Dialogue interreligieux

« Lorsque nous travaillons pour les âmes, nous ne pouvons user que de persuasion et d'amour... Nous ne pouvons rien faire tant que nous n'avons pas persuadé les gens autour de nous qu'ils sont aimés... » (Cardinal Lavigerie, 1885)

« Nous croyons qu'en toute religion il y a une secrète présence de Dieu, des semences du Verbe qui reflètent un rayon de sa lumière... » (Chapitre 1967)

« Nous célébrons et partageons cette vie avec Dieu lorsque nous allons à la rencontre des cultures et des religions... nous réjouissant de la foi vivante de ces croyants et les rejoignant dans leur quête de la Vérité, cette Vérité qui nous rend tous libres. » (Chapitre 1998)

Missionnaires, nous sommes appelés à faire les premiers pas pour rencontrer les personnes, qu'elles que soient leurs convictions, leur religion.

Au Burkina Faso, cette réalité se traduit surtout dans la rencontre respectueuse et évangélique avec les adeptes des religions traditionnelles et avec les musulmans.

Dans cette rubrique, nous étudierons divers aspects de ces religions, particulièrement de l'islam.

Œcuménisme: Pape François et Patriarche Bartholomée Ier

Œcuménisme: Pape François et Patriarche Bartholomée Ier

 

 

À l'occasion de la fête du patriarche œcuménique de Constantinople Bartholomée Ier, le pape François lui a fait parvenir un message témoignant de la bonne entente entre catholiques et orthodoxes. « Plein de gratitude envers Dieu pour notre récente rencontre en Egypte, c’est une grande joie … [Lire la suite...]

Responsabilité des femmes et dialogue interreligieux

Non seulement le rôle des femmes dans le dialogue interreligieux doit être stimulé, encouragé, … et accepté mais « la contribution des femmes ne doit pas se limiter aux arguments “féminins” ou à des rencontres seulement entre femmes »(Pape François).

Rôle femmes

 

 

C’est la responsabilité des Églises locales de former et d’accompagner les femmes pour qu’elles puissent ne serait-ce qu’accepter l’idée d’être responsables. Car s’il y a bien, dans l’Église, le désir de laisser les femmes prendre plus de place et de responsabilité, celles-ci, surtout en Afrique ou en Orient, du fait de certaines pesanteurs culturelles et d’enfermement dans des rôles sociaux, doivent être accompagnées et formées en ce sens. En Occident, la situation doit aussi encore évoluer.

Claire Lesegretain: Marie Derain : « La contribution des femmes au dialogue interreligieux ne doit pas se limiter aux approches domestiques », La Croix, 13/06/17

Borrmans

Le Père Maurice Borrmans, qui réside présentement à Sainte Foy lès Lyon, est un passionné du dialogue avec l'islam. Il a passé de nombreuses année de sa vie au PISAI (Institut Pontifical d'études Arabes et d'islamoligie) à Rome, continue d'écrire des livres à ce propos et a donné le 11 mai dernier à Lyon une conférence sur le dialogue, dans le cadre d'une rencontre sur le sujet. Il aura bientôt 92 ans mais garde toute sa vigueur.

Ci-dessous le texte de son intervention

 

 

 

Le dialogue entre chrétiens et musulmans
serait-il devenu plus que jamais difficile,
voire même impossible ?

