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Burkina: mobilisation générale et état d’urgence, des mesures exceptionnelles qui inquiètent

Le Burkina Faso monte d'un cran dans sa riposte face à la menace terroriste. Vendredi soir, sur demande du président de la Transition, le Conseil constitutionnel a publié un avis portant ordre de « mobilisation générale et de mise en garde ». Dans le même temps, le Conseil des ministres a décidé de déclarer l'état d'urgence dans huit régions du pays, à partir du 30 mars.

Selon le gouvernement, cette décision permet de renforcer les moyens juridiques pour lutter contre le terrorisme.

Vingt-deux provinces burkinabè sont ainsi concernées par l'état d'urgence. Parmi elles, figurent le Soum, la Tapoa, le Namentenga, le Bam ou encore le Sanmatenga. Cela représente près de la moitié des provinces du pays.

D'après la loi de 2019, l'état d'urgence permet « aux autorités administratives de prendre des mesures exceptionnelles en matière de sécurité, susceptibles de porter atteinte aux droits et libertés des personnes. »

Les ministres de la Sécurité et de l'Administration territoriale peuvent par exemple réquisitionner des personnes ou des biens, interdire la circulation de personnes ou véhicules, confier à l'armée des tâches de maintien de l'ordre, dissoudre ou suspendre des groupes et associations ou encore contrôler les contenus des médias et interdire les publications.

L'état d'urgence est toutefois limité à 30 jours. L'Assemblée législative de transition peut le proroger sur saisine du gouvernement.

L'avis du Conseil constitutionnel sur la mobilisation générale, autorise, quant à lui, le chef de l'État à prendre des mesures similaires, mais sur toute l'étendue du territoire burkinabè.

Un décret présidentiel doit être publié dans les jours à venir pour préciser « ces mesures exceptionnelles ».

Restriction des libertés civiques

Cet attirail juridique inquiète une partie de la société civile qui redoute une restriction des libertés civiques.

« C'est une décision ambigüe qui ne donne pas d'orientations claires », déplore un défenseur des droits de l'homme à propos de l'état d'urgence. Il redoute que les libertés civiques ne soient abusivement réduites, alors qu'elles sont déjà malmenées, depuis l'arrivée de la junte, il y a quelques mois.

En ce qui concerne la mobilisation générale, « ces mesures exceptionnelles doivent s'inscrire dans l'État de droit, rappelle Abdoulaye Soma, juriste constitutionnaliste, Or, la Constitution garantit des droits fondamentaux. »

Tous les décrets émis par le président de la Transition devront ainsi être soumis à la consultation du Conseil constitutionnel, ultime garant des libertés fondamentales, « mais très peu d'acteurs peuvent saisir le Conseil des sages », concède Abdoulaye Soma. En l'occurrence, seul le président de l'Assemblée législative de transition (ALT) en a la possibilité. C'est aussi l'ALT qui examinera la prorogation de l'État d'urgence limité à 30 jours.

Ces mesures interviennent quelques jours après la visite du capitaine Ibrahim Traoré à Kaya, dans le Centre-Nord du pays. Le chef de la Transition y a prononcé un discours très vigoureux envers ceux qui, à ses yeux, ne soutiennent pas la lutte contre le terrorisme.

Le nombre de civils tués au Mali en 2022 a plus que doublé, selon l’ONU

La Minusma impute plus d’un tiers des violations des droits humains à l’armée malienne et à ses alliés, mais Bamako conteste la crédibilité des informations recueillies.

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 24 mars 2023 à 10:09
 

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Dans le camp de réfugiés de Faladié, à Bamako, au Mali. © Kemal Ceylan / ANADOLU AGENCY / Anadolu Agency via AFP

 

 

Le nombre de personnes tuées en 2022 (1 277) a enregistré une hausse de 118% par rapport à 2021 (584), a assuré, mercredi 22 mars, la Mission de l’Onu au Mali (Minusma). Un rapport – non publié encore – qui « ne donne aucune précision sur les sources de vérifications des cas rapportés » et ne permet pas au gouvernement de mener « au besoin une confrontation et des enquêtes », a répliqué le ministère des Affaires étrangères en réponse à cette note trimestrielle de l’ONU sur les violations des droits humains, portant sur la période d’octobre à décembre 2022.

À LIREMohamed Ali Bathily : « Le Mali n’avait pas connu un tel recul des libertés depuis Moussa Traoré »

Selon les autorités maliennes, certains cas de violations des droits de l’homme rapportés par l’ONU ont été vérifiés sur la base de « documents publiés par des organisations étatiques et non étatiques » et d’entretiens menés à distance. Cette méthode « amène à poser la question de la crédibilité de toutes les informations recueillies dans ces conditions », estime Bamako.

Blocage des investigations de la Minusma

« D’une manière générale, 2 001 personnes ont été affectées par les actes de violence en 2022 (1 277 tués, 372 enlevés/disparus et 352 blessés) », a précisé l’ONU. Les groupes jihadistes sont les principaux responsables des violences, avec 56% des violations enregistrées.

