Dialogue interreligieux

« Lorsque nous travaillons pour les âmes, nous ne pouvons user que de persuasion et d'amour... Nous ne pouvons rien faire tant que nous n'avons pas persuadé les gens autour de nous qu'ils sont aimés... » (Cardinal Lavigerie, 1885)

« Nous croyons qu'en toute religion il y a une secrète présence de Dieu, des semences du Verbe qui reflètent un rayon de sa lumière... » (Chapitre 1967)

« Nous célébrons et partageons cette vie avec Dieu lorsque nous allons à la rencontre des cultures et des religions... nous réjouissant de la foi vivante de ces croyants et les rejoignant dans leur quête de la Vérité, cette Vérité qui nous rend tous libres. » (Chapitre 1998)

Missionnaires, nous sommes appelés à faire les premiers pas pour rencontrer les personnes, qu'elles que soient leurs convictions, leur religion.

Au Burkina Faso, cette réalité se traduit surtout dans la rencontre respectueuse et évangélique avec les adeptes des religions traditionnelles et avec les musulmans.

Dans cette rubrique, nous étudierons divers aspects de ces religions, particulièrement de l'islam.

Le mois le plus long. Ramadan à Istanbul. (compte-rendu)

François Georgeon: Le mois le plus long. Ramadan à Istanbul. CNRS 2017 – 344 p. – 25€ – ISBN 978-2-271-09428-5271-09428-5

lemoislepluslongDans ce livre plutôt volumineux, François Georgeon nous invite à le suivre dans sa découverte de la coutume musulmane du ramadan, au sein de la ville d’Istanbul, capitale traditionnelle de la Turquie. Ainsi, nous découvrons l’impact culturel de cette coutume sur des peuples de cultures variées et qui ont formé petit à petit la nation Turque après avoir été sous la tutelle de l’Empire Ottoman.

On peut discerner derrière l’obligation religieuse du ramadan un mois dédié à la tradition, à l’identité, à la mémoire. C’est un moment privilégié de ressourcement identitaire ou de resserrement du lien social. L’obligation s’est traduite parfois en règles rigides que beaucoup ont toujours su contourner. Tout cela est orchestré par « les hommes de religion » (Clergé ?) qui utilisant la langue turque pouvait délivrer de temps en temps des sermons de qualité ; ce qui n’excluait pas un certain verbiage. (Chapitres 1 & 2)

Le ramadan est aussi un mois de nombreuses activités nocturnes avec tous les risques que cela implique. On pouvait parler de « carnaval musulman » (p.104) et de réjouissances variées dans les bars et cafés. S’il y a de temps en temps de bons divertissements culturels et sociaux comme conférences, théâtre ou cinéma, on fait aussi mention de vulgarité (p.173) ou même permissivité (p.115).

À la fin de l’Empire Ottoman, le ramadan garde une dimension socio-politique. C’est un moment privilégié pour l’octroi de dons de la part des autorités ; manière déguisée de raffermir leur autorité. C’est aussi un moment pour le musulman ordinaire de s’adonner à la charité et à l’humanitaire. Durant cette période, l’État s’assure du bon approvisionnement de la ville pour les repas de l’iftar ; il contrôle les horaires de travail pendant les journées. Mais petit-à-petit, le ramadan va devoir composer avec la laïcité républicaine. Les grands « rituels politiques » vont disparaître ; la langue turque devient prépondérante sur l’arabe et la Diyanet, organisme d’état, prend le contrôle de toutes les activités religieuses. Finalement, la « nationalisation » de l’Islam se révélera un échec. « Ce qui reste des traditions du ramadan relève d’une instrumentalisation de l’Islam au service de l’État républicain. » (p.275) mais, précise l’auteur, le ramadan devrait continuer à vivre dans les périphéries et dans le cœur des gens (p.276)

Aujourd’hui, la société turque n’est plus nostalgique d’un retour de la tradition. Mais elle se projette dans l’avenir (p.287). Dans l’épilogue du livre, Jean François Pérouse évoque les municipalités turques qui, aujourd’hui s’évertuent à recréer la communauté de valeurs et de croyance en offrant un certain encadrement en faveur des familles et des personnes âgées.