Ce qui se passe partout dans le monde depuis le 11 septembre 2001, et plus spécialement en France, devrait nous faire réfléchir sur les conditions actuelles du « vivre ensemble » pour les chrétiens, les juifs et les musulmans. Comment l’observateur impartial pourrait-il évaluer les chances qu’a encore un dialogue en vérité et en charité entre disciples de Jésus et fidèles du Coran, alors que ne manquent ni crispations ni conflits, ni malentendus ni incompréhensions, ni islamophobie ni christianophobie? Mais soyons concrets et prenons un cas de figure, emblématique sinon significatif. Le 13 octobre 2007, 138 personnalités musulmanes de toutes sensibilités ont adressé une Lettre ouverte à tous les chefs ou responsables des communautés chrétiennes du monde entier: du jamais vu ! C’était un événement des plus prometteurs pour l’avenir du dialogue islamo-chrétien. Qui plus est cette Lettre, s’inspirant d’un verset coranique « Venez-en à une parole commune entre nous et vous » (3, 64­), rappelait à juste titre que le véritable monothéisme consiste à aimer Dieu et à aimer son prochain. Elle reprenait une autre Lettre, ouverte elle aussi, du 15 octobre 2006, de 38 personnalités musulmanes, qui l’avaient adressée à Benoît XVI et lui faisaient savoir ce qu’ils pensaient de sa conférence de Ratisbonne. A bien lire le texte de la Lettre des 138, on ne pouvait pas ne pas se poser bien des questions, encourageantes ou décourageantes. L’amour du prochain, en français, signifie aimer tous nos frères et sœurs en humanité, les fils et filles d’Adam : c’est clair. Le texte arabe disait : l’amour du prochain (jâr) ou de qui est proche (qarîb), ce qui n’est pas tout à fait la même chose ! Mais enfin l’interprétation pouvait rejoindre celle du texte français ou anglais. On sait qu’après cet événement, les susdites 138 personnalités acceptèrent l’invitation à un forum catholique-islamique à Rome : en 2008, 25 musulmans et 25 chrétiens s’y retrouvèrent donc, hôtes du Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux (CPDI), en vue de réfléchir sur la Lettre et d’en mieux comprendre les implications. Or voici que les invités musulmans, bien qu’hôtes accueillis avec respect à Rome, exigèrent qu’il n’y ait pas de bouteilles de vin à la table dressée pour les recevoir, privant ainsi les chrétiens de leur liberté d’en boire, alors qu’ils se trouvaient chez eux à Rome. Ils se sentirent par-là vraiment « mal aimés », aux dires d’un des participants ! Pourquoi imposer à l’hôte qui me reçoit mes propres réglementations en matière de boisson ? Où y trouver, concrètement, cet amour du prochain dont se vantait la susdite Lettre ? Incohérence incompréhensible, auto-marginalisation, qui rend toute commensalité impossible. Libre est le musulman de considérer des boissons et des viandes ḥarâm pour lui, mais ne devrait-il pas respecter le chrétien pour qui toutes les créatures voulues par Dieu sont bonnes (ḥalâl) comme il est, lui, le Seigneur, le bien absolu ?  Et pourquoi « faire des histoires » du même genre, à propos des interdits similaires quant aux viandes halâl en droit, mais devenues ḥarâm, quand l’animal n’a pas été mis à mort « à la musulmane ». Faut-il faire observer que ces exigences musulmanes imposées aux chrétiens à Rome ne sont pas une exception : telle est la pratique courante lors des visites officielles des chefs d’Etats islamiques à l’Elysée, en France, quand ce n’est pas ailleurs ! Que peuvent bien en penser les opinions publiques qui attendent de tout dialogue qu’on y applique le principe de parité ?

