigides qui partent avec dix personnes à bord. Faites vos comptes. » Les passeurs prennent l’équivalent de 4 000 €. Tout le monde n’arrive pas en Espagne, les drames en mer sont fréquents. « À Oran, tout le monde sait que les jours qui viennent seront plus durs. Mais on aime cette ville et ce pays, et ce n’est pas nous qui devons partir, ce sont ceux qui ont vidé l’Algérie de ses enfants », se ravise Rafik.

Mali : guerre d’influence entre Paris et Moscou autour du renouvellement de la Minusma

Ce mercredi 29 juin, le Conseil de sécurité des Nations unies a voté en faveur du renouvellement du mandat de sa Mission multidimensionnelle intégrée pour la stabilisation au Mali (Minusma). Mais le scrutin a fait l’objet d’un face-à-face tendu.

Mis à jour le 30 juin 2022 à 14:43
 

 

Des policiers de la Mission des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), patrouillent devant la Grande Mosquée de Tombouctou, le 8 décembre 2021. © Florent Vergnes/AFP

 

Des semaines de spéculation et une âpre lutte d’influence. Dans les couloirs des Nations unies à New York, le Conseil de sécurité de l’ONU a finalement voté, ce mercredi 29 juin, le renouvellement du mandat des Casques bleus déployés au Mali depuis 2013.

La mission onusienne de maintien de la paix est ainsi prorogée d’un an, s’étirant jusqu’au 30 juin 2023. Au deuxième étage du siège des Nations unies, treize pays, dont la France, les États-Unis, le Gabon ou encore le Ghana ont voté en faveur d’un renouvellement. Seules la Russie et la Chine se sont abstenues.

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Face-à-face

Un renouvellement qui, jusqu’à quelques jours avant le vote, n’était pas joué d’avance tant deux blocs s’affrontaient. D’un côté, Paris, appuyé par les États-Unis, a plaidé en faveur d’un renforcement des prérogatives de la Minusma en matière des droits de l’homme, face à la multiplication des accusations d’exactions.

« Pour que la Minusma puisse poursuivre son mandat, il est nécessaire que les autorités de transition maliennes prennent aussi leurs responsabilités, qu’elles permettent à la Mission d’accéder à ses zones d’action, et qu’elles poursuivent le dialogue avec la Cedeao en vue d’un retour à l’ordre constitutionnel », a ainsi plaidé Nicolas de Rivière, représentant permanent de la France aux Nations unies.

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En face, Moscou, soutenu par Pékin, a estimé que « ce [n’était] pas le moment de donner de nouvelles attributions à la Minusma, surtout si celles-ci vont au-delà du simple maintien de la paix ».

En creux, la Russie, dont le discours fait écho à celui du gouvernement malien, pointe la division des droits de l’homme de la mission onusienne, dont elle conteste la légitimité. Cette dernière est notamment chargée de mener des enquêtes auprès des populations et de rapporter les violations des droits humains qui pourraient avoir lieu.

Enquête sur des massacres

Depuis la fin de l’année 2021 et l’arrivée sur le territoire malien de plusieurs centaines de mercenaires du groupe paramilitaire Wagner, l’armée malienne est régulièrement accusée d’exactions. Des accusations sur lesquelles la Minusma a été empêchée d’enquêter à plusieurs reprises, comme ce fut le cas à Moura, dans le centre du pays, où les Forces armées maliennes (Fama) sont suspectées d’avoir tué près 200 civils.

Se disant favorable au renouvellement du mandat de la Minusma, le gouvernement malien a toutefois exprimé de « fortes réserves ». Au premier rang desquelles une « opposition ferme à la liberté de mouvement de la Minusma dans l’exécution de son mandat dans le domaine des droits de l’homme ».

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Devant le Conseil de sécurité, Issa Konfourou, représentant permanent du Mali aux Nations unies, a ainsi exhorté la Minusma à se consacrer « aux tâches prioritaires […], à savoir l’appui à la restauration de la sécurité et de l’autorité de l’État sur l’ensemble de [son] territoire ».

