Par Gilles Olakounlé Yabi
Économiste et analyste politique, Gilles Olakounlé Yabi est le fondateur de WATHI, think tank citoyen de l’Afrique de l’Ouest (www.wathi.org).
La France, la Chine, la Turquie, les États-Unis… Et, désormais, la Russie qui fait un retour remarqué. Le continent est un terrain de luttes d’influence entre les grandes puissances. Si l’Afrique a tout intérêt à jouer de cette diversification de ses partenaires, elle doit prendre garde à ne pas s’y laisser dévorer.
2020 : réinventer l’Afrique (6/6) – Élections cruciales, chantiers économiques, enjeux sociaux et sociétaux… En cette année de célébration des indépendances, quels sont les défis que le continent doit encore relever ? Pendant une semaine, Jeune Afrique vous propose analyses et décryptages.
Jair Bolsonaro est un cas à part. Pas seulement parce qu’il affiche son mépris des usages diplomatiques et ne craint pas d’enchaîner indélicatesses et contrevérités. Mais aussi parce qu’il manifeste, à l’égard de l’Afrique, une indifférence totale. Peu lui importe que le Brésil ait longtemps été un partenaire – économique notamment – de plusieurs des pays du continent.
Peu lui importe encore de prendre le contre-pied de la politique que l’un de ses prédécesseurs, Luiz Inácio Lula da Silva, s’était appliqué à construire, multipliant les voyages sur le continent (13 visites à travers 29 pays entre 2003 et 2010). L’Afrique, le nouveau président brésilien n’en a cure, et ce dédain affiché est d’autant plus remarquable qu’il est à l’exact opposé de l’intérêt globalement exprimé par l’ensemble des pays qui pèsent ou espèrent peser sur la scène mondiale.
Pour s’en convaincre, il suffit de recenser le nombre des sommets qui mettent le continent à l’honneur – la liste est impressionnante. On connaît, bien sûr, les sommets Afrique-France, version politiquement plus correcte des sommets France-Afrique lancés au début des années 1970 sous la présidence de Georges Pompidou.
On s’est également habitués à la Ticad, la conférence internationale de Tokyo sur le développement en Afrique, inaugurée en 1993. Dans ce cas précis, il est intéressant de souligner que le Japon a coutume d’associer largement à ses Ticad diverses agences onusiennes, privilégiant une approche ouverte et internationalisée quand les autres puissances (émergentes ou bien établies) ont quasiment toutes opté pour une reproduction du tête-à-tête franco-africain.
Continuons notre liste. Depuis l’an 2000, Pékin a institutionnalisé un Forum de coopération sino-africaine, le Focac. La dernière édition, en septembre 2018, s’est achevée sur des annonces d’engagements financiers faramineux. Rivale de la Chine en Asie, l’Inde affiche également de grandes ambitions. En octobre 2015, le Premier ministre, Narendra Modi, a invité tous les pays africains sans exception au troisième sommet Inde-Afrique. Une quarantaine ont répondu présent.
Le primat des souverainetés nationales et la priorité donnée aux relations économiques rassurent
L’Europe, bien sûr, n’est pas en reste. L’Allemagne, longtemps timide malgré son statut de première puissance du Vieux Continent, s’est aussi lancée. Le Ghana a accueilli en février 2019 le troisième sommet économique Afrique-Allemagne, destiné à stimuler l’intérêt des investisseurs privés allemands pour le continent.
Fidèles à leur réputation de pragmatiques, et peut-être par délicatesse à l’égard de l’allié français, les Allemands affichent essentiellement des objectifs économiques et suivent Paris sur les grands dossiers politiques et sécuritaires africains, notamment au Sahel.
Le tout dernier venu, qui fait grand bruit, c’est Moscou, avec son récent sommet Russie-Afrique. Ces dernières années, le Kremlin a repris une place influente sur la scène mondiale en s’appuyant sur sa capacité militaire, projetée avec une redoutable efficacité en Syrie. Une quarantaine de dirigeants africains se sont pressés à Sotchi, les 23 et 24 octobre derniers.
À titre personnel, Vladimir Poutine n’est clairement pas un « amoureux » de l’Afrique. Mais s’il séduit sur le continent, c’est parce qu’il semble être le seul, avec le président chinois, qui tienne tête aux États-Unis. Avec eux, nos chefs d’État n’ont pas à redouter de leçons au sujet de la démocratie, du respect des droits de l’homme et de la bonne gouvernance.
Le primat des souverainetés nationales et la priorité donnée aux relations économiques rassurent. Avec leurs propos lisses et flatteurs, les nouveaux partenaires de l’Afrique profitent de l’occasion que leur offrent ces sommets pour régler leurs comptes avec leurs rivaux sur la scène géopolitique mondiale, dénonçant les dégâts historiques provoqués par les puissances européennes en Afrique.
Dans ce registre, Recep Tayyip Erdogan est sans doute le plus décomplexé. Lors du troisième sommet des leaders religieux musulmans d’Afrique organisé à Istanbul en octobre, le président turc a déclaré que « ceux qui [voulaient] nous donner des leçons aujourd’hui ont, pratiquement tous, un passé entaché de massacres, d’invasions et de colonisation ».
Point de doute sur ceux qui sont visés… La Turquie a organisé en 2008 son premier sommet de coopération Turquie-Afrique et a confirmé depuis sa poussée spectaculaire sur le continent, multipliant les ouvertures d’ambassades et projetant dans le ciel africain sa compagnie Turkish Airlines.
Reconnaissance internationale
De Paris à Pékin, en passant par New Delhi, ce que les uns ou les autres ont à y gagner, en termes d’échanges commerciaux ou de géopolitique mondiale, est plutôt évident. Mais que retire l’Afrique de ces grands raouts ? Commençons par les chefs d’État africains. Sans doute y gagnent-ils une certaine reconnaissance internationale et, parfois, le sentiment de compter aux yeux des pays les plus influents de ce monde.