Depuis plus de 50 ans je m’emploie à aider chrétiens et musulmans à se respecter dans leur diversité, à se comprendre de mieux en mieux, à « se devancer mutuellement dans les œuvres de bien » (5, 48 : fastabiqû l-khayrat), à s’estimer dans leur approche diversifiée du mystère du Dieu créateur « qui aime les hommes ». Mais paradoxalement, à la susdite rencontre de Rome, ce sont les partenaires musulmans qui n’ont pas respecté ni estimé la liberté dont jouissent les chrétiens en matière alimentaire. Qui plus est, si tous furent d’accord sur le double amour de Dieu et du prochain comme définition de leur monothéisme, il a fallu que ce soit les chrétiens à dire qu’un tel amour suppose qu’auparavant soit reconnu l’amour que Dieu lui-même porte envers toutes ses créatures. Dieu nous a aimés le premier et il nous a démontré son amour de mille manières : la réponse du croyant ne peut être qu’un amour humain qui répond alors à un amour divin. Comment donc réaliser amicalement ce double idéal de l’amour en toutes nos rencontres comme dans notre désir de « vivre ensemble » en des sociétés où régnerait « la paix de Dieu » ? Il y a plus de cinquante ans, la Déclaration du Concile Vatican II sur les Relations de l’Eglise avec les religions non chrétiennes (Nostra Aetate) confirmait le désir qu’avaient exprimé les chrétiens, au cours des siècles, de dialoguer avec les musulmans tout comme ceux-ci se voyaient invités par le Coran à « ne discuter avec les Gens du Livre que de la manière la plus courtoise » (29, 46). Certes, on était bien conscient, de part et d’autre, des limites et des difficultés qu’un tel dialogue renouvelé se devait de prendre en considération. De leur côté donc, au nom du Secrétariat créé à la Pentecôte 1964, Louis Gardet, Joseph Cuoq et Jean-Mohamed Abd-el-Jalil s’employèrent à fournir, dès 1969, des Orientations pour un dialogue entre chrétiens et musulmans dont les six chapitres tentaient d’en préciser les modestes ambitions et les obstacles à surmonter : L’attitude du chrétien dans le dialogue, Connaître les valeurs de l’islam, Les divers interlocuteurs musulmans, Comment se disposer au dialogue ?, Perspectives du dialogue islamo-chrétien, Spiritualité du chrétien engagé dans le dialogue. Ce faisant, ils entendaient bien y dire ce qui « se passait en eux quand ils dialoguaient ».

La pratique même du dialogue rappela bien vite aux uns et aux autres que ce n’était pas là chose facile : tout un passé de polémiques réciproques et d’œuvres apologétiques était à purifier et à réinterpréter, les difficultés du moment et ses implications politiques exigeaient que l’on fixe au dialogue des buts bien définis et une méthode qui satisfasse les deux parties. C’est pourquoi, près de dix ans après, une réédition des Orientations fut réalisée en 1981 par Ary Roest Crollius et moi-même, après consultation de Mohamed Talbi, qui tentait de tenir compte des expériences vécues par ceux qui avaient pratiqué le dialogue. Qu’il nous soit permis d’en rappeler ici les grandes lignes, car elles s’avèrent toujours aussi valables. Le ch. I précisait quels sont les interlocuteurs du dialogue, à savoir les chrétiens en leur foi commune dans la diversité de leurs églises et communautés et les musulmans dans leur unité de credo et les particularités de leurs écoles ou traditions. Le ch. II décrivait les lieux et les voies du dialogue : ces lieux et leurs moments, ces voies et leurs chemins, le chrétien et la foi des autres, le dialogue en présence de Dieu. Le ch. III, commentant le texte même du document conciliaire, invitait les chrétiens à reconnaître les valeurs de l’autre : soumission à Dieu, méditation d’un Livre, imitation d’un modèle prophétique, solidarité d’une communauté de croyants, attestation de la transcendance de Dieu, adoration sincère par un culte dépouillé, obéissance et fidélité aux prescriptions de la Loi, dépassements ascétiques et mystiques. Le ch. IV demandait de tenir compte des obstacles actuels. Que les deux parties aient le courage de reconnaître et d’oublier les injustices du passé. Que les chrétiens se libèrent aussi de leurs préjugés les plus notables, car il n’est pas vrai, comme certains l’affirment, que l’islam soit essentiellement fanatisme, juridisme, laxisme, fanatisme, immobilisme ou religion de crainte. Qu’ils sachent aussi ce que leur interlocuteur musulman pense du christianisme : les Ecritures des chrétiens seraient falsifiées, les mystères chrétiens seraient inacceptables, ou du moins inutiles, le monothéisme chrétien ne serait pas des plus purs, l’Eglise ne serait qu’une puissance temporelle, les chrétiens auraient été infidèles au message de Jésus. D’autant plus qu’ils ne doivent pas oublier les obstacles qui demeurent, à savoir celui des prescriptions alimentaires et vestimentaires, celui des ménages mixtes et de leurs effets juridiques, celui du devoir d’apostolat à ne pas confondre avec le prosélytisme, et celui de dhimmitude ou protection des minorités religieuses non musulmanes. Le ch. V rappelait à tous quelles sont les collaborations humaines nécessaires, afin qu’ils soient les fidèles serviteurs du bien commun au nom d’une éthique partagée qui corresponde enfin à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 : l’accomplissement du monde, le service des hommes, l’aménagement de la cité et l’imitation humaine de l’action divine. Ce qui permettait au ch. VI d’envisager les convergences religieuses possibles pour tous : le mystère de Dieu, le don de la Parole, le rôle des Prophètes, la présence des Communautés, les secrets de la Prière et les voies de la Sainteté.

