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Afrique – Russie : pourquoi les Africains n’ont pas peur de Poutine, par François Soudan

Aux yeux des Africains, la guerre en Ukraine n’est pas une guerre pour des valeurs, valeurs que du reste tout le monde a violées. Ce n’est tout simplement pas leur guerre.

Mis à jour le 31 octobre 2022 à 08:15
 
François Soudan
 

Par François Soudan

Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.

 

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© Vincent Fournier/Ja

 

 

ÉDITORIAL  

Inaugurée par Leonid Brejnev en personne, qui y reçut à déjeuner Valéry Giscard d’Estaing à la grande époque de l’amitié franco-soviétique, l’ambassade de la Fédération de Russie à Paris est un exemple type de l’architecture post-stalinienne des années 1970 : fonctionnelle, massive et brutaliste. En cette matinée d’octobre 2022, huitième mois de l’invasion de l’Ukraine, le cordon de policiers français qui l’entoure, filtre les accès et assure la surveillance anti-drones du bâtiment lui donne une allure de forteresse assiégée.

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La France et la Russie ne sont pas en guerre, mais on en perçoit les prémices dans les couloirs sombres du rez-de-chaussée et la mine grave des deux diplomates qui, à leur demande, reçoivent Jeune Afrique pour ce qu’on appelle un briefing off, une rencontre d’où ne peut filtrer que ce que les journalistes sont en mesure – à leurs risques et périls – de restituer. Alexander Makogonov, porte-parole, et Ilya Tikhonov, secrétaire chargé de l’Afrique, sont jeunes, policés et parfaitement francophones. Leur objectif est d’assurer le service après-vente d’une tribune signée Oleg Ozerov, cheville ouvrière du prochain sommet Russie-Afrique, prévu en principe pour la mi-2023, ce qu’ils font, il faut le reconnaître, avec un certain talent et juste ce qu’il faut de conviction pour ne pas apparaître comme de simples propagandistes.

« Nous n’obligeons pas les Africains à choisir un camp »

Élément de langage clé de nos deux interlocuteurs : la France n’est pas notre ennemie, même si elle se comporte comme telle, « nous ne demandons pas aux Africains de couper leurs relations avec Paris, nous ne leur disons pas : “Soutenez notre opération spéciale en Ukraine ou nous allons vous punir.” Cette posture de chantage, nous la laissons aux Occidentaux, qui en usent systématiquement. Nous n’obligeons pas les Africains à choisir un camp contre l’autre, même s’ils doivent savoir que nous sommes dans le même camp qu’eux ».

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Diffusée auprès de plusieurs médias du continent et intitulée « L’Afrique a son droit souverain de choisir ses partenaires », la tribune de l’ambassadeur Ozerov prétend démontrer que le système coercitif appliqué aujourd’hui à la Russie par les Américains et les Européens est prêt à servir à l’encontre de tout pays du continent rétif à l’absorption des standards de gouvernance et d’alignement décrétés par l’Occident. Blocage des systèmes de paiement et des chaînes logistiques, gel des avoirs financiers des dirigeants, « agenda vert imposé » afin d’empêcher l’Afrique de « créer une base énergétique solide pour l’électrification et l’industrialisation » – avec à titre d’exemple cette « hypocrisie » qu’est l’exigence d’un arrêt de la construction de l’oléoduc est-africain –, interventions militaires en Libye, en Centrafrique et au Mali qui ont « fait preuve de défaillance complète », et même, le terrain culturel et religieux n’étant pas à négliger, injonction d’adhérer à « la saga du genre, avec renonciation à la division naturelle des sexes ».

Citation de Frantz Fanon à l’appui sur les souffrances que l’Europe, qui jamais ne cessa de parler de l’homme, a infligées à l’humanité, Ozerov conclut son « oped » sur cette phrase : « Un demi-siècle plus tard, nous voilà revenus à la lutte postcoloniale qui prend aujourd’hui un essor global. »

Financements ? Quels financements ?

Réquisitoire, certes, mais contenu dans les limites d’un langage diplomatique qui n’a que peu de chose à voir avec l’exercice de bazooka oratoire auquel s’est livré le Premier ministre malien à la tribune de l’ONU, le 24 septembre. D’ailleurs, à en croire nos deux diplomates, les ambassadeurs russes sur le continent ont reçu pour consigne d’entretenir des relations courtoises avec leurs homologues français (alors que ces derniers ont, eux, été priés d’éviter tout contact).