« Le gouvernement du Mali estime que les enquêtes sur les allégations de violations des droits de l’homme relèvent de la responsabilité principale des autorités maliennes. La Minusma a vocation à leur apporter l’assistance nécessaire à cet égard. Elle n’a pas vocation à se substituer au gouvernement du Mali », a martelé le diplomate, expliquant que Bamako n’exécuterait pas les dispositions prévoyant la libre circulation des enquêteurs onusiens.

« Agendas cachés »

Cette déclaration fait écho aux propos d’Abdoulaye Diop. Le 13 juin, le chef de la diplomatie malienne faisait état devant le Conseil de sécurité des Nations unies de ses inquiétudes de voir les enquêtes sur les droits de l’homme « politisées et instrumentalisées […] pour des agendas cachés ». En rupture politique avec la France, le gouvernement malien se dit en effet l’objet d’une campagne de « dénigrement » visant à « décourager » l’armée malienne dans sa mission.

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Outre la question des droits de l’homme, qui sera au centre des attentions onusiennes au cours de ce nouveau mandat, la mission des Casques bleus ne fait l’objet d’aucun changement majeur. Elle devra tout de même se passer de l’appui aérien de la force française Barkhane. Alors que cette dernière devrait achever son désengagement du Mali d’ici le mois d’août, l’autorisation donnée aux forces françaises d’appuyer les Casques bleus a été supprimée, à la demande du gouvernement malien.

[Enquête] Le Burkina Faso dans le viseur de Wagner 

Après la Centrafrique et le Mali, la société militaire privée russe avance ses pions au pays des hommes intègres. Et a fait de cet État déstabilisé par un putsch et la violence jihadiste l’une de ses nouvelles cibles prioritaires.

Par  - envoyé spécial à Ouagadougou
Mis à jour le 30 juin 2022 à 17:30
 

 

Un manifestant tient une pancarte sur laquelle on peut lire « Nous voulons la Russie », à Ouagadougou le 19 février 2022. © Olympia de Maismont/AFP

 

Le poids d’une délégation se mesure souvent à la composition de ses membres. Si l’on se fie à cette logique, celle envoyée par Paul-Henri Sandaogo Damiba à son homologue malien, Assimi Goïta, à Bamako le 22 avril était alors de la plus haute importance. Pour le représenter sur les bords du fleuve Niger, le lieutenant-colonel burkinabè devenu président avait missionné trois officiers : le chef d’escadron Serge Thierry Kiendrebeogo, son directeur de cabinet, le lieutenant-colonel Yves Didier Bamouni, commandant des opérations du théâtre national, et le lieutenant-colonel Daba Naon, commandant de la brigade nationale des sapeurs-pompiers. Trois figures de son premier cercle qui, depuis le putsch qui leur a permis de prendre le pouvoir, le 24 janvier, occupent une place centrale dans la conduite des affaires à Ouagadougou.

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Ce 22 avril, donc, les trois officiers Burkinabè sont en visite à Bamako. Ils y rencontrent les hommes forts de la junte malienne : les colonels Malick Diaw, président du Conseil national de transition, Modibo Koné, patron de la Sécurité d’État, Sadio Camara, ministre de la Défense, et surtout Assimi Goïta, le chef de l’État. Objectif : parler de la coopération sécuritaire et militaire entre leurs deux pays, assaillis par des groupes jihadistes qui vont et viennent chaque jour des deux côtés de leurs 1 200 kilomètres de frontières communes. Durant leurs différentes entrevues sont évoqués les moyens de renforcer leur coopération opérationnelle – notamment dans une vaste zone sous contrôle jihadiste allant des environs de Bandiagara, côté malien, à ceux de Ouahigouya, côté burkinabè.

