Vu au Sud - Vu du Sud

Mali: les raisons de la démission du
Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga

Soumeylou Boubèye Maïga, l'ancien Premier ministre malien, le 29 décembre 2017 lors d'une cérémonie de décoration à Koulouba.
© HABIBOU KOUYATE / AFP

Au Mali, après la démission du Premier ministre la nuit dernière, tout le monde attend désormais de savoir qui va succéder à Soumeylou Boubèye Maïga. Le chef du gouvernement a quitté son poste quelques heures seulement avant le vote d'une motion de censure à l'Assemblée nationale. Une motion déposée, avant-hier, par des députés de l'opposition mais aussi par le groupe parlementaire du RPM, le parti présidentiel. En effet, depuis plusieurs semaines, Soumeylou Boubèye Maïga était très critiqué, y compris dans le camp du pouvoir.

Soumeylou Boubèye Maïga cristallisait la colère depuis plusieurs mois. Celle de l'opposition, vent debout depuis la réélection du président Ibrahim Boubacar Keïta l'été dernier, et encore plus depuis le massacre de 160 Peuls à Ogossagou, le 23 mars. La colère aussi des chefs religieux, et notamment du président du Haut Conseil islamique. Mahmoud Dicko avait d'ailleurs réussi à mobiliser des dizaines de Maliens dans la rue, le 10 février et plus récemment le 5 avril, pour demander un changement de gouvernance. Crise sécuritaire, fronde sociale, grève des enseignants, depuis des mois la colère monte et se focalise sur Soumeylou Boubèye Maïga.

Pour des raisons plus politiques, il était aussi très critiqué au sein même du parti du président dont il n'est pas membre. Au RPM, on l'accuse d'être déloyal et d'avoir manœuvré depuis des mois pour déstabiliser et affaiblir le parti. Plusieurs cadres estiment que, depuis des mois, le Premier ministre ne travaillait que pour son agenda personnel. D'où cette motion de censure finalement déposée mercredi.

Des consultations prévues

Jusqu'au dernier instant, les tractations se sont poursuivies dans le camp de Soumeylou Boubèye Maïga pour tenter de faire échec à la démarche des députés. Selon nos informations, il a un temps espéré que le vote soir repoussé à mardi pour gagner quelques jours et rallier suffisamment d'élus à sa cause. Jusqu'au bout, le président IBK a, semble-t-il, soutenu son Premier ministre. Mais le vote sanction était manifestement inévitable et le scénario d'une démission s'est finalement imposé.

Selon la présidence malienne, le prochain Premier ministre sera nommé très prochainement. Un nouveau gouvernement sera mis en place après consultation de toutes les forces politiques de la majorité et de l'opposition.

Burkina Faso : la production cotonnière
chute de 30% et dégringole à 436 000 tonnes

| Par - à Ouagadougou

Pour la troisième campagne consécutive, la production cotonnière burkinabè a dégringolé, s'établissant pour la campagne écoulée à 436 000 tonnes, au lieu des 800 000 espérés. Une baisse de près de 30%, qui place désormais le Burkina au quatrième rang des producteurs africain d'or blanc.

Contrairement à l’or qui maintient son envol, avec plus de 52 tonnes produites en 2018, le coton burkinabè fait grise mine. Alors que les 360 000 producteurs de coton tablaient sur une récolte de 800 000 tonnes de coton graine, la moisson aura été bien plus maigre. La production pour 2018-2019 s’établie à 436 0000 tonnes, soit une baisse de 29% par rapport à la campagne écoulée.

C’est une  baisse drastique, par rapport aux campagnes 2017-2018 (613 000 tonnes) et 2016-2017 (682 940 tonnes), mais tout de même supérieure à la moyenne annuelle de 384400 tonnes engrangées entre 2007 et 2011.

Le Burkina Faso en quatrième place

La contre-performance du secteur cotonnier burkinabè, qui résulte pour partie des caprices de la météo mais, surtout, du boycott des producteurs des régions cotonnières de l’Ouest (Kénédougou, Boucle du Mouhoun), place désormais le Burkina Faso à la quatrième place des producteurs sur le continent africain derrière le Bénin, le Mali et la Côte d’Ivoire.


>>> À LIRE – Coton : Transition réussie pour l’ivoirien CIDT


Mais ce n’est pas la météo seule qui a fait défaut. « Les attaques terroristes à l’est du pays ont impacté la production. Beaucoup de producteurs ont abandonné le traitement des champs, fuyant l’insécurité grandissante. Cette situation a été aggravée par un arrêt brutal des pluies », explique à Jeune Afrique Yacouba Koura, vice-président de l’Union nationale des producteurs de coton du Burkina (UNPCB).

