Saphirnews : Vous partez du postulat que la Belgique est un Etat plus laïque que la France. En quoi est-ce le cas ?
De son côté, la Belgique assume son système de reconnaissance et de subventionnement mais, de surcroit, elle reconnait une plus grande pluralité de cultes puisque six (+ un) cultes sont reconnus et financés : les cultes catholique, israélite, protestant, anglican, orthodoxe, islamique et une « conviction philosophique non confessionnelle », qui s’apparente à l’athéisme mais qui est souvent abusivement appelée « laïcité organisée ». Ajoutons que la reconnaissance du bouddhisme est en route. L’Etat belge s’inscrit ainsi dans un plus grand esprit de transparence que la France : les règles du jeu sont plus claires s’agissant de la définition de la laïcité.
La Belgique s’inscrit dans un plus grand esprit de pluralisme et donc de plus grande égalité de traitement que la France. Par ailleurs, de façon générale, la Belgique est plus respectueuse de la liberté religieuse, notamment de son exercice public. Par exemple, on y trouve moins d'entraves à la liberté de porter un signe convictionnel, même s'il y en a aussi.
La Belgique finance l’organisation des cultes reconnus. Sur quels principes se fonde cette spécificité ? En quoi le caractère laïque de l’Etat est-il préservé ?
Contrairement à une idée fort répandue, la reconnaissance et le financement de cultes ne sont pas, en soi, contraires au principe de laïcité. C’est se méprendre sur la signification du concept de « séparation ». La séparation n’implique pas nécessairement que l’Etat ne puisse reconnaitre et financer des cultes. Elle implique que, sous prétexte de reconnaissance et de financement, l’Etat ne s’ingère pas dans le fonctionnement des institutions religieuses. L’inverse est vrai aussi : les institutions religieuses ne doivent pas s’ingérer dans le fonctionnement des institutions publiques. En ce sens, il faudrait plutôt parler de « non-ingérence réciproque » entre l’Etat et les Eglises. Tant que ce principe est observé, la laïcité est garantie.
Considérez-vous que l’égalité de traitement entre les religions dites anciennes et nouvelles est assurée en Belgique ?
Vous formulez le vœu de créer une institution publique compétente pour recevoir des plaintes pour « violation du principe de laïcité ». Pouvez-vous en donnez les contours ?
Pourquoi son existence serait-elle nécessaire, à vos yeux ?
« Quand la France éternue, la Belgique s’enrhume. » Quelles influences ont les débats publics français autour de la laïcité - et de ses dérives – en Belgique ? Diriez-vous que cette influence est forcément négative ?
Comment percevez-vous les tentatives d’interdiction des signes religieux dans l’enseignement public ? L’idée d’une loi comme celle de 2004 en France creuse-t- elle son sillon dans les partis traditionnels belges ou existe-t-il des résistances fortes ? Et par qui ?
Cela étant, la loi de 2004 est une réalité dont s’inspire régulièrement une série de politiques en Belgique, à défaut de pouvoir la transposer. L’enseignement étant communautarisé depuis 1988, chacune des trois communautés (française, flamande et germanophone) a son propre système éducatif et aucune n'a adopté une norme similaire à la loi française de 2004. Une norme d’interdiction serait largement contestable auprès de la Cour constitutionnelle. Mais, sur le terrain, il y a déjà presque une interdiction générale, sans qu’il faille l’officialiser. Par exemple, actuellement, entre 95 et 100 % des écoles publiques à Bruxelles interdisent le port de signes convictionnels. Une interdiction de fait non contestable auprès de la Cour constitutionnelle mais contestable, en revanche, notamment auprès du Conseil d'Etat.
Depuis plusieurs mois, on observe une remise en cause de l’enseignement des religions dans les écoles publiques. Que dites-vous de ce débat ?
La seconde, c’est qu’on présente l’existence de ces cours comme contraire au principe de laïcité. Ce faisant, on se méprend à nouveau sur ce qu’implique ce principe. La question pertinente n’est pas de savoir s’il y a ou non des cours philosophiques dans l’enseignement public, mais, dans l’hypothèse où il y en a, de savoir si les pouvoirs publics s’ingèrent ou non, sur une base théologique, dans le contenu des cours ou dans le choix des personnes en charge de ces cours.
La laïcité n’est pas inscrite - expressis verbis selon vos mots - dans la Constitution belge. Quels risques voyez-vous à la constitutionnalisation de ce principe, aussi bien en France qu’en Belgique ?
S’il n’y a pas de problème de principe dans l’inscription de la laïcité dans la Constitution, il est en revanche interpellant de constater que, pour certains, cette inscription rime avec interdiction du port de signes convictionnels et ingérence dans le fonctionnement des institutions religieuses. S’il n’est pas bien compris, ce principe peut par ailleurs faire l’objet d’applications totalement incohérentes. Ainsi, dernièrement, le Conseil d’Etat français a conseillé d’admettre l’établissement de crèches de Noël dans les bâtiments publics et ce, dans un pays où l’obsession pour les signes convictionnels va jusqu’à faire entraver le quotidien des nounous. Le risque, c’est donc de dénaturer le principe de laïcité et de l’instrumentaliser dans l’optique de politiques discriminatoires et attentatoires aux droits et libertés fondamentaux. Il revient à tous les laïques, croyants ou athées, de s’y opposer.
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