Ces Orientations, telles qu’elles furent formulées en 1981, sont toujours valables, car presque tout y a été dit des difficultés et obstacles qu’affronte tout dialogue islamo-chrétien : ceux et celles qui l’ont pratiqué ou le vivent encore s’y reconnaîtront volontiers. Un certain idéal y est brossé qui ne pourrait être atteint qu’après expériences et épreuves, et non sans un constant effort pour se comprendre les uns les autres et s’estimer réciproquement au-delà des déceptions et des souffrances. Les catholiques peuvent trouver dans les documents du magistère ce qui vient les éclairer et les conforter en tout réalisme existentiel et toute exigence évangélique. Qu’il suffise citer ici, outre les exhortations et les encycliques des papes successifs, l’Attitude de l’Eglise catholiques devant les croyants des autres religions (10 mai 1984), puis Dialogue et annonce : réflexions et orientations concernant le dialogue interreligieux et l’Annonce de l’Evangile (19 mai 1991), suivi du document de la Commission théologique internationale, Le christianisme et les religions (octobre 1996) et enfin celui de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Dominus Jesus (6 août 2.000). Il n’en reste pas moins vrai qu’au cœur même du dialogue avec les musulmans, et c’est le plus gros obstacle, il y a cette conviction que le véritable christianisme est celui que décrit et suppose le Coran : un pur monothéisme dont Jésus est le simple prophète. Le fait est là : le Coran est polémique avec les chrétiens. Comment résoudre le problème ? En demandant au partenaire musulman d’accepter phénoménologiquement que ce qui lui rend l’amitié du chrétien des plus appréciables par lui, c’est justement ce christianisme tel qui est vécu par lui-même et toute sa communauté, en conformité avec sa tradition. Par suite, l’idéal serait, comme l’ont souhaité beaucoup d’hommes et de femmes de dialogue, « que le chrétien présente et explique à ses frères ce qu’est le véritable islam de manière que tout musulman reconnaisse qu’il en est bien ainsi et que tout musulman présente le christianisme à ses coreligionnaires de manière que le chrétien s’y reconnaisse parfaitement. Bien des questions seraient à se poser aux uns et aux autres. Comment nommons-nous l’autre ? Infidèle, mécréant, associationniste ? Quelle image donnons-nous de notre foi, de notre pratique religieuse, si bien que cela vient conforter et renforcer les préjugés que l’autre s’en fait? Pourquoi tellement insister sur le jeûne corporel, sur la pureté préalable à la prière, sur les rites du pèlerinage, et autres manifestations identitaires (alimentaires, vestimentaire) ? Un hadîth bien connu ne dit-il pas que « Les actes ne valent que par leurs intentions » ? L’éthique islamique reconnaît aussi que parfois « nécessité fait loi » et qu’à vivre en situation de diaspora (aqalliyya dîniyya) le musulman peut réinterpréter son échelle du ḥarâm et du ḥalâl. Religion de l’extérieur ou de l’intérieur ? Cause perdue ou à gagner ? La Lettre des 138, évoquée plus haut, disait que chrétiens et musulmans représentent la majorité des humains et sont donc obligés à dialoguer entre eux et qu’il s’agit de « Ne pas perdre nos âmes ! ». Qui ne voit qu’il y a large place pour des discours réformistes ? Qu’en est-il aujourd’hui des oecuménismes intra- ou extra-religieux : islam et christianisme ? Comment sortir de nos crispations, de nos malentendus, de nos préjugés? Le dialogue islamo-chrétien serait-il, lui aussi, condamné à connaître le mythe de Sisyphe ? On y recommencerait toujours au point zéro ou à la « case départ » ?