Lorsque l’incontournable sujet du groupe mercenaire Wagner est abordé, la réponse est toute prête : il s’agit là d’une société de sécurité privée à l’exemple de l’américaine Blackwater, dont les méthodes opératoires ont été critiquées par le ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, en personne. Son fondateur, Evgueni Prigojine, « ne représente pas le Kremlin », pas plus que l’idéologue Pavel Douguine, l’un des inspirateurs du narratif anti-français des influenceurs afro-nationalistes. Quant aux soupçons de financement des propagandistes du Net qui relaient avec zèle le narratif russe sur l’Ukraine et des ONG dont les membres agitent le drapeau tricolore du tsar Pierre le Grand lors des manifestations à Bamako, Ouagadougou, Dakar, Bangui, N’Djamena, Goma ou ailleurs, ils sont balayés d’un revers de main : « Nos ambassades n’ont aucun budget pour financer qui que ce soit, et c’est faire preuve de mépris à l’égard des Africains que de croire que leurs convictions s’achètent. »

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L’argument est d’autant plus habile qu’en dehors de classiques invitations tous frais payés, au sommet de Sotchi en 2019 ou au Forum « Russie-Afrique et maintenant ? », organisé le 24 octobre à Moscou sous la présidence du « Monsieur Afrique et Moyen-Orient » de Vladimir Poutine, Mikhaïl Bogdanov, aucune preuve de financement russe direct d’activistes francophobes n’a été présentée à ce jour par les services français, qui, on l’imagine, les recherchent activement. Ce qui permet aux diplomates de la Fédération en poste sur le continent de maintenir une ligne parfaitement légitimiste envers les pouvoirs en place, quels qu’ils soient, tout en laissant leurs partisans locaux s’en prendre avec virulence aux chefs d’État jugés « pro-français », tels Alassane Ouattara, Mohamed Bazoum, Macky Sall, Patrice Talon, Mahamat Idriss Déby Itno ou Embaló Sissako.

Stratégie low cost

Argent russe ou pas, la stratégie d’influence de Moscou sur le continent est en réalité une stratégie low cost, à peu de frais, puisque, face à une France tétanisée par la hantise d’être sans cesse rattrapée par son passé colonial, elle se contente d’exploiter et d’exacerber des ressentiments et des divisions bien antérieurs à l’invasion de l’Ukraine. Avec pour munitions une jeunesse déboussolée, sans travail, prête à risquer sa vie sur les chemins hasardeux de l’émigration, sensible aux sirènes du complotisme, du racialisme et de la xénophobie, le tout sur fond de cette « atonie intellectuelle » assourdissante des réseaux sociaux pointée par Achille Mbembe.

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Stratégie low cost, mais payante, si l’on se réfère à la résilience de l’image plutôt flatteuse de la Russie en Afrique, relevée sondage après sondage. Une Russie qui, aux yeux de beaucoup d’Africains, a été du bon côté de l’Histoire lors des luttes de libération, avant de former dans ses universités des dizaines de milliers de cadres du continent. Une Russie qui, à l’instar de la Chine, sait entretenir le mythe de son innocence impériale, elle qui n’a jamais colonisé le Sud et ne fut qu’observatrice à la Conférence de Berlin. Une Russie issue de la matrice de l’Union soviétique, laquelle englobait l’Ukraine, que nombre d’Africains connaissent peu et qu’ils ont découverte en mars avec les images traumatisantes de leurs compatriotes étudiants en fuite, triés au faciès aux frontières de l’Union européenne et condamnés depuis à une vie d’errance.

Poutine, ou une revanche par procuration

Et puis il y a Poutine, le néo-tsar, que les dirigeants ne sont pas rares à admirer secrètement comme une sorte de revanche par procuration, eux qui sont contraints par la loi des rapports de force d’ingurgiter quotidiennement des leçons de bonne gouvernance de la part des Occidentaux. Tout cela, joint à l’éternel sentiment du deux poids, deux mesures, explique pourquoi, en dépit de l’acharnement d’un Joe Biden, d’un Emmanuel Macron, d’un Antonio Guterres ou d’une Ursula von der Leyen pour leur expliquer le contraire, la Russie et son maître ne sont pas perçus comme des menaces par la majorité des Africains. La guerre en Ukraine n’est pas à leurs yeux une guerre pour des valeurs, valeurs que tout le monde a violées, ce n’est pas leur guerre, et Poutine ne leur fait pas peur.