Cette légitimation n’est pas anecdotique pour les présidents les plus contestés en interne, que ce soit pour leurs pratiques autoritaires, pour leurs résultats économiques et sociaux peu convaincants ou pour leur longévité au pouvoir. À Sotchi ou ailleurs, on a vu des chefs d’État se presser pour obtenir des apartés et, le cas échéant, savourer « l’honneur » qui leur était ainsi fait.
Les présidents sahéliens apprécient de sortir du tête-à-tête avec le partenaire historique français
Bien sûr, ils y trouvent aussi un intérêt très concret. La Russie et ses capacités respectables dans le domaine des équipements et de l’expertise militaires intéressent nombre de pays du continent. On imagine aussi que les présidents sahéliens apprécient de pouvoir sortir de temps en temps du tête-à-tête avec le partenaire historique français, aussi familier qu’encombrant.
Ressources naturelles
On a aussi beaucoup répété que, pour les pays africains et pour leurs peuples, le principal intérêt de ces sommets résidait dans la diversification des partenaires, au motif que celle-ci irait de pair avec une diversification des options d’investissement, des échanges commerciaux et des sources de financement. Cela est sans doute vrai et ne se refuse pas.
Mais, pour en tirer des bénéfices durables, il faudrait que les États africains disposent d’une identification claire des besoins d’apports extérieurs dans les domaines clés pour le développement à moyen et à long termes. La multiplication des offres de partenariat avec des États aux modèles économiques et politiques très variés peut distraire encore davantage les pays africains de leurs priorités, qui ne peuvent pas se résumer à un exercice de rattrapage du retard en matière d’infrastructures. L’investissement dans le capital humain et social ainsi que celui dans la préservation de l’environnement sont cruciaux pour l’avenir du continent.
On ne peut pas non plus continuer à occulter la face sombre des relations entre les pays africains et leurs généreux partenaires, anciens ou récents : la ponction des ressources naturelles enfouies dans les terres et les fonds marins. Il est un point qui est très clair en matière d’exploitation des ressources : sans un changement majeur dans la gouvernance de nos pays, sans un effort immense dans la formation des ressources humaines, nous n’avons aucune chance de parvenir à établir un rapport de force bénéfique aux Africains.
Alors oui, nos pays doivent profiter des opportunités offertes par la diversification de leurs partenaires. Mais tant que les dirigeants africains ne feront pas leur « homework », leurs devoirs à la maison, en construisant des capacités de réflexion et d’action au sein de leurs États, en les mettant en réseau à l’échelle des communautés économiques régionales et continentale, la diversification de la dépendance aura des conséquences assez similaires à celle de la monodépendance.
Indépendance africaine
Il est lassant de devoir le répéter : l’Afrique doit penser par et pour elle-même, et être aussi unie que possible sur les questions globales. Sans quoi, elle continuera à être conviée au grand banquet du monde pour y être plus ou moins délicatement mangée. Il n’est pas certain que cela fasse une grande différence, pour une gazelle, d’être dévorée par un lion ou par plusieurs.
Certes, elle peut espérer que la querelle qui ne manquera pas d’opposer ses poursuivants lui offrira un sursis, voire une possibilité de fuite, mais l’espoir est mince. Et s’il est excessif d’assimiler nos partenaires, anciens et nouveaux, à de simples prédateurs, nous serions avisés de ne pas oublier la longue histoire de domination politique et économique qui est la nôtre.
L’un plaide pour une réorganisation de la mondialisation, l’autre prône un changement de modèle de croissance pour le continent. Entretien croisé avec deux économistes qui n’ont pas peur de casser les codes.
Voilà deux économistes qui auront marqué l’année qui s’achève et qui, cela ne fait guère de doute, vont continuer à animer le débat en 2020. À 48 ans, le Français Thomas Piketty est un obstiné détracteur du capitalisme contemporain, qui, selon lui, engendre de grandes inégalités dans le monde. Dans son ouvrage Capital et Idéologie, paru en septembre dernier aux éditions du Seuil, il insiste sur la nécessité, déjà défendue dans son best-seller Le Capital au XXIe siècle, paru six ans plus tôt chez le même éditeur, de réformer ce système.
Il faut réorganiser « la mondialisation », martèle-t-il, favoriser une plus grande « justice sociale », « désacraliser » la propriété privée et mettre un terme à la « logique d’accumulation infinie » que celle-ci induit. Utopistes pour certains, ses idées font néanmoins leur chemin dans les discussions au sein des partis travaillistes et conservateurs au Royaume-Uni, tout comme aux États-Unis, où elles sont au cœur de la campagne pour les primaires du Parti démocrate.
Quant à Kako Nubukpo, 51 ans, doyen de la faculté des sciences économiques et de gestion de l’université de Lomé, ancien ministre et ancien directeur de la francophonie économique à l’OIF, il combat depuis plusieurs années le franc CFA, monnaie utilisée par 14 pays d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Ouest, dans sa forme actuelle.
C’est également par le biais d’un livre, L’Urgence africaine, publié chez Odile Jacob en septembre, qu’il a fait parler de lui en 2019. Pour lui, il faut rapidement changer de modèle de croissance sur le continent, opter pour un développement « endogène », rompre avec les institutions de Bretton Woods qui ont fait de l’Afrique un « laboratoire néolibéral » et s’entêtent à y imposer des politiques de développement qui ne fonctionnent pas, alors que le continent connaît une croissance démographique sans précédent !
Si ces deux intellectuels mènent leurs réflexions sur des terrains différents, ils partagent un même socle idéologique, proche du socialisme. Surtout, l’un et l’autre ont la parole libre et n’ont pas peur de déranger. Interview.
