« Lorsque nous travaillons pour les âmes, nous ne pouvons user que de persuasion et d'amour... Nous ne pouvons rien faire tant que nous n'avons pas persuadé les gens autour de nous qu'ils sont aimés... » (Cardinal Lavigerie, 1885)
« Nous croyons qu'en toute religion il y a une secrète présence de Dieu, des semences du Verbe qui reflètent un rayon de sa lumière... » (Chapitre 1967)
« Nous célébrons et partageons cette vie avec Dieu lorsque nous allons à la rencontre des cultures et des religions... nous réjouissant de la foi vivante de ces croyants et les rejoignant dans leur quête de la Vérité, cette Vérité qui nous rend tous libres. » (Chapitre 1998)
Missionnaires, nous sommes appelés à faire les premiers pas pour rencontrer les personnes, qu'elles que soient leurs convictions, leur religion.
Au Burkina Faso, cette réalité se traduit surtout dans la rencontre respectueuse et évangélique avec les adeptes des religions traditionnelles et avec les musulmans.
Dans cette rubrique, nous étudierons divers aspects de ces religions, particulièrement de l'islam.
Le Pape en Egypte
« Un pape de paix dans une Egypte en paix » – alors que deux Eglises coptes subissent des attaques meurtrières.
Le pape François à la rencontre des coptes et des musulmans en Égypte
« L’information a été confirmée courant du mois de mars : le pape François se rendra bien en Égypte les 28 et 29 avril. L’Œuvre d’Orient organisait, mercredi 5 avril, une conférence de presse à la Maison des évêques de France, à Paris, sur ce voyage très attendu. Une occasion pour l’association catholique et les intervenants de revenir sur les expériences de terrain et la situation que vivent aujourd’hui les chrétiens.
17 ans qu’un pape ne s’était pas rendu en Égypte. Après Jean-Paul II en février 2000, ce sera au tour du pape François d’effectuer un tel voyage les 28 et 29 avril. Ce voyage, d’une importance symbolique, est très attendu, au point d’en avoir choisi le slogan « Pope of peace in Egypt of peace » (Un pape de paix dans une Égypte en paix). Le pape François avait déjà reçu à Rome le patriarche copte orthodoxe, Tawadros II, en mai 2013, ainsi que le grand imam d’Al-Azhar, Ahmed Al-Tayyeb, en mai 2016. Cette visite s’inscrit dans sa stratégie d’ouverture au dialogue interreligieux entamé depuis le début de son pontificat. Au cours de son voyage, le pape rencontrera le président Abdel Fattah al-Sissi et effectuera une visite d’Al Azhar où il rencontrera le grand imam. Il ira aussi à la rencontre des chrétiens d’Égypte que des dramatiques événements n’ont pas épargné ces dernières années. « … LIre la suite
Jean-Christophe Ploquin, le 30/03/2017 à 0h00 Mis à jour le 01/04/2017 à 9h58
Des musulmans et musulmanes rejettent les stéréotypes d’un enseignement religieux figé. Anne-Bénédicte Hoffner nous permet de rencontrer six d’entre eux.
Les Nouveaux Acteurs de l’islam
d’Anne-Bénédicte Hoffner
Bayard, 190 p., 19,90 €
Ils sont comme des petits Poucets échappant à l’ogre de la pensée unique. Six courageux semant leurs pierres blanches dans un monde bouleversé et s’enfonçant dans l’inconnu pour mieux vivre leur foi. Quatre hommes et deux femmes d’Europe, d’Afrique et de Méditerranée, ancrés dans la tradition musulmane et décidés à la revisiter, contre tous les vents desséchants du salafisme, du wahhabisme et de l’islam politique.
Une septième personne les met au jour, éclaire leur parcours, souligne leurs convictions : Anne-Bénédicte Hoffner, journaliste à La Croix. Elle-même catholique et chargée depuis sept ans de suivre l’actualité de l’islam et des musulmans, elle a constaté la diversité de ces communautés mais aussi l’inadéquation trop fréquente entre les questionnements nés de sociétés plurielles et les réponses apportées par un « clergé » inadapté. Anne-Bénédicte Hoffner aurait pu se contenter de ces observations désabusées. Mais, avec ce livre, elle fait un (grand) pas supplémentaire. Elle s’engage en faveur d’un islam éclairé en témoignant de ce que celui-ci existe et qu’elle l’a rencontré, à travers des hommes et des femmes discrets et engagés, mis en route par le doute mais guidés par quelques certitudes.
