Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Rapport annuel sur la situation des droits fondamentaux
dans l’Union européenne en 2016
(dernière mise-à-jour: 21/02/18)

Frank Engel

Source : © Union européenne, 2018 – PE

Extraits:

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le respect des droits fondamentaux des citoyens constitue une ambition et un engagement constants de la construction européenne. L’évolution de l’Europe politique s’accompagne depuis des décennies d’un raffermissement des garanties légales et judiciaires dont disposent les citoyens d’Europe pour faire valoir leurs droits. À l’extérieur de nos frontières, les États européens et leur Union sont perçus comme un rempart des droits et libertés individuelles – ce qui explique largement l’attrait qu’exerce notre continent sur les personnes qui, persécutés ou en danger chez eux, cherchent refuge et protection chez nous.

L’Europe est un continent riche où les chances et opportunités dont dispose une personne pour s’épanouir dans la vie sont nombreuses. Cette perception – occasionnellement contestée chez nous – reste entière dans les territoires qui sont nos voisins: au Proche et Moyen Orient, en Turquie, en Afrique. Des centaines de milliers de personnes ont pris la route, souvent suprêmement dangereuse, pour s’approcher de nous et idéalement arriver en Europe. Elles sont victimes de toutes les exactions. Ces personnes continueront d’affluer aux portes de l’Europe. Il est indispensable que les migrants que l’Europe accueille soient mis en mesure de contribuer pleinement au continent qu’ils ont choisi. Il est indispensable également que l’Europe sache communiquer avec honnêteté et rigueur que nous ne saurions accueillir chacune et chacun qui essaiera, sans titre ni droit, de s’établir en Europe. Le respect de l’État de droit exige celui des interdictions. S’il est crucial de combattre les discours de haine et de violence contre “l’autre”, il importe également d’assurer l’effectivité et l’efficacité de la législation en matière de franchissement des frontières et d’immigration.

L’Europe est et doit rester terre d’asile. Les individus dont la vie ou l’intégrité physique sont menacées par des circonstances qu’ils sont contraints de fuir doivent pouvoir continuer à compter sur l’accueil et la sollicitude en Europe. Idéalement, un système et une logique européenne de l’asile et de la protection temporaire sera mis en place afin d’assurer l’uniformité des critères d’admission aux statuts de protection.

L’État de droit devrait être une évidence en Europe. La prévisibilité des décisions politiques, la constance substantielle des constitutions et des lois, l’absence d’arbitraire d’État, le refus du favoritisme politique et de la corruption devraient s’imposer de manière universelle et incontestable. Or, nous constatons que les entorses aux principes de l’État de droits se multiplient à travers l’Union européenne. Cet état des choses est déplorable et alarmant: presque trente ans après la généralisation de la gouvernance démocratique sur tout le continent européen, de nouvelles tendances autoritaires apparaissent, dans le discours de certains partis d’opposition aussi bien que dans la pratique de gouvernement d’autres. L’Union européenne est une communauté de droit et de valeurs, consacrés dans et par le Traité constitutif. Elle ne saurait admettre des dérives de gouvernance en son sein qui violent l’esprit et la lettre du Traité.

Les défis en matière de droits fondamentaux sont nombreux – plus nombreux que ceux qui viennent d’être esquissés. Votre rapporteur a cependant souhaité focaliser son texte sur ce qu’il considère comme les priorités absolues en ce moment. Non seulement le volume de ce rapport d’initiative est limité par le règlement, mais votre rapporteur estime que pour envoyer un message politique clair et fort, il serait utile que nous nous concentrions sur quelques grands sujets de préoccupation.

En même temps que ce rapport, le précédant de peu ou devant le suivre en peu de temps, d’autres rapports sont présentés qui reflètent l’attention que porte le Parlement européen aux droits et libertés dans tous les contextes. Votre rapporteur est d’avis qu’il ne faudrait pas que ce rapport-ci reprenne en détail tous les sujets abordés spécifiquement dans d’autres rapports parlementaires. Voilà pourquoi il suggère une approche plus centrée et concise.

