Le modèle de tolérance religieuse et de coexistence pacifique burkinabé commence à s’effriter.
C’est le constat d’une ONG dans son dernier rapport sur la préservation de l’équilibre religieux.
« Lorsque nous travaillons pour les âmes, nous ne pouvons user que de persuasion et d'amour... Nous ne pouvons rien faire tant que nous n'avons pas persuadé les gens autour de nous qu'ils sont aimés... » (Cardinal Lavigerie, 1885)
« Nous croyons qu'en toute religion il y a une secrète présence de Dieu, des semences du Verbe qui reflètent un rayon de sa lumière... » (Chapitre 1967)
« Nous célébrons et partageons cette vie avec Dieu lorsque nous allons à la rencontre des cultures et des religions... nous réjouissant de la foi vivante de ces croyants et les rejoignant dans leur quête de la Vérité, cette Vérité qui nous rend tous libres. » (Chapitre 1998)
Missionnaires, nous sommes appelés à faire les premiers pas pour rencontrer les personnes, qu'elles que soient leurs convictions, leur religion.
Au Burkina Faso, cette réalité se traduit surtout dans la rencontre respectueuse et évangélique avec les adeptes des religions traditionnelles et avec les musulmans.
Dans cette rubrique, nous étudierons divers aspects de ces religions, particulièrement de l'islam.
« Promouvoir la paix dans le contexte de la violence au nom de la religion »: c’était le thème de la 14e réunion de la Commission bilatérale des délégations du Grand rabbinat d’Israël et de la Commission du Saint-Siège pour les relations avec le judaïsme qui s’est tenue à Rome
(28-30 novembre 2016 — 27-29 MarCheshvan 5777). Elle a affirmé « le principe du respect universel pour les lieux saints de chaque religion ». Un communiqué conjoint intitulé « La paix au nom de la religion » est publié à l’issue de ces échanges, notamment dans L’Osservatore Romano du 2 décembre 2016. Il fait notamment allusion à une récente déclaration de l’UNESCO – qui a fait l’objet d’une protestation des évêques de France – en affirmant « le principe du respect universel pour les lieux saints de chaque religion, en étant attentifs aux tentatives de nier l’attachement historique du peuple juif à son lieu le plus saint ». Lire la suite
« Le plan de ce très court travail va être partagé en deux grandes parties : la première concerne les phases de l’histoire de Marie telle qu’elle figure dans le Coran ( je vais parler ici des quatre phases ) et la deuxième sera ma propre interprétation à ce propos. »
Pour lire d’autres articles sur la figure de Marie telle qu’elle est présentée dans le Coran voir
La figure de « Marie » dans le Coran: différentes interprétations
PAIX par le DIALOGUE
Juifs, chrétiens, musulmans (dans l’ordre historique des religions), AVONS-NOUS LE MÊME DIEU? Réponse facile, pour ne pas en parler: « Oui, c’est la même ‘affaire’! » 2e réponse facile pour ne pas en parler: « Moi, je ne crois pas en Dieu. Alors je laisse les croyants en discuter. » Difficulté du langage quand on y pense: « Nous avons la MÊME chemise. » – « Nous avons le MÊME médecin. » Il s’agit bien d’un seul médecin alors que pour les chemises, il y en a forcément deux.
Autre difficulté pour le chrétien, c’est qu’il a le sentiment qu’il peut toucher Dieu, s’adresser à lui en tourte confiance comme un enfant à son papa (abba). Qu’il peut le dominer comme on en arrive à dominer son père quand on se rend compte qu’il est devenu malade, grabataire, mourant! Un Dieu si proche pour les uns et un Dieu impossible à atteindre pour les autres? Certains aiment à dire: un Dieu TOUT-AUTRE.
Bon, pour ceux/celles qui veulent creuser cette question, voici des extraits d’une réflexion d’une religieuse chrétienne qui pratique et enseigne la rencontre, le dialogue, entre croyants de toutes les religions, surtout avec les musulmans et les juifs de France, à Marseille, dans les milieux de migration récente.
[… ]
Dieu : l’Unique est-il le même? (Article transmis le 1er octobre).
Professeure Colette Hamza, Religieuse Xavière de Marseille | revue EN DIALOGUE, France
Lorsque l’on parle de l’islam avec des chrétiens, la même question revient toujours:
«Avons-nous le même Dieu ?» Y aurait-il donc un Dieu des chrétiens et un Dieu des musulmans, comme titrent certains livres? Cela ferait deux dieux!
