Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

La dé-mission financière des Églises du Sud ? |La Croix Africa

Approches missionnaires paternalistes

D’une part, cette dépendance pathologique des Églises du Sud à l’égard des Églises du Nord a ses racines dans certaines approches missionnaires paternalistes. Ce paternalisme est plus répandu dans les milieux francophones que anglophones. Dans un pays bilingue comme le Cameroun, on observe facilement que la générosité des chrétiens francophones à l’égard de l’Église est très en deçà de celle des chrétiens anglophones. J’ai fait le même constat par rapport à beaucoup de communautés nigérianes qui lèvent facilement des fonds pour financer les activités de l’église locale avant même de tendre la main à l’Occident.

Les prêtres de notre génération qui ont remplacé les curés occidentaux souffrent encore de comparaisons qui visent à conclure que les prêtres africains aiment beaucoup l’argent, pour la simple raison qu’ils sollicitent souvent la générosité des chrétiens pour les activités de la paroisse ou d’une œuvre. Ce que le missionnaire européen ou américain ne faisait pas parce qu’il faisait venir facilement des ressources de l’Occident. Bref, l’approche paternaliste de beaucoup de missionnaires n’a pas responsabilisé les communautés chrétiennes du Sud qu’ils ont évangélisées.

Installation dans la dépendance

D’autre part, les communautés chrétiennes du Sud se sont installées dans la dépendance comme si la manne continuera in eternam à tomber de l’Occident. Il est bien vrai que nombre d’Églises locales ont pris ces dernières décennies la mesure des enjeux et ont fait un certain nombre d’investissements qui visent à sortir de la dépendance. Mais il n’existe presque pas de diocèse en Afrique qui ne reçoit rien de l’Occident. Or l’aide peut devenir un piège, surtout quand on s’y installe. Et beaucoup d’églises en Afrique sont tombées dans ce piège. Nous n’avons pas appris à nous prendre nous-mêmes en charge. Nous nous sommes installés dans l’adolescence financière. Les incidences financières de Covid-19 sont là pour nous réveiller ! Que faire ?

Sevrage progressif

Lire l’article complet : La dé-mission financière des Églises du Sud ?Ludovic Lado SJ, 19.02.21

G5 Sahel : le Tchad envoie 1 200 soldats dans la zone des « trois frontières »

| Par Jeune Afrique avec AFP
Mis à jour le 16 février 2021 à 12h12
Soldats tchadiens formés au contre-terrorisme, à N’Djamena, le 15 mars 2017. Photo d’illustration.
Soldats tchadiens formés au contre-terrorisme, à N’Djamena, le 15 mars 2017.
Photo d'illustration. © BRYAN DENTON/NYT-REDUX-REA


En marge du sommet du G5 Sahel qui s’est ouvert lundi à N’Djamena, le président tchadien Idriss Déby Itno a annoncé l’envoi de 1 200 soldats dans la zone dite des « trois frontières », entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso, pour lutter contre les jihadistes.

Les ministres de la défense du G5 Sahel (Tchad, Niger, Mauritanie, Niger, Burkina Faso) se sont rendus lundi à N’Guigmi, au Niger, près de la frontière avec le Tchad, où sont stationnés les soldats qui seront ensuite déployés dans la région des « trois frontières », selon la télévision d’État tchadienne, une annonce également faite sur Twitter par la présidence.

L’envoi de soldats tchadiens avait été initialement annoncé il y a un an lors du précédent sommet de Pau. Mais plusieurs facteurs avaient empêché leur déploiement : une menace jihadiste grandissante sur les bords du lac Tchad mais aussi un désaccord constant entre N’Djamena et ses partenaires sur les modalités de ce déploiement.

Tractation financières

Des « questions financières » ont notamment conditionné cette opération, le président tchadien réclamant entre autres qu’une partie des primes des soldats déployés soit prise en charge par les partenaires, selon plusieurs sources diplomatiques concordantes au Sahel. « Il y a eu des questions financières qui ont été réglées », a reconnu l’Élysée quelques jours avant le sommet de N’Djamena.

L’envoi de soldats était réclamé depuis plusieurs années par la France, partenaire du G5 Sahel, qui souhaite réduire sa présence militaire dans la région, alors que 5 100 soldats français sont actuellement présents dans la zone des « trois frontières ».

[Chronique] Machisme, racisme et paternalisme : Ngozi Okonjo-Iweala à l’OMC,
une « grand-mère » discriminée ?

