Dialogue interreligieux

« Lorsque nous travaillons pour les âmes, nous ne pouvons user que de persuasion et d'amour... Nous ne pouvons rien faire tant que nous n'avons pas persuadé les gens autour de nous qu'ils sont aimés... » (Cardinal Lavigerie, 1885)

« Nous croyons qu'en toute religion il y a une secrète présence de Dieu, des semences du Verbe qui reflètent un rayon de sa lumière... » (Chapitre 1967)

« Nous célébrons et partageons cette vie avec Dieu lorsque nous allons à la rencontre des cultures et des religions... nous réjouissant de la foi vivante de ces croyants et les rejoignant dans leur quête de la Vérité, cette Vérité qui nous rend tous libres. » (Chapitre 1998)

Missionnaires, nous sommes appelés à faire les premiers pas pour rencontrer les personnes, qu'elles que soient leurs convictions, leur religion.

Au Burkina Faso, cette réalité se traduit surtout dans la rencontre respectueuse et évangélique avec les adeptes des religions traditionnelles et avec les musulmans.

Dans cette rubrique, nous étudierons divers aspects de ces religions, particulièrement de l'islam.

Suspension des cultes en France: plusieurs évêques saisissent la justice – Vatican News

Décidée par le gouvernement français dans le cadre des mesures de reconfinement, la suspension des cultes publiques constitue une « atteinte à la liberté de culte », selon cinq évêques qui ont saisi le Conseil d’Etat. Mgr Éric de Moulins-Beaufort a également déposé un référé auprès de cette même instance, au nom de la conférence épiscopale.

Après consultation de ses frères évêques réunis en assemblée plénière, Mgr de Moulins-Beaufort a donc décidé de saisir le Conseil d’État, estimant que l’interdiction des célébrations religieuses en communauté s’avère «hors de proportion» et «porte atteinte à la liberté de culte qui est l’une des libertés fondamentales dans notre pays». L’archevêque de Reims rappelle combien ces célébrations sont «vitales» pour les fidèles, qui restent par ailleurs «pleinement mobilisés» et respectueux des mesures sanitaires prises depuis le début de la crise sanitaire.

Lire la suite : Suspension des cultes en France: plusieurs évêques saisissent la justice – Vatican News, 03.11.20

Pourquoi la croyance ne peut jamais justifier la violence|The Conversation

L’attentat à Nice jeudi 29 octobre qui a fait trois morts, et qui suit de près l’assassinat de Samuel Paty, professeur de collège qui enseignait la liberté d’expression, nous rappelle avec douleur que le combat contre l’intolérance et le fanatisme est loin d’être gagné. De tels actes font des victimes directes, les personnes assassinées, leurs familles et leurs proches, mais également des victimes indirectes : toutes les personnes de confession musulmane qui condamnent l’assimilation de leur foi à la violence.

 

Le Sacrifice d’Isaac par le Caravage. Qu’est-ce qui fait d’Abraham, à qui Dieu avait ordonné de sacrifier son fils Isaac, le père de la foi et non un simple meurtrier ? Wikimedia

Mélissa Fox-MuratonGroupe ESC Clermont

Mais quels arguments opposer à ceux qui pensent que la vérité ou l’autorité religieuse peut justifier d’outrepasser les règles de la morale ? Qui croient qu’au nom d’une vérité supérieure, il est de leur devoir de sacrifier des vies ?

Afin de répondre à cette question, nous nous tournerons vers la pensée de Søren Kierkegaard, un philosophe chrétien qui au XIXe siècle posait précisément cette question par rapport à la foi chrétienne, et qui montre que l’appel à l’autorité religieuse ne peut jamais justifier l’exceptionnalisme moral (le fait de se croire au-dessus des normes et règles morales qui s’appliquent à tous), comme nous le développons dans un article récent.

Le cas du martyr

Dans un essai de 1849 intitulé « Un homme a-t-il le droit de se laisser mettre à mort pour la vérité ? », Kierkegaard pose la question de savoir s’il est possible de donner une justification religieuse à certains actes a priori immoraux, et plus précisément le fait de devenir un martyr pour la vérité.

Ce qui est intéressant dans ce texte, c’est qu’au lieu d’offrir un argumentaire philosophique, Kierkegaard présente le cas sous la forme d’une étude « poétique », ce qui offre l’avantage de dissocier la question de tout personnage réel et de tout trait subjectif qui pourrait venir compliquer la question elle-même.

Nous nous trouvons donc face au cas hypothétique d’une personne qui, ayant grandi avec l’image du Christ-crucifié comme seule représentation du christianisme, viendrait à croire que la plus haute preuve de la foi serait de devenir martyr.

Doit-on, au nom de la foi, devenir un martyr pour établir une (notre) vérité ?. Pexels/RodriguesCC BY

Une telle personne, convaincue de posséder la vérité, et convaincue également que la plus haute réalisation d’une vie humaine serait de mourir pour cette conviction, ne devrait-elle pas agir en conséquence, suivre les commandes de sa foi, et établir une corrélation entre ses actes et ses croyances ?

La méthode de Kierkegaard

De telles questions soulèvent évidemment des problèmes liés au pluralisme des valeurs et des convictions. Kierkegaard nous invite cependant à aborder le cas le plus rationnellement et objectivement possible. Et il nous propose une méthode : pour aborder la question, l’on ne doit surtout pas commencer en rejetant les convictions, mais il faut au contraire adopter la posture qui consiste à les accepter comme vraies.

Nous admettrons alors celles-ci, c’est-à-dire 1) que la personne en question est en possession de la vérité, et 2) que la plus haute réalisation d’une vie humaine est de mourir pour la vérité.

Cette méthode peut paraître contre-intuitive, mais sa raison est simple : si l’on devait porter le questionnement sur l’une ou l’autre de ces prémisses, l’on tomberait forcément dans l’impasse, puisqu’il est objectivement impossible de déterminer si une personne convaincue dans son for intérieur de posséder la vérité par la foi (et non par la raison) est dans le vrai ou non. Toute réponse à une telle question ne peut être qu’un jugement subjectif.

De même, ce n’est pas sur la base des affirmations d’un individu que l’on peut décider de la cohérence d’une telle proposition, puisqu’on ne peut jamais savoir si une personne qui dit posséder la vérité croit vraiment ce qu’elle dit. De ce fait, si l’on veut pouvoir étudier sérieusement de telles propositions, nous ne pouvons le faire que si nous supposons qu’elles sont vraies, en examinant ensuite les conséquences logiques des prémices et leur accord avec les conclusions tirées.

L’erreur de raisonnement

Or, bien que la conclusion proposée par l’aspirant au martyr – qu’il doit se laisser mettre à mort pour la vérité – semble suivre des prémices, Kierkegaard démontre ensuite que son raisonnement n’est pas logique, et cela parce qu’il se pose les mauvaises questions.

Autrement dit, l’homme présuppose qu’il est de son devoir de mourir pour la vérité, et se demande seulement s’il en a les capacités et le courage. Ainsi, il « n’arrive pas au véritable problème », qui est une question d’ordre moral : « une chose est de dire : en ai-je le courage ? Et une autre de demander : en ai-je le droit ? »

Søren Aabye Kierkegaar
Søren Aabye Kierkegaard est né le 5 mai 1813 et mort le 11 novembre 1855 à Copenhague. Son œuvre est considérée comme une première forme de l’existentialisme. WikimediaCC BY

Qu’est qui, en effet, lui conférerait ce droit ? Le commandement divin ? Mais comment peut-il être certain de l’avoir (bien) entendu ou bien compris ? La vérité ? Mais alors, comment savoir que c’est bien la vérité si lui seul possède cette connaissance ? Le bien pour les autres ?

