Dialogue interreligieux

« Lorsque nous travaillons pour les âmes, nous ne pouvons user que de persuasion et d'amour... Nous ne pouvons rien faire tant que nous n'avons pas persuadé les gens autour de nous qu'ils sont aimés... » (Cardinal Lavigerie, 1885)

« Nous croyons qu'en toute religion il y a une secrète présence de Dieu, des semences du Verbe qui reflètent un rayon de sa lumière... » (Chapitre 1967)

« Nous célébrons et partageons cette vie avec Dieu lorsque nous allons à la rencontre des cultures et des religions... nous réjouissant de la foi vivante de ces croyants et les rejoignant dans leur quête de la Vérité, cette Vérité qui nous rend tous libres. » (Chapitre 1998)

Missionnaires, nous sommes appelés à faire les premiers pas pour rencontrer les personnes, qu'elles que soient leurs convictions, leur religion.

Au Burkina Faso, cette réalité se traduit surtout dans la rencontre respectueuse et évangélique avec les adeptes des religions traditionnelles et avec les musulmans.

Dans cette rubrique, nous étudierons divers aspects de ces religions, particulièrement de l'islam.

Relations islamo-chrétiennes: un lourd passé missionnaire à assumer

L’islamophobie au Québec : une idéologie impérialiste qui survit depuis le début du XXᵉ siècle

Frederick Burrill, Concordia University

« Comme délicatesse de sentiments, il y a mieux que les Arabes ; l’égoïsme est leur fort : eux d’abord, la femme ensuite, puis les enfants ; et ces derniers courent souvent le risque d’être oubliés tout à fait ».

Cet énoncé ne provient pas d’un communiqué du groupuscule d’extrême-droite québécois La Meute ni d’un porte-parole du « féminisme de souche » telle que la journaliste Janette Bertrand.

Il s’agit d’une observation d’un jeune missionnaire catholique canadien-français en Tunisie en 1905, reproduit dans un journal missionnaire et distribué à des dizaines de milliers de Québécois et Québécoises à travers leurs paroisses, écoles, et réseaux familiaux.

Religio-amnésie québécoise

Au Québec on souffre de ce que la savante Catherine Foisy décrivit comme la « religio-amnésie ». La mytho-histoire de la Révolution tranquille québecoise (années 60) perdure. On évoque toujours avec passion l’histoire d’une société qui a d’un bloc, rejeté le pouvoir de l’Église en optant collectivement pour la laïcité et pour l’État-providence notamment sous l’impulsion des gouvernements progressistes de Jean Lesage (élu en 1960).

Or, ce mythe structure nos discussions sur la foi et de sa place dans le Québec actuel.

Pourtant, on néglige souvent le rôle important joué par des courants au sein de cette même Église qui mena à la transformation du Québec après 1960.

L’un des multiples phénomènes cachés par cette amnésie est reflété la présence de milliers de missionnaires canadiens-français un peu partout dans les pays du Sud pendant la première moitié du XXe siècle. À la fin des années 1950, plus que 3300 missionnaires québécois ouvraient dans 68 pays autour du monde, y compris en Asie.

Un membre de la société missionnaire des Pères Blancs enseignant à des enfants dans une école d’Afrique équatoriale. Carte postale des années 1930.
Collection Sirot-Angel/leemage/Wikimedia

Les premiers missionnaires provenant du Québec comptent par exemple les membres de la Société des Missionaires d’Afrique (les Pères blancs). Cette société fut fondée en France en 1868 suite à la conquête de l’Algérie afin d’annoncer l’Évangile à « ces pauvres victimes de l’imposture » [Mohammed], comme disait le jeune religieux québécois Joseph Fillion en 1905.

La mission étrangère : « le chef-d’œuvre d’un petit pays »

Lionel-Adolphe Groulx (Chenaux, 13 janvier 1878 – Vaudreuil, 23 mai 1967) était un prêtre catholique, un historien, un écrivain, et nationaliste québécois.
Library and Archives Canada/C-019195/Wikimedia

Avant que le Canada et le Québec ne développent une politique étrangère autonome, le missionnaire canadien-français fut en quelque sorte le visage de notre société outre-mer. Lionel Groulx, père intellectuel du néo-nationalisme québécois de nos jours, était en mesure de qualifier la mission étrangère dans son œuvre de 1962, Le Canada français missionnaire : une autre grande aventure, comme « le chef-d’œuvre d’un petit pays. »

Par conséquent, l’histoire du Québec avant la Révolution tranquille fut une histoire non pas d’isolation, mais de connexions transnationales, ancrée dans les structures de pouvoir globales et inséparable des projets impérialistes anglais et français.