Jeune Afrique : Liban, Haïti, Irak, Chili, Hong Kong, Algérie, France…. Plusieurs régions du monde sont secouées par des vagues de contestations populaires. Comment analysez-vous ce phénomène ?
Thomas Piketty : Je pense qu’on arrive au bout du cycle de développement qui a commencé dans les années 1980 sous le coup du reaganisme et du thatchérisme et qui s’est diffusé dans les années 1990 en Europe et dans d’autres parties du monde. Ce modèle, la mondialisation dans sa forme actuelle, a favorisé une remontée très forte des inégalités.
Et l’absence d’un horizon égalitaire crédible, notamment depuis la fin du communisme soviétique, et de discussions sérieuses sur une alternative au système fondé sur le marché nourrit beaucoup de frustrations. On est donc à un moment charnière où se pose la question de la réorganisation de la mondialisation.
Kako Nubukpo : Ce qui se passe aujourd’hui est une forme de mondialisation de la contestation fondée sur des éléments qui sont au cœur du vivre-ensemble, c’est-à-dire l’impératif d’une justice sociale. En Équateur, en Haïti ou même en France, où l’État est dit social, les troubles provoqués par l’augmentation des prix du carburant traduisent cette demande, ce besoin.
Ce qui se passe aujourd’hui est une forme de mondialisation de la contestation fondée sur un impératif de justice sociale
Donc, pour vous, la question des inégalités est au cœur de tous ces mouvements de protestations…
T.P. : En effet, il y a toujours la question des inégalités, qui prend des formes très différentes selon les pays. Le discours qui caractérise notre époque et qui consiste à sacraliser les milliardaires ne passe plus.
On l’a vu avec la crise des « gilets jaunes » en France, quand on a augmenté les taxes sur les carburants et utilisé les recettes non pas pour financer la transition écologique ou pour aider les groupes sociaux les plus touchés par la crise mais pour financer la suppression de l’impôt sur la fortune. C’est rare que les choses soient exprimées de façon aussi claire.
Existe-t-il une spécificité africaine dans ce désarroi mondialisé ?
K.N. : Dans la plupart des pays africains, les sociétés n’ont pas encore connu l’État social. Elles n’éprouvent donc pas forcément dans la mondialisation un phénomène de déclassement. L’Afrique a ses propres spécificités, qu’on peut analyser en trois temps. Il y a eu la période post-indépendances, ou du volontarisme, durant laquelle l’embryon d’État a essayé de créer des services publics.
Cette période a brusquement été interrompue dans les années 1980 et 1990 pour laisser place au temps de la gestion, c’est-à-dire des programmes d’ajustements structurels [imposés par le FMI et la Banque mondiale, et marqués par l’austérité budgétaire et les privatisations].
Et depuis peu, on commence à parler du post-ajustement structurel, on reconnaît avec une sorte de pragmatisme des complémentarités entre l’État et le marché. Mais la casse sociale a bien eu lieu à partir des années 1990 et jusqu’en 2010.
T.P. : Ce qui a été imposé à l’Afrique par les organisations internationales est en effet très choquant. On a joué avec le développement africain. On a misé sur la diminution du poids de l’État alors même que tous les pays aujourd’hui riches le sont devenus grâce à la construction d’un État fiscal et social capable non seulement d’organiser, de réguler les échanges économiques, de répertorier les propriétés, de mettre en place un minimum de justice fiscale et sociale, mais aussi d’investir dans les infrastructures, dans l’éducation et dans la santé.
On a encore fait baisser le niveau de prélèvement fiscal, alors même qu’il atteignait à peine 10 % à 15 % du PIB, contre 30 % à 40 % dans les pays riches, où il continuait d’augmenter légèrement.
Le Consensus de Washington est arrivé au pire moment pour le continent
Kako Nubukpo, dans votre ouvrage, L’Urgence africaine, vous soulignez la responsabilité des dirigeants africains, qui ont laissé faire…
K.N. : On pourrait élargir cette responsabilité aux intellectuels africains qui se sont planqués au FMI, à la Banque mondiale et dans d’autres institutions internationales pour faire carrière. Le Consensus de Washington est arrivé non seulement au pire moment pour le continent, mais aussi alors que ceux qui avaient été formés et pouvaient apporter une lecture endogène du développement africain étaient devenus des alliés objectifs de ces grandes institutions.
Sans compter qu’après la chute du communisme soviétique tous ceux qui avaient porté un discours marxisant au début des années 1960 n’osaient plus s’exprimer. Aujourd’hui, nous aurions davantage besoin d’économistes hétérodoxes africains portant un discours de développement plus endogène.
De même, l’émergence progressive d’une classe moyenne qui s’approprie le débat sur les questions sociétales et économiques pourrait aider à changer la donne.
En Côte d’Ivoire, au Togo ou encore en Angola, on assiste à de nouvelles privatisations. Faut-il s’en inquiéter ? Que conseilleriez-vous aux autorités des pays concernés ?
T.P. : Quand on choisit de privatiser une partie de ses entreprises publiques, il est important d’avoir une cartographie et un enregistrement très stricts de la propriété privée sur l’ensemble de son territoire. Car, sans savoir qui possèdent les moyens de production, du petit commerce à la plus grande fabrique, comment contrôler les déclarations de revenus et de profits ? Beaucoup de pays africains et d’Asie du Sud-Est ont sauté cette étape, ils se retrouvent donc avec un secteur informel gigantesque.
K.N. : Il existe une très forte exclusion financière en Afrique parce que les gens n’ont pas de titres de propriété. Développer ces derniers peut faciliter l’accès à un financement plus endogène. On se comporte souvent comme si l’Afrique n’avait pas suffisamment d’épargne, pas suffisamment de potentiel pour financer un développement qui partirait de sa base, et on mise sur tout ce qui vient de l’extérieur. Pourtant, les IDE entretiennent l’économie de rente : les gros investissements vont dans le pétrole, le diamant, et plus généralement dans les matières premières. Il faut sortir de cette logique.