État de droit et migration et intégration, voilà les axes structurants du projet de rapport. C’étaient sans doute les sujets marquants des années 2015 et 2016, et ils n’ont rien perdu de leur pertinence ou de leur actualité. Qui plus est, ils sont intimement liés, tant pour ce qui est de la nécessité d’aborder la problématique des migrations à partir d’un État de droit fonctionnant, qu’afin de conforter la confiance des citoyens dans les institutions nationales et européennes et leur capacité d’action.

Votre rapporteur a aussi souhaité intégrer un suivi des rapports de ceux qui l’ont précédé comme auteurs du rapport sur les droits fondamentaux. Ainsi, là où cela a été possible, les avancées depuis les derniers rapports ont été documentées et intégrées dans le texte comme partie spécifique. Une autre partie spécifique reprend, à travers l’ensemble des États membres, des préoccupations dont font état les défenseurs des droits fondamentaux. Nous découvrons ainsi que personne, qu’aucun État membre n’est – encore! – parfait en matière de droits fondamentaux. Ceci est d’autant plus important que cela pourrait nous inciter, ensemble, à travailler à une amélioration de nos pratiques, et de ne pas nous cloisonner dans des logiques aveugles de critiques et de refus de critiques en fonction des sensibilités respectives. Votre rapporteur continue de plaider avec ferveur pour l’éclosion d’une gouvernance européenne, souhaitée et acceptée par tous les États de l’Union ainsi que ses institutions, une gouvernance européenne pleinement respectueuse des droits fondamentaux de chaque personne.

Le Parlement européen,

[…]

17.  constate que les facteurs de migration dans les pays tiers sont généralement les conflits violents, la persécution, les inégalités, le terrorisme, les régimes répressifs, les catastrophes naturelles, les crises causées par l’homme et la pauvreté chronique;

18.  rappelle que les demandeurs d’asile et les migrants continuent de perdre la vie et de faire face à des dangers multiples en tentant de franchir illégalement les frontières extérieures de l’Union européenne;

19.  se dit préoccupé par le fait que plusieurs États membres ont durci leur politique d’asile et de migration et que certains États membres ne respectent pas pleinement leurs obligations en la matière;

20.  invite l’Union et ses États membres à placer la solidarité et le respect des droits fondamentaux des migrants et des demandeurs d’asile au cœur des politiques de l’Union en matière de migration;

[…]

Discrimination

48.  condamne toute discrimination fondée sur quelque motif que ce soit, et notamment les préjugés contre le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle d’une personne, ainsi que l’indique l’article 21 de la Charte, ou sur toute autre forme d’intolérance ou de xénophobie, et rappelle l’article 2 du traité UE;

49.  reconnaît que la laïcité, du point de vue de la stricte séparation entre l’Église et l’État, et la neutralité de l’État sont indispensables à la protection de la liberté de religion ou de conviction, en garantissant un traitement égal de toutes les religions et convictions et en luttant contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions;

[…]

59.  encourage l’inclusion, dans le programme scolaire, d’une formation aux valeurs de tolérance afin de fournir aux enfants les outils pour détecter toutes les formes de discrimination, qu’elles soient de nature antimusulmane, antisémite, antiafricaine, anti-Roms, anti-LGBTI ou visant tout autre type de minorité;

60.  invite la Commission à partager les meilleures pratiques des États membres en matière de lutte contre les stéréotypes de genre en milieu scolaire;

61.  déplore que les personnes LGBTI soient victimes d’intimidations et de harcèlement et souffrent de discrimination dans les différents aspects de leur vie;

62.  condamne toutes les formes de discrimination à l’égard des personnes LGBTI; encourage les États membres à adopter des lois et des mesures pour lutter contre l’homophobie et la transphobie;

[…]

72.  rappelle que la pauvreté des personnes âgées est particulièrement préoccupante pour les femmes, car l’écart de salaire entre les hommes et les femmes perdure et engendre un écart de retraite entre les hommes et les femmes;

73.  invite les États membres à élaborer des politiques appropriées d’aide aux femmes âgées et à éliminer les causes structurelles des différences entre les sexes en matière de rémunération;

[…]

Lire: – Rapport annuel sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne en 2016 – A8-0025/2018 ,
Parlement européen, 21/02/18.