Autre facteur avancé par les producteurs : la mauvaise qualité des intrants et des choix techniques inappropriés qui ont fortement dégradé les  rendements à l’hectare qui ont ainsi chuté  697 kg à 672 kg.

« Depuis que je produis du coton, les rendements à l’hectare n’ont jamais été aussi bas. Selon moi, cette baisse s’explique essentiellement par les attaques parasitaires qu’ont subi les cotonniers et par la mauvaise qualité des intrants, notamment des engrais », pointe  François Traoré, ancien président de l’UNPCB, qui récolte en moyenne 100 t/an de coton-graine.

 

Insécurité et endettement

Échaudés par les pertes de revenus enregistrées lors de la précédente campagne, nombre de cultivateurs des grandes régions cotonnières, fortement endettés, ont dû tourner le dos au coton lors de la campagne 2018-2019. Résultat : plus de 200 000 hectares n’ont pas été emblavés. Selon nos informations, les montants des impayés des coopératives pourrait dépasser la barre des 20 milliards de F CFA.


>>> À LIRE – Burkina Faso : le président Kaboré lance la Banque agricole du Faso


Face à cette situation, l’Association interprofessionnelle du coton au Burkina (AICB), l’organe tripartite de gestion de la filière, a annoncé une série de mesures visant à « mobiliser les producteurs ».

Les sociétés cotonnières (Sofitex, Socoma et Faso Coton) ont annoncé leur volonté d’apurer les impayés, l’État ayant débloqué environ 14 milliards de F CFA pour subventionner les intrants. Ce coup de pouce permet de réduire de 1 000 FCFA le prix du sac d’engrais MPK, qui se fixe ainsi à 14 000 FCFA. Dans la foulée, le prix d’achat du coton enregistre une hausse de 15 F CFA à 265 F CFA le kilo contre 250 F CFA auparavant.

Pour la prochaine campagne, l’AICB maintient toutefois son objectif, maintes fois manqué, de 800 000 tonnes. « Grâce aux mesures prises, au changement de pesticides annoncés et avec une bonne installation des pluies nous espérons atteindre l’objectif de production », assure Yacouba Koura.

Algérie : comment Ahmed Gaïd Salah
a fait main basse sur tout le système sécuritaire

| Par - envoyé spécial à Alger

Bouteflika avait mis six mois – entre septembre 2015 et janvier 2016 – pour démembrer et restructurer le Département du renseignement et de la sécurité (DRS). Ahmed Gaïd Salah l’a récupéré en vingt-quatre heures. Dans la foulée de la démission du président, le 2 avril, Athmane Tartag a été démis de ses fonctions de coordinateur des services de sécurité.

Le général-major Tartag, dit Bachir ou le Bombardier – qui a fait carrière dans la lutte antiterroriste – occupait ce poste depuis septembre 2015. Rappelé au début de mars pour ­diriger la sécurité extérieure, le ­général-major Ali Bendaoud a lui aussi été remercié. Les directions de la sécurité intérieure et extérieure, ainsi que les renseignements techniques, jusque-là rattachés à la présidence de la République, passent sous pavillon militaire et dépendent désormais du ministère de la Défense (MDN).

Instrumentalisation

Le chef d’état-major fait d’une pierre trois coups : récupérer, se renforcer et éliminer. Le rattachement des trois structures à l’état-major de l’armée signe d’abord la fin de la mainmise du palais d’El-Mouradia sur le ­renseignement.

« Tartag était directement géré par Saïd Bouteflika, le frère et conseiller de ­l’ex-­président, explique un officier à la retraite. Il en a fait un instrument pour accroître son influence et sa ­puissance dans les appareils d’État. Même si les services ­dépendaient logistiquement du MDN, leur gestion ­échappait au contrôle de Gaïd Salah. Ça n’est plus le cas. »


>>> À LIRE – Présidentielle en Algérie : le général Ahmed Gaïd Salah, arbitre de l’ère post-Bouteflika ?


La prise de contrôle de Gaïd Salah sur l’ensemble des appareils sécuritaires et militaires est ­désormais totale. Une première depuis trois décennies. Un général en rupture de ban avec l’institution militaire avance que Gaïd Salah n’avait pas d’atomes crochus avec Tartag. Lors d’une cérémonie officielle organisée le 1er novembre 2017, le chef d’état-major avait ostensiblement ignoré la main tendue du Bombardier, qui tentait de le saluer.

La méfiance entre les deux hommes était telle qu’ils ne se ­parlaient presque plus ces derniers mois. L’éviction de Tartag et de Bendaoud permet aussi au patron de l’armée de mettre sur la touche deux figures liées au clan de l’ex-président. Passé par Genève puis par Paris, où il a longtemps été attaché de Défense, Ali Bendaoud est très lié à la famille Bouteflika, qu’il servait fidèlement depuis le début des années 1990.