Les chrétiens ont trop vite cru qu’avec la Déclaration du Concile Vatican II sur les relations de l’Eglise avec les religions non chrétiennes, une ère de dialogue de plus en plus fructueux s’ouvrait à tous, mais non sans réticences et méfiances et même refus de certaines institutions : seuls des musulmans courageux s’y aventurèrent, alors que l’Islam mondial, avec la fin de la guerre froide, connaissait un réveil (sahwa) islamique qui annonçait une nouvelle islamisation de leurs sociétés. Et d’abord que veulent dire les mots islâm, religion, sharî‘a, fitra, etc… ? Le réformisme de ‘Abduh du XIXème siècle finissant et des premières décennies du XXème, n’ayant pas tenu ses promesses, on vit alors l’émergence généralisée d’un fondamentalisme islamique avec son transfert ou son détournement de transcendance absolutisée en faveur du seul islam en son interprétation la plus littéraliste et donc identitaire. Le tunisien Hamadi Redissi a pu sous-titrer son livre sur le pacte du Najdj d’alliance entre les Saoudites et les Etats Unis Comment une secte est-elle devenue l’orthodoxie se réclamant d’un wahhabisme de stricte observance qui reprend les thèses d’Ibn Taymiyya, chantre d’une théologie fondamentaliste au XIIIème siècle.

Oui, plus que jamais, « Venons-en donc à une parole commune entre nous et vous »! J’en appelle à l’historien tunisien Muhammad Talbi et à ses collaborations de plus de 20 ans à ma revue Islamochristiana, la revue du PISAI, au penseur franco-algérien Muhammad Arkoun et à notre publication commune, Islam, religion et société, au théologien tunisien Hmida Ennaïfer avec lequel j’ai publié à Beyrouth et Damas Mustaqbal al-hiwâr bayn al-muslimîn wa-l-masîhiyyîn, au philosophe marocain Muhammad Lahbib Lahbabi dont j’ai traduit certains textes personnalistes et tant d’autres encore comme j’en appelle aussi à Louis Massignon qui nous a fait savoir que l’islam a aussi des mystiques comme Husayn al-Hallâj, à Jean-Muhammad Abd-el-Jalil qui nous a fait connaître les Aspects intérieurs de l’islam, à Louis Gardet qui nous a enseigné les richesses de la philosophie et de la théologie islamiques, au dominicain égyptien Georges Anawati parfait connaisseur d’Avicenne, à qui nous devons les textes de dialogue du Concile Vatican II, au prêtre libanais Youakim Moubarac qui s’est tellement dépensé pour Jérusalem et les Palestiniens ainsi que pour les Maronites et autres chrétiens arabes du Moyen Orient et tant d’autres également. Et comment ne pas évoquer ici le visage de Christian de Chergé, le prieur des trappistes de Tibhirine, et de ses frères cisterciens, victimes des conflits fratricides d’Algérie, lui qui fut mon fidèle disciple après avoir étudié à Rome pendant deux ans et dont le testament, si riche du seul point de vue chrétien, pourrait être partagé par des musulmans comme le professeur Moqrani de Rome s’agissant alors de la mort d’un prêtre irakien à Mossoul. Et puis comment ne pas penser à la difficile situation dialogique de la France ? Que dire des victimes des massacres de Charlie Hebdo et du Bataclan parisien, sans oublier le Père Hamel, égorgé en son église au cri d’Allâh akbar ? Et que peut encore dire la parole « dialogue » en Egypte quand on y pleure les dizaines de victimes des églises de Tanta et d’Aleandrie du dimanche des Rameaux ? Comment surmonter les peurs et les angoisses, refuser les amalgames et les généralisations et « raison garder » dans le contexte français lui-même? D’où, récemment publié au Cerf, de Paris, ces « Misère(s) de l’islam de France » de Didier Leschi, haut fonctionnaire, auteur avec Régis Debray de La Laïcité au quotidien, guide pratique (Gallimard, 2016), avec tous ses « niveaux de misère » qui sont autant d’obstacles au véritable dialogue, car ils démontrent qu’il y a inadéquation à la modernité. En effet, pourquoi faudrait-il réduire la religion à des observances alimentaires et à des pratiques vestimentaires (pensons aux diverses manières d’être voilée pour la femme : le Coran n’en dit rien !) ou à des comportements difficilement acceptables  (prières collectives sur la voie publique sans permission préalable ou appel à la prière qui est aussi affirmation publique de la foi islamique)? Que peut-il alors se passer dans la pensée des chrétiens de dialogue ?