Malheureusement, l’élite africaine s’est substituée à l’élite coloniale sous les pressions internationales
Il faut donc donner la priorité aux investisseurs privés locaux…
K.N. : Dans La Grande Désillusion, Joseph Stiglitz écrit que la plupart des privatisations en Afrique n’ont fait qu’augmenter le phénomène de pillages. On a en réalité remplacé des monopoles publics par des monopoles privés. Lorsqu’on privatise, il faut veiller à ce que des collectifs de citoyens disposent au moins de minorités de blocage, et empêcher les barons locaux de s’emparer des entreprises concernées. Sinon, il faut instaurer un donnant-donnant, comme en Côte d’Ivoire, quand Houphouët Boigny disait : « Si vous volez l’argent public, au moins, investissez dans le pays ! »
T.P. : On peut faire mieux que ça ! Outre les citoyens, on peut aussi associer les salariés aux processus de privatisation des entreprises. En Allemagne ou en Suède, leurs représentants peuvent occuper un tiers ou même la moitié des sièges dans les conseils d’administration, et cela a l’air de fonctionner. Le fait qu’ils aient accès à tous les documents a permis de limiter les super-rémunérations des grands patrons allemands et d’impliquer les salariés dans la stratégie à long terme.
Cette idée est petit à petit en train de se diffuser au Royaume-Uni, elle figure dans des projets de loi discutés au Sénat américain et dans le programme du parti démocrate. On n’a jamais vu cela auparavant ! Pourquoi l’Afrique n’en ferait-elle pas autant ?
Pourquoi, soixante ans après les indépendances, les économies africaines ne parviennent toujours pas à vraiment décoller ?
T.P. : Il faut voir d’où on est partis. Les défis auxquels l’Afrique a dû faire face étaient nouveaux d’une certaine façon. Il y a eu un degré d’extraction (humaine et de ressources naturelles) qui est sans comparaison dans l’Histoire. Et aujourd’hui, le continent connaît une croissance démographique sans précédent depuis la Seconde guerre mondiale, qui peut être un atout mais pose des défis d’une ampleur inédite. Enfin, la fuite des cerveaux vers des pays riches, proches géographiquement, pose de vraies difficultés.
K.N. : On aurait effectivement pu s’attendre à ce que les indépendances permettent de mettre fin à l’économie de l’esclavage colonial et de rentrer dans une économie monétaire de production afin de créer une prospérité partagée. C’était un peu le pari des pères des indépendances.
Malheureusement, l’élite africaine s’est substituée à l’élite coloniale sous les pressions internationales. Elle n’a absolument pas assumé sa mission, celle de faire progresser l’Afrique dans le concert mondial autrement qu’à travers son insertion sur les marchés internationaux par l’exportation de matières premières.
La solution pour l’Afrique passerait donc par le fédéralisme ?
T.P. : Au moment des indépendances, beaucoup de dirigeants africains se rendaient déjà compte que les petits États-nations légués par la colonisation ne pouvaient pas faire face aux puissances économiques et financières mondiales.
Les réflexions sur des constructions fédérales qui auraient pu remplacer l’empire français auraient pu davantage aboutir si Paris n’avait pas tenté de façon très hypocrite de conserver la main sur tout ça. Son idée d’une assemblée fédérale franco-africaine ne pouvait pas fonctionner dans un cadre démocratique. La transition a donc raté.
Le franc CFA reste un élément de ce cadre très imparfait et très insatisfaisant, mais sur lequel il faut désormais s’appuyer pour bâtir et pour faire mieux que l’Union européenne. On peut inventer des formes nouvelles de fédéralisme démocratique et social en Afrique. Je suis en train de finir le roman Rouge impératrice, de Léonora Miano : elle dépeint une fédération africaine en 2124, qui a certes encore des difficultés, mais qui prospère. Le fait que la création romanesque s’empare aussi de ces sujets est en soi intéressant !
K.N. : On a déjà tout pour passer au fédéralisme. Les populations sont déjà intégrées, les pays de l’UEMOA négocient par exemple collectivement leur commerce extérieur à l’OMC, on a commencé à lever des armées par le biais de la Cedeao pour intervenir au Liberia et en Sierra Leone.
Aujourd’hui, des militaires tchadiens meurent au Mali dans la lutte contre les jihadistes. À partir du moment où on accepte de verser du sang pour des gens d’autres nationalités, on crée les conditions de faisabilité d’une vraie fédération.
Sans impôt commun, il ne peut pas y avoir de destin commun
Concrètement, comment construire une fédération qui fonctionne avec des États-nations très faibles ?
T.P. : C’est un défi vertigineux ! Il faut penser des formes fédérales nouvelles qui s’appuient sur les États-nations. Il faut que ces derniers soient le plus fonctionnel possible. Parmi les formes démocratiques transnationales que je défends, il y a la création d’une assemblée fédérale avec les pays qui le souhaitent, et qui s’appuie sur leurs différentes assemblées nationales.
Il ne faut pas reproduire les erreurs des États-nations de l’Union européenne, qui refusent de faire de la politique ensemble, en particulier en ce qui concerne la solidarité et l’impôt. Sans impôt commun, il ne peut pas y avoir de destin commun.
K.N. : Il y a quelques années, j’ai présenté avec certains collègues l’idée d’une confédération de l’UEMOA qui passerait par la mutualisation d’un certain nombre de services et de fonctions, comme les douanes. J’avais aussi proposé de donner plus de moyens à la Commission pour qu’elle puisse financer un certain nombre de droits communautaires, comme celui qui permet aux étudiants de s’inscrire dans n’importe quelle université des pays membres en payant les mêmes droits que leurs camarades nationaux.