Agir pour le bien que les autres ignorent, c’est effectivement ce qui le motive.

Mais alors, Kierkegaard nous demande, comment peut-il entendre apporter la vérité et le bien aux autres, si par son acte il les rend coupables de meurtre, dégageant ainsi sa responsabilité sur ceux qui vont le tuer ? Si par son acte, il produit le mal ?

L’exemple que Kierkegaard offre ici souligne les pièges du raisonnement fallacieux qui guettent tout individu isolé (ou par extension toute communauté), qui penserait devoir s’exempter de l’éthique pour faire advenir le bien. Une telle action ne peut jamais être que contre-productive et contradictoire.

Une question très personnelle

Pourquoi l’argument de Kierkegaard est-il particulièrement pertinent ? Tout d’abord, parce qu’en tant que penseur chrétien, la question du martyre était, pour lui, une question tout à fait personnelle et importante.

Kierkegaard défendait l’idée qu’il existe une séparation entre l’éthique (la sphère de l’universalité, des normes et devoirs qui s’appliquent à tous) et la foi (la sphère de la singularité).

L’un de ses arguments les plus connus est que par rapport à la foi, l’individu est paradoxalement positionné au-dessus de l’universel, dans un rapport absolu avec l’absolu, comme il l’écrit dans Crainte et tremblement.

Ce paradoxe de la foi soulève la possibilité d’une « suspension téléologique de l’éthique », ou une exception des normes générales en raison d’une plus haute vocation, que Kierkegaard articule autour du problème du sacrifice d’Abraham.

Qu’est-ce qui fait d’Abraham, à qui Dieu avait ordonné de sacrifier son fils Isaac, le père de la foi et non un simple meurtrier ? Et si Abraham est devenu par sa volonté d’obéir le père de la foi, ne devrions-nous pas aussi l’imiter ?

C’est une question qui a hanté Kierkegaard sa vie durant, et qui se trouve réarticulée à maintes reprises à travers son œuvre. C’est aussi une question qu’il a toujours laissée en suspens, ou à laquelle, comme ici, il apportera finalement une réponse négative. Aussi forte que puisse être la foi, aussi certain que l’on puisse être d’être dans le vrai, et même fût-ce le cas, Kierkegaard nous dit cependant qu’en tant qu’êtres humains, nous ne pouvons jamais nous exempter de nos devoirs moraux.

Penser être dans le vrai ne suffit pas

Dans l’essai sur le martyre, Kierkegaard remarque que même si ce constat lui paraît à la fois « triste » et « désolant », il est néanmoins le seul valable.

La valeur de son argument réside précisément dans le fait que cette appréciation subjective peut et doit être mise de côté. La croyance d’être en possession d’une vérité qui doit être connue – même si l’on suppose que cette croyance est vraie – ne peut jamais suffire pour agir selon cette croyance.

En s’exemptant de la morale, l’on se place au-dessus des autres, l’on présuppose une connaissance ou un pouvoir supérieur, qu’aucun être humain, en tant qu’être humain, ne peut posséder. En s’exemptant de la morale, l’on s’exempte en même temps du domaine de l’humain – mais cela, aucun être humain ne peut le faire.

En formulant le problème en ces termes, Kierkegaard nous montre que l’on n’est pas obligé d’engager des débats sur la nature de la vérité ou sur la possibilité qu’un individu puisse posséder la vérité, arguments qui conduisent nécessairement à l’impasse, pour appréhender le problème. On n’est pas non plus obligé de remettre en question la vision du monde et les convictions de la personne concernée. C’est en étudiant les erreurs dans ses propres raisonnements que nous pouvons trouver les failles.

Un texte d’une grande pertinence aujourd’hui

Le problème du martyre n’est certes pas celui du terrorisme et, certes, on objectera à raison, que cet argument est peu susceptible de convaincre un individu radicalisé.

Néanmoins, il est bon de se rappeler que l’islamisme n’a pas le monopole du fanatisme ni celui de la violence.

Chaque année, en France seulement, des centaines de femmes sont victimes de féminicides, des centaines de personnes sont victimes de violences parce qu’elles sont homosexuelles et les violences antisémites sont en hausse.

Ces violences aussi se fondent le plus souvent sur des convictions et croyances, qu’elles soient religieuses ou non, qui incitent certaines personnes à se placer au-dessus des autres.

À travers son analyse, Kierkegaard nous offre cependant des pistes pour mieux comprendre comment le problème de la justification morale peut se poser. Et sa réponse est d’autant plus forte que, désirant parvenir à une autre conclusion, il nous plonge dans le processus de pensée de celui qui croit que l’autorité (religieuse) peut constituer une raison valable pour s’exempter de ses devoirs envers les autres.

Mélissa Fox-Muraton, Professeur de Philosophie, Groupe ESC Clermont

This article is republished from The Conversation under a Creative Commons license. Read the original article.

Le blasphème: Un délit politique plus que religieux

Le blasphème (injures impliquant Dieu et ses saints) et le  sacrilège (profanation d’objets sacrés) n’ont jamais été formellement réprimés par l’Église catholique. C’est seulement à la fin du Moyen Âge et à partir du XVIe siècle, avec l’émergence des États nationaux, que les gouvernants ont vu l’intérêt d’instrumentaliser ces délits à des fins personnelles ou politiques.

Depuis la fatwa lancée en 1989 contre l’écrivain britannique Salman Rushdie, le blasphème est remis en cause en Occident par des extrémistes musulmans. Sa dénonciation a pris de l’ampleur avec la publication des caricatures de Mahomet au Danemark, l’attentat contre Charlie Hebdo à Paris en 2015 et l’« affaire Mila », du nom d’une adolescente lyonnaise persécutée pour avoir laissé échapper en 2019 quelques considérations malveillantes sur l’islam sur sa page facebook. …

Lire la suite: Le blasphème. Un délit politique plus que religieux, Mariam Magarditchian et André Larané, Hérodote, 30.10.20

Rault

 

Le livre « Jésus, l’Homme de la rencontre » vient d’être réédité. Les personnes qui désirent se le procurer peuvent le commander auprès de l’auteur à l’adresse suivante : P. Claude RAULT Maison des MA Pères Blancs 31 Rue Friant. 75014

Le prix en est de 19€ + 5€ de frais de port, soit 24€.

Nom du bénéficiaire : Claude Rault. Il vous sera envoyé dès que possible. Merci de bien noter votre adresse pour l’expédition.

Claude Rault est né le 28 novembre 1940 à Poilley (Manche). Après son noviciat dans la Société des Missionnaires d’Afrique (Pères Blancs), ses études de théologie au Canada, il a été ordonné prêtre en France en 1968. Attiré par la mission en pays musulman, et après des études d’arabe et d’islamologie au PISAI à Rome, il a été envoyé en Algérie. Il y a connu un parcours assez divers au Sahara algérien, d’abord dans un Centre de Formation Professionnelle, puis dans l’Enseignement public. Au terme de son contrat, il s’engage chez un artisan de plateaux de cuivre à Ghardaïa où il va travailler 4 ans. De 1987 à 1994, il est nommé Vicaire Général, et chargé de la formation permanente, alors que le pays va entrer dans une période de guerre civile. Il visite donc les petites communautés chrétiennes dispersées dans l’immense Sahara, ce qui lui donne de tisser des relations solides et fraternelles avec de nombreux musulmans.