WAGNER CHERCHE CLAIREMENT À S’IMPLANTER ICI

Très vite, une interrogation a émergé après ces entretiens à huis clos entre putschistes maliens et burkinabè : a-t-il été question des mercenaires de Wagner ? Et, si tel a été le cas, les militaires de Ouagadougou se sont-ils montrés intéressés par le recours à la société militaire privée russe, avec laquelle leurs homologues maliens coopèrent depuis fin 2021 ? Les principaux concernés jurent qu’il n’en a pas été question. Selon un officier burkinabè proche de la délégation dépêchée à Bamako, Wagner n’a même « jamais » été évoqué avec les Maliens.

Nouvelle cible

Une version qui ne convainc pas tout le monde, à commencer par les responsables français qui travaillent sur le Sahel. « Wagner patrouille avec les Fama (Forces armées maliennes) sur le terrain et a pris une place centrale dans leur dispositif militaire. Il est impossible que le sujet n’ait pas été abordé », estime une source française. « Il est très probable que les Burkinabè soient aussi venus pour en savoir plus sur le fonctionnement de Wagner. Avec des questions concrètes telles que : comment ça marche ? Combien ça coûte ? Est-ce efficace ? », estime une autre.

Côté russe, il n’y a aucun doute : après avoir pris pied en Centrafrique et au Mali, Wagner a fait du Burkina Faso l’une de ses principales cibles en Afrique francophone. Pays en crise sécuritaire, transition militaire, potentiel minier, ressentiment contre la France… Le pays des hommes intègres coche de nombreuses cases du logiciel de la nébuleuse dirigée par Evgueni Prigojine, un oligarque proche de Vladimir Poutine. « Wagner cherche clairement à s’implanter ici », assure un ancien ministre de Roch Marc Christian Kaboré.

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Les signaux, en effet, ne manquent pas. Les premiers remontent à fin 2021, avant le putsch fatal à l’ex-président réélu un an plus tôt. Mi-novembre, un convoi de l’armée française parti d’Abidjan pour ravitailler la force Barkhane est bloqué par des centaines de manifestants burkinabè à Kaya, dans le nord-est du pays. Parmi les meneurs du mouvement, qui soupçonnent les militaires français de livrer des armes aux jihadistes, la Coalition des patriotes du Burkina Faso (Copa-BF).

Drapeaux russes et propagande

Selon une source proche des services de renseignement français, la Copa-BF serait en partie financée par la galaxie Wagner, comme d’autres organisations de la société civile burkinabè, tels Faso Kounawolo debout ou le Mouvement burkinabè Halala. Les fonds proviendraient du Mali, notamment via le mouvement Yerewolo Debout sur les remparts, et de la République centrafricaine. Dans la foulée du putsch du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) qui a porté Damiba au pouvoir le 24 janvier, ces organisations étaient à la pointe de manifestations à Bobo-Dioulasso et à Ouagadougou. Parmi les manifestants, des drapeaux russes, des slogans appelant la France à « dégager », ou encore d’autres réclamant aux nouvelles autorités de se rapprocher de Moscou.

Le 5 février, un rassemblement hostile à l’ancienne puissance coloniale a lieu sur la place de la Nation, dans la capitale. Sur place, la présence de deux hommes blancs, un brun aux cheveux courts et un blond avec une barbe de trois jours, étonne certains. Quelques heures plus tard, Mohammed Baguian, un Burkinabè installé en Arabie saoudite, où il fait office de guide sur les lieux saints, et qui administre le groupe « Jeunesse Daawato al islam » sur Facebook, fournit des explications à ses nombreux followers. Dans un audio diffusé sur un groupe Whatsapp, cet admirateur affiché de Vladimir Poutine explique qu’il ne faut « pas s’inquiéter » car les « deux blancs sont Russes ». Qui sont ces hommes et que faisaient-ils au Burkina ? Leur trace a depuis été perdue.