Aujourd’hui, le budget communautaire de l’espace UEMOA représente 0,3 % de son PIB, une proportion qui est quasiment trois fois moindre que celle en vigueur dans l’Union européenne. Mon idée était de modifier le traité de l’UEMOA pour permettre à sa Commission de lever sur le marché financier régional des montants supérieurs à ses fonds propres, tout en gageant ces emprunts sur les réserves de change que nous détenons auprès du Trésor français. Mais cela n’a pas été suivi.
Mon impression est qu’il manque un narratif positif, qui serait porté par quelques leaders de la région pour mobiliser les populations, à l’image du fameux Groupe de Casablanca créé autour de Nkrumah et Nasser au début des années 1960.
Aujourd’hui, tous les pays ont des plans de développement nationaux, on pourrait aussi élaborer des plans régionaux. On pourrait dans ce cadre créer une sorte de revenu universel qui permette aux populations les plus défavorisées d’accéder aux services sociaux de base, parce que c’est là que tout se joue.
Un revenu universel ? Qui le financerait ?
K.N. : Par la solidarité internationale. L’aide pourrait être mieux organisée, à travers une sorte de plan Marshall pour l’Afrique.
L’aide internationale financerait donc les politiques sociales ?
K.N. : Aujourd’hui, des sommes folles sont injectées en Afrique, mais rien n’est coordonné. Il faudrait désigner au niveau régional un point focal et définir avec lui les axes prioritaires pour chaque pays.
T.P. : J’insisterai davantage sur la question de la fiscalité internationale, parce que l’aide met les pays donateurs dans une position similaire à celle du milliardaire qui vous dit : « Je veux bien vous donner de l’argent, mais c’est moi qui vais vous dire où le mettre. » Tout cela aboutit à un contournement de l’État et affaiblit la construction d’une puissance publique légitime en Afrique.
Au-delà de l’immense générosité des pays du Nord, c’est de justice fiscale internationale dont ont besoin les États africains. Très souvent, les flux entrants d’aide sont inférieurs aux flux sortants de profits privés, qui sont parfois des appropriations extrêmement douteuses des ressources. Il faut un cadre légal et un cadre fiscal qui permettent de mettre un terme au pillage permanent des pays africains.
K.N. : Il est vrai que dans un pays comme la Guinée équatoriale, le revenu national brut, une fois qu’on a payé la propriété du capital qui n’est pas équato-guinéen, ne représente plus que 47 % du PIB. Plus de la moitié de la richesse créée chaque année ressort du pays. Il faut abandonner le système du franc CFA actuel, qui permet de faire sortir facilement les capitaux de façon tout à fait légale. On pourrait aussi très bien décider de taxer ces flux pour financer les politiques sociales.
Il faut profiter de la réforme du franc CFA pour construire un nouveau contrat social monétaire
Vous dites que le franc CFA est imparfait… Que faut-il changer ? [Cet entretien a été réalisé avant l’annonce, le 21 décembre, par Alassane Ouattara et Emmanuel Macron, de la tranformation du franc CFA de la zone UEMOA en eco à parité fixe avec l’euro, NDLR]
T.P. : Le rôle joué par le ministère français des Finances pose de sérieux problèmes en matière de gouvernance démocratique. Et le fait d’insister sur une inflation très faible ainsi que sur la facilité de transférer des capitaux offre des conditions très avantageuses à ceux qui ont beaucoup de ressources, au détriment de la grande majorité des populations africaines.
Il faudrait une monnaie qui soit davantage mise au service d’un projet de développement et des investissements publics. Les besoins en la matière sont considérables, compte tenu de la croissance démographique. Après avoir vu les banques centrales européenne et nord-américaines sauver leurs établissements bancaires, on ne peut plus dire qu’on ne peut rien faire pour financer les investissements d’infrastructures, de transports et d’éducation en Afrique.
Je n’encourage pas l’hyperinflation, mais est-ce qu’il faut pour autant plafonner l’inflation à 2 % ou 3 % ? Ne peut-on pas aller jusqu’à 5 % ? Kako Nubukpo évoque le chiffre de 8 % dans son livre. Moi je n’ai pas la formule magique, mais je pense qu’il faut s’autoriser à sortir un peu du cadre trop strict.
K.N. : On nous annonce une réforme du franc CFA et la création d’une monnaie unique de la Cedeao. Il faut justement profiter de cet événement pour construire un nouveau contrat social monétaire. Et transformer une institution qu’on pourrait qualifier d’extractive en une entité plus inclusive. Dans le cadre de la monnaie de la Cedeao, cela signifierait pour les pays de la zone franc CFA déplacer leur point focal monétaire. De Paris vers Abuja, par exemple, puisque le Nigeria représente les trois quarts du PIB de l’Afrique de l’Ouest et 52 % de sa population.
Je suis contre l’idée de monnaies nationales. Les défenseurs du franc CFA ne mettent pas suffisamment en avant la solidarité qui a été construite grâce à la centralisation des réserves de change. Quand un commerçant malien importe du riz, il ne sait pas que c’est grâce à l’exportateur de cacao ivoirien. Il faut donc garder tout ce qui est positif, et faire des sauts qualitatifs.
La création d’une zone continentale de libre-échange est également un sujet qui mobilise les dirigeants africains ces derniers temps. Est-ce dans cette direction que devrait aller le continent ?
T.P. : En Europe, l’approche fondée uniquement sur le marché a mené à des contradictions et à des risques d’explosions. Si on ne prend pas la mesure de ces échecs, on court le risque d’entraîner d’autres Brexit ou que d’autres forces xénophobes et nationalistes prennent le contrôle de l’Union européenne et en fassent une forteresse crispée, moisie, identitaire et anti-immigration.