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Pour autant, les chefs d’État africains ne sont pas naïfs. Si, à l’ONU, nombre d’entre eux s’abstiennent toujours de condamner la Russie, ce n’est pas parce qu’ils avalent les yeux fermés le wording du Kremlin sur la pseudo-nazification de l’Ukraine et « l’agression coloniale » de l’Otan, mais parce qu’ils sont dépendants des céréales, des engrais, du pétrole et des armes russes.

Qu’on le veuille ou non, le discours souverainiste distillé depuis Moscou et Pékin selon lequel une poignée de démocraties occidentales, dont d’anciens pouvoirs coloniaux, ont détourné à leur profit l’ordre international pour promouvoir leurs propres critères comme unique forme de bonne gouvernance est loin de les laisser insensibles, en particulier ceux d’entre eux qui estiment que les problématiques de droits de l’homme doivent être évacuées des relations entre États. Pour le reste, tant qu’il y aura un Josep Borrell, haut-représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères, pour oser dire, c’était le 13 octobre à Bruges, que l’Europe est « un jardin » menacé d’« invasion » par cette « jungle qu’est le reste du monde », Poutine et son cuisinier Prigojine n’auront guère d’efforts à fournir pour que les drapeaux russes flottent dans le ciel d’Afrique.

Burkina Faso: pour faire face à la menace terroriste, l'armée recrute 50 000 volontaires

 
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Les forces armées burkinabè lancent la mobilisation populaire pour faire face aux groupes armés terroristes. Un recrutement de 35 000 volontaires pour le compte des communes du pays et de 15 000 volontaires pour la brigade de veille et de défense patriotique est en cours. Des volontaires qui seront formés et mis à contribution dans le cadre la lutte antiterroriste. La création de cette brigade avait été décidée au cours d’un Conseil supérieur de la défense sous l’ancien président, le lieutenant-colonel Paul Henri Damiba. Ses missions : la coordination opérationnelle de la défense civile du territoire, la contribution à la recherche du renseignement et la défense de certaines parties du territoire en cas de nécessité.

avec notre correspondant à Ouagadougou, Yaya Boudani

L'armée burkinabè a besoin de renforts, notamment pour la brigade de veille et de défense patriotique, dont la création avait été décidée lors d'un Conseil supérieur de défense sous l'ancien président, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba. Ses missions : la coordination opérationnelle de la défense civile du territoire, la contribution à la recherche du renseignement et la défense de certaines parties du territoire en cas de nécessité.

Dans le processus entamé, est prévu le recrutement de 35 000 volontaires, soit 100 personnes par commune du Burkina Faso. Ces volontaires auront pour mission la protection des personnes et des biens de leurs communes d’origine aux côtés des forces armées.

En plus de ces supplétifs civils pour le compte des communes, le commandant de la brigade de veille et de défense patriotique recherche 15 000 autres volontaires dans le cadre de la mobilisation populaire pour la défense du territoire contre le terrorisme.

Cette opération s’adresse à tous les Burkinabé âgés d’au moins 18 ans. Tous les aspirants doivent être des patriotes et de bonne moralité, et être physiquement et psychologiquement aptes selon la note. Les candidats retenus suivront une formation militaire et civique.

Ces volontaires viennent s’ajouter au recrutement exceptionnel de 6 000 jeunes pour le compte des forces armées, « ce qui permettra une meilleure occupation du territoire national », selon une source proche de l’état-major des armées.

Les recrues seront envoyées, après leur formation, sur le terrain de la lutte antiterroriste. Les volontaires prendront part aux opérations militaires sur le territoire national, selon le colonel Boukaré Zoungrana, commandant de la brigade de veille et de défense patriotique.

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États-Unis-Afrique : cinq questions pour comprendre l’influence de la MCC

Peu connue du grand public, Millenium Challenge Corporation est l’une des plus puissantes institutions de financement du développement. Plus de 60% de ses dons reviennent à l’Afrique.

Mis à jour le 25 octobre 2022 à 14:46
 
 
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LE DÉCRYPTAGE DE JA – Une opération inédite et un « gros chèque ». À la fin de septembre, la Millenium Challenge Corporation (MCC), une institution publique américaine d’aide au développement, a approuvé son premier « Compact » [accord de don] régional.

