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Burkina Faso: la situation politique brise l'élan économique

 

 Raaga

 

Sur les marchés, les prix des produits de grande consommation n'ont pas baissé. © AFP/Olympia de Maismont

 

Au Burkina Faso, subissant déjà les conséquences de la crise sécuritaire, les opérateurs économiques font les frais de la récurrence de l’instabilité politique. Depuis le dernier coup d’État de septembre dernier, les activités économiques tournent au ralenti et sont parfois à l’arrêt.

De notre correspondant à Ouagadougou,

Annulation des réservations de certains hôtels, suspension de contrats en cours, les professionnels de la restauration et de l'hôtellerie font les frais de la situation sécuritaire et politique au Burkina Faso.

Ruth Tendano, vice-présidente de l'association des professionnels de l'hôtellerie et de la restauration, en témoigne : 

« Nous-mêmes avions quelques contrats, car il y avait des réunions. Mais cela a été annulé purement et simplement. À quelques jours du coup d'État, ils nous ont fait arrêter. Comme il y a eu un changement, il faut suspendre les choses en attendant de voir. Ce qui ne nous arrange pas, car nous faisons des prévisions en nous disant qu'à la fin du mois, on pourra faire ça ou avoir ça. En tout cas, on essaye de se battre, mais c'est difficile. »

Dans l'attente des clients

Autour du marché central et de la Maison du peuple de la capitale, où de nombreux commerçants ont leurs boutiques, le spectacle est identique. par petits groupes, les commerçants passent la journée dans leurs boutiques, espérant avoir des clients. « On est vraiment touché... Vous remarquerez que le matin à 9 heures, les boutiques sont toujours fermées », indique Seydou Zangré, le président du Réseau des associations de l'économie informelle. « Nous sommes les vraies victimes de l'insécurité et des coups d'État à répétition. Les activités sont carrément ralenties et on ne peut plus honorer nos prêts et nos impôts. Rien ne marche », déplore-t-il.

Sur les marchés, les prix des produits de grande consommation n'ont pas baissé. Au niveau de certaines denrées, ils ont même subi une augmentation depuis le coup de force de recadrage de la transition. « Je suis venue au marché pour acheter des thermos et mettre de la nourriture, mais j'ai trouvé que les prix ont augmenté. Surtout au niveau du riz, de l'huile, tout a augmenté », constate une cliente. « Bon, les prix avaient déjà augmenté avant le coup d'État. Cela n'a pas baissé, mais c'est toujours la même chose. »

Plusieurs évènements économiques ont été également reportés. parmi ces activités, le Salon international de l'artisanat de Ouagadougou, et le forum ouest-africain de développement des entreprises, Africallia. 

 

Business : pourquoi l’Afrique subsaharienne devient incontournable

Londres accueille, les 19 et 20 octobre, les pays francophones du continent pour un Forum sur le commerce et l’investissement. Selon Antoine Huss, de l’Institut Tony Blair, des entreprises britanniques œuvrant dans les secteurs de l’énergie, de la finance, de l’agriculture et des infrastructures manifestent déjà un vif intérêt. 

Mis à jour le 17 octobre 2022 à 15:09
 
Antoine Huss
 

Par Antoine Huss

Directeur régional pour l’Afrique de l’Ouest et l'Afrique centrale francophone à l'Institut Tony Blair

 

business 

 

À l’usine Uniwax, à Abidjan, en 2016. © Issouf Sanogo/AFP

Les investisseurs le savent, l’Afrique subsaharienne est une zone à forte croissance, où les entreprises vont se développer et prospérer au cours de la prochaine décennie. Son potentiel est énorme et son marché de consommateurs issus des classes moyennes est en pleine expansion. Résultat, la diplomatie économique du Royaume-Uni se déploie désormais dans cette région qui n’était pas, pour elle, une cible traditionnelle.

Les marchés africains sont dynamiques. Ils ont tous un impératif : créer des emplois et avoir des retombées socio-économiques significatives afin de satisfaire une jeunesse en plein essor. Pour la plupart des chefs d’État africains, obtenir rapidement de tels résultats tout en adaptant leurs économies à la reconfiguration des chaînes d’approvisionnement mondiales et à la transition énergétique est une tâche ardue.