En 1994, il est nommé à l’Année Spirituelles des MA Pères Blancs, d’abord en Suisse puis au Burkina Faso. En 1999 est rappelé par sa Congrégation comme Provincial d’Algérie et de Tunisie. A la mort de Mgr Gagnon, évêque du Sahara, il est désigné comme évêque successeur et se met au service de la petite mais vivante communauté diocésaine. Il sera relevé de sa charge en mai 2017. Il est actuellement à Paris dans une communauté de sa Congrégation, membre du Service National pour les Relations avec les Musulmans à titre d’expert.

Depuis une vingtaine d’années, il donne des retraites, entre autres sur l’Evangile de Jean. Il y trouve une forte motivation dans l’engagement d’une vie de relation avec les Musulmans et dans un esprit inspiré de l’Evangile et de l’exemple de Jésus. Ce livre reprend la retraite donnée aux moines cisterciens de l’Abbaye Val Notre Dame au Canada en 2010. Sa réédition en montre toute l’actualité, quel que soit le contexte de nos engagements pastoraux.

 

 

Vous avez certainement tous et toutes lu ou du moins parcouru la magnifique et dense encyclique du pape François qui ne pouvait pas porter un titre plus juste pour les temps que nous vivons : « Fratelli tutti » !

Oui, nous sommes frères et sœurs d’un même Dieu et Père. Encore faut-il vivre cette fraternité comme une vraie famille.

La newsletter de notre groupe Action pour la Rencontre des Religions et des Cultures (ARCRE) voudrait vous faire profiter de tous les encouragements que le pape François nous a prodigués pour continuer le dialogue et la rencontre. Dieu sait s’il est important aujourd’hui d’avoir des points de repères qui puissent guider nos pas dans la recherche d’une unité dans la diversité.

Cela nous a pris des heures pour tirer de cette belle mais longue encyclique le meilleur du dialogue en veillant à ne pas enjamber allègrement tant d'autres sujets importants abordés par le pape. 

Nous voulions qu’en une dizaine de pages nous puissions retenir de cette encyclique de 85 pages le meilleur de tous les conseils que le pape François nous donne. Encouragé par sa rencontre récente avec le Grand Iman Ahmad Al-Tayyeb, il a voulu se laisser inspirer par St François d’Assise, Gandhi, Martin Luther King, Desmond Tutu et le bienheureux Charles de Foucauld qui se voulait être pour toute personne « le Frère universel ».

Ce condensé sur le dialogue ne vous retiendra pas de lire l’encyclique tout entière bien au contraire, elle vous y invitera. C’est ce que nous vous souhaitons.

N.B. Les références […] renvoient au texte de l’encyclique elle-même.

Marc Léonard et Raphaël Deillon de l’équipe ARCRE-PECRE

Résumé de FRATELLI TUTTI [1]

« Fratelli tutti », ainsi écrivait saint François d’Assise, s’adressant à tous ses frères et sœurs, pour leur proposer un mode de vie au goût de l’Évangile.

Une encyclique inspirée par l’attitude courageuse de St François d’Assise… (paragraphes 1-8)

Un épisode de la vie de St François nous révèle son cœur capable de franchir les distances de l’origine, de la nationalité, de la couleur ou de la religion. C’est sa visite au Sultan Malik-el-Kamil, en Égypte, visite qui lui a coûté de gros efforts du fait de sa pauvreté, de ses maigres ressources, de la distance et des différences de langue, culture et religion. Ce voyage, en plein époque des croisades, révélait la grandeur de l’amour dont il voulait témoigner à tous. Conscient des dangers, saint François est allé à la rencontre du Sultan en adoptant l’attitude qu’il demandait à ses disciples : « … ne faire ni disputes, ni querelles, mais être soumis à toute créature humaine à cause de Dieu ».[3] Recommandation extraordinaire en ce contexte.

C’est ainsi que, 800 ans après, François nous invite à éviter toute forme d’agression et à vivre une ‘soumission’ humble et fraternelle, y compris envers ceux qui ne partagent pas sa foi.

Pour lui « Dieu est Amour et celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu » (1Jn 4, 16) car « seul l’homme qui accepte de rejoindre d’autres êtres non pour les amener à soi, mais pour les aider à devenir un peu plus eux-mêmes, devient réellement père ».[4] Là, François s’est fait l’un des derniers et a cherché à vivre en harmonie avec tout le monde.

C’est lui qui a inspiré ces pages.

Le pape François encouragée par la visite du Grand Iman Ahmad Al-Tayyeb en 2019.

Le pape s’est senti particulièrement encouragé par le Grand Iman Ahmad Al-Tayyeb qu’il a rencontré à Abou Dhabi en février 2019 où il rappelait que Dieu « a créé tous les êtres humains égaux en droits, en devoirs et en dignité, et les a appelés à coexister en frères ».[5] Ce n’était pas un simple acte diplomatique, mais une réflexion sur le dialogue fondée sur un engagement commun. Cette encyclique développe des thèmes importants abordés dans ce document que le pape François et le Grand Imam ont signé ensemble.

Un monde fermé fait ombre au monde entier (1er chapitre)

Un dialogue pour toutes personnes de bonne volonté. (par.9)

Le pape livre cette encyclique sociale pour « que nous soyons capables de réagir par un nouveau rêve de fraternité et d’amitié sociale qui ne se cantonne pas aux mots ».

Son désir : que la réflexion s’ouvre au dialogue avec toutes personnes de bonne volonté pour qu’en l’époque que nous traversons, nous reconnaissions la dignité de chaque personne humaine et faire renaître un désir universel d’humanité. Tous ensembles ! Car c’est ensemble que les rêves se construisent».[6] Rêvons comme des voyageurs sur une même terre, chacun avec la richesse de sa foi ou de ses convictions.

Où en est la promesse des fondateurs de l’UE ? (par.10-12)

Rappelons-nous « la ferme conviction des fondateurs de l’Union Européenne, qui ont appelé à un avenir fondé sur la force de dépasser les divisions et favoriser la paix et l’entente entre tous les peuples du continent ».[7] Bien des tentatives de pacification et de rapprochement ont réussi, d’autres ont paru prometteuses. Mais l’histoire donne des signes de recul. Des conflits semblant dépassés s’enflamment, des nationalismes agressifs réapparaissent. Les conflits sont instrumentalisés par l’économie mondiale pour imposer un modèle culturel unique. « La société mondialisée nous rapproche, mais ne nous rend pas frères ».[9] Consommateurs ou spectateurs, nous avons perdu le sens de l’histoire et prétendons repartir à zéro.

Entendre les leçons du passé (par.13-14)

Mépriser le passé et regarder seulement vers l’avenir est un piège qui nous enferme sur nous. Ainsi fonctionnent les idéologies toutes couleurs détruisant ce qui est différent pour régner. « Pour cela elles ont besoin de jeunes qui méprisent l’histoire, rejettent la richesse spirituelle et humaine transmise au cours des générations…».[10] « Les peuples qui aliènent leur tradition par violence ou négligence, tolèrent qu’on leur arrache leur âme, leur identité spirituelle, leur morale et leur indépendance idéologique, économique et politique ».[11]

Que signifient aujourd’hui démocratie, liberté, justice, unité, quand ces termes sont déformés pour dominer ? Le droit d’exister et de penser est nié et ridiculisé, leurs valeurs dénigrées.