D’un montant de 504 millions de dollars, ce don vise à « réduire les coûts du transports sur le corridor allant du Port de Cotonou, au Bénin, à Niamey, la capitale du Niger », s’est réjouie l’agence que dirige Alice Albright, ex-dirigeante de l’Alliance du vaccin (Gavi) et du Partenariat mondial pour l’éducation.

Moins célèbre que sa plus ancienne consœur, l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), créée en 1961, MCC est également nettement moins bien dotée. Son budget annuel oscille autour de 900 millions de dollars. Par contraste, l’administration Biden a requis un budget de 29,4 milliards de dollars pour l’USAID au titre de l’année fiscale 2023 (octobre 2022-septembre 2023).

Bien qu’ayant un mandat beaucoup plus restreint qu’USAID (à titre d’exemple, 22% de son budget est destiné à l’assistance humanitaire), MCC occupe une place à part dans le dispositif de la coopération américaine. Elle finance en effet des projets précis aux coûts élevés, et conditionne son aide à la mise en œuvre de réformes de fond. Explications.

1 – En quoi MCC diffère-t-elle des autres institutions américaines d’aide au développement ?

Si le bilan de la présidence de George W. Bush en matière de politique étrangère reste marqué par la seconde guerre d’Irak, deux initiatives majeures sont considérées comme une réussite.

La première est PEPFAR, un programme d’aide d’urgence contre le VIH, qui permet aux séropositifs d’accéder à des traitements. Depuis sa création, en 2003, le PEPFAR a investi plus de 100 milliards de dollars dans la lutte contre le VIH, sauvant « plus de 20 millions de vies et prévenant des millions d’infections », selon le gouvernement américain.

La seconde initiative est la Millennium Challenge Corporation. Créée en 2004, la MCC a pour mission de « réduire la pauvreté grâce à la croissance économique, sans être encombrée par une multitude d’objectifs sectoriels », note l’analyste Nick M. Brown, du Service de recherche au Congrès des États-Unis.

Si l’USAID est, pour l’essentiel, un prolongement du département d’État, la MCC dispose d’une plus grande indépendance et sélectionne ses bénéficiaires à travers un processus aussi long que complexe. Ce dernier prend en compte le respect de « normes minimales, issues d’une gouvernance honnête et compétente », mais aussi l’ouverture de l’économie au secteur privé et le « sérieux des efforts » réalisés par les gouvernements pour répondre « aux besoins en matière de santé, d’éducation et autres besoins fondamentaux des populations », résume Carol J. Lancaster, du Centre for Global Development, dans son ouvrage L’aide étrangère de George Bush : Transformation ou chaos ?.

Par ailleurs, la MCC, à l’instar de DFC, autre bras armé de la diplomatie économique américaine, peut accorder des financements aux montants très élevés. Et, à la différence de cette dernière, la « Corporation » n’accorde que des dons et non des prêts. Elle n’exige pas non plus que le récipiendaire soit une structure enregistrée aux États-Unis.

2- Comment sont sélectionnés les pays et les projets ?

Deux processus clés déterminent quels seront les États et les projets éligibles aux dons de la MCC. Premièrement, les pays à revenus faibles et à revenus moyens-inférieurs sont évalués selon vingt critères, eux-mêmes groupés en trois catégories : « bonne gouvernance » (6 indicateurs), « liberté économique » (8 indicateurs) et « investissement dans le capital humain » (6 indicateurs). Parmi les critères utilisés figurent divers indices de lutte contre la corruption et de protection des droits civiques, les taux de vaccination des enfants et d’accès à l’éducation primaire, ainsi que la promotion de l’entrepreneuriat et du commerce international.

Deuxièmement, sur la base de leurs scores dans ces catégories, les pays cibles sont invités à réaliser un « diagnostic de croissance », censé identifier les principaux obstacles à une croissance tirée par le secteur privé, puis à proposer un programme permettant de lever spécifiquement un ou plusieurs de ces obstacles. C’est à partir de ce programme qu’un accord de don (« Compact Agreement ») est signé.

Les programmes de la MCC ont en outre la particularité d’être dirigés directement sur place par une structure locale, le Millenium Challenge Account, mise sur pied par les autorités nationales. Souvent présidée par un ministre de haut rang ou par un haut cadre de l’administration publique, cette structure est dirigée par une personnalité expérimentée et indépendante, sous la supervision de la MCC, qui approuve chaque financement pour chacune des étapes du projet.