Mes livres témoignent de cet effort constant pour que les chrétiens fassent tout le chemin ou presque pour cela : Orientations pour un dialogue entre chrétiens et musulmans (1981), Dialogue islamo-chrétien à temps et contretemps (2002), Pour comprendre les musulmans (2010), Dialoguer avec les musulmans : une cause perdue ou une cause à gagner ? (2011), Chrétiens et musulmans, proches et lointains (2015). Pourquoi y a-t-il si peu de correspondance de la part des musulmans ? Les difficultés du vivre ensemble ? Elles sont sans nombre et vont même se multipliant. Ces dernières décennies, des chrétiens sont la cible privilégiée d’attentats entraînant de nombreuses victimes. Les récents événements de Tanta et d’Alexandrie en sont la preuve toute récente. Benoît XVI avait déjà dénoncé, en son temps, ce qui était arrivé à la sortie de certaines églises de Bagdad et d’Alexandrie. Bien sûr, de très nombreux musulmans nous disent que ce n’est pas là le véritable Islam, mais alors pourquoi les auteurs de tels crimes (qu’il s’agisse des moines de Tibhirine ou du Père Hamel, en son église paroissiale) signent-ils leur forfait d’un Allâhu akbar qui est tout de même une formulation expressément musulmane : apprise dans les manuels de catéchèse islamique et répétée par tant de musulmans pieux, pourquoi devient-elle comme « la signature » officielle de l’Etat dit islamique de Daesh quand il impose à nouveau le statut de dhimmî aux arabes chrétiens de Mossoul ? Il faut d’autant plus se réjouir qu’à pratiquer honnêtement leur dialogue, beaucoup d’autres musulmans et de nombreux chrétiens sont quotidiennement invités à renouveler leur regard sur « l’autre » et même à lui attribuer une place positive dans l’histoire religieuse de l’humanité.

Serait-il encore possible de prier ensemble aujourd’hui, comme nous y invitait Jean Paul II à Casablanca, le 19 août 1985. Bien volontiers, de nombreux Marocains en avaient fait leur invocation et les femmes et hommes de dialogue pourraient encore la réciter aujourd’hui, car c’est « la prière qui doit être ce qui se passe (d’abord) en nous quand nous dialoguons » : O Dieu, Tu es notre Créateur, Tu es bon et Ta miséricorde est sans limite. A Toi la louange de toute créature. O Dieu, Tu as donné aux hommes que nous sommes une loi intérieure dont nous devons vivre. Faire Ta volonté, c’est accomplir notre tâche. Suivre Tes voies, c’est connaître la paix de l’âme. A Toi, nous offrons notre obéissance. Guide-nous en toutes les démarches que nous entreprenons sur terre. Affranchis-nous des penchants mauvais qui détournent notre cœur de Ta volonté. Ne permets pas qu’en invoquant Ton Nom, nous venions à justifier les désordres humains. O Dieu, Tu es l’Unique. A Toi va notre adoration. Ne permets pas que nous nous éloignions de Toi. O Dieu, juge de tous les hommes, aide-nous à faire partie de Tes élus au dernier jour. O Dieu, auteur de la justice et de la paix, accorde-nous la joie véritable et l’amour authentique, ainsi qu’une fraternité durable entre les peuples. Comble-nous de Tes dons à tout jamais. Amen !