La société est alors à la merci du plus fort…

Le progrès, mais pour qui ? (par.15-19)

Certaines parties de l’humanité semblent être sacrifiées par une sélection favorisant une catégorie d’hommes seuls jugés dignes de vivre. « Les personnes ne sont plus vues comme une valeur à respecter et à protéger, surtout les pauvres ou les handicapés, si elles “ne servent pas encore” - tels les enfants à naître - ou “ne servent plus” – telles les personnes âgées » [13] Ainsi, « ce ne sont plus la nourriture superflue qui est déchet, mais les êtres humains ». [14]

Racisme, esclavage, mépris de la femme, fléaux de notre temps (par.20-23)

La marginalisation prend des formes que nous avions crues dépassées, tel le racisme qui réapparaît et nous couvre de honte. L’organisation des sociétés dans le monde est loin de refléter que les femmes ont exactement la même dignité et les mêmes droits que les hommes. On l’affirme par la parole, mais la réalité est tout autre. « Doublement pauvres, les femmes qui souffrent de situations d’exclusion, de maltraitance et de violence, ont souvent de plus faibles possibilités de défendre leurs droits ».[20] Alors que la communauté internationale a adopté de nombreux accords pour mettre fin à l’esclavage, des millions de personnes, enfants, hommes, femmes de tout âge, doivent vivre dans des conditions d’esclaves. L’aberration est à son comble quand des femmes sont forcées d’avorter et qu’on va jusqu’au trafic d’organes.

Ces formes abominables d’esclavage sont à prendre au sérieux par l’humanité tout entière.

Cessons de croire que nous sommes tout-puissants ! (par.24-31)

Une indifférence froide, globalisée, se cache derrière l’illusion d’être tout-puissants, oubliant que nous sommes tous dans le même bateau. Le repli sur soi n’est jamais la voie à suivre, mais la proximité, la culture de la rencontre. La technologie avance, mais « ce serait mieux si ces innovations créaient plus d’égalité! Alors qu’on découvre de nouvelles planètes, on peine à découvrir les besoins de nos frères et sœurs qui tournent en orbite autour de nous! ».[30]

Les leçons de la pandémie (par.32-33)

On a voulu nous faire croire que le libre marché allait tout résoudre. Mais le coup dur et inattendu de la pandémie nous a forcés à penser à l’humain plutôt qu’aux profits de certains. La douleur, l’incertitude, la peur suscitées par la pandémie nous font revoir nos modes de vie, nos relations, et le sens de notre existence. Cessons de dire que c’est une punition de Dieu ou la Nature qui se venge. Nous avons cherché à être les maîtres du monde. Nous oublions vite les leçons de l’histoire ! Après la crise sanitaire, la pire réaction serait de repartir dans la soif de consommer. Plaise au ciel que ce ne soit pas un autre épisode grave de l’histoire dont nous n’aurions pas su tirer leçon. Après tant de souffrances, découvrons la fraternité !

Dignité humaine aux frontières (par.34-41)

De nombreux régimes soutiennent que l’arrivée des migrants doit être évitée à tout prix et que l’aide aux pays pauvres soit limitée. Avec ces déclarations, de nombreuses vies sont détruites. Des familles veulent échapper à la guerre, aux persécutions, aux catastrophes naturelles. D’autres tentent tout pour une vie décente ou rêvent de la culture occidentale comme solution. Des trafiquants sans scrupules exploitent la faiblesse de ces migrants qui subissent violence, traite d’êtres humains, abus de toutes sortes. En plus, « ils vivent une séparation d’avec leurs origines culturelles et religieuses, perdent leurs liens d’avec leurs familles et, quand deux migrent, leurs enfants restent au pays ». [38] Pire encore, « en certains pays d’arrivée, les migrants éveillent la peur, exploitée à des fins politiques. La xénophobie se répand ».[40] Jugés indignes « de participer à la vie sociale, on oublie qu’ils ont la même dignité que quiconque.». [41] Il est inacceptable que des chrétiens partagent cette mentalité. Chacun a droit à sa dignité, quelles que soient son origine, sa couleur, sa religion.

L’Europe risque de « perdre ce ‘‘sens de la responsabilité fraternelle’’».[43]

Et pourtant, « grâce à son patrimoine culturel et religieux, elle a les instruments pour défendre la personne humaine, protéger les droits de ses citoyens, tout en secourant les migrants ».[44]

La communication a évolué si vite qu’elle nous échappe (par.42-45)

Les relations virtuelles qui ne font pas l’effort de cultiver une amitié durable sont trompeuses.

La connexion numérique ne suffit pas pour construire des ponts. Elle peut même favoriser des formes d’agressivité, d’insultes et détruire l’image de l’autre. Ce qui, jusque là, ne se disait pas, de peur de perdre le respect de tous, s’exprime sans gêne, même par certaines autorités.

La violence verbale n’exclut pas certains croyants (par.46-53)

Il faut reconnaître que les fanatismes qui détruisent les autres sont également le fait de personnes religieuses, sans exclure des chrétiens qui participent « à des réseaux de violence verbale sur Internet. Même en milieux catholiques, on peut dépasser les limites quand on banalise la diffamation, ou le respect du nom d’autrui. ». [48] Détruire l’estime de l’autre est une façon de le dominer. « Il n’y a pire aliénation que de sentir qu’on n’a pas de racines, qu’on n’appartient à personne. Un peuple pensera à l’avenir que s’il réussit à s’intégrer ».[50] La frénésie du monde moderne nous empêche d’écouter l’autre. Au beau milieu de sa parole nous l’interrompons déjà pour répondre en clics rapides alors qu’une réflexion nous amènerait à une sagesse commune. La sagesse ne se forge pas avec une recherche rapide sur internet d’informations dont on n’est jamais sûrs qu’elles soient vraies. La fraternité c’est la rencontre.

L’espoir résiste (par. 54-55)

Dieu continue à semer du bien dans l’humanité. La pandémie nous a permis de valoriser tant d’hommes et femmes qui ont réagi en offrant leur propre vie. La nôtre est soutenue par des gens ordinaires qui écrivent notre histoire: médecins, infirmiers et infirmières, pharmaciens, employés, agents d’entretien, transporteurs, hommes et femmes de services et de sécurité, bénévoles, prêtres, personnes consacrées ... Personne ne se sauve seul. [51] De l’espoir, le pape nous conduit vers l’espérance enracinée au plus profond de l’être humain. Elle nous parle d’une soif de toucher ce qui est grand, qui remplit le cœur et élève l’esprit vers le vrai, le bon, le beau, l’amour. L’espérance nous ouvre à de grands idéaux vers une vie plus belle»[52]

Un étranger sur ton chemin (2e chapitre)

Cette lettre s’adresse à toutes les personnes de bonne volonté, quelles que soient leurs convictions religieuses, dit le pape François qui cite ici la parabole du « Bon Samaritain ». ‘‘Maître, que faire pour avoir la vie éternelle ?’’lui demande un religieux. (par. 56-66)

Jésus lui dit : ‘‘Dans la Loi, qu'est-il écrit ?’’ Il répond: ‘‘Tu aimeras Dieu, de tout ton cœur, toute ton âme, toute ta force et tout ton esprit; et ton prochain comme toi-même’’ ‘‘Bien, dit Jésus, fais cela et tu vivras’’. - ‘‘Mais qui est mon prochain ?’’

Et Jésus lui raconta la parabole (Luc 10, 25) ‘‘Un homme tomba aux mains de brigands qui, après l’avoir dépouillé et roué de coups, le laissèrent à demi mort. Un prêtre vint à passer par ce chemin, le vit et passa. Un autre religieux le vit et fila. Mais un Samaritain, le vit et fut pris de pitié. Il s’approcha, banda ses plaies, le chargea sur sa propre monture, le mena à l’hôpital et paya pour ses soins… »

Cette parabole nous ramène à cet épisode de la Genèse. Caïn tue son frère Abel. Dieu lui demande : « Où est Abel, ton frère ? » (Gn 4, 9). Sa réponse est trop souvent la nôtre : « Suis-je le gardien de mon frère ? » ou comme on dit aujourd’hui : « C’est pas mon problème ! »

Pourtant, pour les chrétiens, l’appel à l’amour fraternel retentit avec force dans l’Evangile:

« Celui qui n’aime pas son frère qu’il voit ne peut aimer Dieu qu’il ne voit pas » (1 Jean 4).