Mais selon l’ONU, « 694 violations des droits de l’homme, soit 35% du nombre total de violations, sont imputables » aussi à des éléments des Forces de défense et de sécurité (FDS), « quelquefois accompagnés par du personnel militaire étranger ». Ces données n’incluent pas les violations commises à Moura où, selon l’ONG Human Rights Watch, 300 civils ont été massacrés à la fin de mars 2022 par des soldats maliens associés à des combattants étrangers, peut-être russes. L’armée malienne a démenti, revendiquant l’élimination de plus de 200 jihadistes.

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Le régime de Bamako s’est tourné en 2022 vers la Russie, des « instructeurs », selon la junte – des mercenaires du groupe Wagner impliqués dans de multiples exactions, selon plusieurs pays occidentaux. Bamako fait en outre ouvertement barrage aux investigations de la Minusma sur les droits humains, et a expulsé en février le chef de la division des droits de l’Homme de la mission de l’ONU.

(Avec AFP)

Au Niger, l’armée affirme avoir tué 79 terroristes près du Mali

Cette opération de ratissage a conduit l’armée nigérienne jusqu’à la zone de Hamakat, au Mali voisin, lieu de refuge du responsable présumé de l’embuscade d’Intagamey, durant laquelle au moins 17 soldats nigériens ont été tués en février.

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 25 mars 2023 à 11:36
 
 
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Des militaires nigériens dans le sud-ouest du pays, le 11 septembre 2021. © Photo by BOUREIMA HAMA / AFP

 

L’armée nigérienne a affirmé avoir tué la semaine dernière 79 « terroristes » lors d’une opération de ratissage dans l’ouest du Niger et jusqu’au Mali voisin, a annoncé vendredi 24 mars le ministère de la Défense. Cette opération a également permis la destruction d’une centaine de motos et de moyens de communication, et de récupérer armes et munitions.

Une poursuite jusqu’au Mali « inédite »

Une poursuite a été engagée après que des éléments de l’opération antijihadiste nigérienne Almahaou ont été pris à partie le 10 mars par un « groupe armé terroriste » dans la zone de Tiloa, située dans le département de Banibangou, frontalier du Mali, selon cette source.

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Cette poursuite, menée par les forces aéroterrestres, a conduit jusqu’à la zone de Hamakat au Mali, lieu de refuge du responsable présumé de l’embuscade du 10 février à Intagamey, également dans le département du Banibangou, a précisé le ministère dans son bulletin hebdomadaire. Au moins 17 soldats nigériens avaient été tués lors de cette embuscade et douze personnes sont portées disparues.

Selon une source sécuritaire, cette poursuite jusqu’en territoire malien est « inédite ». Le ministère ne rapporte pas de victimes parmi les militaires au cours de cette opération. Les rangs de jihadistes tués n’ont pas été précisés.

Coopération

L’embuscade d’Intagamey et la poursuite à Tiloa sont survenues dans l’immense région de Tillabéri, d’une superficie de 100 000 km2, située dans la zone dite « des trois frontières » aux confins du Niger, du Burkina Faso et du Mali.

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Les autorités nigériennes y ont lancé plusieurs vastes opérations notamment près de la frontière avec le Mali pour lutter contre les jihadistes, comme l’opération Almahaou aux côtés de laquelle combattent des soldats français. Début mars, le chef d’état-major des armées du Niger, le général Salifou Mody, a été reçu à Bamako par son homologue malien et par le président de la transition, le colonel Assimi Goïta. Au centre des discussions, « la coopération en matière de sécurité » le long des plus de 800 km de frontière entre les deux pays, selon l’état-major nigérien.

L’armée nigérienne avait déjà affirmé avoir tué la semaine dernière « une vingtaine de terroristes » du groupe Boko Haram et capturé 83 autres combattants présumés, au cours d’une opération à la frontière avec le Nigeria.

Selon elle, cette opération visait à « neutraliser » les bases du groupe Iswap, installées dans la forêt de Matari au Nigeria, d’où sont planifiées des attaques contre des villes et des positions militaires au Niger, selon le bulletin des opérations militaires dans la région de Diffa (Sud-Est).

(Avec AFP)

[Série] De Bouaké à Yamoussoukro, l’autre visage de la Côte d’Ivoire

Loin d’Abidjan qui focalise toute l’attention, Jeune Afrique vous propose une plongée dans le centre de la Côte d’Ivoire. De l’ancienne cité rebelle à la capitale administrative, la région n’a cessé de se transformer ces dernières années.

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 22 mars 2023 à 17:11
 
 
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© Montage JA; Lougué / VALENTIN FLAURAUD/AFP /Cyrille BAH/Anadolu Agency via AFP

 

 

Plus de dix ans après la fin de la crise postélectorale, Bouaké fascine toujours autant. L’immense ville du centre de la Côte d’Ivoire, fief de la rébellion des Forces Nouvelles (FN) entre 2002 et 2011, est source, encore aujourd’hui, de nombreux fantasmes.

Au mitan des années 2010, mise à genoux par une décennie de crises politico-militaires, laminée par les violences, elle fut l’épicentre des soubresauts de l’armée et s’enflamma pour réclamer l’accès à l’eau potable dont elle était privée parfois pendant des mois. Bouaké voulait se faire entendre d’un gouvernement sourd aux revendications et aux appels à l’aide de ses habitants. Ont-ils été entendus ?