L’affirmation des trois monothéismes est pourtant claire.
« Écoute Israël, notre Dieu est l’Unique» répète le juif.
«Je crois en un seul Dieu» confesse le chrétien.
«Il n’y a de Dieu que Dieu» atteste le musulman.
Juifs, chrétiens et musulmans confessent ensemble le Dieu Unique.
C’est ce que redit le concile Vatican Il, Lumen gentium, au n°16: « Mais le dessein de salut enveloppe également ceux qui reconnaissent le Créateur, en tout premier lieu les musulmans qui, professant avoir la foi d’Abraham, adorent avec nous le Dieu unique, miséricordieux, futur juge des hommes au dernier jour.» Le texte du Concile utilise l’expression «adorent avec nous». Il s’agit donc bien de croyants tournés ensemble vers le Dieu créateur, vers l’Unique.
On peut relire cette belle parole du pape Jean Paul Il s’adressant aux populations de Kaduna, au Nigéria, en 1982: «Nous tous, chrétiens et musulmans […] croyons les uns et les autres en un seul Dieu, Créateur de l’homme. Nous adorons Dieu et professons une totale soumission à Lui. Donc, nous pouvons nous appeler au vrai sens des mots: frères et sœurs dans la foi au Dieu unique.» Juifs, chrétiens et musulmans, nous voilà donc «frères et sœurs dans la foi au Dieu unique ».
MAIS L’UNIQUE EST-IL LE MÊME?
La tentation commune est toujours de chercher le même dans l’autre alors qu’en lui se trouve de l’irréductible. Que dire alors du Tout Autre qu’est Dieu ? L’Unique est-il le même? La question est-elle bien posée? Car le terme même est ambigu au point qu’il veuille dire parfois un et parfois deux. Si nous disons que nous avons la même chemise, il y en a deux… Mais s’il s’agit du même médecin, il n’y a en a bien sûr qu’un! Comme le disait, en son temps, le pape Grégoire VII:
«Nous croyons et nous confessons un seul Dieu, même si nous le faisons de manières diverses, chaque jour, le louant et le vénérant comme créateur des siècles et souverain de ce monde.» Si Dieu est l’Unique, les croyants ne l’envisagent pas d’une unique manière. Mais l’étonnant, disait Mgr Jean-Marc Aveline, n’est pas qu’il y ait plusieurs chemins allant des hommes à Dieu mais plutôt la multiplicité des chemins que l’Unique emprunte pour aller vers chacun.
Dieu est l’Unique et nous sommes divers dans notre manière de le nommer, de l’adorer, de le prier.
Multiplicité des chemins qu’emprunte Dieu et qui mènent à Lui. Ils nous redisent que Dieu n’aime pas l’uniforme mais se plaît à la liberté de tous ses enfants qui le cherchent à tâtons. Nul n’atteint la totalité de la vérité de l’Unique. Les images qu’on en donne sont parfois brouillées, voire déformées. Chercher le même est au risque de réduire son image, son visage, et de vouloir mettre la main sur Lui. Il nous faut consentir à cet irréductible en Dieu lui-même et croire que la rencontre de l’autre peut nous révéler un visage, un nom, une manière de Dieu, que nous ne savions pas.
Dire que juifs, chrétiens et musulmans confessent le Dieu Un et Unique ne fait pas fi des différences. Mais il nous faut chercher ensemble comme l’évoquait Christian de Chergé (moine assassiné en Algérie qui pratiquait la rencontre interreligieuse) en quoi ces différences ont « sens de communion ». Des différences qui ont un sens, une signification, comme autant de signes à déchiffrer que nous donne l’Unique. Des différences qui ont un sens et une direction, qui sont invitation à nous mettre en route, pour éviter de nous enfermer dans notre différence et de manquer la rencontre de l’autre et du Tout Autre.
Ces différences, accueillons-les comme une miséricorde qui renvoie au mystère de l’Unique. »
« Bien que les temps forts de la Semaine de rencontres islamo-chrétiennes se déroulent du 12 au 20 novembre, la 16e édition de la SERIC, à l’initiative du Groupe d’amitié islamo-chrétienne, a bel et bien commencé depuis le 30 octobre et s’étend jusqu’au 3 décembre. En cette fin d’année, elle se conjugue à point nommé avec le 30e anniversaire du Rassemblement à Assise, la clôture du centenaire de la mort de Charles de Foucauld et celle de l’année jubilaire de la Miséricorde. Conférences, cafés-débats, concerts et repas partagés interreligieux sont au programme. « Partage et spiritualité : goutez le bonheur des Artisans de paix » est l’un des événements organisés dans le cadre de la 16e Semaine de rencontres islamo-chrétiennes. Juifs, chrétiens, musulmans et bouddhistes se réunissent pour une rencontre interreligieuse de prières pour la paix mardi 15 novembre, à la Maison soufie, qui vient juste d’être inaugurée en octobre dernier ». Lire la suite
Paaru dans le journal "La Croix" il y a un peu plus d'un mois, le 23 septembre 2016, mais toujours d'actualité.