Dans la parabole du bon Samaritain, que le blessé soit d’ici ou non, notre amour est pour tous.

La tentation nous guette de nous désintéresser des autres, surtout des plus faibles. Nous avons progressé sur plusieurs plans, mais sommes analphabètes dans le soutien aux plus faibles. Nous ‘passons outre’. Une personne est agressée dans la rue et beaucoup s’enfuient comme s’ils n’avaient rien vu. Là sont les symptômes d’une société malade qui veut ignorer la mort.

« Nos existences sont liées, la vie est rencontre ».[57] Une communauté se construit grâce à des hommes et des femmes qui relèvent leurs frères et sœurs tombés. C’est cela la dignité !

L’histoire se répète (par.69-71)

Aujourd’hui, il y a de plus en plus de blessés au bord de la route. Nous avons chaque jour le choix d’être de bons samaritains ou des voyageurs indifférents qui passent outre.

L’histoire du bon Samaritain se répète : la paresse sociale et politique transforme tant de pays où les conflits et le pillage des ressources créent de plus en plus de pauvres laissés au bord de la route. Au lieu de juger, voyons si je laisserais gisant à terre l’homme agressé pour courir me mettre à l’abri ? Il y a tant de façons de passer sans rien voir, en regardant ailleurs !…

Même des personnes religieuses (par.74)

Parmi les passants de la parabole il y avait des religieux: un prêtre, un lévite. Croire en Dieu et l’adorer ne garantit pas qu’on fasse Sa volonté. Un croyant peut se sentir proche de Dieu et ne pas être fidèle à ce qu’exige sa foi. St Jean Chrysostome nous dit: « Veux-tu honorer le Christ ? Ne commence pas par le mépriser quand il est nu. Ne l’honore pas à l’église avec des étoffes de soie, pour le négliger dehors où il souffre du froid ».[58]

Parfois ceux qui se disent incroyants peuvent faire la volonté de Dieu mieux que des croyants.

Commencer petit ! Agir ensemble ! (par.77-79)

Que d’autres continuent à penser à la politique ou à l’économie pour leurs jeux de pouvoir ! Quant à nous, mettons-nous au service du bien ! C’est possible, en commençant petit, sur ce qui est local, jusqu’à atteindre les confins du pays et du monde. Mais ne le faisons pas seuls ! Nous sommes tous responsables du blessé, notre peuple déjà, et tous les peuples de la terre. Prenons soin de chaque homme, chaque femme, chaque enfant, chaque personne âgée.

Faire de son proche, son prochain (par.80-81)

L’important c’est d’être présent aux côtés de celui, celle qui a besoin d’aide, sans chercher à savoir s’il fait partie « des nôtres ». Les Samaritains réputés païens aux yeux des Juifs leur étaient détestables. Le Samaritain s’est fait proche du Juif blessé, franchissant les barrières culturelles et historiques. Et Jésus nous dit: « Va, et fais de même ». Dépassons nos préjugés !

Car Dieu aime chaque être humain d’un amour infini… (par.84-86)

Pour les chrétiens, les paroles de Jésus impliquent de reconnaître le Christ dans chaque personne abandonnée ou exclue (Mt 25, 40.45). Car Dieu aime tout être humain infiniment…

Pourquoi a-t-il fallu si longtemps à l’Église, s’étonne le pape, pour condamner l’esclavage et toutes formes de violence ? Avec la spiritualité et la théologie d’aujourd’hui, plus d’excuses ! Il s’étonne aussi qu’il y en ait qui se croient autorisés par leur foi à défendre des nationalismes fondés sur des attitudes xénophobes. C’est pourquoi il faut que les catéchèses et prédications éclaircissent le sens de la vie, prônent la fraternité et le droit à tous d’être aimés et accueillis.

C’est l’amour qui nous fait sortir de nos clans (3ème chapitre)

Élargir les pans de sa tente. (par.88-90)

Faits pour l’amour, nous avons en nous une loi: sortir de soi pour grandir avec l’autre. [66]

Mais je ne peux réduire ma vie à un petit groupe, pas même à ma propre famille. Il me faut un réseau de relations plus large qui façonnera ma vie. Ma relation avec une personne que j’apprécie doit me faire reconnaître que notre relation nous ouvre à d’autres qui nous font grandir et nous enrichissent. Les vraies amitiés se trouvent dans les cœurs qui se laissent compléter. Les groupes fermés risquent des formes d’égoïsme. L’hospitalité bénéficie du don de la rencontre même si certains croient que leur force est d’imposer aux autres leur idéologie.

Jusqu’à accepter l’autre tel qu’il est. (par.89)

De nombreuses personnes handicapées sentent qu’elles existent sans appartenir vraiment à la société. D’autres à qui on refuse la pleine citoyenneté et qui participent pourtant activement à la communauté civile et ecclésiale. Quid aussi des personnes âgées vues comme un fardeau ? Notre famille humaine doit apprendre à vivre en harmonie sans qu’on soit tous pareils ! ».[79]

Etre né quelque part … (par.106-109)

Le seul fait d’être né en un lieu moins favorisé ne justifie pas que ces personnes soient traitées avec moins de dignité ».[81] Cela requiert un État actif et des institutions pour les aider. Certains naissent dans des familles aisées, reçoivent une bonne éducation, se nourrissent bien, possèdent des capacités exceptionnelles. Ils n’auront pas besoin d’un État actif et n’exigeront que la liberté. Mais si la société privilégie l’efficacité, il n’y a pas place pour les faibles.

Où est passée la morale ? (par.112-113)

« Depuis trop longtemps déjà la dégradation morale s’installe. On se moque de l’éthique, de la bonté, de la foi, de l’honnêteté… » [86] Le pape pointe la solidarité qui doit s’apprendre déjà dans les familles. C’est le premier lieu où se transmettent les valeurs de la fraternité, du partage, de l’attention à l’autre. C’est le milieu privilégié pour la transmission de la foi, en commençant par les simples gestes de dévotion que les mères enseignent à leurs enfants. C’est aussi le travail des formateurs qui ont la tâche exigeante d’éduquer des enfants et des jeunes. Qu’ils se sentent responsables des valeurs morales, spirituelles et sociales de la personne, la liberté, le respect et la solidarité qu’on apprend dès le jeune âge. C’est aussi la responsabilité des animateurs de culture et communication vue la prolifération de leurs moyens ».[87]

A votre service ! (par.115)

La solidarité se vit dans le service. C’est avoir soin de nos familles, de notre société… Le service voit toujours en l’autre le visage d’un frère, d’une sœur. Il ‘souffre’ avec et l’aide. [89]

Qu’est ce que la propriété pour moi et … pour les pays ? (par.118-120)

Les différences de couleur, de religion, de lieu de naissance, de résidence… ne peuvent être utilisées pour justifier les privilèges de certains sur les droits de tous. Si une personne ne dispose pas de ce qui est nécessaire pour vivre, c’est que quelqu’un d’autre l’en prive.