Les enfants réfugiés en Mauritanie
seront désormais dotés d'actes de naissance

Vue générale du camp de réfugiés de Mbera en Mauritanie qui accueille plus de 64 000 personnes ayant fui le nord du Mali.
© REUTERS/Joe Penney
 

Les autorités délivrent, depuis mi-février, des actes de naissance à près de 7600 enfants nés dans le camp de réfugiés de Mbera depuis 2012. A ce jour, 51 000 réfugiés, qui ont fui la crise dans le nord du Mali, vivent dans ce camp. Et jusqu'à récemment, ces personnes se heurtaient à un certain nombre de difficultés liées à la non délivrance de ce type de document administratif.

Cette mesure s'applique aux enfants de réfugiés et aux nouveaux-nés. Jusque-là, les familles devaient se contenter d'un certificat de naissance obtenu dans un centre de santé. Et cela ne suffisait pas.

Désormais, leurs enfants sont inscrits dans les registres de la population nationale. Muni de leur acte de naissance, ces enfants pourront notamment bénéficier d'une meilleure protection. « C'est un développement remarquable pour la situation des réfugiés en Mauritanie. Avant, l'enfant avait une certification fournie par les structures sanitaires », se réjouit Helena Pes, attachée de presse du HCR en Mauritanie.

Il sera par exemple plus facile de les identifier pour les intégrer dans des programmes de prévention contre les mariages précoces, une pratique taboue mais qui existe dans ce camp de Mbera. L'année dernière, le Haut-Commissariat pour les réfugiés a recensé 97 cas de mariages forcés. Or de nombreux cas n'ont pas pu être signalés, faute de pièces d'identité. « En l'absence de documents administratifs, on n'est pas assuré de l'existence même de l'individu. Le simple fait de pouvoir prouver la naissance, c'est déjà une épreuve très importante pour obtenir les droits et la protection dans le pays d'asile. Dans le cas d'un mariage précoce, l'enfant peut être mieux assisté et mieux protégé », développe Helena Pes.

Selon le HCR, ces actes de naissance permettront par ailleurs de préparer le rapatriement des réfugiés qui souhaitent rentrer au Mali.

 
 Dans la revue "Jeune Afrique"

Les victimes oubliées de la Côte d’Ivoire

par

Drissa Traoré est un avocat ivoirien. Il est vice-président de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH).

 

Les condamnations récentes de plusieurs proches de l'ancien président Laurent Gbagbo, et le procès de celui-ci toujours en cours devant la Cour pénale internationale, n'ont pas encore permis à toutes les victimes de la crise ivoirienne de bénéficier d'une justice « équitable » et « impartiale ».

Une tribune cosignée par Yacouba Doumbia (Mouvement ivoirien pour les droits de l’homme), Drissa Traore (Fédération internationale des droits de l’homme) et Jim Wormington (Human Rights Watch).

Depuis le début de l’année, le système judiciaire a connu une activité intense en Côte d’Ivoire. Les tribunaux ivoiriens ont condamné plus de dix personnes du camp de l’ancien président Laurent Gbagbo pour des attentats commis après la crise postélectorale de 2010-2011, notamment une attaque transfrontalière perpétrée en juin 2012 qui a coûté la vie à sept Casques bleus. Mais pour les victimes des viols, tortures et exécutions extrajudiciaires commis pendant la crise postélectorale elle-même, la justice se fait attendre.

La crise postélectorale de 2010-2011 a commencé par le refus du président Laurent Gbagbo de céder le pouvoir à Alassane Ouattara à la suite de l’élection présidentielle de novembre 2010. Au cours des cinq mois de violence et de conflit armé qui ont suivi, au moins 3 000 personnes ont été tuées et plus de 150 femmes ont été violées, les forces armées des deux parties s’en prenant notamment aux civils en considérant leur appartenance politique et, parfois, ethnique et religieuse.