Innovations

Les avantages concurrentiels de l’Afrique dans plusieurs secteurs clés sont pourtant évidents, le déficit de compétences se réduit et les prises de décision ont été améliorées grâce aux progrès technologiques et à un meilleur leadership. Les gouvernements africains sont désormais mieux placés pour tirer parti de leurs ressources et de leurs marchés, que les investisseurs savent être très rentables.

J’ai eu le privilège de travailler en étroite collaboration avec des décideurs et des entrepreneurs du sud du Sahara pendant près de dix ans. J’ai pu pleinement apprécier les efforts qu’ils ont déployés pour mettre en place un environnement politique favorable, remédier aux lacunes institutionnelles et attirer des investissements stratégiques afin de créer les conditions d’une croissance inclusive.

Ainsi, afin de renforcer les progrès réalisés ces dernières années et de répondre à la crise sanitaire liée au Covid-19, le Togo, premier pays africain à voir son passeport santé reconnu par l’Union européenne, a lancé des projets innovants dans le domaine culturel, dans l’hôtellerie et dans l’immobilier.

Au Sénégal, le secteur de la santé connaît également une profonde modernisation (carte de santé « intelligente » et fabrication de médicaments de classe mondiale). Ces avancées ont pu se produire grâce à un écosystème dynamique, à des partenariats public-privé efficaces et à un impressionnant vivier de talents.

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La Côte d’Ivoire nourrit, elle aussi, de grandes ambitions en matière d’intégration des chaînes de valeur mondiales et, en même temps, donne toutes leurs chances aux entreprises locales. Grâce à l’accès à un coton et à des infrastructures logistiques de qualité, grâce à la proximité des marchés et à l’évolution des tendances mondiales de consommation, le gouvernement a déployé des efforts considérables pour relancer son industrie textile en mettant l’accent sur la durabilité et la traçabilité.

Équité économique

De même, le Gabon mais aussi la RD Congo tirent de mieux en mieux parti des capacités d’absorption du carbone de leur forêt tropicale ainsi que de leur extraordinaire biodiversité pour s’inviter dans les discussions mondiales portant sur le changement climatique. Ce sera le cas à la COP27, qui se tiendra en Égypte en novembre. Cette conférence devrait permettre aux Africains de mieux se faire entendre et de bénéficier de perspectives économiques plus équitables.

Dans la région du Sahel et malgré les difficultés sécuritaires, le secteur bancaire du Burkina Faso est en pleine expansion. Le Niger, lui, mise audacieusement sur la transformation agroalimentaire et sur les énergies renouvelables. Toutes ces actions traduisent la volonté des dirigeants africains de se concentrer sur l’industrialisation, principal moteur de prospérité.

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L’énergie et l’agroalimentaire font ainsi partie de ces secteurs clés dans lesquels on attend du secteur privé qu’il investisse et innove, transformant au passage des vies et s’attaquant à des inégalités à grande échelle. Dans toute la région, les gouvernements, les entreprises et les institutions multilatérales construisent déjà des pools énergétiques intégrés conformes aux normes mondiales, étendent l’accès à l’électricité dans les zones rurales grâce à des solutions hors réseau intelligentes, et transforment les chaînes alimentaires grâce à des zones de transformation spéciales.

Saine concurrence

C’est une immense satisfaction de voir l’Afrique francophone présenter son potentiel et ses atouts à la communauté des investisseurs de Londres. Les responsables de haut rang et les chefs d’entreprise profiteront assurément de cet élan pour accompagner la transformation socio-économique de cette région en plein essor.

Cette démarche n’est pas seulement judicieuse sur le plan des affaires ; elle constitue une étape nécessaire en faveur du développement durable et de la réduction de la pauvreté dans le monde, elle est susceptible d’atténuer les risques d’instabilité politique et le phénomène des migrations forcées. Rien de tel qu’une saine concurrence dans les relations commerciales bilatérales pour aider les pays émergents à marcher vers le progrès.