St Jean-Chrysostome le dit ainsi « ne pas faire participer les pauvres à leurs propres biens, c’est les voler. Ce ne sont pas nos biens que nous détenons, mais les leurs ».[92]

St Grégoire le Grand : « Quand nous donnons aux pauvres les choses qui leur sont nécessaires, nous leur rendons ce qui est à eux ».[93] Et le pape de rappeler que « la tradition chrétienne n’a jamais reconnu comme absolu ou intouchable le droit à la propriété privée mais la fonction sociale de toute forme de propriété privée ».[95]… »

La destination commune des biens de la terre doit s’appliquer aujourd’hui également aux pays

Chaque pays est également celui de l’étranger, car les ressources d’un territoire ne doivent pas être niées à une personne dans le besoin, venant d’ailleurs. Si chaque être humain est mon frère ou ma sœur et si le monde appartient à tous, peu importe que quelqu’un soit né ici ou vive hors de son pays. Mon pays est coresponsable de son développement en se gardant de vider des pays entiers de leurs ressources naturelles par des systèmes corrompus.

La dette, une arme à double tranchant… (par.121-127)

Le service de la dette, dans bien des cas, non seulement ne favorise pas le développement mais le conditionne fortement. Certes toute dette légitimement contractée est à payer mais la manière dont de nombreux pays pauvres l’honorent envers les pays riches ne doit pas en compromettre leur survie et leur croissance. Une paix durable n’est possible « qu’à partir d’une éthique globale de solidarité et de coresponsabilité de toute la famille humaine ».[108]

Ouvrez vos cœurs au monde (4ème chapitre)

Accueillir, protéger, promouvoir, intégrer…

Quatre verbes résument nos efforts envers les personnes migrantes: accueillir, protéger, promouvoir et intégrer. « Il ne s’agit pas d’imposer d’en haut des programmes d’assistance, mais à travers ces quatre actions, construire des villes et des pays qui, tout en gardant leurs identités culturelles et religieuses, sachent valoriser les différences des autres ».[110]

Cela implique : simplifier l’octroi des visas, adopter des parrainage privés et communautaires, ouvrir des couloirs humanitaires pour les plus vulnérables, offrir un logement décent, une subsistance vitale, garantir l’accès aux services essentiels, une assistance consulaire, le droit de détenir des papiers d’identité, un accès à la justice, la liberté religieuse, favoriser le regroupement familial et une intégration, la liberté de se déplacer, de travailler et, aux mineurs une protection et une éducation.[111] Autrement dit : « renoncer à l’usage discriminatoire du terme minorités, qui porte les germes du sentiment d’isolement et d’infériorité et ouvre le terrain à la discorde et prive certains des droits religieux et civils, en les discriminant ». [112]

Les États ne peuvent trouver seuls des solutions adéquates, c’est pourquoi « les réponses seront le fruit d’un travail commun » [113] en élaborant une législation pour les migrations.

Il faut donc aider l’intégration des migrants dans les pays d’accueil tout en favorisant le développement des pays de provenance par des politiques solidaires…[114]

Je t’aime parce que tu es différent ! (par.129-137)

Les cultures différentes développées au cours des siècles doivent être préservées. « Nous avons besoin de communiquer, de découvrir les richesses de chacun, de valoriser ce qui nous unit et de regarder les différences comme des possibilités de croissance dans le respect de tous. », par un dialogue patient et confiant.[117] Une ouverture saine ne porte jamais atteinte à l’identité, elle l’enrichit avec des éléments venus d’ailleurs. Une culture vivante ne copie pas mais intègre les nouveautés “à sa façon”.

« Le Grand Imam Ahmad Al-Tayyeb et moi-même, dit le pape, « avons rappelé que la relation entre Occident et Orient est une indiscutable et réciproque nécessité, pour pouvoir s’enrichir de la civilisation de l’autre, par l’échange et le dialogue des cultures.

L’Occident pourrait trouver dans la civilisation de l’Orient des remèdes pour certaines de ses maladies spirituelles et religieuses causées par le matérialisme. Et l’Orient pourrait trouver dans la civilisation de l’Occident beaucoup d’éléments qui pourraient l’aider à se sauver de la faiblesse, de la division, du conflit et du déclin scientifique, technique et culturel. » [119]

« Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement… » Mat.10, 8. - (par.140-151)

Certains pays souhaitent n’accueillir que les chercheurs ou les investisseurs. Le repli sur soi traduit l’erreur de croire qu’on peut se développer à côté de la ruine des autres et qu’en se fermant on est mieux protégé. Le migrant est vu comme un usurpateur qui n’offre rien et on en arrive à penser que les pauvres sont dangereux ou inutiles et que les puissants sont de généreux bienfaiteurs. Seule une politique qui envisage l’accueil gratuit, aura de l’avenir.

Chers voisins ! (par.152.)

Dans certains quartiers populaires, où chacun ressent naturellement le devoir d’aider le voisin, survit encore l’esprit de ‘‘voisinage’’. Dans ces endroits, on entretient des relations de proximité caractérisées par la gratuité, la solidarité et la réciprocité, dans le sens d’un ‘‘nous’’ de quartier. [131] Puisse cela se vivre également entre les pays voisins !

La meilleure politique (5e Chapitre)

Voir les vrais problèmes de notre époque. (par.171-173 & 192).)

« Donner à chacun ce qui lui revient signifie qu’aucun individu ou groupe humain ne peut s’autoriser à mépriser la dignité et les droits d’autres personnes ou groupements sociaux.

Le XXIe siècle voit s’affaiblir le pouvoir des États pour devenir un pouVvoir transnational. En ce sens, il faut une réforme « de l’Organisation des Nations Unies pour empêcher des impositions culturelles ou la violation des libertés des nations les plus faibles. Le souci majeur d’un homme politique ne devrait pas être sa chute dans les sondages, mais de ne pas réussir à résoudre «l’exclusion sociale et économique, avec ses conséquences de traites d’êtres humains, de commerce d’organes, d’exploitation sexuelle d’enfants, de travail d’esclave – y compris la prostitution – de trafic de drogues et d’armes, de terrorisme et de crime international organisé… en laissant encore des frères et des sœurs mourir de faim ou de soif, sans toit ou sans accès aux soins de santé… Vivons et enseignons le respect, l’amour capable d’assumer toute différence, la priorité de la dignité de tout être humain sur ses idées, ses sentiments, ses pratiques, voire sur ses péchés, quels qu’ils soient !...

Dans ce contexte, je voudrais rappeler que le Grand Imam Ahmad Al-Tayyeb et moi-même avons demandé « aux artisans de politique internationale et d’économie mondiale, de s’engager sérieusement à répandre la tolérance, la coexistence et la paix ; d’intervenir, dès que possible, pour arrêter l’effusion de sang innocent ».[189] Et quand une politique sème la haine ou la peur envers d’autres nations… il faut réagir à temps et changer immédiatement de cap…

Chaque personne a un nom ! (par.193)

Moins on appelle un homme par son nom propre, moins il sera traité comme une personne qui a un cœur, ses souffrances, ses problèmes, ses joies, une famille … On ne connaîtra que ses maladies pour le soigner, son manque d’argent pour y pourvoir, le besoin d’un toit pour le loger ». Ce n’est pas perdre son temps que d’aimer le plus petit comme un frère ».[190]

Et la tendresse ? (par.194-197)

En politique il est aussi possible d’aimer avec tendresse. Il ne s’agit pas d’obtenir de grands succès en politique, mais que chaque être mérite notre affection et notre dévouement. Nous devons briser les murs, pour remplir notre cœur de visages et de noms ! ».[193]

Ainsi vue, la politique est plus noble que le marketing et que ce maquillage médiatique. En pensant à l’avenir, les questions devraient être : “Quel objectif est-ce que je vise ?” Dans quelques années, la question ne sera pas : “Combien de personnes ont eu une image positive de moi ?”. Les questions seront plutôt: “Quel amour ai-je mis dans mon travail ? En quoi ai-je fait progresser les autres ? Quels liens ai-je construits, quelles forces positives ai-je libérées ?”

