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Burkina Faso: la crise se poursuit au CDP pour prendre la tête du parti

 

Au Burkina Faso, la crise se poursuit au sein du congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), le parti fondé par l’ex-président Blaise Compaoré. Deux tendances se disputent la direction du parti. Les deux hommes en désaccord veulent la tête du parti depuis le mois de décembre, date du congrès et de son maintien par une décision juridique. Une décision qui avait été en faveur d'Eddie Komboïgo, mais qui pourrait être remise en cause.

Avec notre correspondant à OuagadougouYaya Boudani

Le mois dernier, pourtant sollicité, Blaise Compaoré, président d’honneur du CDP n’avait pas tranché entre les partisans de l’aile dite historique conduite par Achille Tapsoba et le courant des rénovateurs mené par Eddie Komboïgo. Une lettre datée du 21 juin reçue par les différents protagonistes, vient relancer la crise.

►À lire aussi : Burkina Faso: au congrès du CDP, Eddie Komboïgo rempile, Compaoré président d’honneur

Selon Achille Tapsoba, vice-président du parti, cette lettre du président d’honneur Blaise Compoaré, vient annuler le congrès organisé par Eddie Komboïgo 7 mois plus tôt. Cette décision fait suite à des manquements graves au niveau du respect des textes du parti, entrainant ainsi une crise entre les deux camps, selon la lettre attribuée à Blaise Compaoré. « Nous considérons que le huitième congrès n’a pas eu lieu et nous attendons sa convocation dans le respect des dispositions statutaires », soutient Achille Tapsoba. 

La tenue du huitième congrès en question

Tout en émettant des doutes sur l’authenticité de cette lettre qui porte la signature du président d’honneur, Eddie Komboïgo, l’actuel président du CDP indique que ladite lettre ne mentionne pas les manquements incriminés. Selon lui, le huitième congrès du CDP s’est bel et bien tenu en présence d’un huissier suite à une décision de justice en décembre dernier.

Il ajoute que la direction du parti mis en place à l’issue du congrès, a abrogé la disposition qui confère à Blaise Compaoré des pouvoirs. « Vous ne pouvez donc plus convoquer un congrès du parti comme je vous l’ai signifié à notre rencontre du 24 mai dernier », insiste Komboïgo dans sa réponse à l’ex-président burkinabè en exil.

►À écouter aussi : INVITÉ AFRIQUE - Burkina Faso: Eddie Komboïgo estime avoir la légitimité du CDP

Burkina: création de «zones d'intérêt militaire» où «toute présence humaine est interdite»

Un conseil supérieur de la défense nationale s’est tenu à Ouagadougou ce lundi 20 juin sous la présidence du lieutenant-colonel Paul Henri Damiba, le chef de l’État. À l’issue de la rencontre, plusieurs décisions ont été annoncées dans le cadre de lutte contre l’extrémisme violent, notamment la création de deux zones d’intérêt militaire où toute « présence humaine est interdite », dans le nord du pays où des opérations d'envergure seront conduites, et des menaces de sanctions contre les forces de défense et sécurité et volontaires coupables d’exactions contre les populations civiles.

Avec notre correspondant à OuagadougouYaya Boudani

La première zone d’intérêt militaire couvre un espace d’environ 37 758 km² couvre les forêts protégées de la région de l’Est : les réserves d’Arly, Koutiagou, Madjoari, Pama, Singou et du parc national W.

La deuxième zone va de la province du Soum avec ses 12 205 km²   jusqu’à la frontière avec le Mali. Toute présence ou activité humaine est interdite dans ces zones au risque de s'exposer « aux opérations militaires qui y seront conduites sous peu », selon le lieutenant-colonel Yves Didier Bamouni, le commandant des opérations du théâtre national. Mais « un délai sera accord aux populations pour rejoindre des zones plus sécurisées » précise-t-il. 

Dénoncer les mauvais comportements des forces de défense

Une nouvelle brigade de veille et de défense patriotique a été aussi créée. Rattachée au ministère de la Défense, elle va regrouper l’ensemble des volontaires et sa mission, cordonner les opérations de la défense civile du territoire et contribuer à la recherche du renseignement. 

Désormais, tout personnel engagé dans les opérations de sécurisation qui abandonnerait sa position ou son matériel, sans avoir épuisé ses moyens de combat, s'exposera à des poursuites « disciplinaires et pénales », prévient le lieutenant-colonel Yves Didier Bamouni.