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Par  Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

Glez

Alors que les féministes et africanistes se réjouissent de la nomination de Ngozi Okonjo-Iweala à la tête de l’Organisation mondiale du commerce, la qualification de « grand-mère », par un journal suisse, de l’ancienne ministre nigériane a suscité l’indignation.

Le paradis féministe n’est pas l’état intermédiaire de la société contemporaine où il faut toujours « stabilobosser » le sexe de personnes souvent sous-payées ou rarement promues, dans l’espoir de ne plus avoir à le faire plus tard. Difficile, donc, de ne pas se réjouir explicitement du « strike » que vient de réaliser Ngozi Okonjo-Iweala au grand bowling des carrières internationales.

Dans le mot « Nigeriane », qui qualifie l’ancienne ministre des Finances et des Affaires étrangères, il y a bien « Nigerian » et « iane ». « L’emmerdeuse » (la traduction de son surnom yoruba « Okonjo-Wahala ») réjouit tout à la fois les féministes et les africanistes puisqu’elle est la première femme et la première personne originaire d’Afrique à accéder au fauteuil suprême de la direction générale de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Peut-être a-t-elle fait un clin d’œil virtuel en direction de l’Africaine Fatou Bensouda qui, elle, s’apprête à quitter ses fonctions de procureure de la Cour pénale internationale (CPI).

« Grand-mère »

Le curriculum vitæ de l’économiste et sa force de caractère ne pouvant être banalisés, seul des « hourrah » devaient  rappeler qu’une telle nomination afro-féminine est encore rare. Mais si les féministes et africanistes ne sont pas au paradis, les machistes racialistes n’ont pas fini leur purgatoire. Depuis la nomination de Ngozi Okonjo-Iweala, les internautes vigilants traquent le naturel qui revient au galop, même drapé dans d’insidieuses formulations. C’est ainsi qu’un titre du journal suisse Aargauer Zeitung a interpelé au point de devenir viral : « Cette grand-mère sera la nouvelle directrice de l’OMC ».

Que peut donc bien revêtir ce mot « grand-mère » dans l’esprit d’un journaliste helvétique ? S’il sous-entend qu’une mère d’enfants eux-mêmes parents a un âge à souligner – 66 ans dans le cas de Ngozi Okonjo-Iweala -, le rédacteur est-il capable de produire les articles où il qualifie de « grand-père », dès le titre, le Secrétaire général actuel des Nations unies, António Guterres, âgé de 71 ans ? À moins qu’il ne sous-entende qu’une grand-mère est vouée à faire des confitures ou à se faire dévorer par un loup dans un conte européen.

Déferlement de critiques

La formulation du titre suisse est-elle la torve combinaison de trois discriminations –anti-femme, anti-africain et anti-sénior ? Beaucoup d’internautes y voit davantage une « branche » à laquelle un observateur raciste et/ou sexiste pourrait se raccrocher dans un monde trop politiquement correct. L’article trahirait tout bonnement un doute sur les qualifications de la nouvelle patronne de l’OMC, tous aspects de son profil confondus.

Des twittos affirment que ce sont de mêmes observateurs suisses qui auraient miné le parcours du Franco-ivoirien Tidjane Thiam qui ramena pourtant le Crédit suisse à une situation de profitabilité. Mais attention à ne pas stigmatiser les Suisses.

 
 

[Tribune] Face à la terreur, il faut miser sur l’intelligence

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Par  Moussa Mara

Ancien Premier ministre du Mali, président du parti Yelema.

Des soldats français à Deou (Burkina Faso), le 5 novembre 2019.

Des soldats français à Deou (Burkina Faso), le 5 novembre 2019. © Philippe de Poulpiquet/MAX PPP

Contre un terrorisme aux relents insurrectionnels, les États doivent constamment rechercher le soutien des populations et intégrer le fait que le seul usage de la force ne saurait suffire.

Pour réduire significativement l’impact terroriste au Mali et dans le Sahel, nos États doivent intégrer le fait que les forces étrangères ne sauraient suffire. Pas plus que le seul usage de la force, au contraire ! Contre un terrorisme aux relents insurrectionnels, nous sommes condamnés à rechercher constamment le soutien des populations. Cela nécessite des stratégies dont certaines remettront forcément en question d’importants paradigmes de fonctionnement de nos États.

Ceux-ci doivent intégrer la dimension de la communication et accorder plus d’importance au renseignement. L’utilisation de la presse et des radios locales, le passage régulier des forces de sécurité et des agents publics sur les plateaux de télévision, l’utilisation de langages accessibles aux populations, la collaboration avec les autorités politiques et traditionnelles, ou encore un partenariat avec les sociétés civiles sont des pistes à explorer.