Burkina : Blaise Compaoré écrit à Roch Kaboré, qui l’accuse de liens avec des groupes jihadistes

| Par Jeune Afrique

En exil en Côte d'Ivoire depuis sa chute en 2014, Blaise Compaoré a adressé une lettre au président Roch Marc Christian Kaboré dans laquelle il dit « sa disponibilité et son soutien » face à la dégradation de la situation sécuritaire dans le pays. Une réaction à ce qu'il considère comme de « graves allégations » portées à son encontre par le président burkinabè, fin février.

Début avril, Blaise Compaoré a écrit à Roch Marc Christian Kaboré pour, selon son entourage, lui faire part de « sa disponibilité et [de] son soutien dans le cadre de la continuité de l’État face à la situation de déchirure que traverse actuellement le Burkina ». Dans ce courrier privé, il rappelle qu’il considère Kaboré comme le président légitime et revient sur leur relation ancienne et personnelle.

Depuis Abidjan, Compaoré a en effet décidé de réagir aux propos que l’actuel chef de l’État avait tenus sur la Deutsche Welle, lors d’un déplacement à Berlin, en février. Dans cette interview, Kaboré l’avait accusé d’entretenir des liens avec les groupes jihadistes qui attaquent le Burkina.


>>> À LIRE – Sahel : quels sont les liens entre les jihadistes et Moustapha Chafi, ex-conseiller de Compaoré ?


« Deal »

Interrogé sur les rumeurs de liens entre des groupes jihadistes et l’ancien pouvoir burkinabè, Roch Marc Christian Kaboré avait répondu : « Qu’il y ait eu des liens, ce ne sont pas des rumeurs, c’est un fait établi », avant d’ajouter qu’« il y avait un deal. »


>>> À LIRE – Burkina : Blaise Compaoré sort du silence et dément tout lien avec les jihadistes sahéliens


Selon l’un de ses intimes, l’ancien homme fort de Ouaga ne « supporte pas » ces « graves allégations », qui l’ont « attristé ». En novembre 2017, il avait déjà réagi à des propos similaires de Kaboré sur TV5 Monde via un communiqué.

Dans ce texte, il expliquait alors sortir du « devoir de réserve absolu » qu’il observait depuis trois ans, refusant d’« accepter de lire, ces derniers temps, sous certaines signatures irresponsables et dévoyées par un combat politique dépassé, [qu’il aurait] pu avoir des liens coupables avec les terroristes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique, lesquels justifieraient en réaction les attaques subies par [s]on pays ».

Mali: le président Ibrahim Boubacar Keïta
va-t-il limoger son Premier ministre?

Le Premier ministre malien Soumeylou Boubeye Maïga en visite à Ménaka, le 9 mai 2018 (image d'illustration). Ibrahim Boubacar Keïta va-t-il lâcher son Premier ministre?
© Sebastien RIEUSSEC / AFP

Qui veut vraiment faire partir le Premier ministre malien ? Des religieux demandent son départ. Vent debout, l'opposition malienne réclame aussi son limogeage. C'est au tour du parti présidentiel, le Rassemblement pour le Mali (RPM) d'aller dans la même direction, en menaçant même Soumeylou Boubeye Maïga et son gouvernement du dépôt d'une motion de censure à l'Assemblée nationale.

Pour justifier leur démarche inédite, des députés du Rassemblement pour le Mali (RPM), parti au pouvoir, se sont exprimés dans la presse. En évoquant notamment « l’échec de la politique gouvernementale en matière de sécurité ». « Rien ne va au Mali. C’est ce qui explique le projet de motion de censure », a déclaré, de son côté, ce dimanche 14 avril au soir, Sékou Niamé Bathily, représentant du même parti présidentiel, lors d’un débat télévisé.

La bronca contre le Premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga est également menée par deux influents leaders religieux : l’imam Mahmoud Dicko, président du Haut Conseil islamique du Mali et le chérif de la localité de Nioro.

L’opposition réclame aussi « la tête du Premier ministre ». Tous les regards sont désormais tournés vers le président de la république, Ibrahim Boubacar Keïta, qui, d’après nos informations, a reçu ce dimanche celui qui est encore son Premier ministre. Il sait qu’il lui doit en partie sa réélection à la tête du pays. Va-t-il le limoger ? Va-t-il le sacrifier ? Ou va-t-il plutôt, contre vents et marées, lui renouveler sa confiance, en procédant simplement à un remaniement ministériel ?