Dialogue et amitié sociale (6e chapitre)

Le mot-clé qui ouvre les portes : dialogue (par.198-201)

Se rapprocher, s’exprimer, s’écouter, se regarder, se connaître, essayer de se comprendre, chercher des occasions de contacts, tout cela se résume dans le verbe ‘‘dialoguer’’.

Le dialogue persévérant et courageux ne fait pas la une comme les désaccords et les conflits, mais il aide discrètement le monde à mieux vivre…

On confond souvent le dialogue avec un échange fébrile d’opinions sur les réseaux sociaux, très souvent orienté par des informations provenant de médias pas toujours fiables…

La diffusion retentissante de faits et de plaintes dans les médias entrave les possibilités de dialogue, parce qu’elle pousse chacun à garder ses opinions, ses intérêts avec, pour excuse, les erreurs des autres… L’habitude de disqualifier aussitôt l’adversaire par des termes humiliants interrompt tout dialogue ouvert et respectueux. Les héros à l’avenir seront ceux qui sauront rompre cette logique malsaine et défendront avec respect un langage de vérité, au-delà de leurs avantages. Plaise à Dieu que ces héros naissent au cœur de nos sociétés !

The importance of being Earnest’ (par.203-224) De l’importance d’être sincère

Le dialogue social authentique suppose la capacité de respecter le point de vue de l’autre en acceptant la possibilité qu’il contienne quelque conviction ou intérêt légitime. L’autre a quelque chose à apporter. Quand une personne ou un groupe est cohérent avec ce qu’il pense, adhère fermement à des valeurs, à des convictions et développe une pensée, ceci profitera d’une manière ou d’une autre à la société. Mais cela ne s’accomplit que dans le dialogue et l’ouverture aux autres. « Dans un esprit de dialogue, la capacité de comprendre le sens de ce que l’autre dit et fait nourrit bien qu’on ne puisse pas l’assumer comme sa propre conviction. Il devient ainsi possible d’être sincère, de ne pas cacher ce que nous croyons, sans cesser de dialoguer, de chercher des points de contact, et surtout de travailler et lutter ensemble ».[197]

La discussion empêche les divers groupes de s’accrocher avec suffisance à leur vue de la réalité et leurs intérêts limités. « Les différences créent des tensions et dans la résolution d’une tension se trouve le progrès de l’humanité » ![198]

Il faut s’exercer à démasquer les divers genres de manipulation, déformation de la vérité. Ce que nous appelons “vérité” n’est pas seulement la diffusion de faits par la presse.

… L’individualisme indifférent dans lequel nous sommes tombés n’est-il pas le résultat de la paresse à rechercher les valeurs les plus élevées qui dépassent les besoins du moment ? Car le puissant ou le rusé risque vite d’imposer sa vérité.  « Que l’on soit le maître du monde ou le dernier des misérables, nous restons tous égaux devant les exigences morales ».[202]

Dans une société plurielle, dialoguer est la meilleure voie pour trouver ce qui doit être dit et respecté, au-delà d’un accord arrangeant. Les valeurs permanentes dépassent tout consensus.

Cela implique de reconnaître à l’autre le droit d’être lui-même et d’être différent.

Sans cette reconnaissance il y a des manières subtiles d’agir qui font que l’autre devienne négligeable et n’ait plus aucune valeur dans la société. Derrière ce rejet, se cache souvent une violence sournoise envers toute personne différente surtout si ses revendications gênent.

Nul ne peut détenir toute la vérité. Qui veut être fidèle à ses principes doit accepter que l’autre aussi ait le droit d’être fidèle aux siens. Seul l’amour rend possible d’accepter autrui.

Cela implique qu’on dise « des mots d’encouragements qui réconfortent, qui fortifient, consolent, stimulent », au lieu de « paroles qui humilient, attristent, irritent, dénigrent ».[208]

Aujourd’hui, on n’a ni l’habitude ni assez de temps et d’énergies pour s’arrêter et dire “s’il te plait”, “pardon”, “merci”. Mais quand le miracle se produit d’une personne aimable qui prête attention, offre un sourire, écoute au milieu de tant d’indifférences, dit une parole qui encourage, cet effort peut créer une vivre ensemble qui prévient tout conflit.

Des parcours pour se retrouver (7e Chapitre)

Cherche artisans de paix ! (par.225.)

Des parcours de paix peuvent conduire à la cicatrisation des blessures mais encore faut-il des artisans de paix pour guérir. Il n’y a plus place pour les diplomaties vides, le double langage, les bonnes manières… Ceux qui se sont durement affrontés doivent dialoguer en vérité, de façon claire en apprenant à assumer le passé pour libérer l’avenir… C’est à partir de la vérité historique des faits qu’ils pourront se comprendre et œuvrer pour le bien de tous.

« Cela prend du temps, c’est un travail patient de recherche de la vérité et de la justice qui honore la mémoire des victimes et ouvre une espérance plus forte que la vengeance ».[209]

Pardon mon frère, pardon ma sœur ! (par.237-245.)

Le pardon et la réconciliation sont fortement mis en valeur dans le christianisme et d’autres religions. Le risque, c’est de ne pas comprendre la conviction des croyants, de les présenter de telle sorte qu’elles finissent par alimenter l’intolérance et la violence.

Il ne s’agit pas de proposer un pardon en renonçant à ses droits devant un puissant corrompu qui dégrade notre dignité. Appelés à aimer tout le monde, sans exception n’est pas accepter qu’on continue de nous asservir, ni laisser penser à quelqu’un que ce qu’il fait est admissible. Au contraire, l’aimer c’est tout faire pour qu’on cesse d’opprimer, c’est retirer le pouvoir de qui ne sait pas l’utiliser et qui défigure l’être humain.

Il faut aussi que je reconnaisse à mon niveau que le jugement sévère que je porte sur mon frère, ma sœur, cicatrice jamais refermée, offense jamais pardonnée, rancœur qui continue à nuire, sont un feu à éteindre dans mon cœur avant qu’il n’embrase tout.[227]

Il y a des silences qui peuvent être complicité avec des erreurs et des péchés graves. Mais la vraie réconciliation, se joue en dépassant le conflit par un dialogue sincère et patient.

Il ne s’agit pas de viser au syncrétisme ni à l’absorption de l’un dans l’autre… « Chaque fois qu’une personne ou une communauté apprend à viser plus haut que ses intérêts, la compréhension et l’engagement réciproques se transforment et les tensions baissent. Ainsi, ceux qui se voyaient adversaires par le passé, retrouveront l’unité qui fait vivre ».[230]

N’oublie jamais ! (par.248)

Nous ne pouvons permettre que les générations présentes et nouvelles perdent la mémoire de ce qui est arrivé. Cette mémoire garantit et encourage à construire un avenir plus juste et plus fraternel ».[233] N’oublions pas les persécutions, le trafic d’esclaves et les massacres ethniques qui se produisent encore dans plusieurs pays, ni tous les autres faits historiques qui nous font honte. Souvenons-nous-en toujours sans nous laisser anesthésier.

Les religions au service de la fraternité (8e Chapitre)

Le dialogue, une marche avec des compagnons de route (par 272-274)

Le dialogue entre personnes de religions différentes ne se réalise pas par simple diplomatie, amabilité ou tolérance. « L’objectif du dialogue est d’établir l’amitié, la paix, l’harmonie et de partager des valeurs ainsi que des expériences morales et spirituelles dans un esprit de vérité et d’amour » (Déclaration des évêques de l’Inde).[259]

Avec notre expérience de foi et la sagesse accumulée au cours des siècles, ainsi que de nos faiblesses et de nos chutes, nous savons, nous croyants de religions différentes, que rendre Dieu présent est un bien pour nos sociétés. Chercher Dieu d’un cœur sincère sans l’utiliser pour nos intérêts idéologiques, nous fait nous reconnaître compagnons sur une même route.