Un livre un peu volumineux mais intéressant à lire pour qui veut se familiariser avec la Turquie d’aujourd’hui, laïque dans ses institutions mais restant toujours musulmane dans les cœurs.

Gilles Mathorel.

Finalement, il y a quoi dans le Coran (compte-rendu)

« FINALEMENT IL Y A QUOI DANS LE CORAN ? » paru aux éditions La Boîte à Pandore, Paris 2017 est un petit livre mais un grand ouvrage écrit dans un langage courant par un islamologue, Rachid BENZINE  et un réalisateur scénariste Ismaël  SAIDI.

Couv finalementcoranCes deux auteurs font usage de leurs connaissances ou de leurs talents d’artiste pour nous proposer une méthode historico-critique de la lecture du Coran ou des hadiths. Le livre traite certains thèmes polémiques du dogme islamique à travers des dialogues épisodiques mêlées d’humour, mais aussi de connaissances anthropo-historiques, géoculturelles et sémiologiques que beaucoup de musulmans ou non-musulmans ignorent.

Rachid, jouant le rôle du mentor intellectuel, ne cessera de rappeler dans chaque scène à Ismaël – ou à un autre interlocuteur – qu’en voulant parler de certains thèmes islamiques il est important voire même indispensable de garder en mémoire le contexte des réalités géographiques, culturelles ou anthropologiques de l’Arabie du sixième ou du septième siècle dans lesquels le Prophète Muhammad et ses successeurs immédiats ont vécu.  Ce n’est que dans cette trame historique que nous pourrons mieux comprendre qui est le Prophète à qui le Coran a été révélé; qui sont les mécréants et les juifs dont parlent tant de versets coraniques ou de hadiths; que veulent dire « djihad » et « Halal »; que représente le voile… pour ne citer que ces quelques thèmes qui font la une des médias.

Ce livre pourrait être utilisé comme un manuel didactique aux élèves ou étudiants de toutes convictions ou religions.

                        Bonne lecture.

                        Magloire BAMALI

Affiche interconfessionnelle sur la Règle d’or – offerte gratuitement en ligne

Chères amies, chers amis, cette affiche en français publiée par Scarboro Missions présente la Règle d’or telle qu’elle est exprimée par 13 religions. Veuillez transmettre ce message à vos amis et collègues et l’afficher sur vos sites Web et dans les médias sociaux. Pour visualiser, télécharger ou imprimer l’affiche gratuitement, cliquez ici : https://www.scarboromissions.ca/wp-content/uploads/2015/11/FR-GR-poster-22x29.pdf

Un nouveau livre sur l’interreligieux, préfacé par Rachid Benzine nous est présenté par SaphirNews

Seydi Diamil Niane, Moi, musulman, je n’ai pas à me justifier. Manifeste pour un islam retrouvé, Eyrolles, septembre 2017, 128 p., 13,90 €.

L’avis de Saphirnews
 
logo Saphir News
 
Âgé d’à peine plus d’un quart de siècle, l’auteur franco-sénégalais a déjà un brillant parcours. Nourri à l’enseignement traditionnel en sciences islamiques dans son pays d’origine, initié à la voie soufie tijaniyya, il est actuellement doctorant à l’université de Strasbourg avec deux masters en poche d’islamologie et d’études arabes. Mais Seydi Diamil Niane ne vient pas ici pour étaler son savoir. Deux ans après les attentats de 2015, ce militant de l’interreligieux et de l’interconvictionnel, qui aime à citer Frantz Fanon, Abd al Malik et Amadou Hampâté Bâ, témoigne humblement et appelle dans ce manifeste à changer le monde avec humanisme et spiritualité.
Présentation de l’éditeur
Le cri d’indignation d’un jeune musulman face à l’extrémisme comme à la stigmatisation, aux idées reçues,amalgames et raccourcis auxquels il tord le cou.
Le plaidoyer, assorti de propositions pour un islam dans la cité -éclairé, humaniste et spirituel-, d’un militant engagé du vivre-ensemble dans le cadre de la laïcité et du dialogue interconvictionnel auquel il apporte une salutaire contribution.