Jeune Afrique vous propose une plongée dans cette localité à part, carrefour marchand de l’Afrique de l’Ouest, en perpétuelle expansion, dont personne ne sait véritablement combien elle compte d’habitants. Celle qui fut promue « capitale de la paix » en 2007, après l’accord de Ouagadougou, ne cesse d’attirer de nouveaux habitants dont un grand nombre de ressortissants des pays voisins. Ces dernières années, le gouvernement a consenti d’importants investissements pour la développer, faisant renaître l’espoir d’un nouveau souffle pour cette ville dont les besoins restent colossaux.

Bouaké la sulfureuse, Yamoussoukro l’endormie

Une personnalité politique s’est imposée dans la région ces derniers mois : Amadou Koné. L’ancien directeur de cabinet de Guillaume Soro, cousin d’Amadou Gon Coulibaly, est désormais ministre des Transports d’Alassane Ouattara et considéré comme une des étoiles montantes du parti présidentiel. Un homme discret mais très influent dans le centre du pays, qui sera candidat à la mairie de Bouaké aux prochaines élections municipales prévues à la fin de l’année.

Un peu plus au sud, Yamoussoukro, la capitale administrative ivoirienne qui n’en a que le titre, est, à l’opposé de Bouaké l’effervescente et la sulfureuse, une ville que l’on qualifie souvent d’endormie. Elle n’en est pas moins très convoitée par les partis politiques qui cherchent, à travers elle, à s’octroyer l’héritage de Félix Houphouët-Boigny. Yamoussoukro pourrait-elle basculer dans l’escarcelle du camp présidentiel aux prochaines élections locales ? Si elle s’opère, cette bascule constituerait un petit séisme politique en Côte d’Ivoire.


Retrouvez tous les articles de notre série :

À Bouaké, la mue de l’ancienne cité rebelle de Côte d’Ivoire (1/3)

Amadou Koné, pièce maîtresse d’Alassane Ouattara dans le Centre (2/3)

À Yamoussoukro, une élection capitale (3/3)

Élections locales en Côte d’Ivoire : pourquoi le RHDP tarde à annoncer ses candidats

Le parti présidentiel devait annoncer, fin janvier, la liste complète de ses candidats aux régionales et municipales, prévues à la fin de l’année. Les noms seront finalement connus en avril. Explications.

Mis à jour le 20 mars 2023 à 16:54
 
 
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Le président du directoire du RHDP, Gilbert Koné Kafana. © Facebook Mairie de Yopougon

 

Il faudra patienter encore un peu. Le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), dont on attendait fin janvier la liste complète des candidats aux élections municipales et régionales prévues à la fin de cette année, devrait finalement la dévoiler au mois d’avril. Aucune date n’a cependant été arrêtée.

Selon une source en interne, le parti présidentiel doit d’abord régler certains « litiges ».

Le casse-tête de la Marahoué

C’est, entre autres, le cas dans la région de la Marahoué, dans le centre de la Côte d’Ivoire. L’annonce de la candidature de l’ancien ministre de l’Économie et des Finances, Adama Koné, avait provoqué des remous. Dans les 31 régions et dans certaines des grandes villes du pays, comme Bouaké ou Yamoussoukro, le RHDP avait désigné ses candidats dès le mois de décembre.

À LIREAchi, Bictogo, Sarassoro, Touré… en Côte d’Ivoire, la grande offensive électorale du RHDP

« En cas de départ d’un président de région, Alassane Ouattara souhaitait qu’un ministre en exercice, natif de la région, soit le candidat », précise notre source. Or, Adama Koné, né à Bouaflé, le chef-lieu de la Marahoué, n’est plus ministre depuis 2019. Et après son départ du gouvernement, il avait été nommé administrateur à la Banque africaine de développement (BAD) pour la Côte d’Ivoire, la Guinée et la Guinée équatoriale.

Il pourrait être écarté au profit du ministre de la Promotion de la bonne gouvernance, Épiphane Zoro Bi Balloqui a d’ores et déjà reçu localement de nombreux soutiens.

« Pas de retard, des ajustements »

Le président du directoire du RHDP, Gilbert Koné Kafana, réfute le terme de « retard » et préfère évoquer la nécessité d’« ajustements » et la recherche de candidatures les plus consensuelles possibles. Pour cela, le parti présidentiel doit jongler avec la perspective de candidatures indépendantes, dont il ne veut pas, et des tensions dans certaines localités entre ses barons locaux.

À LIRECôte d’Ivoire : Gilbert Koné Kafana, le « Monsieur Loyal » du RHDP

Le RHDP suit par ailleurs avec attention ses concurrents. Le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) d’Henri Konan Bédié et le Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI) de Laurent Gbagbo n’ont pas encore finalisé leur liste de candidats, mais certains noms circulent déjà, comme ceux de Michel Gbagbo à Yopougon ou de Stéphane Kipré, dans la région du Haut-Sassandra pour le PPA-CI. Le chef de l’État suit tout cela de près.