Rachel Keke, Nadège Abomangoli, Carlos Martens Bilongo… Qui sont les nouveaux députés français d’origine africaine ?

À l’issue du scrutin des 12 et 19 juin qui a largement rebattu la composition de la représentation nationale, de nouvelles figures originaires du continent font leur entrée au Palais Bourbon, incarnant un peu plus la diversité de la société française.

Mis à jour le 21 juin 2022 à 16:51
 

 

Rachel Keke, élue Nupes de la 7e circonscription du Val-de-Marne © Bruno Levy pour JA

 

En 2017, Emmanuel Macron promettait « des visages, ceux de la France réelle, […] la France de tous les visages, de toutes les couleurs », lançant dans la course aux législatives un panel de candidats aux parcours professionnels, aux origines socio-économiques et géographiques variés.

Cinq ans plus tard, alors que la nouvelle composition de l’hémicycle consacre une poussée historique du Rassemblement national de Marine Le Pen et voit Emmanuel Macron perdre la majorité absolue, de nouveaux visages font leur apparition. Des profils qui viennent renforcer l’envie de diversité de certains électeurs. En témoigne l’élection de Rachel Keke, femme de chambre franco-ivoirienne qui s’est imposée dans la 7e circonscription du Val-de-Marne. Ou celle du diplomate franco-tunisien Karim Ben Cheïkh dans la 9e circonscription des Français de l’étranger.

À LIRERachel Keke, la femme de ménage franco-ivoirienne qui entre à l’Assemblée

Jeune Afrique a ainsi recensé, de manière non exhaustive, 17 députés « d’origine africaine », qu’ils soient binationaux, nés en Afrique ou nés en France de parents Africains. Dix d’entre eux sont issus des rangs d’Ensemble !, la coalition de La République en marche (246 députés au total) et sept de la coalition de gauche, la Nupes (142 députés au total). Jeune Afrique dresse la liste des personnalités les plus marquantes de la nouvelle assemblée.

Ceux qui arrivent 

Rachel Keke (Nupes)

Cette Franco-Ivoirienne de 49 ans, native d’Abobo, un quartier populaire d’Abidjan en Côte D’Ivoire, s’est faite connaître pour son combat contre le groupe hôtelier Accor. Entre 2019 et 2021, elle incarne le visage et la voix des femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles qui mènent une grève historique de deux ans afin d’exiger de meilleures conditions de travail.

Élue dans le Val-de-Marne sous l’étendard de la Nupes, cette insoumise a battu l’ancienne ministre déléguée chargée des Sports Roxana Maracineanu (LREM). Se définissant volontiers comme une guerrière, Rachel Keke entend représenter « les invisibles » et les « essentiels ».

 

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  • Karim Ben Cheïkh (Nupes)

 

Également candidat de la Nupes, ce Franco-Tunisien de 45 ans s’est distingué en défaisant l’ancienne ministre de l’Égalité hommes-femmes, Élisabeth Moreno, originaire du Cap Vert.

Ce diplomate de carrière est le seul candidat de la gauche à avoir remporté l’adhésion des Français expatriés – neuf circonscriptions des Français de l’étranger sur onze sont tombées dans l’escarcelle de la majorité présidentielle. « Vous avez exprimé un choix clair pour la justice sociale et la défense de nos services publics », a réagi le député de la 9e circonscription des Français de l’étranger, qui comprend le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest.

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  • Nadège Abomangoli (Nupes)
  • Ce 19 juin, cette native du Congo Brazzaville de 46 ans, candidate de la Nupes, a fait tomber le député sortant Les Républicains (LR) Alain Ramadier à Aulnay-sous-Bois et Bondy (10e circonscription de Seine-Saint-Denis – 93).

Cette ancienne militante de SOS Racisme a été collaboratrice parlementaire entre 2013 et 2015. Nadège Abomangoli a également siégé au Conseil régional d’Île-de-France entre 2010 et 2015, alors qu’elle était encartée au Parti socialiste avant de rejoindre La France insoumise (LFI).

 

 

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  • Carlos Martens Bilongo (Nupes)

Autre insoumis faisant son entrée dans l’hémicycle : Carlos Martens Bilongo, élu à Villiers-le-Bel dans le Val-d’Oise face au candidat MoDem François Pupponi, avec 61,72 % des suffrages.

Cet enseignant en économie de 31 ans, né en France de parents congolais (RDC) et angolais, est très actif dans le milieu associatif, notamment via une structure qui propose aux enfants de tous les milieux des activités sportives et culturels accessibles.