À LIRERUSSIE-AFRIQUE : DE KEMI SEBA À NATHALIE YAMB, LES « INFLUENCEURS » PRO-POUTINE DU CONTINENT

En Centrafrique et au Mali, le déploiement des mercenaires de Wagner avait été précédé par la propagation d’un discours anti-français et prorusse dans le champ médiatique. Une manière de leur préparer le terrain, avec des méthodes de softpower aujourd’hui perceptibles au Burkina Faso. « Ces derniers mois, il y a une percée notable de ce pays dans les mesures d’audiences des médias RT (Russia Today) et Sputnik », explique Maxime Audinet, chercheur à l’IRSEM (Institut de recherche stratégique de l’École militaire) et spécialiste de l’influence russe.

Les réseaux sociaux, en particulier Facebook, sont aussi concernés. Depuis fin 2021, les discours favorables à la Russie y ont fleuri. Avec toutefois une singularité : ils sont relayés – comme le montre l’exemple de Mohammed Baguian – par des groupes wahhabites, que les services de renseignement français suspectent d’être utilisés par Wagner pour ses actions de propagande.

Faire plier Damiba

De son côté, Paul-Henri Sandaogo Damiba suit évidemment ce dossier, notamment à travers l’Agence nationale de renseignement (ANR), à la tête de laquelle il a nommé le lieutenant-colonel Mahamadi Bonkoungou début février. Dès son arrivée au pouvoir, le président de la transition a été approché par Wagner. Moins d’un mois après son putsch, des émissaires de la nébuleuse russe ont ainsi débarqué à Ouagadougou pour tenter de lui proposer leurs services, mais Damiba ne les a pas reçus. D’autres offres auraient ensuite été transmises à son entourage.

ENGAGÉ SUR UNE LIGNE DE CRÊTE ENTRE LES OCCIDENTAUX ET LES RUSSES

Jusqu’à présent, il n’y a pas répondu favorablement. Pourrait-il changer d’avis ? « S’il n’est pas convaincu de quelque chose, il est très difficile de le faire plier », confie l’un de ses intimes. Pour autant, Damiba n’écarte pas totalement l’hypothèse russe. Et donne à ses interlocuteurs l’impression de ménager la chèvre et le chou, au gré des intérêts du moment. « Quand on se noie, on ne regarde pas à quoi on s’accroche. S’il n’y a pas d’autre option que Wagner, Wagner peut être une option », prévient l’un de ses plus proches collaborateurs.

« Il donne l’impression d’être engagé sur une ligne de crête entre les Occidentaux et les Russes, sur laquelle il progresse difficilement en veillant à ne pas basculer d’un côté ou de l’autre », décrypte une source diplomatique à Ouagadougou. Reste à savoir si la situation sécuritaire, qui ne s’est guère améliorée malgré ses promesses, comme en témoigne le récent massacre d’au moins 86 civils à Seytenga le 11 juin, le poussera à choisir un versant plutôt qu’un autre. En attendant, Paul-Henri Sandaogo Damiba continue à se dire « ouvert » à travailler avec « tous » les partenaires du Burkina Faso, et donc y compris Russes, tout en sachant qu’il aurait beaucoup à perdre en matière d’aides occidentales s’il optait pour la solution wagnerienne.

Des pro-russes autour du président

Si le choix n’est pas tranché, c’est aussi parce que le président doit composer avec les avis contraires des différents officiers qui l’entourent. Certains se montrent réticents à toute arrivée des mercenaires de Wagner. « Nous ne ferons pas cette guerre par procuration, estime l’un d’eux. Nous ne comptons que sur nos propres forces. Nous ne voulons aucun mercenaire armé sur notre sol. » D’autres, au contraire, feraient bien appel à ces combattants qui, selon eux, ont fait leurs preuves contre les jihadistes et les groupes armés au Mali et en Centrafrique.