Lire un extrait et la suite de la présentation: « Un nouveau livre sur l’interreligieux, préfacé par Rachid Benzine nous est présenté par SaphirNews« , 01/09/17, rédigé par HUE Trinh Nguyên.

Réflexions sur la laïcité arabe (Compte-rendu)

 

Couverture Reflexions laicitéMoulay-Bachir Belqaïd : Réflexions sur la laïcité arabe. Erikbonnier – 2017 – 188 pages – 20€ — EAN  978-236-760-0864

L’auteur de ce livre ne nous est pas très connu. Il est islamologue et essayiste. Par ce livre, il veut alimenter le débat, proposer des pistes de réflexion sans élaborer de thèses précises. Il dénonce les impostures intellectuelles selon lesquelles l’Islam et la laïcité sont incompatibles. Dans une première étape, l’auteur nous montre que le sécularisme était présent avant même la naissance de l’Islam car il est dans « la matrice » du religieux. Pour lui, le rationalisme n’est pas l’apanage de l’Occident (p.21). La laïcité a été présente dans la société arabe mais malheureusement toujours comme l’antithèse du religieux et jamais comme projet de société (p.23). Comment en est-on arrivé là ? Les raisons sont multiples et complexes.

Il y a eu, tout au début, la démarche des Mutazilites qui s’est conclue par la fermeture de l’Ijtihad. Beaucoup plus tard, après des années de statu-quo, l’auteur nous signale l’échec de la rationalité occidentale « qui n’est pas arrivée à implanter hors de son contexte les valeurs qu’elle estime universelle. » (p.29) Les penseurs arabes étaient là mais ils n’ont pas réussi à aménager un espace laïque au sein de la société arabe si bien qu’on ne pourrait parler que d’une « potentialité laïque en Islam » (p.34) ; potentialité qui est restée lettre morte au moment des indépendances. Les nouveaux gouvernants se sont sentis concernés par la gestion du présent et ont abandonné la gestion de l’avenir entre les mains des Oulémas ; d’où le retour en force du religieux. (p.41)

Les sociétés arabo-musulmanes ne sont cependant pas en besoin de textes fondateurs. Un des premiers est « Le Miroir des Princes » qui porte sur l’art de gouverner (p.84). D’autres documents sont là pour nous montrer combien certains penseurs ont essayé de mettre en valeur la séparation du politique et du religieux. Pour cela, ils plaident pour un usage judicieux de la raison pourvu qu’elle reste au sein de la pensée religieuse et non pas en dehors ni contre elle. (p.101) C’est déjà un progrès mais c’est aussi comme barrer la route à l’autonomie de la rationalité arabo-musulmane. Le monde arabo-musulman a donc su aborder de front bien des domaines scientifiques, « mais les sciences politiques ont été négligées » – « Ce n’est donc pas l’islam (en tant que tel) qui s’opposerait à la laïcité, mais plutôt la lecture qui en a été faite. » (p.104)

Tout au long de son livre, notre auteur n’est pas toujours très tendre envers les pouvoirs coloniaux. S’ils ont amélioré le développement économique, il n’en a pas été de même concernant le développement intellectuel : « ils ont offert une modernisation sectorielle et minimale qui n’a pas conquis le fond du champ intellectuel arabo-musulman » (p.125) L’Europe a surtout contribué à l’émergence d’une nouvelle classe commerciale ; elle n’a pas innové au plan des rapports entre les civilisations autour de la Méditerranée. (p.124 & 126)

Ce livre nous propose donc des réflexions pour avancer vers une meilleure appréhension, une vision plus juste et équilibrée de la laïcité. Une des conditions fondamentales pour avance en ce domaine, ne sera pas tellement une meilleure interprétation du Coran ou de la Sunna, mais surtout une grosse amélioration des conditions d’éducation. (p.172)

Un livre relativement facile à lire et qui nous fait toucher du doigt toute la richesse de la pensée arabo-musulmane si l’on considère les 44 ouvrages d’auteurs musulmans, d’hier et d’aujourd’hui, cités en bibliographie.

Gilles Mathorel.

On pourra lire aussi: « Laïcité et monde arabe« , par Habib Moussali, dans la Revue Projet, 01/02/2002.