 

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  • Farida Amrani (Nupes)

Née au Maroc en 1976, arrivée en France à l’âge de deux ans, cette candidate de la Nupes a été élue dans la 1ère circonscription de l’Essone au terme d’une bataille qu’elle mène de longue date.

Battue aux législatives de 2017 par Manuel Valls, qui l’accuse alors de complaisance avec les islamistes, Farida Amrani soupçonne l’ancien Premier ministre de tricherie. Lorsque ce dernier démissionne afin de se lancer à l’assaut de la mairie de Barcelone, elle tente de lui succéder à l’occasion de l’élection législative partielle de novembre 2018. Elle est alors défaite par Francis Chouat, candidat soutenu par Emmanuel Macron. À 45 ans, cette conseillère municipale a pris sa revanche en battant le candidat LREM avec près de 60 % des voix.

Ceux qui partent

  • Saïd Ahamada, (LREM – Ensemble !)

Comme de nombreux députés sortants de la majorité, Saïd Ahmada a fait les frais de la sanction électorale infligée au camp présidentiel lors de ces législatives. Député des quartiers nord de Marseille, entré dans l’hémicycle en 2017 sous les couleurs de La République en marche, il a été évincé dès le 12 juin au profit du Rassemblement national (RN) et de la Nupes.

Né à Saint-Denis de la Réunion, celui qui fut porte-parole de son groupe parlementaire entre 2019 et 2020 est d’origine comorienne.

  • Laetitia Avia, (LREM – Ensemble !)

Figure de la diversité nouvelle de l’hémicycle en 2017, cette avocate de 36 ans est née en France de parents togolais et a été naturalisée à l’âge de 12 ans. Cette ancienne membre de la Commission des lois ainsi que des groupes d’amitié France-Ghana et France-Canada n’a obtenu que 45,92 % des voix face à la candidate écologiste de la Nupes Éva Sas, dans la 8e circonscription de Paris.

  • Brahim Hammouche (MoDem – Ensemble !)

Élu en Moselle en 2017, ce natif de Smaoun, en Algérie, n’a lui non plus pas réussi à dépasser le premier tour du scrutin. Médecin-psychiatre de formation, il cède son siège d’élu LREM à Laurent Jacobelli du Rassemblement national.

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  • Jean-François Mbaye (LREM – Ensemble !)

Ce natif de Dakar, au Sénégal, a été largement battu lors du 2e tour du scrutin par la candidate de la Nupes Clémence Guetté (64,2 % des voix) dans la 2ème circonscription du Val-de-Marne. Il avait été élu en 2017 dans les rangs de la majorité présidentielle.

Arrivé en France en 1998 pour ses études, Jean-François Mbaye est le petit-fils d’une ancienne conseillère municipale de l’île de Gorée, dans la capitale sénégalaise.

  • Patrice Anato (LREM – Ensemble !)

Élu dans la 3e circonscription de Seine-Saint-Denis, ce Franco-Togolais né à Lomé en 1976 perd son siège au profit du candidat LFI (Nupes) Thomas Portes. Ce juriste, qui a rejoint LREM en 2016, s’était porté candidat à la présidence de son groupe parlementaire, face à François de Rugy et Christophe Castaner.

Ceux qui restent

  • Danièle Obono (Nupes)

À 41 ans, elle fait partie des rares députés élus dès le premier tour des élections législatives. Elle entame ainsi son deuxième mandat pour la 17e circonscription de Paris. Née à Libreville au Gabon, elle arrive en France à l’âge de onze ans. Elle a notamment largement soutenu la candidature de Rachel Keke.

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  • Mohamed Laqhila (MoDem – Ensemble !)

Né à Oulmès, au Maroc, en 1959, ce député de la majorité présidentielle conserve son siège en tant qu’élu de la 11e circonscription des Bouches-du-Rhône. Cet expert-comptable et commissaire aux comptes est membre du groupe d’amitié France-Maroc, lequel comptait plusieurs députés franco-marocains, comme Fiona Lazaar (non-réélue), Nadia Hai (réélue) ou encore Mustapha Laabid (ex-député LREM démissionnaire, poursuivi pour abus de confiance)

  • Huguette Tiegna (LREM – Ensemble !)

Cette députée de la majorité, née en 1982 à Bangassogo au Burkina Faso et arrivée en France en 2009, rempile pour un second mandat. Élue dans la 2e circonscription du Lot, elle doit sa carrière politique à une rencontre en 2015 avec Emmanuel Macron qui, à l’époque où il était encore ministre de l’Économie, a visité les locaux de la start-up où elle travaillait.