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IL CONVIENT DE NE PAS PERDRE DE VUE QUE LES POPULATIONS SONT DES ALLIÉS ET NON DES SUSPECTS.

Les milices locales sont à éviter car elles sont contreproductives. Certains acteurs de ces milices, intégrés dans le dispositif étatique, peuvent par ailleurs être utiles dans le renseignement. La lutte contre les exactions éventuelles des forces régulières constitue un facteur efficace de communication. Il convient de communiquer sur cet aspect, de veiller à l’indemnisation des victimes et ne pas perdre de vue que les populations sont des alliés et non des suspects.

Mettre fin à la stigmatisation ethnique

Il faut mettre fin aux conflits intercommunautaires et à la stigmatisation ethnique. Aucune communauté ne doit plus être ni ciblée ni indexée, au niveau local ou national. Il convient d’ouvrir les discussions intercommunautaires et retenir l’échelle communale pour ce faire.

Cela fut engagé avec succès, dans le cercle de Koro avec le soutien d’ONG de médiation et déboucha sur la conclusion d’accords locaux dans les communes de Barapireli, Koro, Dangatene ou Madougou. Il faut en finir avec les grandes messes régionales qui ne débouchent que sur des engagements finalement non tenus car les protagonistes n’ont ni la volonté, ni le pouvoir de les tenir.

Les conventions locales conclues entre les représentants légitimes des populations et garanties par l’État auront plus de chance d’être appliquées. L’État doit avoir ensuite l’intelligence d’orienter tous ces projets et programmes vers la satisfaction des attentes exprimées à son égard dans les accords ainsi conclus. Il n’y a pas de doute que si, au Mali, nous parvenions à conclure une entente dans chacune des 113 communes de la zone-région de Mopti et que l’État mettait en œuvre les engagements qui sont les siens d’ici à six mois, nous ferions baisser les tensions et créerions les conditions d’une action plus efficace contre les groupes terroristes.

Remettre en cause les dogmes administratifs

Le déploiement de l’État sur le territoire est un aspect qu’il faut poursuivre avec vigueur et résolution. La prise en charge des engagements ne peut être effective sans une présence satisfaisante de l’administration dans ces zones de tension. Le souci de sécurité des agents est compréhensible, mais cela doit être surpassé. C’est pourquoi il faut changer son fusil d’épaule en la matière. L’État doit exceptionnellement envoyer dans la zone du personnel qui en est originaire et cela à tous les niveaux (représentant administratif, justice, services sociaux…).

Ces agents sont davantage concernés par la stabilité et l’harmonie dans leur contrée. Ils sont moins enclins à certaines attitudes condamnables, seront mieux acceptés et seront donc plus en sécurité. Ils auront enfin une meilleure perception des risques et seront donc moins enclins à se replier à la moindre rumeur. Nous devons savoir remettre en cause certains dogmes administratifs pour installer cette dynamique dans toutes les zones d’insécurité de nos pays, même s’il faut recourir à des recrutements spéciaux à cette fin.

Il faut ensuite tendre vers la fourniture de l’ensemble des services de base, pierre angulaire de la bataille pour gagner les cœurs de nos compatriotes. Les administrations doivent fonctionner, et la satisfaction des attentes des populations est à prioriser. À ce titre, la réponse aux doléances contenues dans les accords de paix intercommunautaires est une base à retenir. De manière structurelle, l’État doit cibler le renforcement des voies de communication, l’amélioration de l’accès aux zones et l’accès à l’eau, essentiel, pour les populations et le bétail.

Savoir infiltrer l’ennemi

Compte tenu de l’insécurité, l’utilisation de nos services de génie militaire sera stratégique. Il faut les renforcer dans l’urgence, les équiper et les doter en effectifs adéquats pour leur permettre de reprendre les nombreux chantiers à l’arrêt et les achever rapidement, quel qu’en soit le coût ! Les États doivent se réorganiser dans
cette perspective. L’amélioration des routes et des voies de communication sera un facteur clé de relance économique, d’accroissement des interactions sociales et même d’amélioration des actions sécuritaires.

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IL FAUT PERMETTRE À NOS ÉTATS DE CHANGER DE POSTURE FACE AUX INSURGÉS, DE SAVOIR INFILTRER L’ENNEMI, LE SURPRENDRE, PORTER L’AFFRONTEMENT DANS SON CAMP ET L’ÉLOIGNER DU NÔTRE.