Une justice accusée d’être partiale

Dans les années qui ont suivi la crise post-électorale, des dizaines de sympathisants de Laurent Gbagbo ont été jugés devant des tribunaux ivoiriens, conduisant à des accusations selon lesquelles les autorités judiciaires pratiqueraient une justice partiale. La façon insatisfaisante dont certains de ces procès ont été menés, ne respectant pas les normes internationales en matière de procès équitable, a alimenté ces accusations.


>>> A LIRE – Côte d’Ivoire : après l’affaire Oulaye, retour sur cinq verdicts controversés de la justice ivoirienne


Mais en réalité, les tribunaux ivoiriens n’ont pas rendu justice aux victimes des deux camps de la crise de 2010-2011. Au lieu de traiter les exécutions extrajudiciaires, les actes de torture et les viols que les forces pro-Gbagbo ont commis, les procès visant les alliés de Gbagbo se sont concentrés sur les atteintes à la sûreté de l’État pendant la crise postélectorale et sur les attaques postérieures en 2012.

Même si Gbagbo et Charles Blé Goudé, son ancien ministre de la Jeunesse, sont en procès devant la Cour pénale internationale pour crimes contre l’humanité, le seul procès à s’être tenu devant des tribunaux ivoiriens pour des faits analogues a été celui de la femme de Gbagbo, Simone. Elle a fini par être acquittée en mai 2017, à l’issue d’un procès entaché par des préoccupations liées aux questions de procédure régulière et par des failles du dossier de l’accusation.


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Les tribunaux ivoiriens ont fait encore moins s’agissant de juger les alliés du président Ouattara pour les crimes commis durant la crise de 2010-2011, qui comprenaient des violences sexuelles et des meurtres ciblés d’hommes appartenant à des groupes ethniques perçus comme loyaux à Laurent Gbagbo.


"Il est temps que le système judiciaire ivoirien
prouve qu’il est attaché à une justice équitable et impartiale"

Bien que plusieurs commandants pro-Ouattara de haut rang figurent parmi la trentaine de responsables militaires et civils que les juges ivoiriens ont inculpés pour crimes contre les droits humains pendant la crise de 2010-2011, aucun d’entre eux n’a été encore traduit en justice.

En fait, plusieurs commandants de l’armée ivoirienne impliqués dans de graves violations des droits humains durant le conflit armé de 2002-2003 et de nouveau pendant la crise postélectorale ont bénéficié d’une promotion en janvier.


>>> A LIRE – Crise postélectorale en Côte d’Ivoire : la justice avance à tout petits pas


Le gouvernement doit lever les obstacles aux enquêtes

La Cour pénale internationale enquête sur les abus perpétrés par les deux parties durant la crise de 2010-2011 et elle cherchera certainement à juger des membres des forces ayant soutenues le président Ouattara s’ils ne sont pas poursuivis en Côte d’Ivoire. Cependant, le président Ouattara, qui a refusé de transférer Simone Gbagbo à La Haye, a déclaré que tous les futurs procès liés aux violences postélectorales se tiendront devant les tribunaux ivoiriens.

Si tel est le cas, il est maintenant temps que le système judiciaire ivoirien prouve qu’il est attaché à une justice équitable et impartiale pour toutes les personnes qui ont été impliquées dans des violations des droits humains, quelle que soit leur affiliation politique.

Si les juges ivoiriens ont fait d’importants progrès dans leurs enquêtes visant les atrocités de la crise de 2010-2011, ces avancées ne seront visibles aux victimes que quand les responsables présumés comparaîtront devant un tribunal.


"Les procès qui ne respectent pas les normes de procédure régulière
compromettent la crédibilité des tribunaux de Côte d’Ivoire"

Le gouvernement devrait donner aux juges ivoiriens le soutien et les ressources dont ils ont besoin pour mener à bien leurs enquêtes et traduire en justice les auteurs des violations des droits humains commises pendant la crise de 2010-2011, y compris par les pro-Ouattara.

