Son retour a suscité nombre de réactions indignées. Condamné début avril par contumace à la prison à perpétuité pour son rôle dans l’assassinat de Thomas Sankara, Blaise Compaoré est rentré en toute impunité au Burkina Faso du 7 au 9 juillet, sans jamais être inquiété, et a été reçu par le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba au palais de Kosyam.
L’ancien président a toutefois fait profil bas. Son séjour a duré à peine plus de quarante-huit heures et s’est déroulé à l’abri des regards des curieux. Arrivé d’Abidjan jeudi 7 juillet à 14 heures à bord d’un Gulfstream G550 de la présidence ivoirienne, Compaoré était accompagné de son épouse, Chantal, et de leur fille, Jamila – ainsi que du conseiller spécial d’Alassane Ouattara, Ally Coulibaly. De la base aérienne de Ouagadougou, qui jouxte le tarmac de l’aéroport international, l’ex-chef de l’État et son clan ont directement embarqué dans un hélicoptère qui les a menés à l’héliport de Kosyam.
Réceptions à la « villa Kadhafi »
Ils ont ensuite pris leurs quartiers dans la « villa Kadhafi », appartenant à l’État et proche du palais présidentiel – ce bâtiment est surnommé ainsi car l’ancien dictateur libyen y avait logé lors d’un voyage à Ouagadougou à la fin des années 1990. Le lendemain, Damiba recevait Blaise Compaoré à Kosyam en début d’après-midi, avec Jean-Baptiste Ouédraogo. Une rencontre entre anciens dirigeants du pays censée promouvoir la réconciliation nationale et à laquelle Yacouba Isaac Zida, Michel Kafando et Roch Marc Christian Kaboré étaient conviés mais n’ont pas participé.
« Il n’a pas vraiment compris l’absence de Kaboré. Il l’attendait pour pouvoir échanger avec lui », assure un confident de Blaise Compaoré au sujet de l’ex-Premier ministre, qu’il a toujours tenu pour largement responsable de sa chute. Après cette rencontre à Kosyam, il a un temps été question que Compaoré se rende à Ziniaré, son village natal, situé à une trentaine de kilomètres de Ouagadougou, où réside notamment sa sœur Antoinette. Plusieurs de ses partisans s’y étaient déplacés et un comité d’accueil était même prêt dans la cour familiale. Mais le héros local ne s’est jamais montré et est finalement resté dans la capitale.
Il y a notamment reçu Achille Tapsoba et d’autres cadres de « l’aile historique » de son parti, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), dont il est président d’honneur, avec lesquels il a notamment abordé la question du huitième congrès à venir. Le lendemain, 9 juillet, jour de la Tabaski, Compaoré a reçu une délégation d’une soixantaine de proches venus de Ziniaré. Beaucoup d’autres partisans, camarades ou encore anciens collaborateurs lui ont également rendu visite tout au long de la journée, tel Yero Boly, actuel ministre de la Réconciliation nationale, qui a joué un rôle central dans son retour.
Une diction « difficile »
Selon l’un de ses intimes, l’ancien président de 71 ans, dont l’apparence amaigrie a été largement commentée, n’est « toujours pas dans sa meilleure forme », même s’il « se porte mieux » depuis quelques mois. « Il a les idées claires mais peine à les exprimer. Sa diction reste difficile », ajoute un autre. S’il s’est bien montré devant les caméras le 8 juillet à Kosyam, l’intéressé n’a en revanche fait aucune déclaration durant tout son séjour.
Le 9 juillet, vers 18 heures, Blaise Compaoré, toujours accompagné de son épouse et de sa fille, est remonté dans le Gulfstream G550 de la présidence ivoirienne pour regagner Abidjan. Selon une source locale, certains contrôleurs aériens auraient tenté d’empêcher son avion de décoller, avant de renoncer.