Les actions militaires, dans le cadre de ces stratégies contre-insurrectionnelles, doivent-elles aussi sortir du cadre classique et s’engager dans la voie d’une plus grande agilité de nos forces, et d’amélioration de leurs capacités d’anticipation. Nous devons tendre vers la même souplesse que nos ennemis. Cela nécessitera des unités plus légères et mieux aguerries. Les forces spéciales de nos armées doivent disposer d’effectifs plus nombreux et l’amélioration de leurs performances doit constituer une priorité. Le nombre de snipers (tireurs d’élites) est à accroitre de manière significative.

Nous devons donc appuyer les efforts dans ce sens et orienter les appuis extérieurs vers ces directions. Cela permettra à nos armées d’être plus adaptées au terrain. Des programmes rigoureux sont à établir afin que, dans un court délai, nous puissions disposer de forces de ce type et en nombre de plus en plus important. C’est ce qui permettra à nos États de changer de posture face aux insurgés, de prendre des initiatives, de savoir infiltrer l’ennemi, le surprendre, porter l’affrontement dans son camp et l’éloigner du nôtre et donc d’améliorer nos chances de succès.

Toutes ces initiatives seront conduites de manière résolue, sous l’égide de nos institutions politiques avec un monitoring serré des actions de terrain. C’est à ce prix que nous nous donnerons des atouts pour pouvoir suppléer à moyen terme les forces étrangères et retrouver ainsi la plénitude de notre souveraineté sur nos territoires. C’est également à ce prix que nous pourrons faire face durablement aux actions terroristes avec lesquelles nous devrons malheureusement apprendre à vivre.

 
 

[Tribune] Faut-il négocier avec les terroristes ? C’est déjà le cas

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Par  Niagalé Bagayoko

Présidente du think tank African Security Sector Network

Des soldats français de Barkhane, lors d’une opération dans la région du Gourma, dans le centre du Mali.

Des soldats français de Barkhane, lors d'une opération dans la région du Gourma, dans le centre du Mali. © REUTERS/Benoit Tessier

 

Alors que s’ouvre le 15 février le sommet du G5 Sahel à N’Djamena, la question du dialogue avec certains groupes jihadistes revient au cœur des discussions.

La question d’un règlement politique de la situation sahélienne à travers l’engagement de négociations avec certains groupes jihadistes est de plus en plus mise en avant comme une voie possible de sortie de crise.

Déjà, en 2017, la Conférence d’entente nationale avait formulé d’importantes recommandations portant sur des engagements communs devant permettre un vivre-ensemble harmonieux, une paix durable et une réconciliation nationale à l’échelle du Mali grâce à des pourparlers avec tous les acteurs du conflit. En 2019, le dialogue national inclusif, qui a rassemblé les forces vives de la nation, a également plaidé en faveur de l’ouverture de discussions avec tous les fils du pays, y compris les chefs des groupes armés jihadistes Iyad Ag Ghaly et Hamadoun Koufa.

Le cinquième axe de la « feuille de route de la transition », adoptée en septembre 2020, préconise également d’engager un dialogue avec les groupes armés radicaux, tandis que les autorités maliennes, par la voix du Premier ministre de la transition, Moctar Ouane, ont clairement fait valoir qu’elles entendaient poursuivre les échanges engagés par le gouvernement du président Ibrahim Boubacar Keïta avant la chute de celui-ci.

Infléchissement bukinabè

Alors qu’elles avaient jusqu’alors adopté un discours extrêmement ferme quant à leur refus d’envisager le moindre dialogue, les autorités burkinabè semblent désormais infléchir cette position, ainsi que l’a indiqué le Premier ministre dans son discours de politique générale.

Il est par ailleurs utile de signaler que d’importants efforts de médiation ont d’ores et déjà été déployés au niveau local par des acteurs traditionnels, coutumiers et religieux qui travaillent parfois dans le cadre de discussions facilitées par des partenaires internationaux. C’est ainsi que plusieurs accords ont pu être trouvés à l’échelle locale. Dans la région de Mopti, les représentants des légitimités locales de plusieurs communes des cercles de Koro (Dioungani, Diankabou, Madou, Bamba, Yorou, Barapereli) et de Bandiagara (Sangha) ont en effet négocié directement, en juillet 2020, une entente communautaire de paix et de réconciliation avec les combattants jihadistes de la katiba Macina (affiliée au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, GSIM, qui a lui-même prêté allégeance à Al-Qaïda) et de la Dawlat Al Islamia (affiliée à la branche sahélienne de la province ouest-africaine de l’État islamique).