K.N. : En Afrique, on se comporte comme si le marché était l’alpha et l’oméga du développement. Et on réduit les droits de douane à une allure exponentielle. Si on construit simplement une zone qui permet au reste du monde d’alimenter le marché africain, on n’aura pas fait beaucoup de progrès.
On ne peut pas mettre un producteur de riz américain et un concurrent sénégalais sur le même marché, sachant que le premier produit en une heure 400 fois plus que le second. En revanche, si on insiste sur le contenu local, que les règles d’origine fixent aujourd’hui à 60 %, cela incitera les acteurs à produire sur place. Je pense qu’il faut encore protéger les marchés africains le temps qu’ils améliorent leur productivité, afin qu’ils soient un peu plus compétitifs.
Muhammadu Buhari a-t-il raison de fermer les frontières de son pays avec ses voisins, notamment le Bénin, pour protéger sa production nationale ?
K.N. : Depuis les indépendances, des pays comme le Bénin et le Togo pratiquent ce qu’on appelle en droit douanier la politique de la porte ouverte. Ils importent pour réexporter. Le géographe béninois John Igué appelle cela des États entrepôts. Il n’est pas surprenant que cela provoque des frictions avec des pays comme le Nigeria, qui veut devenir producteur et même créer une base industrielle. Cela dit, on peut remettre en question la violence avec laquelle le président Buhari a fermé la frontière.
Nous devons passer d’une démographie subie à une démographie choisie
Selon vous, la croissance démographique en Afrique est une aubaine ou plutôt une bombe ?
K.N. : Il y a un ratio implacable dans l’histoire économique, c’est le ratio population/subsistance. De deux choses l’une : où vous augmentez les subsistances, ou vous faites ralentir l’augmentation de la population. Quand vous enregistrez un taux de croissance démographique de 2,8 % par an, cela suppose que vous ayez d’importantes ressources pour financer les politiques publiques dans les domaines de la santé et de l’éducation, et favoriser l’adéquation entre formation et emploi.
L’incapacité de nos dirigeants à se projeter sur le long terme me pousse à dire que cette démographie est aujourd’hui un danger. Nous devons passer d’une démographie subie à une démographie choisie. Quand on ramène la croissance africaine – qui est la deuxième plus importante au monde, derrière celle de l’Asie de l’Est et du Sud-Est sur les vingt dernières années – à la question démographique, on obtient un chiffre proche de zéro. Le PIB par tête en Côte d’Ivoire aujourd’hui est plus faible qu’en 1970.
T.P. : Il est quand même utile pour l’Afrique d’avoir une croissance démographique, à condition de la maîtriser et qu’elle soit légèrement positive. Les pays qui font actuellement face à une chute de leur population, comme ceux de l’Europe de l’Est, dont le nombre d’habitants sera divisé par deux d’ici à la fin du XXIe siècle, doivent eux faire face à des problèmes de retraite et ont peur de tout.
Les pays africains doivent inventer leurs propres cadres, imaginer un modèle de croissance et de développement qui prennent acte de cette réalité et du besoin d’investir dans la jeunesse africaine. Ils doivent sortir des cadres imposés, théoriques, et qui n’ont pas forcément marché dans le passé. Ils doivent rompre avec les choix économiques hyper-orthodoxes qu’on nous impose aujourd’hui. À l’Afrique de profiter de ses atouts pour inventer son avenir.
Voici la notice biographique provisoire du Père Pierre Du Suau de la Croix. La notice définitive sera publiée plus tard dans le Petit Echo.
Le 4 mars 1923, Pierre est né dans une famille de médecin à ‘le Houga d’Armagnac’ dans le Gers. Il était le quatrième d’une famille de 7 enfants. Il y vécut une enfance et une adolescence heureuses où, dans un contexte très chrétien, se développa, aidé par le scoutisme, une forte personnalité. Dès cette époque, se précise sa vocation artistique. Sa famille lui fait suivre des cours de peinture à Auch où il résidait alors.
L’appel missionnaire retentit très tôt. Il mûrit au séminaire d’Auch qui l’accompagna jusqu’à la philosophie incluse. Il se rendit alors au noviciat des Pères Blancs à Maison Carrée (1941-1942).
Ce fut ensuite la formation Père Blanc classique, interrompue cependant par la guerre, ce qui l’a amené à participer à 3 débarquements : la Corse en septembre 1943, l’Italie en janvier 1944 et la Provence en septembre de la même année. Suivit la campagne d’Alsace qui le conduisit jusqu’à l’été 1945 date à laquelle il fut démobilisé. Il s’adonne alors durant quatre ans à la théologie en Tunisie. Il Fut ordonné prêtre en 1949 et fut nommé en Haute-Volta Burkina Faso où il se rendit en 1950, affecté au diocèse de Nouna.
Le Sourou fut son premier poste, transféré dès 1952 à Zaba, paroisse qu’il fonda. Il y apprit trois langues. L’apostolat, avec ses différents aspects : culte, catéchèse, …. etc. l’absorba totalement, et il a gardé un bon souvenir de ces treize ans de pastorale rurale, y compris le temps passé à Tansilla. Il revint en congé en 1957 et en 1963, mais le climat très chaud qui l’affaiblissait lui fit comprendre qu’un changement de pays s’imposait. Ce fut le Rwanda qui l’accueillit.