En laissant aux pays bénéficiaires le choix de proposer leurs programmes, l’institution parie sur une plus grande implication (« buy-in ») de ces derniers. Les « Compacts » ont une durée de cinq ans maximum et ciblent un taux de rentabilité d’au moins 10%, généralement atteint, estime Nick M. Brown.

3 – Pourquoi parle-t-on d’un « effet MCC » ?

En raison des montants importants des dons (350 millions de dollars en moyenne), les futurs bénéficiaires sont prêts à engager des réformes majeures pour être éligibles. La plupart du temps, ces réformes portent sur la lutte anticorruption, la traçabilité des dépenses publiques, la transparence des procédures de passation de contrats et l’accès des enfants à la santé.

Les effets vertueux de cette course à l’excellence  vont parfois au-delà du programme et sont qualifiés « d’effet MCC ». « Ces subventions de très grande qualité, planifiées et qui n’alourdissent pas le fardeau de la dette des pays, sont un outil puissant pour les États-Unis », explique Alice Albright.

« La Côte d’Ivoire a réussi à améliorer de manière significative ses performances sur les indicateurs de la MCC, passant de 5 à 14 (sur 20) entre 2011 et 2016, résultat couronné par l’approbation de son premier programme Compact. Il s’agit de l’une des améliorations les plus rapides et les plus marquantes réalisées par la MCC, qui désigne désormais la Côte d’Ivoire comme un “pays à effet MCC” « , s’était félicité le président Alassane Ouattara, en novembre 2017.

Ce premier « Compact » avec Abidjan porte sur un don de 524 millions de dollars, destiné à financer la création d’établissements d’enseignement secondaire et professionnel, ainsi que la réhabilitation d’infrastructures routières dans la capitale économique.

4 – Quels pays africains bénéficient des dons de la « Corporation » ?

Depuis 2004, la MCC a approuvé 15 milliards de dollars de dons par le biais de ses « Compacts » (14 milliards environ) et de ses « programmes de seuil ». Ces derniers, d’une durée de un à deux ans, accompagnent les pays dans l’amélioration de leur gouvernance et de leur score d’éligibilité aux « Compacts ».

À la fin de septembre 2021 (derniers chiffres consolidés), les « Compacts » signés et achevés représentaient un montant de 9,3 milliards de dollars, le reliquat portant sur des programmes en cours. Environ 25% des financements sont allés aux infrastructures de transport, 19% à l’énergie, 15% à l’agriculture, 13% à l’éducation et la santé, et 10% à l’eau et à l’assainissement. L’Afrique subsaharienne reçoit plus de 60% des dons.

Plusieurs pays africains figurent en effet parmi les « bons élèves » de la MCC. Au premier rang d’entre eux, le Maroc, qui a reçu, à date, les plus fortes subventions : 650 millions de dollars pour le premier programme (signé en août 2007) et 460,5 millions pour le deuxième (en vigueur depuis 2019, prorogé jusqu’en mars 2023 en raison de la pandémie de Covid-19).

Le Bénin est aussi l’un des pays favoris de l’institution, qui lui a accordé trois financements : 302 millions de dollars (2006), 391 millions (2015) et 202 millions dans le cadre du Compact régional avec le Niger.

Le Sénégal a obtenu deux financements de la MCC pour 540 millions de dollars (2010-2015) et 550 millions (2021-2026).

5 – Pourquoi certains États africains ont-ils été sanctionnés ?

De par ses statuts, la MCC est relativement indépendante des revirements de la politique étrangère des États-Unis et des interférences du département d’État et du Secrétariat au Trésor. Son Conseil d’administration est, certes, présidé par le ministre des Affaires étrangères et coprésidé par le ministre des Finances, mais quatre de ses neuf membres sont des représentants du secteur privé.

L’institution américaine peut néanmoins sanctionner les pays admis à ses programmes lorsque ceux-ci « violent les critères de performance », rappelle Nick M. Brown. Cela peut aller d’un relâchement dans la lutte contre la corruption à des coups d’État. Ainsi, la MCC a mis un terme à ses Compacts à Madagascar (2009) et au Mali (2012) après les putschs survenus chez eux. Les « programmes de seuil » avec le Niger (2009) et la Mauritanie ont subi le même sort.