  • Amélia Lakrafi (LREM – Ensemble !)

Réélue par les Français de la 10e circonscription de l’étranger, la député de 44 ans continuera de défendre les projets de l’exécutif à l’Assemblée nationale. Née à Casablanca, au Maroc, elle représente les citoyens français établis dans quarante-neuf pays répartis entre l’Est et le Sud du continent africain et le Moyen-Orient.

Mali: massacre jihadiste à Diallassagou

 

Au Mali, nouveau carnage dans le centre du pays. Une attaque terroriste a visé plusieurs villages appartenant à la commune de Diallassagou, pendant le week-end. 132 civils maliens ont été tués, selon un bilan officiel du gouvernement annoncé lundi soir 20 juin. Les informations recueillies par RFI auprès de sources sécuritaires et de notabilités locales, évoquaient déjà dans la journée plus d’une centaine de civils tués. Si ces attaques n'ont pas été revendiquées, les autorités accusent la Katiba Macina, et affirment que leurs combattants ont été identifiés parmi les auteurs.

Diallassagou, Diamweli, Dessagou, samedi 18 juin, puis Ségué dimanche. Selon plusieurs sources locales et sécuritaires concordantes, les jihadistes ont surgi aux environs de 16h, samedi, et ne sont repartis qu’au milieu de la nuit : une centaine de motos avec à leur bord des hommes armés. 

Les chasseurs traditionnels dozos stationnés à Ségué ont pu repousser les assaillants, une personne aurait malgré tout été tuée dans les affrontements. Mais c’est dans les autres villages de la commune de Diallassagou que les jihadistes ont commis de terribles massacres, enlevant des groupes d’hommes pour les exécuter alentours, en différents lieux.

Au passage, les jihadistes ont mis le feu au marché, aux habitations, aux boutiques et aux véhicules. Ils ont aussi emporté du bétail. Des centaines de villageois ont pris la fuite, la plupart en direction de Bankass, à une quarantaine de kilomètres de là. 

Un accord de paix local intercommunautaire avait été conclu en février de l’année dernière à Diallassagou, qui avait pendant un temps fait taire les armes et permis aux habitants de circuler librement.

Les assaillants nous ont attaqués avant-hier. Ils ont attaqué trois villages simultanément : Diallassagou, Dianwéli, Dinsago et ensuite Wélé. Ils ont brulé certaines parties des villages et kidnappés des gens. Et ce n'est pas fini ! Ils ont aussi emporté toutes les petites et grandes bêtes des dits villages. En plus de ces dégâts, ce matin à 5h, dans le cercle de Bandiagara, Commune de Dogomo, dans le village qui se fait appeler Djiguibobo, nous avons un grand camp de nos « Doso ». Les assaillants ont également attaqué ce camp. Depuis 5h du matin, il y a des échanges de tirs. Nous lançons un appel aux autorités maliennes. Ils font des efforts et nous leur en sommes reconnaissants. Nous entendons dans les médias que l’armée est en train de monter en puissance ces derniers temps, mais les assaillants font de plus en plus direction vers Bandiagara et le reste du centre du pays. Nous en appelons à tous ceux qui peuvent nous aider de le faire pour que notre pays se stabilise

Un habitant témoigne anonymemen

Une réponse des jihadistes aux opérations des Fama, selon des responsables locaux

L’attaque de ce samedi n’a pas été revendiquée, mais selon plusieurs sources locales concordantes, les jihadistes de la Katiba Macina, membre du Jnim, le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans, lié à Aqmi, auraient agi par mesure de représailles : ils reprochent à certains habitants d’avoir rompu cet accord local et d’avoir notamment aidé l’armée malienne et ses supplétifs russes à mener récemment des opérations dans la zone. 

Au cours de ces opérations, la plus récente datant d’une dizaine de jours, la communauté peule aurait été spécifiquement ciblée, victime de pillages et de destructions. Des points d’eau auraient notamment été saccagés.

Certains habitants de Diallassagou, Diamwelli et Dessagou sont accusés par les jihadistes d’avoir servi d’informateurs, voire de guides aux militaires maliens. Ces nouveaux massacres sont donc à la fois une réponse directe envoyée à l’armée malienne et une punition collective infligée des jihadistes aux habitants.