Les principaux obstacles à la clôture des enquêtes, comme la nécessité d’exhumer des fosses communes contenant des indices sur la façon dont les victimes sont mortes, devraient être levés dès que possible, conformément aux engagements répétés des autorités.

Les procureurs et les juges ivoiriens devraient également veiller à ce que toutes les personnes accusées de crimes liés à la crise postélectorale et à ses suites– y compris les anciens alliés de Gbagbo – bénéficient d’un procès équitable. Les procès qui ne respectent pas les normes de procédure régulière compromettent la crédibilité des tribunaux de Côte d’Ivoire et ne rendent pas justice, ni aux victimes ni aux accusés.


Yacouba Doumbia, président du Mouvement ivoirien pour les droits de l’homme ; Drissa Traore, vice-président de la Fédération internationale des droits de l’homme ; Jim Wormington, chercheur auprès de la division Afrique de Human Rights Watch.

Israël : le gouvernement Netanyahou
a démarré l’emprisonnement des migrants africains

Par Jeune Afrique avec AFP
 

Le gouvernement de Benyamin Netanyahou avait posé un ultimatum aux migrants subsahariens en situation irrégulière : soit ils quittent le territoire avant fin mars, soit ils sont emprisonnés. Les premières incarcérations ont démarré, provoquant manifestations et grèves de la faim dans les centres de rétention.

« Nous ne sommes pas des criminels, nous sommes des réfugiés ». « Pas d’expulsion, plus de prison, nous ne sommes pas à vendre, nous sommes des demandeurs d’asile, ramenez nos frères ». Frappant dans leurs mains au-dessus de leurs têtes, plusieurs centaines de migrants ont protesté jeudi 23 février devant la prison de Saharonim où, selon eux, au moins 12 d’entre eux sont détenus depuis mardi.

Ils brandissaient des pancartes proclamant : « Arrêtez l’expulsion de réfugiés innocents » ou encore « nous ne sommes pas des criminels ». « Nous sommes ici pour demander l’asile, pas pour travailler ou devenir riches », a expliqué à l’Agence France Presse un des manifestants, Muluebrhan Ghebrihimet, un Érythréen de 27 ans. Arrivé en Israël il y à six ans, il a dit avoir déposé une demande d’asile qui a été rejetée et ne pas savoir quand il sera envoyé en prison.

Un autre manifestant érythréen, Tesfazgi Asgodom, 33 ans, explique avoir reçu il y a un mois une injonction de quitter le pays faute de quoi il irait en prison. « L’expulsion n’est pas une alternative », dit-il ajoutant que les migrants qui ont quitté Israël et sont repartis en Afrique ont eu un triste sort.

La porte-parole du service des prisons a indiqué de son côté que neuf migrants avaient été incarcérés. Des centaines de détenus d’Holot, un centre de rétention ouvert où les migrants sont tenus d’émarger le soir, se sont mis en grève de la faim mardi soir, selon les organisations d’aide.


>>> A LIRE – Israël lance un ultimatum à 38 000 migrants Érythréens et Soudanais


Une politique d’expulsion systématique

Sur les 15 400 demandes d’asile de migrants africains enregistrées à ce jour, onze ont reçu une réponse favorable

Israël se prépare à expulser des milliers d’Érythréens et de Soudanais entrés illégalement dans le pays et qui n’ont pas de demande d’asile en cours d’instruction. Il leur donne le choix : partir d’ici à début avril – soit pour leur pays d’origine soit pour un pays tiers- ou aller en prison indéfiniment.

Les autorités ont procédé cette semaine aux premières arrestations en vertu de ce plan. Elles ont transféré mardi à la prison de Saharonim, dans le sud du pays, les premiers migrants érythréens détenus jusqu’alors au centre de rétention d’Holot, non loin de la prison, et qui ont refusé de partir. Le plan concerne dans un premier temps les hommes seuls qui n’ont pas soumis de demande d’asile, ou dont la demande a été rejetée.