Il y vécut 25 ans, pays qu’il a beaucoup aimé. Le paysage certes, mais surtout la population dont il apprit la difficile langue. Cela lui permit d’être un pasteur actif à Rwaza dans la région des volcans. Il y déploya une activité pastorale débordante. Mais en 1990 on lui demanda de mettre en sourdine l’apostolat paroissial pour s’occuper à temps plein de la décoration des églises : mosaïques, vitraux et peintures. Avant d’installer son atelier à Kigali d’où il rayonnait sur tout le Rwanda, il travailla chez un maître-verrier à Paris qui l’initia à la technique du vitrail. Il aurait aimé continuer ce travail qui lui plaisait et que bien des visiteurs admiraient, mais les événements de 1994 le forcèrent à accepter l’invitation du régional à profiter des évacuations des ressortissants étrangers par les soldats Français. En avril 1994, on le retrouve donc à Paris.
Il avait alors 72 ans et se sentait en forme. Aussi, après un bon temps de repos, il accepta la proposition que le provincial lui transmit, proposition émanant du P. Louis Blondel en Afrique du Sud : « Faut que tu viennes me rejoindre car j’ai un centre de formation et on veut y créer un atelier d’Art ». C’est ainsi qu’en juin 1995 il atterrit à Johannesburg, et se dirigea vers OrangeFarm à 80 km de là. Il se mit courageusement à l’anglais, et très vite, les commandes affluèrent si bien qu’il était souvent absent de sa communauté ( 2 français, 1 irlandais et 1 canadien) et il dut abandonner le projet d’atelier d’Art. Sa voiture l’emmenait alors pour plusieurs semaines au Transvaal, au Lesotho, au Swaziland, … Une œuvre qui lui tint particulièrement à cœur fut un chemin de croix avec 15 stations et un chemin de lumière avec également 15 stations. Cela lui prit quatre mois. Hélas ! « monter sur des échafaudages à parfois plusieurs mètres de haut, pour peindre fresques et mosaïques commencèrent à devenir problématique à 80 ans ». En juin 2005, la décision fut prise d’un retour en France. Pierre avait passé 9 ans en Afrique du Sud et ce lui fut pénible de s’en arracher.
En septembre 2005, Pierre est à Billère. Ce sera difficile pour lui de devenir sédentaire après des années de vie indépendante en différents pays. Mais l’atelier qui lui fut réservé lui permit de continuer son travail artistique : mosaïques à l’entrée de la maison, peintures diverses, entre autres, Notre-Dame d’Afrique. Il écrit alors : « l’aide fraternelle de la communauté, la prière et l’eucharistie quotidienne sont une source d’optimisme et de joie ». Et de fait, les témoignages concernant cette époque nous parlent d’un Pierre avec un certain entrain, commentant la télé, toujours amateur de courses automobiles et de football.
Mais, les infirmités, la vieillesse, amenèrent une dépendance que Pierre vécu difficilement, rendant sa vie pénible pour lui et pour son entourage pourtant très prévenant.
Cependant, il garde à travers sa souffrance une sérénité que sous-tend un de ces derniers écrits : « pour moi, la vieillesse n’est pas un naufrage comme disait le Général de Gaulle. C’est plutôt la vue prochaine du port après une traversée pleine d’écueils dont j’ai été protégé par le Seigneur. Aussi, ma prière est un magnificat, celle du P. de Foucault : ‘Seigneur, je m’abandonne à toi. Fais de moi ce qui te plaira. Quoique tu fasses de moi, je te remercie »
Merci Pierre. Tu nous laisses le souvenir d’un confrère dont les œuvres continuent à faire l’admiration des visiteurs, tant à l’entrée de la maison (mosaïque) qu’à la chapelle (Notre-Dame d’Afrique), souvenir d’un confrère zélé pour l’apostolat, plein d’une ardeur artistique qui lui a permis d’embellir notre vie.
Jean-Marie Vasseur, M.Afr.
HOMELIE 27 DÉCEMBRE 2019
NOS BIENHEUREUX ALAIN, JEAN, CHARLES ET CHRISTIAN.
Bien chers amis.
Nous célébrons aujourd’hui la mémoire de nos quatre compagnons,Pères Blancs martyrs,Alain, Jean, Charles et Christian assassinés voici 25 ans à Tizi Ouzou en Algérie. C’était, comme on l’appelle, la période des années noires. Et ces années l’étaient pour tous en ces temps tourmentés de guerre civile, musulmans et chrétiens confondus. Même si les victimes se comptaient déjà par centaines en ces temps, leur mort a fortement impressionné la population de cette ville. Alain parcourait la Kabylie au volant de sa vielle 4L poussive pour visiter des personnes isolées. Jean tenait un secrétariat social pour aider des personnes perdues dans les dédales de l’administration. Charles (Charlie comme on l’appelait), tenait une permanence à Notre-Dame d’Afrique d’Alger visitée par de nombreux musulmans et musulmanes. Christian tenait une bibliothèque pour les étudiants et projetait de leur construire des locaux plus adaptés à leurs recherches. Des vies sans histoires, banales si l’on peut dire, simples, partagées avec les gens du pays.
Mais ils avaient refusé de se mettre en sécurité dans leurs pays d’origine malgré parfois la demande de leurs proches. C’était «les Pères» comme on les appelait dans cette localité comme dans beaucoup d’autres. Et bien sûr aucun d’entre eux n’aspirait au martyre! Ilsne demandaient qu’à vivre même dans la tourmente partagée par la population. Pourtant, leur mort a fait comme s’ils émergeaient de l’ombre. Une foule de plusieurs centaines de personnes s’est rassemblée pour leur inhumation afin de rendre un dernier hommage à ces vies données d’avance. Je les connaissais assez bien tous les quatre, surtout Jean et Christian, le plus jeune. Je vous avoue que leur béatification m’a fait sérieusement poser la question: «Mais, c’est quoi donc la sainteté?» Au fond, dans leur vie courante, telle qu’elle pouvait se laisser percevoir, étaient-ils si «extraordinaires»? Non. Chacun menait simplement une vie en fidélité à ses engagements de missionnaire, avec ce que l’on sait des joies et difficultés de la vie communautaire et de la vie de chacun.