Dans un communiqué, la Minusma indique avoir contacté les autorités maliennes afin de pouvoir envoyer une mission d’appui pour la protection des civils dans la zone.

Enfin, une autre attaque a eu lieu ce lundi matin, toujours dans la région de Bandiagara. Les jihadistes ont cette fois visé le poste dozo, les chasseurs traditionnels, de Djiguibombo. De source sécuritaire, deux morts sont à déplorer.

Deuil national de 3 jours

Un deuil national de 3 jours a débuté ce mardi au Mali. Il a été décrété par le président Assimi Goïta. Par la plume de son porte-parole, le gouvernement présente ses condoléances « les plus émues » aux familles des victimes et assure que les forces de défense et de sécurité « continueront avec détermination la dynamique de recherche et de destruction des sanctuaires terroristes dans le cadre du plan Maliko et de l'opération Keletigui ».

 

presse

 

Communiqué du gouvernement annonçant 132 morts aprèsl'attaqye survenue à Diallassagou

 

Viva Tech : malgré son retard, l’Afrique francophone s’affirme

Avec les Africa Tech Awards, le salon dédié aux start-up et à l’innovation technologique valorise les initiatives du continent. Encore peu développées, les jeunes pousses francophones cherchent à rivaliser avec leurs consœurs anglophones.

Mis à jour le 20 juin 2022 à 21:43
 

 

Tamsir Ousmane Traoré présente sa start-up Logidoo au salon Viva Technology, avec des responsables de la délégation sénégalaise. © DR

 

« Les gros capitaux en Afrique, investissez dans les start-up ! » Makhtar Diop, directeur général de l’IFC, la filiale de la Banque mondiale spécialisée dans le financement du secteur privé, a donné le ton à l’occasion de l’ouverture de la première cérémonie des Africa Tech Awards du salon Viva Technology, qui s’est tenu à Paris du 15 au 18 juin.

Organisés en partenariat avec l’IFC, les Africa Tech Awards récompensent les jeunes pousses africaines évoluant dans les domaines de la Climate Tech, de la Healthtech et de la Fintech, et qui ont un impact réel sur le développement du continent. Chacun des trois gagnants bénéficie d’une visibilité accrue et d’un accès aux réseaux du salon Viva Technology – créé en 2016 par le groupe Les Echos et Publicis – et à ceux de l’IFC, avec notamment des rencontres individuelles avec des dirigeants et des cadres supérieurs de l’industrie technologique. Objectif : promouvoir les écosystèmes d’innovation et créer des opportunités pour les entrepreneurs sur les marchés internationaux. Et ce sont les start-up égyptienne Cheefa (Healthtech), sud-africaine Click2Sure (Fintech) et kényane WEEE (Climate tech) qui ont remporté le graal.

Les « Big 4 » de la tech

Une tiercé gagnant qui n’a rien de surprenant puisque les 45 nominés sélectionnés par le jury concentraient presque exclusivement des solutions développées par des entrepreneurs des « Big 4 » de la tech : l’Égypte, le Nigeria, le Kenya et l’Afrique du Sud. Pour cette première édition, Africa Tech n’a donc pas fait le choix d’une large représentation de la diversité du continent. Mettant de côté les start-up d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Ouest, elle s’est surtout focalisée sur les pays qui captent les plus importants flux d‘investissements en capital-risque. Selon les données de The state of tech in Africa (Partech, 2021), ces quatre géants de l’économie africaine ont capté environ 62 % de ces investissements entre 2014 et 2019.

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Comment l’Afrique francophone, encore peu attractive, peut-elle rattraper son retard ? « Si l’environnement n’est pas sain, on ne pourra pas développer le secteur », déclare à Jeune Afrique Mamadou Ndiaye, responsable de la formation et du renforcement des capacités à la Délégation générale à l’entreprenariat rapide des femmes et des jeunes (DER), au Sénégal. Au salon Viva Tech, il fait partie d’une délégation sénégalaise constituée de son organisme et de Lions Tech, le label fédérant les acteurs clés de l’entreprenariat dans le pays et une dizaine de start-up. Créer un environnement favorable aux affaires, et donc aux intérêts des capitaux privés, c’est justement la mission que s’est donnée le gouvernement sénégalais ces dernières années. Il y a quatre ans, aucun fonds étatique n’était dédié au financement des start-up, aucune règlementation spécifique n’existait et les investisseurs en capital-risque étaient peu présents.