>>> A LIRE – Israël ordonne aux migrants africains en situation irrégulière de partir


Sur les 15 400 demandes d’asile de migrants africains enregistrées à ce jour, onze seulement ont reçu une réponse favorable. Moins de la moitié ont été traitées.

Le secret sur les pays « d’accueil »

Le gouvernement garde secret le nom du ou des pays avec lesquels il se serait entendu pour accueillir les migrants expulsés d’Israël. Les organisations d’aide parlent surtout du Rwanda, qui, comme l’Ouganda, a démenti.


>>> A LIRE – Après l’Ouganda, le Rwanda dément vouloir accueillir des migrants en provenance d’Israël


Une nouvelle manifestation est prévue samedi soir à Tel-Aviv, qui, selon la police, pourrait rassembler 5 000 personnes près de la gare routière, quartier où vivent de nombreux Africains.

La présence de ces migrants a causé des frictions avec les Israéliens, en particulier dans le sud de Tel-Aviv, la capitale économique du pays, où nombre d’entre eux se sont installés, vivant pour beaucoup de petits boulots ou d’expédients. Les protestations de la population criant à l’insécurité et à la coexistence impossible ont trouvé l’oreille attentive du gouvernement de Benyamin Netanyahou, considéré comme le plus à droite de l’histoire d’Israël.

Benyamin Netanyahou a promis de « rendre » le sud de Tel-Aviv aux citoyens israéliens. Des responsables religieux et conservateurs ont aussi présenté ces migrants musulmans ou chrétiens comme une menace pour l’identité juive d’Israël. Selon le ministère de l’Intérieur, 42 000 migrants africains vivent en Israël, dont la moitié d’enfants, de femmes ou d’hommes qui ont des familles et ne sont pas menacés par l’échéance du 1er avril.


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Ces migrants sont arrivés très majoritairement après 2007 en s’infiltrant à partir du Sinaï égyptien. La frontière à l’époque poreuse avec l’Egypte a depuis été rendue quasiment hermétique, mettant fin aux passages clandestins. Le plan du gouvernement a suscité une large réprobation, de la part de l’agence de l’ONU pour les réfugiés (HCR), d’intellectuels, de médecins, voire de survivant de l’Holocauste.

« Immigration maîtrisée » :
combien pèsent les sans-papiers africains
dans l’économie française ?

 

Parmi les mesures phares du projet de loi français sur « une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif », présenté mercredi 21 février en conseil des ministres, la pénalisation du recours à des fausses identités à des fins d’emploi, qu'utilisent des milliers de travailleurs sans-papiers, notamment africains. Une mesure contre laquelle 150 d’entre eux se sont mis en grève depuis le 12 février.

Mercredi 21 février était présenté en conseil des ministres un projet de loi sur « une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif », porté par le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb. Un texte dont Jacques Toubon, défenseur des droits, estime qu’il « s’inscrit dans un mouvement global de restriction de l’accès aux droits » (Le Monde du 22 février). Parmi les mesures phares : réduction des délais d’instruction des demandes d’asiles, augmentation des durées de rétention préalable à des expulsions et… la pénalisation du recours à des fausses identités à des fins d’emploi.

Des milliers de travailleurs sans-papiers africains utilisent ces « alias » pour être salariés. En réponse à ce projet de loi, 150 d’entre eux se sont mis en grève depuis le 12 février. Ils estiment contribuer abondamment aux secteurs les moins convoités de l’économie hexagonale, sans jamais pouvoir être régularisés.

Sept entreprises occupées

C’est le cas de Mamadou Diakité. Ce Malien de 42 ans, natif de Kayes, à la frontière avec le Sénégal, est en France depuis 2001 et a enchaîné depuis les contrats dans le bâtiment, une partie sous son vrai nom, le reste avec des « alias», ces identités d’emprunt qu’on se passe « entre frères», et toujours avec des contrats en bonne et due forme.