Sénégal: les dirigeants de l'Asecna se réunissent pour répondre à la grogne des contrôleurs aériens

 

Au Sénégal, une session extraordinaire du comité des ministres de l’Asecna s’est ouverte lundi 17 octobre à Dakar, siège de l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar, qui regroupe 17 pays du continent. Une réunion pour tenter de sortir du bras de fer avec plusieurs syndicats de contrôleurs aériens. Une grève, les 23 et 24 septembre derniers, avait entraîné d’importantes perturbations dans le ciel africain. Les revendications de l’intersyndicale portent notamment sur l’augmentation de la prime de contrôle, ou encore le plan de carrière des contrôleurs. La grève avait été « suspendue », mais reste à résoudre la crise.

Avec notre correspondante à Dakar, Charlotte Idrac

Le siège de l’Asecna a fait salle comble hier. Après une précédente session extraordinaire en visio-conférence au mois d’août, les ministres en charge des transports aériens des pays membres, ou leurs représentants, ont fait le déplacement. 

La grève lancée par une partie des contrôleurs aériens « est une question existentielle pour l’Asecna », « une préoccupation majeure » a reconnu le ministre nigérien des Transports, président en exercice du Comité des ministres de l’agence. « Les perturbations intervenues étaient de nature à compromettre dangereusement la sécurité dans notre espace aérien », a affirmé Oumarou Malam Alma, qui a appelé au retour de la « sérénité sur le plan social ». 

Avant cette réunion, l’Union des syndicats des contrôleurs aériens de l’Asecna à l’origine de la grogne avait lancé un appel au comité des ministres, « les seuls capables aujourd’hui de trouver une solution, face au manque de volonté affiché par le directeur général » de l’agence avait affirmé son responsable François-Paul Gomis, vendredi à Dakar. Si une solution n’est pas trouvée, « les 730 contrôleurs membres » de l’intersyndicale se concerteront à nouveau sur la suite à donner au préavis de grève, selon lui.

 

Guinée : Mamadi Doumbouya et le difficile apprentissage du pouvoir

Le bras de fer se poursuit entre Conakry et la Cedeao, qui a décidé, le 22 septembre, d’imposer des sanctions à la Guinée. Le président de la transition évolue sur une ligne de crête, il le sait, mais reste pour l’instant campé sur ses positions. À quel prix ?

Par  - à Conakry
Mis à jour le 17 octobre 2022 à 16:37
 
 mamadi

 

 

Le colonel Mamadi Doumbouya lors du Conseil des ministres, le 15 septembre 2022. © Présidence de la Guinée

 

Pour la deuxième fois, Mamadi Doumbouya a présidé la fête d’indépendance, le 2 octobre. Si tout se passe conformément au calendrier annoncé par le Conseil national de transition (CNT), il en aura encore deux autres à célébrer en tant que chef de l’État. Il s’est toutefois senti un peu obligé de répéter qu’il n’entendait pas jouer les prolongations. « Les forces de défense et de sécurité et les membres du gouvernement n’ont aucune intention de confisquer le pouvoir », a assuré le militaire, qui a toujours dit à ses interlocuteurs qu’il n’était pas là « pour blaguer avec le pouvoir ».

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Mamadi Doumbouya sait qu’à Conakry – et ailleurs – certains commencent franchement à en douter. Le « bénéfice du doute » qui lui avait été accordé à sa prise de pouvoir lui a été retiré depuis longtemps et, dans la sous-région, la patience de ses pairs semble avoir atteint ses limites. Réunie à huis clos en marge de l’assemblée des Nations unies le 22 septembre, la Cedeao a d’ailleurs décidé d’imposer à la Guinée un régime de sanctions graduelles : rappel des ambassadeurs accrédités à Conakry, suspension de « toute assistance en transaction financière » et sanctions individuelles ciblées.

Contre les « diktats »

Selon nos informations, aucune de ces sanctions n’est encore entrée en vigueur. La Guinée a jusqu’au 22 octobre pour revenir à « une durée de transition raisonnable et acceptable », c’est-à-dire inférieure aux trois ans jusque-là annoncés. Dans l’entourage présidentiel, on semble déterminé à ne pas subir les « diktats » de la communauté régionale, qualifiés de « diversion ». Mamadi Doumbouya et ses proches sont convaincus d’avoir « des affaires plus urgentes à gérer ».