Parmi eux, le lieutenant-colonel Yves Didier Bamouni, que plusieurs sources décrivent comme l’un des plus grands partisans d’une coopération avec les Russes au sein du commandement burkinabè. Des gradés plus jeunes, notamment des capitaines, estiment aussi qu’en cas d’échec à inverser la vapeur sur le front sécuritaire, la carte russe mérite d’être tentée.

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Les partenaires occidentaux, eux, surveillent ces tractations de près. À commencer par les Français qui, après avoir été chassés de Bangui et de Bamako pour faire place nette aux hommes de Wagner, redoutent de subir le même sort à Ouagadougou. « Il ne faudrait pas que cela arrive. Si le Burkina Faso bascule à son tour, les choses vont commencer à se corser », redoute un diplomate. Sur place, les agents français sont constamment aux aguets pour identifier et anticiper tout mouvement suspect de Wagner. Des câbles diplomatiques et des notes jaunes de la DGSE (les services de renseignement extérieur français) évoquant le sujet sont régulièrement envoyés à Paris.

Très vite après l’arrivée de Damiba à Kosyam, les représentants français lui ont transmis une offre de coopération militaire renforcée, dans le cadre de la réarticulation du dispositif français au Sahel et de la fin de Barkhane. « Nous leur avons proposé à peu près tous les schémas possibles mais nous n’avons jamais eu de réponse claire et franche de leur part. Ils donnaient leur accord de principe, mais il ne se passait rien derrière », explique une source française.

Les voisins sur le qui-vive

Entre les états-majors burkinabè et français, voilà longtemps que la relation est complexe, voire minée. Bon nombre d’officiers burkinabè ne veulent en effet pas entendre parler de coopération accrue avec l’ancienne puissance coloniale. C’était déjà le cas sous Kaboré, cela l’est toujours sous Damiba. Comme son prédécesseur, le lieutenant-colonel est obligé de composer avec ces enjeux politiques internes, sans oublier la gestion d’une opinion publique de plus en plus hostile à la France.

À LIRESanctions contre le Mali : Mohamed Bazoum et Faure Gnassingbé, irréconciliables ?

Dans ce contexte, pas question de faire trop de vagues. Le 10 mai, c’est ainsi en toute discrétion que le général Laurent Michon, le commandant de la force Barkhane, a été reçu au palais de Kosyam par Paul-Henri Sandaogo Damiba pour discuter, une nouvelle fois, coopération militaire entre leurs deux pays. Depuis, les choses évoluent doucement. Le 21 mai, alors que son détachement de Bourzanga était attaqué, l’armée a sollicité l’appui aérien de la force Barkhane. Une fois l’attaquant repoussé, l’état-major burkinabè a publié un communiqué… dans lequel il se garde de mentionner ce soutien français. « Nous n’avons toujours pas trouvé de roulement de croisière, nos relations restent tendues », reconnaît une source française.

Aux premières loges, les voisins du Burkina Faso surveillent aussi évidemment les choix opérés par Damiba en matière sécuritaire. Nul doute que Mohamed Bazoum et Alassane Ouattara, alliés de la France dans la région, tentent de le dissuader de suivre la voie malienne. « Il ne faut surtout pas sous-estimer le poids d’Abidjan dans cette affaire. Un ascendant politique fort peut venir de Côte d’Ivoire », estime une source française. Le président ivoirien, qui s’entretient régulièrement au téléphone avec Damiba, pourrait-il le convaincre de rester en dehors des circuits russes ? Certains le pensent. Contrairement à Assimi Goïta, le putschiste burkinabè continue à jouir d’une certaine confiance de la part des présidents ouest-africains. Reste à savoir s’il parviendra à la conserver dans les temps qui viennent.

L'information à ce sujet est un peu "ancienne" mais il nous semble important

de publier sur notre site cette information concernant les Missionnaires d'Afrique

Le chapitre des Pères Blancs a eu lieu à  Rome du 13 mai au 19 juin 2022

Le supérieur général a été reconduit dans ses fonctions,

mais il y a de nouveaux assistants

 

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CLÔTURE OFFICIELLE DU CHAPITRE

Le supérieur général a remercié tous les capitulants. Il a mis en marche le règlement interne du chapitre, comportant la signature du rapport du chapitre et le vote de clôture soumis à l’assemblée. Il a officiellement déclaré la clôture du vingt-neuvième chapitre des Missionnaires d’Afrique.