Remotiver le monde avec nos textes religieux. (par. 274-277)

« Lorsqu’au nom d’une idéologie, on veut expulser Dieu de la société, on finit par adorer des idoles, et l’homme s’égare lui-même, sa dignité est piétinée, ses droits violés. Vous savez à quelles brutalités peut conduire la privation de liberté de conscience et de liberté religieuse et comment de ces blessures se forme une humanité appauvrie, car privée d’espérance… ».[263]

« Parmi les causes les plus importantes de la crise du monde moderne se trouvent une conscience humaine anesthésiée, l’éloignement des valeurs religieuses et la prépondérance de l’individualisme et du matérialisme qui divinisent l’homme et mettent les valeurs matérielles à la place des principes suprêmes et transcendants ».[264] « Les textes religieux classiques peuvent offrir une signification à toutes les époques, et ont une force de motivation mais ils sont dépréciés par l’étroitesse d’esprit des rationalismes ».[265]

Et, comme Marie, Mère de Jésus, « nous voulons être une Église servante qui sort de chez elle, de ses temples, de ses sacristies, pour accompagner la vie, soutenir l’espérance, être signe d’unité […] pour établir des ponts, abattre les murs, semer la réconciliation ».[270]

Le dialogue : c’est s’échanger ce qui est bon et surtout l’entretenir ! (par.277)

L’Église valorise l’action de Dieu dans les autres religions et « ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions. Elle considère avec un respect sincère ces manières d’agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui […] reflètent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes ».[271] Pour nous, chrétiens, « si la musique de l’Évangile cesse de vibrer dans nos entrailles, nous aurons perdu la joie de la compassion, la tendresse qui naît de la confiance, la capacité de réconciliation du fait de se savoir toujours pardonnés et envoyés. Si la musique de l’Évangile cesse de retentir dans nos maisons, sur nos places, sur nos lieux de travail, dans la politique et l’économie, nous aurons éteint la mélodie qui nous pousse à lutter pour la dignité de tout homme et de toute femme ». [272] D’autres s’abreuvent à d’autres sources. Pour nous, cette source se trouve dans l’Évangile de Jésus-Christ… ».[273]

Avec Marie… (par.278.)

Pour de nombreux chrétiens, ce chemin de fraternité a aussi une Mère, appelée Marie. Elle a reçu au pied de la Croix cette maternité universelle (cf. Jean 19, 26) pleine de sollicitude pour Jésus, mais aussi pour le « reste de ses enfants » (Apocalypse 12,17). Forte du pouvoir du Ressuscité, elle veut enfanter un monde nouveau où il y aura place pour chacun des exclus…

Respect des minorités. (par.279-284)

Nous, chrétiens, nous demandons la liberté dans les pays où nous sommes minoritaires tout comme nous la favorisons pour ceux qui ne sont pas chrétiens là où ils sont en minorité. C’est un droit fondamental à ne pas oublier sur le chemin de la fraternité et de la paix. Cette liberté nous permet de « trouver un bon accord entre cultures et religions différentes ; elle témoigne que les choses que nous avons en commun sont si nombreuses et si importantes qu’il est possible de trouver une voie de cohabitation sereine, ordonnée et pacifique, dans l’accueil des différences et dans la joie d’être frères parce qu’enfants d’un unique Dieu ».[275]

Un chemin de paix est possible entre les religions. « Dieu ne regarde pas avec les yeux, mais avec le cœur. L’amour de Dieu est pour toute personne, quelle que soit sa religion.

Il ne s’agit pas de cacher les convictions qui nous animent pour rencontrer les autres qui pensent différemment. […] Plus une identité est profonde, solide, riche, plus elle peut enrichir les autres avec sa contribution spécifique ».[279] En tant que croyants, nous sommes appelés à retourner à nos sources pour retrouver l’essentiel: adorer Dieu et aimer son prochain

« Celui qui n’aime pas, n’a pas connu Dieu, car Dieu est Amour » (1Jean 4, 8). De là, « le terrorisme qui menace la sécurité des personnes, aussi bien en Orient qu’en Occident, au Nord ou au Sud, répandant la terreur n’est pas dû à la religion – même si les terroristes l’instrumentalisent – mais à l’accumulation d’interprétations erronées des textes religieux, aux politiques de faim, de pauvreté, d’injustice, d’oppression, d’arrogance. Il faut arrêter de soutenir les mouvements terroristes par la fourniture d’argent, d’armes, de justification ainsi que par la couverture médiatique autant de crimes qui menacent sécurité et paix mondiales.

La violence fondamentaliste est parfois déclenchée, dans certains groupes de l’une ou l’autre religion, par l’imprudence de leurs responsables. Pourtant « le commandement de la paix est profondément inscrit dans nos traditions religieuses. […] Les chefs religieux sont appelés à être de véritables “personnes de dialogue”, à œuvrer à la construction de la paix en authentiques médiateurs qui ne gardent rien pour eux, mais se dépensent généreusement, sachant que le seul gain est celui de la paix. Chacun de nous est appelé à être un artisan de paix, qui unit au lieu de diviser, qui ouvre au dialogue au lieu d’élever des murs ».[283]

Conclusion : le dialogue, appel urgent à toutes personnes de bonne volonté. (par.285-287)

« Lors de cette rencontre fraternelle, dont je garde un heureux souvenir », dit le pape François, le Grand Imam Ahmad Al-Tayyeb et moi-même avons déclaré fermement que les religions n’incitent jamais à la guerre et ne sollicitent pas des sentiments de haine, d’hostilité, d’extrémisme, ni n’invitent à la violence ou à l’effusion de sang. En effet, Dieu Tout-Puissant, ne veut pas que Son nom soit utilisé pour terroriser les gens ».[284] C’est pourquoi je veux reprendre ici l’appel à la paix, à la justice et à la fraternité que nous avons fait ensemble :

« Au nom de Dieu qui a créé tous les êtres humains égaux en droits, en devoirs et en dignité, et les a appelés à coexister en frères, pour répandre les valeurs de bien, de charité et de paix.

« Au nom de l’âme humaine innocente que Dieu a interdit de tuer, affirmant que quiconque tue une personne est comme s’il avait tué toute l’humanité et que quiconque en sauve une est comme s’il avait sauvé l’humanité entière… (Document sur la fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune, Abou Dhabi (4/02/2019) éd. française (12 fév.2019), p.11

Dans cette réflexion sur la fraternité universelle, je me suis senti stimulé par St François d’Assise, ainsi que par d’autres frères : Martin Luther King, Desmond Tutu, Mahatma Gandhi et bien d’autres...

Mais je voudrais terminer en rappelant une autre personne à la foi profonde qui, grâce à son expérience intense de Dieu, a fait un cheminement de transformation jusqu’à se sentir le frère de tous les hommes et femmes. Il s’agit du bienheureux Charles de Foucauld. Il a orienté le désir du don total de sa personne à Dieu vers l’identification avec les derniers, les abandonnés, au fond du désert africain. Il exprimait dans ce contexte son aspiration à sentir tout être humain comme un frère ou une sœur,[286] et il disait à un ami :

« Priez Dieu pour que je sois vraiment le frère de toutes les âmes […] ».[287] Il voulait être

« le frère universel ».[288] Mais c’est seulement en s’identifiant avec les derniers qu’il est parvenu à devenir le frère de tous. Que Dieu inspire ce rêve à chacun d’entre nous. Amen !

Pape François