La population des villes africaines augmentera de 24 millions de personnes chaque année jusqu’en 2045. Cette tendance accroît les besoins d’infrastructures de transport, de services de santé, d’éducation, de biens alimentaires, etc.
Entre 2000 et 2015, le continent a connu le taux d’urbanisation le plus élevé du monde avec 3,5 % en moyenne. Et d’ici à 2050, 800 millions de personnes supplémentaires viendront s’établir dans les villes subsahariennes.
Pendant que la population de l’Afrique va croître de plus de 100 % entre 2010 et 2050 pour atteindre 2,5 milliards d’habitants, celle de l’Asie augmentera de 23,5 %, celle de l’Europe baissera de 2,6 %, celles de l’Amérique latine et de l’Amérique du Nord progresseront respectivement de 27 % et 29 %. Le Nigeria deviendra la troisième puissance démographique mondiale, avec 410 millions d’habitants, soit un marché presque aussi vaste que l’Union européenne, et 28 pays africains verront leur population doubler.
La démographie, une aubaine économique
Malthus a eu tort, la croissance démographique ne saurait être vue comme un danger. Cette évolution augmente le nombre potentiel de travailleurs, de consommateurs et de capitaux. La classe moyenne africaine passera de 375 à 500 millions de personnes. Mais des défis demeurent : l’endogénéisation de la croissance économique, l’amélioration de la gouvernance, notamment la gestion des ressources naturelles, la prise en compte du changement climatique, et surtout la création d’emplois durables.
Au regard des enjeux démographiques, les politiques d’industrialisation doivent promouvoir les industries qui absorbent le plus grand nombre d’actifs, qualifiés et moins qualifiés, en tenant compte des mutations technologiques. L’effort doit en premier lieu porter sur le secteur manufacturier.
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La productivité y est plus élevée que dans l’agriculture de rente et les industries extractives, et l’industrie manufacturière peut absorber une plus grande variété de profils. De plus, les prix des produits manufacturés ont l’avantage d’être plus stables que ceux des matières premières. Enfin, les innovations issues de ce secteur vont stimuler non seulement les progrès technologiques dans la production mais également profiter au secteur des services.
Selon les données d’Euromonitor International, le marché de la mode, par exemple, (vêtements et chaussures) en Afrique subsaharienne atteindra 31 milliards de dollars en 2050. Mais encore faut-il que les États favorisent l’industrialisation de ces produits consommés localement. On peut aussi citer les industries halieutique et cotonnière, la fabrication de meubles, les biens intermédiaires comme le textile et le cuir, l’agro-industrie, les produits pharmaceutiques, l’industrie automobile, etc.
L’industrie comme cercle vertueux
La réalité est que l’industrie africaine ne génère en moyenne que 700 dollars de PIB par habitant, moins que l’Amérique latine (2 500 dollars) et l’Asie de l’Est (3 400 dollars). Or, la productivité des industries entraîne la productivité des autres secteurs comme on le constate dans les économies industrialisées. La base des données de la Banque mondiale montre que les pays subsahariens ont vu leurs importations de biens et services en pourcentage du PIB passer de 22,7 % à 32,1 % entre 1960 et 2016 : de 7 milliards de dollars à 394 milliards de dollars. Le continent importe encore des biens dont le capital nécessaire à leur production reste dérisoire : 60 % des yaourts consommés en Afrique viennent d’Europe, 70 % de la tomate concentrée consommée en Afrique vient de Chine. De nombreux pays importent des œufs, du poulet, du riz, du lait en poudre, du miel, du papier, des chaussures, des cure-dents, etc.
De quelle technologie a-t-on besoin pour faire des jus de fruits, du concentré de tomate, des yaourts, des cure-dents, etc. ? La situation actuelle est inacceptable !
Toutefois, sur la période récente, des avancées sont porteuses d’espoir, à commencer par l’augmentation du commerce intra-africain passé de 50 milliards de dollars en 2005 à plus de 120 milliards de dollars en 2015. En 2016, 18 % du total des échanges de l’Afrique se sont déroulés à l’intérieur du continent, essentiellement grâce à la fluidité des échanges dans les pays d’Afrique australe. L’ambition est de faire émerger les « champions » de demain en s’appuyant sur les « champions » actuels qui eux-mêmes favoriseront l’essor d’un tissu de PME dynamiques en même temps que l’intégration régionale.
Dans le processus d’industrialisation de tous les pays industrialisés étudiés sur plus de 200 ans, on retrouve d’abord la promotion d’une politique de substitution des importations. Elle permet à la population de faire face à ses besoins fondamentaux tout en favorisant l’essor d’un secteur privé local. Il s’agit d’abord des industries légères de biens de consommation au service du marché intérieur.
Les États doivent orienter leurs efforts
Ce sont ces activités qui permettent d’absorber une main-d’œuvre abondante. Les technologies nécessaires pour ces industries sont souvent accessibles. Ensuite, il y a la promotion et la diversification des exportations qui s’appuient sur les industries locales de biens de consommation qui ont été construites. C’est à la suite de ces deux étapes que ces pays se lancent dans la promotion et le développement d’une industrie lourde en s’appuyant sur une politique de substitution aux importations. À chacune de ces phases, l’État, par des mesures directes et indirectes, favorise l’essor de champions locaux.
Pour être clair, c’est la main de l’État qui oriente l’économie. Cela passe aussi par la mise en œuvre de deux politiques phares : le développement d’un système financier domestique dynamique et la mise en place d’infrastructures modernes (énergie, transport, logements, etc.). Pour réussir, l’essor industriel de l’Afrique doit être pensé dans un cadre régional ou fédéral avec la mise en place de parcs industriels régionaux, de technopoles spécialisées, en accentuant des partenariats avec les pays industrialisés.
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La signature par plusieurs pays africains de l’accord de la zone de libre-échange continentale (Zlec), à Kigali, le 21 mars 2018, peut, dans ce cadre, être perçu comme une avancée. Il vise à créer un marché commun de 1,2 milliard d’habitants, dont le PIB cumulé avoisinerait 3 000 milliards de dollars. Un espace où enfin les États pourraient établir des règles favorisant les échanges intra-africains au service des productions africaines.