L’annonce, début novembre, de la volonté du gouvernement français de réformer la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État a fait l’objet de nombreux commentaires dans les médias qui ont toutefois davantage relayé l’opinion des institutions religieuses que celle des associations laïques.
Ce n’est là qu’un des nombreux paradoxes dès qu’il s’agit d’évoquer la laïcité, qui est loin d’être une problématique franco-française mais revêt une portée universelle.
Ces voix laïques, souvent ignorées hors de l’Hexagone, disposent pourtant d’une légitimité pas moins significative que leurs rivales, d’autant que les agnostiques, athées ou personnes qui ne s’identifient à aucune religion sont majoritaires, toutes origines confondues.
Le président français Emmanuel Macron prononce un discours avant d’assister à un dîner de rupture
du jeûne du Ramadan organisé par le Conseil français du culte musulman à Paris, le 20 juin 2017 (AFP)
Si, comme l’écrit la sociologue Amel Boubekeur dans une tribune publiée dans Le Monde, il est ubuesque de parler « d’islamisation des musulmans ». Il n’en demeure pas moins que l’on a assisté ces dernières années à une montée en puissance de l’orthopraxie et de ses manifestations dans tous les aspects de la vie.
Cependant, une autre tendance existe : celle de l’émancipation de la tutelle religieuse chez des individus élevés au sein de familles musulmanes.
Sans s’affirmer en tant que tels dans l’espace public, ceux-ci ont suivi des trajectoires divergentes à celles des entrepreneurs communautaires, tout en étant renvoyés à la religion qui n’est plus la leur.
La Fédération nationale de la libre pensée (FNLP) associe Emmanuel Macron à Napoléon Bonaparte et Philippe Pétain, en raison de sa volonté de reconnaître les cultes
Il s’agit là d’un autre point aveugle dès qu’il s’agit de traiter d’islam ou des musulmans assimilés, selon les discours, à un culte, une culture ou une ascendance.
Dès le 6 novembre, la Fédération nationale de la libre pensée (FNLP) a publié un communiqué virulent qui associe Emmanuel Macron à Napoléon Bonaparte et Philippe Pétain, en raison de la volonté du président de la République de reconnaître les cultes :
« Le prétexte en est l’islam pour mieux contrôler les musulmans dans le pays, comme au bon vieux temps des colonies. La réalité, ce sont des privilèges accordés à l’Église catholique qui sera la première bénéficiaire de l’opération destruction de la loi de séparation. »
L’inquiétude légitime des associations laïques
En invoquant une autre série d’arguments, l’Union des familles laïques (UFAL) a déclaré le lendemain son opposition au projet gouvernemental qui accroîtrait les ressources des cultes et bouleverserait les équilibres : « La publicité faite aux mesures, sans doute utiles, envisagées pour contrôler les financements des associations musulmanes et lutter contre la radicalisation, ne doit cependant pas faire perdre de vue une grave remise en cause des principes mêmes de la loi de séparation. »
Ces prises de positions – qui mettent l’accent sur des thématiques spécifiques – ont été suivies par le Grand Orient de France (GODF) qui a appelé « à la plus extrême vigilance dans les prochains mois à l’égard de toute disposition quiaboutirait à défaire les principes infranchissables posés par la loi de 1905 ».…Lire la suite: Question musulmane, combat laïque et luttes sociales en France | Middle East Eye, Nedjib Sidi Moussa, 9 déc. 2018.
Les polémiques autour de la réforme de la loi de 1905 risquent de parasiter les vrais débats sur la laïcité, consacrée par une journée nationale le 9 décembre, un principe pris en otage par l’extrême droite, le communautarisme et le néolibéralisme