Les jeunes catholiques du Québec, citoyens britanniques qui parlaient français, figuraient largement dans des projets de colonisation des deux empires en Afrique, Asie, et en Moyen-Orient, où les missionnaires menaient un combat constant contre l’Islam. Cette lutte continuait même après la modernisation au Québec : dans les années 1970s, les missionnaires québécois en Indonésie décrivirent leur « tentative concertée de contrer la montée d’Islam.“

Propagande

Au Québec, la propagande missionnaire fut l’une des plus importantes sources d’informations sur le monde pour une société québécoise formée et guidée par les autorités religieuses.

À travers des sessions d’informations et de recrutement dans les collèges, des sermons à la messe, des journaux, où à des expositions attirant des milliers de participants, des discours réductionnistes sur l’Islam et d’autres religions non chrétiennes s’ancrèrent profondément dans la culture québécoise.

« Si, un jour ou l’autre, [cette lettre] est publiée dans les Annales des Pères Blancs, à Québec, cela pourra peut-être suggérer à quelques vaillant Canadiens l’idée de venir seconder l’apostolat d’un de leurs compatriotes perdu dans la brosse soudanaise, en train de pêcher des âmes dans la fange du paganisme pour les offrir à Notre-Seigneur Jésus-Christ ».

Extrait d’une lettre de Père Oscar Morin du Soudan français à sa famille au Québec, 1906, reproduit dans le journal Missions d’Afrique.
Missions d’Afrique, 1906, Author provided

Les musulmans, nous apprenait-on, sont caractérisés par une certaine irrationalité, sont captifs d’une fausse idéologie, sont attachés à des mœurs patriarcales.

Effectuer un vrai exercice de conscience

Si le contenu du discours est différent aujourd’hui, la forme ne change guère. Avant 1960 on proposait de régler la supposée irrationalité des musulmans à l’étranger par la conversion à la foi catholique. De nos jours on parle de l’inculcation des valeurs de la laïcité et de la neutralité de l’État. Pourtant, on se garde la position d’autorité, de dire à l’Autre comment il (ou plutôt elle, avec la loi 62) peut obtenir le statut de pleine citoyenneté.

Souvent lorsqu’on parle d’islamophobie au Québec, on se réfère à la montée de tels sentiments à travers le monde occidental suite aux évènements du 11 septembre 2001, ou aux débats sur la laïcité en France.

Mais la version fervente de cette idéologie haineuse à laquelle on assiste au Québec en ce moment est propre à notre société.

C’est seulement par un effort de réflexivité sur notre histoire, celle de notre participation à l’impérialisme occidental, et un véritable exercice de conscience quant à la nature franchement chrétienne de notre société – malgré notre insistance sur la laïcité – qu’on saura se composer avec la réalité d’une société diverse et qu’on commencera à bâtir une version du Québec qui va au-delà des paternes racistes du XXe siècle.

Frederick Burrill, PhD student, Department of History, Concordia University, Concordia University

This article was originally published on The Conversation. Read the original article.

Regards de Soheïb Bencheikh sur l’islam contemporain et ses doutes sur le succès des réformes de Mohamed Ben Salmane

logo-liberté

 

Soheib Bencheikh répond aux questions suivantes dans Liberté Algérie, quotidien national algérien:

  • Le prince héritier saoudien a annoncé une série de réformes visant l’idéologie du wahhabisme. Comment analysez-vous cette nouvelle donne ?
  • Cependant, cette nomination ne règle pas la question à long terme : comment les petits-fils se succèderont-ils alors que l’on imagine bien mal que le pouvoir se promène de cousin en cousin d’autant plus qu’ils dépassent la centaine ?Salmane, dit-on, a révisé son choix et a opté pour une solution radicale en nommant purement et simplement son propre fils comme prince héritier le 21 juin 2017 et cela malgré sa jeunesse (32 ans). Assistons-nous alors à la naissance de la dynastie salamanienne ?
  • Cette réforme est-elle annonciatrice de nouveaux paradigmes pour les mouvements islamistes ? Ces derniers connaîtront-ils leur déclin ?
  • Pourquoi semblez-vous sceptique quant à la réussite de Mohamed Ben Selmane ?
  • Revenons, maintenant, au terrorisme islamiste qui a aujourd’hui un caractère transnational. Comment expliquez-vous cette facilité des groupes terroristes à recruter parmi la jeunesse, même occidentale ?
  • Pourquoi les autorités religieuses ne semblent pas avoir d’emprise sur leur champ d’intervention ? Comment peuvent-elles contribuer dans la lutte contre la subversion islamiste ?
  • Que s’est-il passé entre l’islam de la génération de nos parents et l’islam qui fait trembler le monde aujourd’hui ?
  • Au-delà de la dialectique, qu’est-ce qui empêche l’islam de vivre son siècle de la modernité ?