La première : Dieu (Allah) est justice. Et sa justice s’étend à tous les hommes et toutes les femmes. Les discours de séparation et d’exclusion, les anathèmes, les alternatives binaires – permis/autorisé ; pur/impur – ne sont pas de mise avec ce Dieu-là. La deuxième : la tradition islamique, forgée au Moyen Âge dans un contexte géographique et politique donné, est porteuse d’exclusion et doit donc être abandonnée, dans un ébranlement qui, chez certains, va jusqu’à la remise en cause du caractère incréé du Coran. Pour ces chercheurs de Dieu, si Abraham et Mohammed ont été capables de se mettre en mouvement et de formuler de nouvelles réponses à un appel divin, les croyants et croyantes d’aujourd’hui doivent eux aussi se mettre en route et inventer de nouvelles façons d’être témoins dans le monde contemporain.
Ayant rencontré chacun(e) de ses « héros » et « héroïnes », Anne-Bénédicte Hoffner raconte d’une écriture simple leurs parcours, leurs engagements, leurs batailles – intellectuelles, théologiques, humaines. En trois courts chapitres intercalaires, elle précise l’arrière-plan historique et culturel d’où est issu l’imaginaire musulman majoritaire et dont ces « nouveaux acteurs » veulent s’affranchir.
Ce livre aiguise ainsi la curiosité envers « l’autre » musulman et invite à la rencontre. Il est donc précieux, par les temps qui courent.
Jean-Christophe Ploquin
Dialogue au Soudan ?
Le Soudan serait prêt à s’engager sur la voie du dialogue (Émissaire européen)
Jan Figel, envoyé spécial pour la Promotion de la liberté de religion ou de croyance en dehors de l’Union européenne s’est rendu au Soudan du 14 au 17 mars pour une visite visant à soutenir la coopération dans le dialogue interculturel et interreligieux et à promouvoir la liberté de religion ou de conviction et la coexistence pacifique des différentes communautés. Il indique que les échanges qu’il a eus au cours de sa visite ont démontré la « la disponibilité des partenaires soudanais à engager un dialogue continu et constructif sur la diversité religieuse au Soudan, dans la Corne de l’Afrique et dans le monde« .
Dans une déclaration publiée aujourd’hui, la délégation de l’UE au Soudan a déclaré que l’Envoyé européen avait rencontré des membres de l’Assemblée nationale et du gouvernement, y compris les ministres des Affaires étrangères et de la dotation et de l’orientation. Figel a également rencontré des représentants d’organisations religieuses, politiques et de la société civile et donné une conférence à l’Université Ahfad pour les femmes. Il a également visité la Commission nationale des droits de l’homme et le Conseil du Fiqh islamique, la mosquée Nour, une église copte et la cérémonie soufie à Omdurman.
L’Envoyé a examiné les amendements constitutionnels et leur respect du droit international des droits de l’homme, soulignant l’importance que le cadre législatif reflète également ces normes. «Un État équitable doit être organisé autour d’une citoyenneté égale pour tous. La diversité enrichit alors que l’uniformité affaiblit les sociétés », a déclaré Jan Figel. L’Envoyé a demandé le pardon des deux pasteurs soudanais, condamné avec le missionnaire tchèque publié Peter Jašek. En outre, Jan Figel a été autorisé à visiter et rencontrer le Dr Mudawi Ibrahim qui est en détention. (voir Soudan: condamnation de trois chrétiens, dont un Tchèque, libéré le 27/02/17 (mis-à-jour))
Jan Figel a annoncé qu’il informera le Parlement européen et les autres institutions de l’UE de sa visite.
L’ancien commissaire européen slovaque a abordé les questions liées à la liberté religieuse et à la situation des chrétiens en particulier.