Peu disposé à se laisser intimider, le colonel continue donc sa course au pas de charge pour refonder l’État guinéen. À la tête des Forces spéciales depuis 2018, le président de la transition s’agace de voir qu’un pays ne se dirige pas comme une troupe. À Mohamed Béavogui, fonctionnaire expérimenté qui a fait carrière aux Nations unies initialement choisi pour la primature, il a finalement préféré Bernard Goumou, un comptable issu du privé, choisi pour sa discipline et sa capacité à faire du chiffre.

ILS SONT PEUT ÊTRE DE BONNE FOI, MAIS ILS VONT DROIT DANS LE MUR

Ses équipes civiles ont elles aussi pris le pli. Désormais, toutes ne jurent que par l’EFR, l’« effet final recherché ». La formule, empruntée au vocabulaire de l’armée, illustre cette volonté de Mamadi Doumbouya de produire du résultat visible, le plus vite possible. Sur les ruines de l’ancien domicile de l’opposant Cellou Dalein Diallo, qu’il a fait raser sans sommation, il a déjà fait construire une école. Dans la cité ministérielle de Conakry, les constructions fleurissent sur les terrains appartenant à l’État que le colonel a récupérés. Et tant pis pour ceux que cela dérange. Si on devait trouver un équivalent civil à l’EFR, ce serait peut-être ce vieil adage qui dit que l’on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs.

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« Ils sont peut être de bonne foi, mais ils vont droit dans le mur, tranche un ancien responsable de l’administration de l’ex-président Alpha Condé. Ils manquent de vision géostratégique. » Il en veut pour preuve les vives réactions provoquées par le communiqué virulent de Bernard Goumou contre le Bissau-Guinéen Umaro Sissoco Embaló, qui assure la présidence tournante de la Cedeao. « La France et l’Occident ont tout à perdre à s’ingérer dans les affaires guinéennes et vont forcément s’aligner derrière la Cedeao », poursuit-il.

La France embarrassée

Les relations entre la France et la Guinée ont beau s’être renforcées depuis le départ d’Alpha Condé du pouvoir, Paris observe sans nul doute d’un œil anxieux les derniers développements à Conkary. Si l’ancienne puissance colonisatrice se félicite évidemment du « rééquilibrage vers l’Ouest » du président-colonel, le virage autoritaire opéré par le Comité national de rassemblement pour le développement (CNRD) inquiète.

« Doumbouya cherche à endiguer la puissance des Turcs, des Chinois et des Russes, qui ont largement bénéficié des années Condé, observe une source occidentale à Conakry. Il ne supporte pas que le pays soit un casino à ciel ouvert et ne rate pas une occasion de les remettre à leur place. » Pour preuve, le bras de fer qui a opposé le président et les exploitants de la mine de fer de Simandou – finalement remporté par Doumbouya.

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Depuis sa prise de pouvoir, l’ancien légionnaire, que certains appellent « le Français », a fait de son deuxième pays une puissance pivot. Côté sécuritaire, il compte sur Paris pour renforcer sa défense et sécuriser ses frontières, dans un contexte de menace terroriste croissante. Une « coopération militaire perlée » a d’ailleurs rapidement repris après le coup d’État, même si certaines des formations dispensées par les Français auraient été mises sur pause depuis le 22 septembre dernier. « Doumbouya surjoue son lien avec les forces armées françaises, son lien de cœur, mais ne maîtrise peut-être pas le cynisme de la diplomatie française. Il a peut-être l’intime conviction que ses amis ‘milis’ français vont le soutenir, mais en France, ce ne sont pas les militaires qui décident », ajoute l’interlocuteur cité plus haut.

