La Commission européenne a proposé mercredi 11 mai une stratégie contre l’exploitation sexuelle des mineurs sur les plateformes et messageries en ligne. Elles devront détecter, bannir et signaler les cas d’exploitation sexuelle, et un centre européen spécialisé sera créé pour les combattre.
Bruxelles a présenté mercredi un projet de règlement imposant des obligations aux plateformes et messageries en ligne pour détecter, signaler et retirer les images pédopornographiques, s’inquiétant de l’explosion de ces contenus illégaux. Le fléau prend de l’ampleur, et ceux qui prospèrent dessus se moquent bien des frontières nationales. Selon des chiffres de la Commission européenne, les signalements d’abus sexuels commis contre des enfants en ligne dans l’UE ont augmenté – passant de 23 000 en 2010 à plus de 725 000 en 2019.
Dans la toile des pédocriminels
Et le phénomène s’est accru par la suite, alerte Catherine De Bolle, directrice exécutive d’Europol : « La crise du Covid-19 a entraîné une augmentation de la diffusion en ligne de contenus pédopornographiques, qui était déjà à des niveaux élevés avant la pandémie. » Les signalements ont bondi de 64 % entre 2020 et 2021, pour arriver à 85 millions de vidéos et de photos à caractère sexuel mettant en scène des mineurs, confirme l’observatoire britannique Internet Watch Foundation (IWF).
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L’exécutif européen voudrait reprendre la main, partant du principe que la plupart des réseaux criminels s’en prenant aux mineurs sont transnationaux. « Notre société échoue aujourd’hui à protéger les enfants », s’est indignée la commissaire aux affaires intérieures, Ylva Johansson. Elle annonce « des dispositions législatives visant à imposer aux plateformes en ligne de détecter et de rendre compte de ce contenu illicite », ainsi que « la création d’un nouveau centre européen pour prévenir et combattre les abus sexuels commis contre des enfants ».
Devoir de vigilance
Jusqu’à présent, les entreprises du Web (réseaux sociaux, messageries, fournisseurs) signalaient les contenus pédopornographiques sur la base du volontariat. Une fois la disposition adoptée par le Parlement et le Conseil européens, elles seront tenues d’évaluer les risques d’usage criminel de leurs outils de communication et de mener des actions préventives. La Commission entend notamment lancer une campagne de sensibilisation qui implique les ONG de protection de l’enfance et les partenaires de la société civile – avec un slogan : « Le danger est réel. »
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Cette responsabilisation des plateformes prend place dans le cadre plus large du règlement de l’UE sur les services numériques (« Digital Services Act », DSA) qui exige un contrôle, sans quoi jusqu’à 6 % de leur chiffre d’affaires pourrait être engagé. Une autorité indépendante sera chargée de surveiller les entreprises du Net. En cas de défaut face à leurs nouvelles obligations, cette dernière pourra saisir un tribunal.
Les agressions sexuelles sur mineurs sont diverses. Il peut tout autant s’agir de sollicitations à des fins sexuelles, de diffusion d’abus sexuels sur des mineurs, ou encore de vengeance pornographique et de chantage sexuel, qui touchent nombre d’adolescents.
Europol à la manœuvre
La Commission inscrit les nouvelles mesures dans une stratégie 2020-2025. Pour appuyer les enquêtes menées dans chaque pays, l’agence européenne de police criminelle Europol a défini la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants comme l’une de ses « priorités en matière de criminalité ».
Il y a un an, sous la coordination d’Europol, la police allemande avait démantelé l’un des plus grands réseaux mondiaux de pédopornographie sur le darknet (réseau clandestin). Quatre suspects ont été arrêtés, dont ceux qui sont soupçonnés d’être les animateurs de l’organisation criminelle, qui se passait déjà des acteurs traditionnels du Web.