Sénégal: les diabétiques peuvent-ils faire le ramadan?

Musulmans célébrant le début du ramadan.
© REUTERS/Edgar Su
 

Au Sénégal, ce samedi 27 mai est le premier jour de jeûne pour les musulmans sénégalais. Parmi eux se trouve un certain nombre de personnes diabétiques, pour qui il n’est, en général, par recommandé de jeûner. Le diabète est un véritable problème de santé publique au Sénégal. Pour obtenir un avis médical et des conseils afin d’éviter les complications, de nombreux diabétiques ont consulté des médecins à la veille du début du ramadan.

« Le médecin vous a dit que si vous étiez fatiguée, vous deviez arrêter de jeuner ? », demande un médecin à une patiente. « Oui, et elle m’a dit aussi de me lever toujours tôt, le matin, pour prendre un petit repas et mon médicament », répond cette dernière.

Lors des ultimes consultations et recommandations avant le début du ramadan, au centre de traitement du diabète de Dakar, Marième Diop, la cinquantaine, est diabétique. Son médecin vient de lui confirmer que ses analyses étaient bonnes.

Elle peut donc jeûner, à condition de rester vigilante. « On m’a bien expliqué que le fait de jeûner ne me dispense pas de suivre un régime particulier. Par exemple, il faut que j’évite la consommation excessive de dates », explique-t-elle.

Pendant la période du ramadan, le Sénégal est confronté à une recrudescence des complications chez les malades du diabète. Le professeur Maïmouna Ndour Mbaye conseille des patients dont certains sont aptes à jeûner et d’autres pas.

« En général, pour les diabétiques, le jeûne n’est pas conseillé. Maintenant, quand la personne insiste pour jeûner, on étudie son cas », souligne-t-elle.

Ne pas faire d’excès, ne pas manger trop de sucreries, multiplier les surveillances de sa glycémie, et surtout arrêter de jeûner à la moindre manifestation d’hypoglycémie. Ce sont certains des conseils délivrés aux patients.

Ndèye Oumy Ndiong est diabétique, comme quatre autres membres de sa famille. Elle ne pourra pas jeûner.

« La religion ne nous impose pas de faire quelque chose qui peut nous faire du mal. Si vous ne jeûnez pas, il y a quand même une obligation de donner, chaque jour, quelque chose à un nécessiteux », dit-elle.

Depuis maintenant plusieurs années, les autorités sénégalaises proposent également aux diabétiques de s’informer, tout au long du mois du ramadan, avec des conseils de médecins envoyés, chaque jour, via SMS.

 

Ramadan 1438 H (2017)
27 mai 2017 (25 juin 2017)

Quiconque parmi vous verra poindre le croissant, jeûnera tout le mois
(Coran, 2-La Vache-185)

Cette obligation du jeûne est une des expressions majeures de la foi du musulman. Celui qui jeûne prend distance par rapport aux biens de consommation dont l'utilisation semble aller de soi. Il traduit ainsi dans le vécu sa conviction de ne pas les avoir en sa possession, mais qu'ils lui sont donnés. Il souligne qu'il y a une autre dimension dans la vie de l'homme que celle des besoins primaires. Le jeûne fait apparaître la relativité foncière de l'homme par rapport à Dieu et l'obligation qui en découle de rendre grâce.

Durant tout le mois de Ramadân, le musulman ne mange ni ne boit de l'aube au coucher du soleil. Le rythme de travail est ralenti et l'ordre du jour est profondément bousculé. Toute la famille se rassemble au moment du coucher du soleil pour la rupture du jeûne et on sort une partie de la nuit.