Au cours de la soirée, un BBQ a eu lieu dans le jardin de la maison pour permettre à tous les membres du chapitre et de la communauté de se rencontrer de manière amicale et détendue, de se dire au revoir et bonne chance car certains doivent s’envoler tôt pour leur lieu de mission.

L’EUCHARISTIE DU DERNIER DIMANCHE DU CHAPITRE

Le supérieur général, le Père Stan Lubungo, a animé l’eucharistie. Durant l’homélie il souligné que le fête du Corps et Sang de Jésus nous permet de célébrer notre foi dans l’eucharistie. Il a montré à partir de quelques textes bibliques que l’Eucharistie est l’expression de l’attention et du soutien que Dieu nous porte tout au long de notre vie. L’eucharistie doit être comprise dans la ligne de l’incarnation de Dieu qui vient partager notre humanité et qui s’y fait entièrement présent et qui le confirme par l’eucharistie, son Corps et son Sang.

Le P. Stan Lubunga a ajouté que la célébration du Corps et du Sang de Jésus rehaussait le sens de notre chapitre, car l’eucharistie est le centre de notre vie et, qu’au cours du chapitre, l’eucharistie est demeurée au cœur de nos partages.

Puissions-nous, à la suite de Jésus, donner notre vie aux autres et pour eux aussi.

La liturgie d’aujourd’hui comprenait un court rite d’accueil du nouveau conseil général et de la transmission du pouvoir. Du côté de l’accueil, chaque membre de l’ancien conseil général a prononcé un mot et donné un cadeau de bienvenu à un membre du nouveau conseil. 

    • Francis Barnes à Francis Bomansaan : une parole fondamentale de la foi juive : « shema Israël », « écoute Israël, tu aimeras ton Dieu de ton ton cœur, de toute ton âme ».
    • Ignatius Anipu à Anselme Tarpaga : une assiette avec des inscriptions en arabe, signifiant que les pères blancs se consacrent au dialogue et à la rencontre avec le monde musulman.
    • Didier Sawadogo à Maria Joseph Leo Laurence: le vade mecum des maisons de formation avec la mission de faire de nos candidats des apôtres, rien que des apôtres.
    • Martin Grenier à Pawel Hulecki : une croix sur laquelle est écrit « Paix » et un document de AFJN pour signifier l’engagement des missionnaires d’Afrique pour la paix et le dialogue dans le monde.

Sanctions contre le Mali : Mohamed Bazoum et Faure Gnassingbé, irréconciliables ?

Alors qu’un nouveau sommet de la Cedeao capital pour l’avenir du Mali doit se tenir ce dimanche 3 juillet, les tractations vont bon train dans la sous-région. Deux lignes s’opposent sur la position à adopter face à la junte malienne. Si le président nigérien prône la fermeté, son homologue togolais n’hésite pas à conseiller Assimi Goïta.

Mis à jour le 27 juin 2022 à 12:14
 

 

Mohamed Bazoum, président du Niger, et Faure Gnassingbé, président du Togo. © Vincent Fournier pour JA / Présidence togolaise

 

Bamako, le 19 janvier 2022. L’aéroport international Modibo Keïta-Senou tourne au ralenti. Le vol Air France 520 qui se pose habituellement à 13h45, heure locale, est temporairement suspendu. Air Sénégal n’a pas atterri non plus. Depuis le 9 janvier, le pays fait face à plusieurs mesures punitives imposées par les chefs d’État de la Cedeao. Parmi elles, la fermeture des frontières terrestres et aériennes entre les pays membres de l’organisation ouest-africaine. Mais ce jour-là, les aiguilleurs de la tour de contrôle scrutent tout de même le ciel. L’avion d’un invité de marque est attendu dans la soirée : celui de Faure Essozimna Gnassingbé.  