Le modèle de tolérance religieuse et de coexistence pacifique burkinabé commence à s’effriter.
C’est le constat d’une ONG dans son dernier rapport sur la préservation de l’équilibre religieux.
L’archevêque de Ouagadougou venu souhaiter une bonne fête de l’Aïd el-Kebir aux musulmans burkinabés, le 19 Août 2012. / AHMED OUOBA/AFP
Ali Oul Sidi n’a pas changé ses habitudes. Ce commerçant de 55 ans a fêté Tabaski (l’Aïd el-Kebir en Afrique de l’Ouest), avec sa famille et ses voisins. Des musulmans, comme lui, des catholiques, comme sa femme, et des protestants, comme ses cousins. « On parle de notre Dieu, on mange dans le même plat… On n’a jamais fait de différence. Chez nous, on participe tous aux fêtes des autres. »
Cette diversité et cette tolérance religieuses sont la norme. On est burkinabé avant d’être musulman, chrétien ou animiste. Mais selon l’International Crisis Group (ICG), une ONG qui analyse les risques de conflits, l’équilibre religieux s’érode. En cause : des tensions intrareligieuses, interreligieuses et entre État et religions.
L’ICG note des changements de comportements individuels qui pourraient mener au repli communautaire. En témoigne la montée d’un islam rigoriste d’inspiration wahhabite, que recouvre le Mouvement sunnite, importé notamment des pays du Golfe.
Dans son quartier, Ali Oul Sidi en a fait le constat. « Le Burkina, c’est un islam tolérant. Les choses ont commencé à changer avec les sunnites. Ils restent entre eux, ne saluent pas les femmes, ne nous convient pas pour les fêtes… Ils nous prennent pour des faux types ! », regrette-t-il.
L’ICG met en garde contre la tentation d’associer religiosité et violence. Mais concède qu’il y a danger dès lors que ces changements affectent les rapports sociaux. L’ICG pointe également l’influence croissante de nouvelles Églises protestantes dites de réveil, « qui prônent parfois des valeurs peu compatibles avec la tolérance », « en rupture totale avec la tradition africaine, un des socles de la cohésion sociale au Burkina ».
De même, « au-delà d’un discours traditionnellement peu favorable au catholicisme, certaines Églises et des individus, en privé, font l’amalgame entre musulmans et terroristes ». De quoi alimenter les tensions.
L’ONG met également en exergue un sentiment de marginalisation des musulmans dans la société. Leurs doléances, adressées à l’État, portent notamment sur une meilleure représentativité dans la sphère publique au vu de leur poids démographique.
Selon le dernier recensement de 2006, 60,5 % de la population est musulmane. Or, du fait de la colonisation, les élites politiques et administratives sont majoritairement chrétiennes. Un état de fait historique aujourd’hui source de frustrations. « J’ai toujours senti les frustrations des musulmans, raconte le P. Jean-Baptiste Sanou. On fait l’autruche. Comme notre tolérance est devenue un mythe, on croit que si on ne pose pas le problème, on l’a résolu. »
En outre, la montée du terrorisme se réclamant de l’islam en Afrique de l’Ouest instaure un climat de méfiance et menace le vivre-ensemble. L’ICG appelle les autorités à prendre des dispositions. Car en matière de tolérance, rien n’est jamais acquis : « Une minorité d’individus suffit à créer des troubles », précise l’ICG. Au lendemain de l’attentat terroriste de janvier à Ouagadougou, le gouvernement avait appelé la population au discernement, car des musulmans avaient été pris à partie. Du jamais vu.
Le modèle burkinabé n’est pas immédiatement menacé, explique l’ICG. Mais ignorer ce débat pourrait être encore plus dangereux. Ali Oul Sidi, lui, est confiant : « On est tous animistes à la base. La chefferie traditionnelle aussi et elle est très influente. Il faudrait la détruire pour nous diviser ». Au Burkina Faso, l’optimisme est toujours de mise.
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