Lire: « L’islamologue Soheïb Bencheikh à “Liberté”. “Le corps des imams sages et éclairés n’existe plus”, Yahya Arkat, Liberté-Algérie, 16/12/17

Le père Charles Bailleul, qui a passé de nombreuses années au Mali, a publié un livre dont nous vous donnons les caractéristiques ci-dessous :

 

Père Charles bailleul

Contes du Bèlèdougou (Mali)

Illustrations : Aquarelles de Marie-Annick Dutreil
ISBN 9782811118976
Editeur Karthala
octobre 2017
88 pages

15 euros
Pour le trouver, contacter Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

* Avant-Propos *

En Afrique, les contes, comme les proverbes, sont un des relais de la Sagesse populaire et des nobles idéaux de l'éducation traditionnelle (respect des anciens, amitié, hospitalité, fraternité, harmonie, règlement des conflits, recherche de la paix...).

La plupart des programmes d'éducation nationale s'efforcent de mettre ces traditions en valeur. Ce petit recueil de sept jolis contes entendus au Bèlèdougou, plus un huitième originaire du Wassoulou, traduits en français, peut apporter sa petite pierre à ces projets.

Ces huit contes traditionnels bambara raviront les grandes personnes comme les enfants.
Les sept premiers, joliment illustrés d'aquarelles, ont été recueillis lors d'un concours organisé par la radio catholique du Nciba, au Bèlèdougou (Mali).
Le huitième, d'un style plus relevé, remarquablement construit, est l'oeuvre d'une griotte du Wassoulou: une vraie tragédie classique avec son unité de temps, de lieu et d'action.

Ils révèlent tous la profonde aspiration africaine à une société harmonieuse, paisible, dont il est bon de suivre les règles ancestrales, pleines de sagesse millénaire.


En effet, il est facile aux enseignants d'en extraire la "substantifique moelle", de retrouver des proverbes qui disent plus succinctement la même chose, de les rapprocher d'autres traditions, biblique, coranique ou autres ou de témoignages vécus.

Nous souhaitons à tous leurs lecteurs beaucoup de plaisir.



P. Charles Bailleul M.Afr, Bry-sur-Marne,

Pédagogie du dialogue: la chose la plus importante
est que le message arrive (Pape François)

Durant sa traditionnelle conférence de presse dans l’avion, comme à chaque retour de voyage, le pape François a expliqué lui-même pourquoi il s’était abstenu d’utiliser le mot « Rohingya » au Myanmar,

« […] Comme lors de cet échange, dès lundi à Rangoun, avec le général Min Aung Hlaing, chef de l’armée birmane, dont il a reconnu qu’il s’était plus ou moins imposé. Mais « je ne ferme jamais la porte, a-t-il prévenu. ”Tu demandes à me parler, tu viens.” On gagne toujours à parler ». Et ce fut finalement « une belle conversation », a-t-il assuré aux journalistes. « Je ne peux pas en parler car c’était privé, mais je n’ai pas négocié la vérité. »[…] »

Il a aussi réussi à rencontrer personnellement des Rohingyas, condition pour son voyage:


Capture vidéo KTO

« […] « Je savais que j’allais les rencontrer, mais pas où ni comment », a-t-il résumé, racontant les péripéties d’une rencontre avant laquelle il avait été conseillé aux Rohingyas de ne rien dire devant le pape, au point qu’il a dû se fâcher pour qu’on ne les évacue pas trop vite… « Je me suis mis en colère. J’ai répété “Respect, respect”. Et ils sont restés. »

Au cours de ce long moment avec chacun d’eux, « je commençais à sentir des choses à l’intérieur de moi », a-t-il confié, reconnaissant même avoir pleuré. « Je cherchais à ce que cela ne se voie pas. Eux pleuraient aussi. » […]

Extraits de l’article « Le pape estime avoir fait passer son message sur les Rohingyas » par Nicolas Senèze, La Croix, 04/12/17.

 

Pourquoi le pape François n’a-t-il pas utilisé le mot Rohingyas au Myanmar?