À ses côtés, Salif Kane, 36 ans, un Sénégalais originaire de Matam. Dans l’Hexagone depuis trois ans, il enchaîne de même les contrats dans le BTP. Tous deux comptent parmi la quarantaine de travailleurs sans-papiers – de nationalités africaines dans leur immense majorité – à avoir initié l’occupation de plusieurs entreprises de la région Île-de-France depuis le 12 février. Ils étaient 160 grévistes à occuper sept entreprises le 21 février.

Devant l’agence d’intérim du 12e arrondissement qu’ils occupent jour et nuit, une forêt de drapeaux de la CGT rappelle l’implication active de l’organisation syndicale dans ce dernier mouvement de contestation de travailleurs sans-papiers, à l’instar de ceux qui, en 2008 et 2009, avaient vu ces milliers de salariés obtenir aux forceps leur régularisation – l’obtention d’un titre de séjour – de la part de l’administration.

En cause, l’article 16, du projet de loi présenté par Gérard Collomb mercredi. Celui-ci prévoit « la modification de l’article 441-8 du code pénal, qui punit déjà le fait d’utiliser un document d’identité ou de voyage appartenant à un tiers pour se maintenir dans l’espace Schengen. Le projet de loi prévoit de criminaliser l’utilisation d’une fausse identité pour l’obtention d’un travail. Ce qui touche très directement les sans-papiers africains, qui ont majoritairement recours aux « alias » pour trouver du travail », explique Maryline Poulain, du collectif migrants de la CGT.

Des chiffres sujets à caution

Le syndicat milite activement pour leur reconnaissance par l’administration, estimant qu’ils sont « des dizaines de milliers à bosser » en France, et ce au profit de l’économie hexagonale. L’emploi de travailleurs « sans titre », comme les appelle l’administration, n’est pas neuf. Il s’est développé en France depuis les années 1970 et la fermeture à l’immigration du marché du travail, dans la foulée du premier choc pétrolier.

Juste avant, en 1969, le ministère de l’Intérieur français estimait que 40 000 immigrés d’Afrique subsaharienne – en grande partie Sénégalais, Maliens et Mauritanie – étaient présents en France, dans la grande majorité à Paris et dans sa petite couronne : 9 500 étaient manœuvres, 2 000 ouvriers spécialisés dans l’industrie automobile, métallurgique et dans le bâtiment, un millier à travailler pour des services de nettoiement…

Un demi-siècle plus tard, la photographie n’a pas pris une ride, sauf que nombre d’entre eux sont clandestins et comptent parmi les 300 000 et 400 000 étrangers en situation irrégulière aux yeux de l’administration française. C’est-à-dire qu’ils n’ont pas de titre de séjour, ou alors un titre de séjour mais pas d’autorisation de travail (comme les touristes, les demandeurs d’asile…).

À l’Insee, aucune donnée sur les travailleurs clandestins n’est disponible

Des estimations forcément sujettes à caution, qui s’appuient sur une extrapolation du nombre de bénéficiaires de l’Aide médicale d’État et fait écho à des chiffres déjà avancés dans un rapport de la Commission d’enquête du Sénat sur les régularisations d’étrangers en situation irrégulière datant de 1998. « Nous pensons que nous avons autour de 300 000 personnes en situation irrégulière », déclarait Gérard Collomb, début février, lors d’un débat devant l’Assemblée nationale après avoir été interpellé par des élus d’extrême droite.

Concrètement, l’activité des travailleurs clandestins est difficilement mesurable. Ce que disait déjà le Sénat en 2006, jugeant les outils de statistiques sur les travailleurs sans-papiers largement insuffisants.

Parmi les documents sur lesquels s’appuie l’administration : un rapport d’une commission d’enquête du Sénat sur l’immigration clandestine d’avril 2006, qui porte sur 782 infractions d’emplois salariés d’étrangers recensées par l’administration en 2004 – dont 184 en Île de France -. Sur ce total, 262 étaient dans le BTP, 126 dans les hôtels, restaurants et café. Des secteurs dans lesquels les niveaux de rémunération n’atteignent pas toujours les minima légaux.