Potentiel d’expansion

Aujourd’hui, le Sénégal est le deuxième pays africain à avoir voté un Start-up Act (après la Tunisie) et le premier pays francophone d’Afrique subsaharienne à voir émerger une licorne sur son territoire, avec Wave, qui a récemment levé 200 millions de dollars (environ 190,5 millions d’euros). Désormais, l’État consacre 25 millions de dollars à la tech, principalement pour du financement early stage (en phase d’amorçage). Des mécanismes de co-financement Europe-Afrique voient le jour, comme le programme Lions Tech Invest, un Fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI) constitué avec l’ambassade de France, en collaboration avec Proparco et BPI France. Enfin, plusieurs programmes d’accélération ont aussi été mis en place (Asip, Fabrique des champions, Orange Fab…)

« Les investisseurs s’intéressent de plus en plus au marché africain francophone, notamment aux start-up ayant un potentiel d’expansion régionale ou sous-régionale », explique Mamadou Ndiaye. Pour lui, une volonté politique forte est nécessaire pour positionner l’innovation comme vecteur de développement économique.

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Également présent au salon Viva Tech, avec la délégation de la République démocratique du Congo, Désiré Cashmir Kolongele Eberande, ministre du Numérique de la RDC, partage le même constat.

« L’État veut essayer d’attirer des investisseurs privés, mais pour cela, le climat des affaires doit être facilité. Nous avons modernisé notre arsenal administratif et l’avons rendu plus simple », affirme-t-il à Jeune Afrique. De fait, il y a trois mois, la RDC a adopté un projet de loi portant la création d’un cadre juridique spécifique aux start-up. « Viva Tech est une vitrine qui nous permet de présenter nos solutions locales à vocation internationale. En parallèle, nous profitons de cette tribune pour que nos entrepreneurs puissent avoir une vision élargie du développement de la tech », ajoute le ministre.

Levées de fonds et prises de risque

Du côté des entrepreneurs africains, la question d’un accès plus aisé aux financements se pose avec acuité. Le Sénégalais Souleymane Gning, fondateur & CEO d’Assuraf, solution de services d’assurance, a commencé sur fonds propres avant d’obtenir par la suite l’appui de la DER. Pour l’ancien d’HEC passé par Cisco Systems, « lever de l’argent, c’est un boulot à temps plein, je suis seul et je suis dans l’opérationnel. C’est ma principale difficulté ». Pour lui, le manque d’intérêt envers les pays francophones s’explique d’abord par une différence culturelle : les Anglo-Saxons sont plus sûrs d’eux alors que dans la culture francophone, il existe une « aversion à l’égard du risque ». Par ailleurs, l’intérêt pour les Big 4 [Nigeria, Égypte, Afrique du Sud, Kenya] s’explique par le fait que ce sont de grosses économies. « Et puis ce sont des pays anglophones et le venture capital est très anglo-saxon, il y a forcément cette aisance et cette appartenance culturelle qui fait qu’on va d’abord parler aux anglophones », estime l’entrepreneur.

À LIRESept start-up africaines pionnières de la tech mondiale

Dans un autre domaine, le Sénégalais Tamsir Ousmane Traoré, qui dit être « né dans la logistique », a vite appris à identifier les problématiques de son secteur grâce à son expérience dans l’entreprise familiale. Pour réduire les temps de transit lors d’envois de colis, sa start-up Logidoo crée désormais des corridors en coordonnant des transporteurs entre des pays connectés, la première liaison reliant le Sénégal au Maroc, son principal partenaire commercial. Aux levées de fonds, l’entrepreneur a préféré dans un premier temps l’option « bootstrapping », qui vise à construire le succès sur des fonds et des revenus propres. « Nos plus grosses difficultés étaient au niveau légal. Les réglementions sont différentes dans chaque pays, les procédures aussi. Mais on a réussi à réduire les coûts de transit de 30 %, donc 30 % de moins sur le coût du produit final ; avec la Zeclaf on passera à plus de 50 % », affirme-t-il. Avec la clôture de son premier tour de table, dont il n’a pas souhaité communiquer le montant, le patron de Logidoo affirme vouloir viser les 13 pays de la zone Uemoa.

Et bien qu’il partage la vision de beaucoup sur la « culture entrepreneuriale anglo-saxonne » favorisant la captation des capitaux privés, il croit en l’émulation qui se développe ces dernières années dans la tech ouest-africaine : « Il ne faut pas voir le verre à moitié vide. Fondamentalement, il y a encore de gros efforts à faire, mais il y a eu des avancées et l’engouement est là ! »