Situation des chrétiens et démolition d’églises au Soudan
Le président du Comité de législation et de justice du Soudan à l’Assemblée nationale, Ahmed El Tijani, a rapporté dans un communiqué de presse que Figel a demandé la démolition de plusieurs églises. El Tijani lui a dit que la liberté de croyance est sanctionnée par la constitution soudanaise et que l’État n’impose aucune croyance ou pratique religieuse à ses citoyens. Il a dit que les églises ont été démolies pour des raisons de propriété.
[ Traduction libre de l’article publié sur Dabanga, Independent news from the heart of Darfur and Sudan. ]
Christophe Lamfalussy et Jean-Pierre Martin: « Molenbeek sur Djihad », Grasset 2017, 300 pages – 19€ – ISBN 978-2-246-86276-5
De nos jours, bien des éditeurs peuvent se réjouir de publier un livre sur l’Islam ou sur le terrorisme ambiant car cela se vend. Mais vous ne gaspillerez pas vos euros en achetant ce dernier livre écrit à partir des péripéties de Molenbeek. Sans passion ni esprit partisan, nos deux journalistes expérimentés remettent bien des choses au point.
Les premiers chapitres essayent de nous peindre la complexité de cette commune problématique de Bruxelles et qui ne se laisse pas « apprivoiser au premier regard » (p.18) La situation est loin d’y être facile avec tous les Marocains majoritaires, toujours sous l’influence du monarque chérifien qui n’hésite pas à « imposer son autorité par les ambassades » (p.28). Bien des marocains sont d’ailleurs originaires du Rif, cette région du nord du Maroc, laissée pendant longtemps à l’abandon par Rabat (p.87). Il y a donc chez ces Belgo-marocains une insatisfaction bien enracinée qui fera naître au sein de Molenbeek beaucoup de tensions interculturelles, du chômage et une ouverture aux gangs en tous genres avec trafic de drogue (p.91). Il est aussi intéressant de noter que ces djihadistes ne sont pas tous masculins. On nous présente alors deux femmes Fatima Aberkan et Malika el Aroud qui ont inspiré deux générations de kamikazes (p.101)
Nos auteurs se penchent ensuite sur l’origine et le pourquoi de la naissance de ce djihadisme à Molenbeek et en Belgique plus généralement. Selon eux, il nous faut affiner notre jugement sur les mosquées qui ne sont pas des agences de recrutement. « Le recrutement se fait dans les rues … mais le terrain idéologique a été préparé dans les mosquées. » (p153) Ainsi les dirigeants de la fameuse Mosquée du Cinquantenaire ont pu atténuer le discours fondamentaliste ; mais en disséminant le salafisme, ils ont poussé bien des fidèles en marge de la société (p.166). On pourrait donc parler des mosquées comme des « déclencheurs du radicalisme » (p.167)
Que faire alors face à tout ce bouillonnement souterrain qui devient terrorisme ? Que font les autorités belges à tous les niveaux de gouvernements aussi nombreux soient-ils ? Le chapitre 7 nous parle de l’action très problématique de Philippe Moureaux. Avec le chapitre 8, nous apprenons qu’il y eut 144 condamnations pour terrorisme de 2006 à 2016 (p.200). Police et Justice ont donc travaillé mais ils n’avaient pas la tâche facile. Un juge a pu même mentionner que le rôle des médias a été parfois catastrophique en publiant trop vite certaines informations confidentielles (p.211). L’état belge a-t-il donc été défaillant ? « D’importante failles sont apparues. Mais ces critiques ne tiennent pas la route si elles n’accablent qu’un seul pays et ne tiennent pas compte des succès. » (p.254). Avec tous les services concernés, nous devons reconnaître que « la prévention du radicalisme est une science nouvelle » (p.257) et que nous pouvons espérer que Molenbeek puisse devenir un « labo postdjihadiste » (p.258)
Un énorme et important travail reste à faire par tous et toutes, qui que nous soyons. Les services compétents ont bien des tâches à accomplir mais nous ne devons pas les laisser seuls dans ce travail. C’est ensemble que nous devons nous engager. Ce livre peut éclairer beaucoup d’entre nous et nous aider à faire face à la réalité pour que nous puissions faire face sereinement au futur.