Ces accords ont porté notamment sur la régulation des relations entre, d’une part, les jihadistes et, d’autre part, les groupes d’autodéfense et les chasseurs traditionnels dozos mobilisés pour assurer la protection de leurs communautés. Dans le cercle de Niono (région de Ségou), afin de trouver une solution au siège subi par le village de Farabougou – encerclé depuis le mois d’octobre 2020 par des combattants jihadistes de la zone du Kourmari –, des pourparlers avec les assaillants ont été engagés par des représentants du Haut Conseil islamique (HCI) venus de Bamako et des communautés villageoises de la zone.

Au Burkina Faso, une situation plus apaisée semble s’instaurer autour de la ville de Djibo, dans le Soum (région du Sahel), tandis que l’absence d’attaques majeures durant la campagne présidentielle suggère que les conditions d’une trêve pourraient avoir été négociées.

Nouveaux espaces de gouvernance locale

Il convient également de souligner que des accords de réconciliation visant à apaiser les affrontements communautaires et les tensions locales sont également discutés, mobilisant notamment les efforts de facilitation d’organisations internationales non gouvernementales, telles Humanitarian dialogue/Henry Dunand, Search for Common Ground, l’Appel de Genève ou Promediation.

Même si ces initiatives locales restent encore insuffisamment coordonnées et leur portée limitée, la multiplication de ces efforts de paix révèle tout d’abord l’émergence de nouveaux espaces de gouvernance locale, à la faveur de la crise, en marge de l’autorité et du contrôle des États. Elle met également en relief l’existence d’une dynamique de dialogue impulsée par le bas qui s’affirme en complément des initiatives diplomatiques menées à l’échelle de l’État, mais se développe aussi parallèlement aux opérations militaires de lutte antiterroriste conduites à la fois par la force conjointe du G5-Sahel, la force française Barkhane, l’opération européenne Takuba, dont les efforts sont désormais coordonnés dans le cadre de la Coalition internationale pour le Sahel, instaurée à l’issue du sommet de Nouakchott de juin 2020.

La question qui se pose aujourd’hui est de savoir dans quelle mesure il est possible d’introduire une convergence entre ces différents efforts. Désormais, les initiatives de réconciliation engagées à l’échelle locale, les approches diplomatiques que les autorités maliennes et burkinabè ont affirmé vouloir poursuivre et les interventions militaires menées à la fois à titre national et dans le cadre du « partenariat de combat » scellé entre la France et ses partenaires sahéliens doivent être mobilisées en synergie afin de mettre un terme aux violences qui affectent en premier lieu et de manière dramatique les populations civiles.

Vision politique de sortie de crise

À travers l’audition au Sénat de son ministre des Affaires étrangères, la France a souligné sa volonté de voir le sommet de N’Djamena être « surtout politique et diplomatique » afin de prolonger le « sursaut militaire » décidé un an plus tôt lors du sommet de Pau. Il serait bien entendu insuffisant de considérer que cette approche politico-diplomatique doive se limiter à la seule mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali de 2015, tant les enjeux multidimensionnels de la crise sahélienne dépassent désormais le septentrion malien pour embraser de manière endémique le centre du Mali, la zone des trois frontières aux confins du Niger et du Burkina Faso et, de manière croissante, des parties de leurs territoires frontalières des États côtiers.

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CE QUI EST EN JEU, C’EST LE MODÈLE DE SOCIÉTÉ QUE LES ÉTATS SAHÉLIENS, D’UNE PART, ET, D’AUTRE PART, LES GROUPES JIHADISTES QU’ILS AFFRONTENT ENTENDENT RESPECTIVEMENT FAIRE VALOIR.

En réalité, l’enjeu est de parvenir à ce que la mobilisation coordonnée de l’instrument militaire et des différents efforts diplomatiques soit mise au service d’une vision politique de sortie de crise. En d’autres termes, il s’agit tout d’abord de déterminer dans quelle mesure les opérations militaires peuvent désormais avoir pour vocation d’amener les ennemis combattus à faire des concessions sur les options qu’ils ont cherché à imposer par la voie des armes. Il s’agit ensuite et surtout de savoir à l’appui de quel projet politique ces efforts diplomatico-militaires peuvent être conduits : ce qui est en jeu aujourd’hui, c’est en effet fondamentalement le modèle de société que les États sahéliens, d’une part, et, d’autre part, les groupes jihadistes qu’ils affrontent entendent respectivement faire valoir.

C’est donc toute la question du type d’État, fondé sur un contrat social renouvelé, qui se pose aujourd’hui. Seules les populations sahéliennes, premières victimes des violences multiformes qui affectent la région, peuvent légitimement y apporter une réponse.