« Pour nous, c’est difficile de travailler sans cadre, cela pose forcément des questions sur [les] intentions [de Mamadi Doumbouya], précise une source diplomatique européenne. L’absence de chronogramme, la répression des manifestations, la convocation de certains journalistes… Tout cela suscite la défiance. Il faut maintenant que l’on passe à la vitesse supérieure. Il y a de l’argent qui rentre dans les caisses, c’est vrai, et une redéfinition des contrats au bénéfice de la Guinée. Mais à part cela, on a beaucoup de promesses, et peu d’actions concrètes. »

La « vérité » du président

Mamadi Doumbouya a-t-il l’intention de sortir de ce « clair-obscur » dans lequel il a plongé la Guinée ? Le colonel sait qu’il peut compter sur le soutien de son homologue malien, Assimi Goïta, à qui il a réservé sa première sortie officielle en septembre. Lors des cérémonies du 2 octobre à Conakry, c’était au tour du Premier ministre malien, Abdoulaye Maïga, accompagné d’une importante délégation, d’être l’invité d’honneur. Entre le soutien malien, les revenus assurés par les mines, l’accès direct à la mer et le fait que la Guinée n’appartienne pas à la zone UEMOA, le président veut se croire à l’abri des retombées négatives d’éventuelles sanctions de la Cedeao.

C’EST UN TYPE BIEN, QUI N’AVAIT PAS FORCÉMENT MESURÉ LA DIFFICULTÉ DE LA TÂCHE

« Sa fierté militaire met la Guinée dans un corner, glisse une source à Conakry qui échange fréquemment avec le président. C’est un type bien, qui n’avait pas forcément mesuré la difficulté de la tâche. Il faut avoir un peu pitié de lui. » Qu’il l’ait prévu ou pas, cet homme que tous décrivent comme « entier », qui se réclame du Ghanéen Jerry Rawlings ou du Burkinabè Thomas Sankara, semble persuadé du bien-fondé de sa mission. « Il a beau être terre-à-terre, il a aussi une dimension mystique, une foi dans ce qu’il appelle la vérité. »

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La classe politique, elle, se plaint de n’être que peu associée à cette « vérité » présidentielle – en témoigne le boycott, par les principaux partis, du dialogue national dirigé par le Premier ministre. « Il aurait adopté une position plus démocratique et inclusive, il n’aurait pas rencontré une opposition si frontale. Il est désormais confronté à un problème de construction technique de ce qu’il veut réaliser. Mais il passe tellement de temps à se protéger qu’il n’a plus le temps pour gouverner », lâche un responsable du Rassemblement pour la Guinée (RPG, le parti d’Alpha Condé).

« Les choses dont on doit discuter, ce sont les étapes nécessaires à la conduite des élections : nouvelle Constitution, réforme du code électoral, choix des organes chargés de la gestion des élections, assainissement du fichier électoral… Tout cela devrait permettre d’établir un chronogramme et peut se faire en quinze mois, pas en trente-six », ajoute Fodé Oussou Fofana, le vice-président de l’Union des forces démocratique de Guinée (UFDG).

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Le parti de Cellou Dalein Diallo et ses alliés demandent également des « garanties » pour le retour des leaders politiques qui ont quitté le pays. « Si Cellou rentre et que Mamadi Doumbouya s’amuse à l’arrêter, ce sera la guerre civile », prévient le responsable du RPG. Une remarque qui fait écho à l’analyse d’un chercheur guinéen qui a requis l’anonymat : « Pour l’instant, les choses restent sous contrôle. Le pays est calme. Mais en période d’élections, il devient intenable. C’est pour cela que Doumbouya les repousse au maximum. »

Tchad: Saleh Kebzabo nommé Premier ministre

 

Les adversaires d'hier peuvent être les alliés d'aujourd'hui. En témoigne la nomination au Tchad au poste de Premier ministre de l'opposant historique Saleh Kebzabo.  Après la fin du Dialogue national inclusif et l’investiture du président de transition, il fallait nommer un Premier ministre et c’est sur un vieux routier de la politique tchadienne que Mahamat Idriss Déby a porté son choix. 

 

Avec notre correspondant à NdjamenaMadjiasra Nako

Saleh Kebzabo est un des premiers soutiens de Mahamat Idriss Déby Itno. À la mort d’Idriss Déby Itno en avril 2021, quand l’armée annonce la mise en place d’un Conseil militaire de transition, le président de l’Union nationale pour la démocratie et le renouveau annonce qu’il soutient le nouveau régime et va accompagner la transition. 