Gilles Mathorel
Rôle des medias dans le dialogue interreligieux
Article paru dans "Le Pays" au Burkina Faso le 10 mars 2017
ROLE DES MEDIAS DANS LE DIALOGUE DES CULTURES ET DES RELIGIONS : Le décryptage de Boureima Jérémie Sigué
Du 3 au 7 mars 2017 s’est tenu à Ouagadougou le Symposium international sur le dialogue des cultures et des religions et ce, dans un contexte national et international marqué par la montée de l’intégrisme. A l’occasion, le Fondateur des Editions « Le Pays » a fait une communication que nous publions pour vous in extenso. Il démontre le rôle, ô combien important, que peuvent jouer les médias dans la promotion de la paix et de la cohésion sociales. Voici son décryptage. Lisez !
Culture et religion, ces deux concepts sont consubstantiels l’un de l’autre. Il serait vain de chercher à édifier une cloison entre ces deux termes. Ils procèdent de l’Homme, de l’humanité et portent, depuis toujours, la marque profonde des âges. Et à l’inverse, on peut dire aussi que les âges portent tout autant leurs marques, leurs stigmates. Et si la culture est un ensemble de valeurs matérielles et immatérielles propres à une communauté humaine, la religion dont le support est la foi, est ce carburant qui fait mouvoir l’Homme dans son rapport à ce qu’il considère comme force sacrée supérieure ou énergie suprême dont il est la créature, le protégé, l’image visible. Si vous enlevez à l’Homme, ces deux dimensions que sont la culture et la religion, il se retrouve tragiquement nu comme une bête sauvage, un être sans repère, dans toute son animalité, totalement désacralisé, voire déshumanisé. De ce point de vue, la culture relève de la sphère des faits, des signes, des pensées, des images, des symboles, de toutes les valeurs qui caractérisent une communauté humaine. Sous cet angle, toutes les sociétés humaines ont leur culture, leur civilisation. Le relativisme culturel prend alors ici et partout sur la Terre, les allures d’une vérité absolue. Même les sociétés jugées les plus amorales ont leurs valeurs, leurs sensibilités, leur culture, leur religion, leur civilisation. Dès lors, il est dangereux, suicidaire et mortel de vouloir s’enfermer dans le fanatisme, la radicalité qui exclut toute rationalité, toute logique de compréhension de l’autre, regardé avec mépris, avec haine, ou, au mieux, avec condescendance. Toutes choses qui secrètent les prémices de la mésentente et qui préparent l’explosion et parfois même, la conflictualité.
Toutes ces guerres plongent les racines de leurs causes dans le mépris des uns pour la culture des autres, dans l’intolérance des uns à l’égard de la religion des autres
L’Europe, aux siècles passés, a connu ses guerres de religion. En Afrique, elles ont parfois été doublées de guerres ethniques. Toutes ces guerres plongent les racines de leurs causes dans le mépris des uns pour la culture des autres, dans l’intolérance des uns à l’égard de la religion des autres. Malheureusement, il continue à ce jour, de se jouer sur notre planète, une sorte de drame messianique dont les acteurs se trouvent aux deux niveaux principaux de la religion et de la politique utilisées souvent comme instruments au service d’ambitions inavouables et parfois avouées. Tout cela donne aux hommes de bonne volonté, quelques justes frayeurs. André Malraux a eu à dire que le 21e siècle sera un siècle éminemment religieux. Il faut surtout espérer que cette prophétie se réalisera dans son sens le plus positif, celui du raffermissement de la foi, de l’acceptation de l’autre dans sa différence religieuse et culturelle. Et c’est là qu’intervient le rôle des médias.