Le cabinet du ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, interrogé par Jeune Afrique, n’a pas pu se montrer plus précis. À l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) non plus, aucune donnée sur les travailleurs clandestins n’est disponible.

Des régularisations au compte-gouttes

Nombre de syndicats et d’organisations militantes jugent que cette activité économique des travailleurs sans-papiers est dans son immense majorité faite dans des relations contractuelles déclarées (CDI, CDD, contrats d’intérim), donnant lieu au paiement de cotisations et parfois, quand les revenus sont suffisants, comme dans le cas de Mamadou Diakité, au paiement des impôts.

Un collectif d’associations de défense des sans-papiers, parmi lesquelles Droits devant, avance le chiffre – invérifiable – de deux milliards d’euros par an encaissés par la Sécurité sociale et le Trésor public, sans qu’aucun des droits afférents à ces cotisations (congé maladie, congé payé, chômage…) ne puissent jamais être ouverts.

Les régularisations qui le permettraient n’interviennent qu’au compte-gouttes : 30 000 régularisations par an en France, dont 5 000 au titre du travail, les autres intervenant du fait de regroupements familiaux principalement, selon un rapport de l’OCDE paru en novembre sur le recrutement des travailleurs immigrés en France en 2017. 60 % des personnes régularisés pour des motifs économique sont des ressortissants africains (Maliens, Marocains et Tunisiens en tête), précise ce document. Et 53 % n’ont pas de diplôme, nettement plus que pour les autres migrants régulièrement admis à travailler en France (39 % en moyenne).

Coût ou bénéfice, éternel débat

Ce travail immigré – qu’il soit clandestin ou non – n’est pas une si mauvaise affaire pour les comptes nationaux français. C’est tout du moins ce que mesuraient les deux économistes Xavier Chojnicki et Lionel Ragot (auteurs de L’immigration coûte cher à la France : qu’en pensent les économistes ?) : sur l’année 2005, l’immigration aurait fait gagner 4 milliards d’euros aux comptes de la Sécurité sociale, soit 0,5 % de PIB.

Pourquoi ? Les travailleurs immigrés « recourent plus fréquemment que les natifs aux aides au logement (34 %, au lieu de 13,7 %), aux allocations familiales (35 %, au lieu de 24,3 %) et à l’assurance chômage (19 %, au lieu de 11,7 %). Mais, a contrario, ils perçoivent moins de prestations liées à la santé ou à la retraite. Et ils paient des cotisations sociales et des impôts sur le revenu, les taxes sur la consommation (TVA) et les impôts locaux entre autres taxes », indiquait Xavier Chojnicki à L’Express en 2012.

Rejetant au passage comme fallacieuses les conclusions de Jean-Paul Gourevitch, un autre économiste, qui pointe le « coût abyssal » de l’immigration pour les comptes publics.

Le poids des transferts vers les pays d’origine

Dernière trace de l’activité économique des travailleurs clandestins en France : le montant des transferts vers leur pays d’origine. On en connaît l’importance pour les pays bénéficiaires puisque le total de ces transferts dépasse parfois l’aide au développement des bailleurs internationaux.

Les chiffres de la Banque mondiale sur les transferts partis depuis la France en 2016 vers le Maghreb et l’Afrique ne trompent pas sur l’importance cumulée des revenus perçus par les travailleurs immigrés africains : 1,6 milliard de dollars vers l’Algérie, 60 millions de dollars vers le Cameroun, 47 millions de dollars vers la Côte d’Ivoire, 37 millions de dollars vers le Burkina Faso…

Avenue Daumesnil, Mamadou Diakité énumère les collègues de sa connaissance qui cumulent cinq, dix ou quinze ans dans la construction, le tout sans papiers. Pour l’Institut national d’études démographiques (Ined), la durée des séjours des immigrants illégaux – avant une possible régularisation – est d’une dizaine d’année. Dans l’immédiat, la loi Collomb est attendue au Parlement.