Un « vieux renard » de la politique

Un choix diversement apprécié même dans son propre camp. Mais le « vieux renard », qui a fait de la politique sous tous les régimes depuis les indépendances, ne change pas de cap. Il envoie ses militants au gouvernement et, de bonnes sources, il était devenu ces derniers mois un des principaux conseillers du président de transition.   

Ayant des connexions à l’international, Saleh Kebzabo a, non seulement, été choisi pour son carnet d’adresse bien fourni mais aussi pour son expérience de la politique tchadienne. Deux atouts qui lui permettront certainement de trouver réponse aux sanctions que le Tchad se prépare à affronter pour ne pas avoir suivi les recommandations de l'Union africaine concernant la charte de transition et l'eligibilité des dirigeants de la transition. 

Nommé vice-président du comité d’organisation du dialogue, il a passé cinq mois à Doha pour négocier la participation des rebelles au Dialogue national inclusif et souverain au cours duquel il a été un des grands défenseurs de mouvements politico-militaires. 

Ironie de l’histoire, ce mercredi après-midi, c’est Gali Ngothé Gatta, l’un de ceux qui l’ont critiqué il y a 18 mois quand il a décidé de soutenir le régime de transition et qui vient d’être nommé secrétaire général de la présidence qui a lu le décret le nommant Premier ministre. 

Saleh Kebzabo, ancien journaliste, est âgé de 75 ans. Il s'est présenté à quatre reprises à la présidentielle face au défunt président Idriss Déby.

Une nomination sans surprise

La nomination de Saleh Kebzabo a rapidement fait réagir les partis politiques, qui se disent globalement peu surpris par ce choix, qu'ils soient pour ou contre. Le MPS, parti de l'ex-président Idriss Déby dont Saleh Kebzabo a été l'opposant historique, valide cette décision. Les adversaires d’hier peuvent être les alliés d’aujourd’hui, estime Jean-Bernard Padaré, le porte-parole du Mouvement patriotique du salut. Saleh Kebzabo est-il récompensé de son ralliement et de ses efforts pendant 18 mois au sein de la transition ? « Je pense qu'il a été réaliste », rétorque-t-il.

« Lui comme nous, avons compris que nous devons faire taire nos querelles intestines pour nous retrousser les manches et ensemble sauver ce pays qui risquait d'être en dérive et donc, pour nous, ce choix ne nous choque pas du tout, poursuit le responsable du MPS. Nous savions que le choix le plus normal serait le choix du président de l’UNDR comme chef du gouvernement et donc ça nous conforte dans notre position que les Tchadiens ont résolument pris la décision de construire un Tchad nouveau pour la jeunesse, qui n'attend que cela. »

En revanche, pour l’opposant Succès Masra, chef du parti des Transformateurs, Saleh Kebazbo, comme d’autres avant lui, n’est là que pour prolonger un système. Il estime que le peuple, au contraire, a soif de rupture et de changement. « Je crois qu'il n’y a, pour de nombreux observateurs et surtout pour le peuple tchadien, pas beaucoup de surprises. Parce que tout ça s'inscrit dans un mécanisme global d’accompagnateurs chevronnés, reconnus et qui ont permis de consolider ce système depuis des décennies. »

Succès Masra prévient que « mettre fin à cela » va être son « combat ». « L'écrasante majorité des Tchadiens a 25 ans, il y a dans ce paysage des gens qui ont servi comme ça pendant des décennies. Nous voulons arrêter avec ce système-là et faire en sorte que nous ayons un nouveau départ basé sur la véritable démocratie, basée sur l'égalité et la justice. Et je crois que les Tchadiens ont fait leur choix de ce côté-là. » 

L’opposant Brice Mbaimon Guedmbaye, qui a participé au dialogue, souligne quant à lui que le nouveau Premier ministre à de nombreux défis à relever. À commencer par rallier les groupes politico-militaires et les partis politiques qui ont refusé le dialogue. Sans quoi, selon lui, la transition sera un échec.

La transition ne réussira pas si les politico-militaires qui sont restés dehors et si les partis politiques qui refusent d’y prendre part ne viennent pas s’associer et s’approprier les conclusions du Dialogue pour qu’on aille de l’avant.

Brice Mbaimon Guedmbaye, opposant tchadien

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