Aussi vrai que depuis Mc Luhan, nous vivons dans un village global ou planétaire, nous sommes tous aujourd’hui plus qu’hier, des citoyens de ce village. Nous sommes, du fait des médias, au sens large du terme, des passagers de l’Arche de Noé, du nom de ce personnage mythique qui avait rassemblé dans sa grande embarcation, tous les spécimens des créatures de la terre dans leurs différences naturelles. Aujourd’hui plus qu’hier, face à la montée de nombreux périls dont les principaux ont pour noms, extrémismes religieux, populismes politiques, fanatismes de toutes espèces, les médias ont une sorte de mission sacrée, voire divine qui les exhorte à la construction de la citoyenneté internationale, à la compréhension entre les peuples, à l’édification et au renforcement dans l’esprit des hommes, de la valeur théologale de la paix. De cette paix sans laquelle nous serons tous broyés à la moulinette de la misère morale et matérielle. Pour un monde de paix, de développement, de compréhension mutuelle, de cohabitation pacifique, de compréhension fructueuse entre les hommes, les médias doivent exercer leur pouvoir divin de bâtisseurs, de diseurs de vérité, de vérité féconde, de cette vérité sans laquelle il n’y a pas de grandeur ni de salut.
Les médias apparaissent comme des catalyseurs basiques de la stabilité mondiale
Les médias, plus que tout autre instrument, sont d’une importance sociale telle que la maîtrise de leur déontologie et de leur éthique, doit les transformer en facteurs très déterminants pour le dialogue des cultures et des religions, pour la paix, pour le développement. Sous cet angle, les médias apparaissent comme des catalyseurs basiques de la stabilité mondiale. L’influence incommensurable des médias, surtout en ce siècle, est, sous tous rapports, tangible et irréfutable. Mais, s’ils sont des instruments irremplaçables et prodigieux pour la construction du bien, ils le sont aussi pour la construction du mal. Oui, ils peuvent être aussi des instruments horribles de destruction. Un célèbre écrivain de la Renaissance disait avec beaucoup de hauteur que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme». Cette pensée est suffisamment illustrative de l’indispensabilité de la formation des acteurs des médias. Au demeurant, Alfred Nobel ne dirait pas autre chose aujourd’hui, lui qui inventa la dynamique pour construire et non pour détruire.
Sans doute vivrions-nous dans le meilleur des mondes si les premières vertus des journalistes étaient la passion du juste, du bien, de la fraternité humaine qui transcende toutes les frontières. Sans doute le monde serait-il meilleur si l’éthique, la déontologie et la bonne foi constituaient la pierre philosophale, le sceptre totémique du journaliste, de cet homme qui a le pouvoir de chloroformer les esprits. « Si vous ne savez pas servir les hommes, vous ne sauriez servir les dieux », disait Confucius. Chaque journaliste, citoyen de ce village global qu’il a contribué à bâtir, doit prendre conscience de cette mission qui l’interpelle à chaque instant : celle de contribuer à bâtir un monde plus juste par le rejet de l’intolérance et du fanatisme religieux avec pour objectif humaniste final de fendre, de briser leur armure. Car, ces deux fléaux oublient que la liberté est l’un des biens les plus précieux que le Ciel ait accordé à l’Homme. Les serviteurs zélés de l’intolérance et du fanatisme oublient qu’une pensée non exprimée s’accentue à mesure qu’elle est réprimée ; que les guerres apportent très rarement pour ne pas dire jamais, des solutions correctes et définitives aux problèmes nationaux ; que toute idéologie qui s’appuie sur la haine est contre-productive et stérile. Ils ignorent que l’uniformité ringardise et que la diversité enrichit et vivifie. De fait, le fanatisme, le sectarisme, l’intolérance ne veulent même pas que le soleil brille pour tout le monde.