Le président togolais a profité de son passage à Banjul, où il a assisté à la cérémonie d’investiture d’Adama Barrow, pour faire une escale discrète à Bamako. Dans la pénombre d’une nuit déjà bien avancée, son cortège file tout droit vers Koulouba, où il doit rencontrer son homologue malien. L’entretien, organisé en amont par Robert Dussey, le ministre togolais des Affaires étrangères, dure deux heures, au cours desquelles Faure Gnassingbé prodigue ses conseils à Assimi Goïta.

Gnassingbé, « parrain » des putchistes

À quelques semaines de la fin règlementaire de la transition, l’enjeu est de pousser la junte à présenter un chronogramme clair aux chefs d’État de la Cedeao. Quand il reprend place dans son avion direction Lomé, tard dans la nuit, Faure Gnassingbé laisse à Bamako son chef de la diplomatie, qui continuera le travail de médiation et ne repartira que le lendemain.

À LIREAfrique de l’Ouest : l’activisme diplomatique façon Faure Gnassingbé

Cette visite-éclair, au moment où de lourdes sanctions diplomatiques et économiques pèsent sur le pays, a fait grincer des dents dans la capitale malienne. Est-il normal que le président togolais se rende à Bamako alors que le pays est sous embargo de la Cedeao ? Pas de quoi ébranler Faure Gnassingbé. Après le coup d’État du 18 août et la fin du régime du président Ibrahim Boubacar Keïta, il a endossé le costume de « parrain » des cinq colonels putschistes. Quitte à fâcher ses homologues ouest-africains et à bousculer le protocole, comme ce soir du 19 janvier.  

Bazoum, premier opposant

Aux antipodes de la position de Faure Gnassingbé, le président nigérien Mohamed Bazoum est sans nul doute celui qui s’oppose avec le plus de force aux velléités de la junte au pouvoir. Au point de prendre certaines libertés avec la sémantique diplomatique en critiquant durement les colonels maliens hors des frontières africaines. « Il ne faut pas permettre que des militaires prennent le pouvoir parce qu’ils ont des déboires sur le front où ils devraient être, et que des colonels deviennent des ministres et des chefs d’États. Qui va faire la guerre à leur place ? », avait-il ainsi raillé le 9 juillet 2021 lors d’une conférence de presse commune avec le président français Emmanuel Macron, sous les ors de l’Élysée.

Au sein du club des chefs d’État ouest-africains, ils sont beaucoup à penser que la position du Togo rend difficile l’avancée des négociations entre Bamako et la Cedeao. À la mi-avril, les relations étaient ainsi particulièrement tendues entre Lomé et Accra. Le président ghanéen Nana Akufo-Addo, également président en exercice de la Cedeao, a reproché à son homologue togolais de chercher à entraver les efforts sous-régionaux. La proximité entre Robert Dussey et Assimi Goïta, notamment, est un sujet de crispation…

À LIRERussie-France : le Mali au cœur d’une guerre froide à l’ONU

« Le bras de fer entre Bazoum et la junte n’est pas une question de personne, confie à Jeune Afrique un proche du président nigérien. Il a martelé à maintes reprises que la place de ces militaires est au front. Il juge qu’ils n’ont aucune culture politique et n’ont pas la notion de l’État. » Pour ce visiteur du soir du président nigérien, « Bazoum est formel sur ce point : il est hors de question de céder aux sirènes d’hommes providentiels qui laissent entendre qu’ils sont au-dessus des institutions. Tant que les Maliens ne font pas preuve de bonne foi en montrant un chronogramme clair, avec un délai raisonnable, le président continuera à s’opposer avec vigueur à la levée des sanctions économiques. »