Le Burkina Faso est l’un des États les plus pénalisés. Après avoir bénéficié d’un « programme de seuil » (12,9 millions de dollars, entre 2005 et 2008), puis d’un « Compact » de 481 millions, signé en 2008, le pays avait obtenu un deuxième programme quinquennal de 450 millions de dollars en août 2020. Ce dernier a été suspendu en mars 2022 puis éliminé en septembre en raison des coups d’État. Un « Compact » régional envisagé entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire pour le développement d’une ligne à haute tension entre les deux pays en pâtit également.

Enfin, en juin 2021, la MCC avait approuvé un « Compact » d’environ 500 millions de dollars en faveur de la Tunisie. Ce dernier n’a toujours pas été signé, en raison du coup de force institutionnel du président Kaïs Saïed, en juillet de la même année. La signature de l’accord reste en suspens « jusqu’à ce que la Tunisie retrouve le chemin de la démocratie », a indiqué l’agence américaine.

Inflation : les pays africains où le coût de la vie est le plus élevé

RDC, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Ghana… Aucun pays du continent n’est épargné par la vague d’inflation inédite qui frappe le monde. Dans certains États plus impactés que d’autres, quelles sont les conséquences de la flambée des prix pour les populations ? Décryptage en infographies.

Mis à jour le 21 octobre 2022 à 16:57
  
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© MONTAGE JA : ADOBESTOCK © MONTAGE JA : ADOBESTOCK

 

 

Dans les rues d’Accra, les rideaux des boutiques sont baissés depuis le 19 octobre. Les commerçants protestent contre la flambée du coût de la vie, qui a atteint, au Ghana, 37 % en septembre. Au Sénégal, où le prix des denrées alimentaires a grimpé de 17,3 % au cours du même mois, Macky Sall a décrété, le 15 octobre, « 2023, année sociale », et s’est engagé à consacrer, l’an prochain, 45 % du budget au soutien des ménages.

À LIREInflation : cinq questions pour comprendre la flambée des prix en Afrique

Au Zimbabwe, pays habitué à l’hyperinflation, les assurances proposent désormais d’investir dans le bétail, seul placement sûr dans cet État où l’indice des prix devrait atteindre 285 % en 2022. Le prix des aliments de base a explosé dans les pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) : 21 % d’augmentation sur les prix des céréales par rapport à 2021, 18 % sur l’huile, 13 % pour le sucre. À l’échelle du continent, l’inflation médiane devrait atteindre 8 % en 2022. Un record depuis une décennie qui fait, à nouveau, planer le spectre des émeutes de la faim.

DÉJÀ 123 MILLIONS D’AFRICAINS SONT EN SITUATION D’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE GRAVE

Après deux ans d’une pandémie qui a bousculé les chaînes d’approvisionnement mondiales, et alors qu’une encourageante reprise économique s’observait en Afrique depuis la fin de 2021, la guerre en Ukraine qu’a déclenché Vladimir Poutine en février est venue anéantir tout espoir de rapide retour à la normale sur le continent. Le taux de croissance, initialement estimé à 4,5 %, a été revu à la baisse d’un point.

Trop forte dépendance aux importations

Conséquence directe de cette guerre, la flambée des prix des matières premières met aujourd’hui les consommateurs africains sous pression, sur un continent où 123 millions de personnes sont déjà en situation d’insécurité alimentaire grave. L’inflation met également en lumière la trop forte dépendance des pays africains aux importations. Sur le seul blé, ils dépendent à 32 % des importations en provenance de Russie, et à 12 % d’Ukraine.

Aux conséquences de cette guerre lointaine s’ajoutent les chocs climatiques en série tels que les sécheresses au Maghreb et en Europe, et les pluies extrêmes en Afrique de l’Ouest, qui ont drastiquement amputé les récoltes. Dans l’Uemoa, les récoltes de céréales ont diminué de 13 %.

Pour lutter contre cette spirale inflationniste, les gouvernements africains durcissent leur politique monétaire et relèvent leur taux directeurs. Le remède sera-t-il suffisant ? Dans son dernier rapport Afrique subsaharienne : Living on the Edge (vivre au bord du précipice), publié le 15 octobre, le FMI enjoint également aux États de faire de la lutte contre l’insécurité alimentaire une priorité et à préparer le terrain pour une croissance durable et plus verte. Dans quels pays le coût de la vie a-t-il le plus augmenté ? Quels sont les moteurs de cette inflation ? Cette augmentation s’inscrit-elle dans la durée ? Décryptage en infographies.