Il est évident qu'on peut très difficilement soutenir un tel rythme en Belgique. La société ne lui offrant guère de soutien pour cette pratique, le musulman va chercher un appui dans les réunions de famille et au niveau du quartier pour une "animation des nuits de Ramadân"

La meilleure charité est celle accomplie pendant Ramadan. (Recueil de Tirmidy)

Durant ce mois, le musulman verse la dîme de solidarité (Zakât), un pourcentage de ce qu'on possède. Cette "aumône légale" est un pilier de l'islam.

Comment établir la date du 1er jour du mois de Ramadan ?

Ramadan s'annonce par l'un des faits suivants :

1 - Quand le nombre de jours du mois de Chaabane, précédant Ramadan atteint 30 jours. Le 31ème est sans contredit le 1er Ramadan.
2 - Quand le croissant est visible la veille du 30 Chaabane, c'est le début de Ramadan et il faut jeûner.

Une certaine incertitude, d'après les régions, concernant les dates exactes, subsiste donc. Elle souligne la relativité des certitudes humaines.

Le 10Août 2013, suivant le pays, les musulmans du monde entrent dans le mois de Ramadan, où ils font mémoire de la révélation du Coran (cf Coran 2,185), lequel est relu de bout en bout dans les prières des soirées de Ramadan,dans les mosquées. En France, cela concerne quelques cinq millions de musulmans

Les croyants musulmans observent durant cette période un jeûne rigoureux. En raison de la saison, les journées de jeûne seront plus ou moins longues. Les horaires de prières sont diffusés sur internet, dans les mosquées ou les boucheries halal.

Le Ramadan, neuvième mois de l’année lunaire, commémore la révélation du Coran . Le jeûne durant ce mois (siyam) constitue l’un des cinq piliers de l’islam —des obligations à respecter pour toute personne musulmane pubère et saine d’esprit— qui comportent également la profession de foi (chahada), les cinq prières quotidiennes (salaat), l’aumône (zakat) et le pèlerinage à La Mecque (hajj).

Le jeûne débute "lorsque se distingue le fil blanc de l’aube du fil noir de la nuit" et dure jusqu’au coucher du soleil. Il faut s’abstenir de manger, boire, fumer et avoir des relations sexuelles. Mais le croyant doit également se purifier, contenir ses passions et ses désirs et faire preuve d’une fraternité et d’une charité accrues.

Des exemptions de jeûne sont prévues, notamment pour des personnes malades ou en état d’impureté (menstruation, par exemple) et ces jours doivent être rattrapés durant l’année.

Chaque jour, le jeûne est rompu par des dattes sinon de l’eau. Le repas de rupture du jeûne (ftor) permet de se retrouver en famille ou avec des amis, autour de plats comme la traditionnelle soupe épaisse (harira). En fin de nuit, un autre repas (souhour) permet de se restaurer avant l’aube.

Les dix derniers jours du Ramadan revêtent une importance particulière, notamment la 27e nuit (Nuit du Destin , Leilat al-Qadr) qui commémore la première révélation reçue par le prophète Mahomet.

La fin de ce temps est marquée par l’l’Aïd el-Séghir (La Petite Fête) dite aussi Aïd el-Fitr (Fête de la rupture du Jeûne).

(extrait du site du Diocèse de Lyon)

Essayons de comprendre l'autre, différent dans l'expression de sa foi et, par notre sympathie, facilitons lui cette manifestation essentielle de sa foi. Unir notre action de grâce à la prière d'autres croyants serait un signe que nous sommes tous fils d'un même Dieu.

Voir aussi
Fin du Ramadan Fête de l'Aïd El Fitr
La lune, le calendrier et les fêtes Musulmanes
* L'ISLAM et ses COURANTS (du groupe rencontre Belgique)
* Au sujet du Le FOULARD islamique (du groupe rencontre Belgique)
*
31 Décembre 2006 Fête du Sacrifice : Aïd al Adha ou Aïd el Kébir