Blocages à la Cedeao

Entre Bazoum et Gnassingbé, ce sont donc deux méthodes qui s’opposent. Mais aussi deux postures. Le premier s’affiche en chantre de la démocratie en Afrique de l’Ouest. Le second, plus discret, se veut pragmatique et conciliant en privilégiant la politique du « cas par cas ». Les lourdes sanctions économiques et diplomatiques qui asphyxient Bamako constituent le principal différend entre les deux présidents. Lomé, qui plaide en faveur d’un « accompagnement » en lieu et place des sanctions, multiplie les initiatives auprès de capitales moins catégoriques que Niamey dans la façon dont ils abordent la crise malienne. Mais, à Bissau comme à Cotonou, la diplomatie togolaise butte souvent sur la ligne dure défendue par Mohamed Bazoum.

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Des blocages qui tendent à crisper les positions dans les deux camps. Le 4 juin dernier, réunis à Accra, les dirigeants de la Cedeao ont même fait le constat de leurs désaccords, et le sommet n’a donné lieu à aucune communication. Goodluck Jonathan, médiateur de la Cedeao au Mali, avait pourtant « proposé un chronogramme de 24 mois », rapporte à JA un diplomate ouest-africain, et un plan de sortie de crise. La feuille de route de l’ancien président du Nigeria prévoyait la réouverture des frontières entre le Mali et ses voisins de la Cedeao, fermées depuis janvier dernier, le retour des ambassadeurs ouest-africains à Bamako, la levée des sanctions financières les plus lourdes et la mise en place d’un mécanisme d’accompagnement de la Cedeao en vue des futures échéances électorales au Mali. La majeure partie des chefs d’État présents étaient favorables à ce plan, à la notable exception de Mohamed Bazoum, de Nana Akufo-Addo et du Nigérian Muhammadu Buhari. Celui-ci a donc été écarté.

« Goïta aurait dû attendre »

Trois jours plus tard, contre toute attente, la junte malienne a décidé d’accélérer son calendrier. Le 7 juin, le porte-parole du gouvernement, le colonel Abdoulaye Maïga, est apparu sur les écrans de la télévision nationale pour lire un décret signé de la main d’Assimi Goïta fixant la durée de la transition à 24 mois, à compter du 26 mars 2022. Une durée « conforme » à la « révision de la charte de la transition » de février dernier, précise le décret.

Alors qu’un sommet de la Cedeao doit se tenir dimanche 3 juillet, ce passage en force vise-t-il à couper l’herbe sous le pied des dirigeants ouest-africains, Mohamed Bazoum en tête, qui refusent de concéder plus de 16 mois aux militaires ? « Les gouvernants maliens sont libres de prendre les décrets qu’ils souhaitent, tempère un observateur proche du pouvoir malien. De plus, le décret signé par Goïta, qui porte à 24 mois le délai de la transition, entre dans le cadre des négociations en cours à la Cedeao. »

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Il n’empêche. « Goïta aurait dû attendre l’issue du sommet du 3 juillet avant de signer ce décret », juge un diplomate, qui estime que le président de la transition a « fait de la politique », en tentant de caresser dans le sens du poil une opinion publique malienne fermement opposée à tout « diktat » de la part de la communauté internationale, fut-elle sous-régionale. « En devançant la Cedeao, Goïta veut montrer à son peuple qu’on ne lui dicte rien et qu’il est le seul maître à bord », avance notre diplomate. La meilleure preuve de cette volonté d’indépendance affichée ?  Dans sa lancée, le locataire du palais de Koulouba a enclenché le processus qui va conduire le Mali vers la rédaction d’une nouvelle Constitution.

Entre la fermeté affichée de Bazoum et le pragmatisme de Faure, laquelle de ces deux lignes l’emportera ? Il faudra attendre – au plus tôt, l’issue du sommet de la Cedeao du  3 juillet – pour le savoir. Et la réponse à cette question pourrait avoir des implications qui dépassent très largement le seul cas du Mali.