Le champ du mal est vaste et les Hommes de médias doivent donc rester dans la posture permanente du combattant qui craint le Ciel
Comme on le voit, le champ du mal est vaste et les Hommes de médias doivent donc rester dans la posture permanente du combattant qui craint le Ciel, qui aime et honore l’Homme dans toute sa diversité. Par son travail, il doit magnifier l’inter-culturalité, célébrer le vivre-ensemble, inciter à la paix, contribuer au progrès social. En tout état de cause, aujourd’hui plus qu’hier, l’Homme de médias de bonne foi et de bonne volonté peut faire l’heureux constat suivant : il y a de plus en plus une prise de conscience très forte sur l’indispensable grand pas à faire en direction du dialogue des cultures et des religions. En effet, entre 1975 et 2013, il a été créé à travers le monde, une trentaine de commissions à l’échelle des nations, toutes ayant pour objet le dialogue, la justice, la vérité et la réconciliation. La grande rencontre d’Assise en octobre 1986, initiée par le Pape Jean-Paul II, procède de cette volonté de dialogue. A l’échelle de l’Afrique de l’Ouest, on ne peut faire litière de la rencontre du Bénin en 2015, lors de laquelle une graine toute saine a été semée par l’éminent Pr Albert Tevoedjré. Une graine qui ne cesse fort heureusement de germer, comme on peut le constater à travers ce symposium de Ouagadougou. Plus récemment encore, on peut noter la rencontre du 22 au 24 février dernier au Caire entre le St Siège et la célèbre université d’Al Azhar, principale institution de l’Islam sunnite. Autant d’éléments qui traduisent à suffisance le désir des uns et des autres de rouler résolument les mécaniques du dialogue islamo-chrétien, et plus généralement du dialogue inter-religieux dans son ensemble. Mais il est vrai que de plus en plus, les choses se compliquent avec l’avènement d’Al Qaïda, de l’Etat islamique et la prolifération tous azimuts des extrémismes politiques. En tous les cas, la presse peut et doit faire sa part de combat.
Une problématique semble se poser à la conscience des acteurs des médias. Doivent-ils oui ou non se faire l’écho des coups d’éclat ou plus généralement des actes et paroles des adeptes du fanatisme religieux ?
Toutefois, une problématique semble se poser à la conscience des acteurs des médias. Doivent-ils oui ou non se faire l’écho des coups d’éclat ou plus généralement des actes et paroles des adeptes du fanatisme religieux et plus généralement de tous les extrémismes ? Au nom du droit des populations à l’information, les médias doivent-ils se comporter en «relais» des acteurs de l’intolérance, des déconstructeurs de tout dialogue qui n’hésitent parfois pas à aller, de façon tragique, au-delà du tolérable ? En tout état de cause, au nom de la liberté de la presse, au nom du droit pour tous à l’information, les médias sont, à leur corps défendant, «les complices» de l’extrémisme, parce que malheureusement, ils ne peuvent s’abstenir de parler des coups d’éclat de ces activistes. Sans aucun doute, l’extrémisme se nourrit des échos des médias qui ont pour mission première d’informer.
Ce n’est pas demain la veille que le combat contre tous les extrémistes prendra fin
Assurément, le combat contre l’extrémisme, l’intolérance, ne sera pas un combat de tout repos, et c’est une lapalissade de le dire. En effet, ces deux fléaux ont depuis toujours, inspiré leurs concepteurs et théoriciens qui disposent d’énormes moyens en termes de logistique et de finances. Ils ont des politiques audacieuses de communication et ils savent se servir des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Ils ont même, à tout moment, la possibilité de couper l’herbe sous les pieds des médias traditionnels en se servant des réseaux sociaux et autres.
Comme on le voit, ce n’est pas demain la veille que le combat contre tous les extrémistes prendra fin. Et d’ailleurs, prendra-t-il jamais fin ? On peut se le demander, si l’on se réfère à l’Histoire. Les Croisades, ces expéditions entreprises au Moyen âge par la chrétienté pour chasser les musulmans des lieux saints, l’Inquisition instituée par le pape Grégoire IX pour réprimer les crimes d’hérésie, d’apostasie, de sorcellerie et de magie, la résurgence et la persistance de vieux extrémismes, l’apparition de nouvelles formes de terrorismes religieux et culturels, légitiment très fortement hélas ! ce questionnement. Et il y a cette cruelle vérité de La Palice : le dialogue des cultures et des religions ne peut être fécond s’il occulte la pauvreté, l’ignorance et l’utilisation politique des religions ; toutes choses qui interpellent fortement et en permanence, les gouvernants et les organisations internationales.
Boureima Jérémie SIGUE
Journaliste – Ecrivain
Fondateur du Groupe de presse
Les Editions «Le Pays»
Ouagadougou, le 6 mars 2017
Symposium international sur le dialogue des cultures et des religions (3 – 7 mars 2017)