Myanmar

La plupart des médias occidentaux semblent choqués que le mot « Rohingya » n’ait pas été utilisé par le Pape lors de ses rencontres publiques au Myanmar.

Si cela peut être difficile à comprendre, ce n’est pas incompréhensible pour peu qu’on prenne la peine d’en chercher les raisons. En résumé, il s’agissait de ne pas « jeter d’huile sur le feu » tout en essayant de promouvoir l’espérance et de ne pas stigmatiser cette communauté qui, malgré l’ampleur de la persécution dont elle est l’objet, n’est pas la seule à être discriminée dans ce pays.

Sans nommer les Rohingyas, les discours du Pape ont été suffisamment clairs concernant les minorités opprimées du Myanmar… autant que ceux qu’il prononce à propos des marchands d’armes, en les nommant, mais qui ne sont pas aussi médiatisés, ni suivis d’effets…

Voici quelques articles pour nous éclairer sur cet aspect de la diplomatie vaticane, ou du moins papale.

ASIE/MYANMAR – Déclarations de l’Archevêque de Yangon à propos de la prochaine visite du Saint-Père dans le pays, Agenzia Fides, 25/09/17. Extrait:

Certains groupes sont déjà sur le pied de guerre. « Ashin Wirathu, le moine qui guide le mouvement bouddhiste Ma Ba Tha dénonce la visite papale comme instiguée politiquement » en affirmant que « il n’existe pas un groupe ethnique de Rohingyas dans notre pays ». D’autre part, « les partisans des Rohingyas attendent du Pape un avis sur la question » poursuit le Cardinal Bo.
A ce propos, pour éviter des tensions et ne pas déclencher de conflits sociaux et religieux, l’Eglise au Myanmar – explique le Cardinal – suggère au Pape François de « ne pas utiliser le terme Rohingya » mais de « parler des droits humanitaires des musulmans qui souffrent dans l’Etat de Rakhine, de la nécessité d’une solution durable, de l’adoption de solutions non violentes et de l’urgence d’une coopération régionale ».

Situation et l’avenir des chrétiens au Moyen-Orient:
compte-rendu d’un séminaire

logo cathobelUn séminaire sur la situation et l’avenir des chrétiens au Moyen-Orient s’est tenu au Parlement européen, le 5 décembre ’17 à Bruxelles. Cette rencontre était co-organisée par la Lieutenance belge de l’Ordre du Saint-Sépulcre. Parmi les différentes interventions, on retiendra en particulier celles de Monseigneur Al-Naufali, archevêque chaldéen de Bassorah (Irak) et de Monseigneur Pizzaballa, administrateur apostolique du Patriarcat latin de Jérusalem.

Extraits de l’article complet de Christophe Herinckx: Chrétiens au Moyen-Orient: oser parler des persécutions, Cathobel, 06/12/17:

« L’intervention de la députée européenne Michèle Alliot-Marie, ancienne ministre de la République française, a été particulièrement remarquée et applaudie. En soulignant le fait que les religieux et les politiques avaient pour vocation d’agir avec des moyens différents, elle a lancé un appel solennel à la liberté de pensée et de religion, à la tolérance religieuse, condition indispensable pour la paix. Elle a également souligné la responsabilité des parlementaires européens. « Nous avons un problème dans ce Parlement« , a-t-elle lancé. « Nous acceptons de nous dresser, de compatir, d’essayer d’agir lorsqu’il s’agit de massacres, de persécutions qui concernent des musulmans, nous luttons contre l’antisémitisme, et tout ceci est très bien, mais quand il s’agit des chrétiens, on a l’impression qu’il y a une forme de complexe, et qu’on n’ose pas en parler« . Madame Alliot-Marie a encore souligné que le débat sur les chrétiens d’Orient, au Parlement européen, vient seulement d’être lancé il y a… deux semaines. »

« Monseigneur Pizzaballa, administrateur apostolique du Patriarcat de Jérusalem, a dressé un portrait des chrétiens en Terre sainte. Il a souligné le caractère « compliqué » de leur situation, largement minoritaire. Si leur liberté de culte est, globalement, respectée par les autorités israéliennes comme palestiniennes, il n’en va pas toujours de même de la liberté de conscience. […] L’archevêque a enfin souligné qu’il est certes important de condamner les persécutions des chrétiens au Moyen-Orient, mais qu’il est encore plus important d’où vient le radicalisme, de faire face à la réalité et de construire, ensemble, le futur, Juifs, chrétiens et musulmans. »