Comme beaucoup d’autres l’avaient fait, le faisaient et le font encore. Comme beaucoup d’autres, peut-être pourraient le «mériter» davantage, ou au moins autant! Dans la même période, plusieurs de nos compagnons Pères Blancs ont été assassinés dans le centre de l’Afrique et n’ont pas été déclarés bienheureux! Alors, pourquoi eux? Je ne suis pas le seul à me poser la question et je n’ai pas la prétention de la résoudre. Il est vrai qu’ils sont inséparables des 15 autres victimes chrétiennes du terrorisme de cette période, elles aussi béatifiées le 8 décembre de l’année dernière. Mais cela ne résous pas la question.
Pourquoi eux? Et les victimes innocentes de cette population qui vivait dans la peur et l’angoisse? Dans la vie tout court, comme dans la vie chrétienne, il y a des «figures symboles» qui émergent, que l’on fait sortir de l’ombre, non parce qu’elles sont uniques, mais témoins, représentatifs d’une certaine façondu vivre l’Evangile et de donner sa vie pour Jésus et l’humanité où elles se trouvent plongées. Ce n’était pas des héros, c’est d’un autre ordre. S’ils étaient des héros, ils seraient inimitables. Mais des hommes ordinaires qui se sont contentés de vivre jusqu’au bout la grande Aventure de l’Amour. Ils savaient qu’ils étaient menacés, ils sont restés non par héroïsme, mais par Amour, par Amour pour ce peuple en souffrance, par Amour pour ce Jésus qu’ils avaient décidé de suivre. S’ils sont exposés à nos regards, ce n’est pas pour les honorer, les admirer, s’extasier devant leurs vertus. Cela ne coûte à personne, ne demande aucun effort de le faire. S’ils sont exposés à nos regard, déclarés «Bienheureux», c’est pour rappeler notre propre vocation: vivre l’Evangile à la suite du Christ comme ils l’ont fait dans les circonstances qui étaient les leurs à ce moment-là.
Nous vivons dans des conditions qui ne sont pas celles où ils vivaient, mais la sainteté est à notre portée. Elle n’est pas à conquérir mais à recevoir.Ce n’est pas de faire des choses extraordinaires et éclatantes. La vie de nos frères martyrs nous le dit.C’est de mettre nos pas dans les pas de Jésus, d’essayer d’être là où nous sommes des témoins de cet Amour: dans ma famille ou dans ma communauté, dans ce monde tellement tourmenté en ce moment. Refuser la haine, l’exclusion, vivre dans la solidarité, surtout avec ceux qui sont les plus touchés par la souffrance et la pauvreté, le racisme, la discrimination. Ne jamais se lasser d’aimer. Jamais. Et si nous tombons, nous relever et marcher encore, continuer la route, continuer à aimer, sans jamais abdiquer, sans jamais se laisser prendre au piège de la haine et de l’égoïsme, voire même du découragement.Au fond la sainteté, le bonheur, c’est cela, bien au-delà des fioritures qui en jettent en ce temps de Noël. Humblement, simplement, aujourd’hui et demain encore.
Jusqu’au jour où ce Dieu qui nous aime nous fera signe, sans nous préoccuper si oui ou non nous serons inscrits sur les registres des Bienheureux ou des Saints.
Amen.
+ Claude Rault Père Blanc
évêque émérite de Ghardaïa.
Mon regard sur la mission en France
Henry Moses ARIHO, Jeune ougandais de trente-trois ans,
Henry Moses Ariho M.Afr., qui a été en stage à notre communauté de Marseille de 2017 à 2019,
est actuellement étudiant en théologie à Abidjan.
Cet article est dans la revue Spiritus N° 237 de décembre 2019 pp 438à 444.
Moses Ariho est en formation chez les Missionnaires d'Afrique (Pères Blancs). Après trois années d'études de philosophie, suivies de l'année spirituelle (noviciat), il a été envoyé à Marseille pour deux ans de stage dans la communauté des Missionnaires d'Afrique en charge de la paroisse Saint-Antoine et Notre-Dame Limite, dans le XVèmearrondissement de la ville.
Je suis né au sud-ouest de l'Ouganda où plus de 85 % des habitants sont chrétiens pratiquants. L'Église y est vivante ; la foi est grande et, partout, la vie quotidienne est toujours influencée par la religion. Je suis arrivé en Europe à l'automne 2017. Je me suis rendu en Pologne, en Espagne, en Allemagne et en Suisse. J'ai vécu une belle expérience que je me propose de partager ici. Pour faire mon stage apostolique, j'ai été envoyé par mes responsables en province d'Europe, plus précisément en France, dans un des quartiers populaires du nord de la ville de Marseille où j'ai vécu pendant presque tout mon séjour.DécouverteJ'avais des attentes très liées à mon expérience en Afrique de l'Est dans les domaines de la politique, de l'économie et de la religion. Mais, à Marseille, sauf l'humanité qui est semblable partout, tout est différent. On y voit de belles églises construites depuis très longtemps. Je me suis dit que la foi y a été forte et que ces églises étaient bien fréquentées il y a cinquante ans. Ce n'est plus tout à fait le cas aujourd'hui. Évidemment, certaines églises accueillent de nombreux fidèles le dimanche ; mais, le plus souvent, d'après ce que je vois, les églises sont quasiment vides, ou alors fréquentées seulement par des personnes âgées et quelques migrants africains, asiatiques ou d'ailleurs. Je suis persuadé que les gens croient en quelque chose et en Dieu, mais ils ne pratiquent pas comme jesuis habitué à le voir chez moi. Leur spiritualité est différente : ils aident les pauvres, accueillent des migrants ; ils emplissent les stades de football, de rugby, de tennis ; ils font du sport, dansent, s'abonnent au théâtre, au cinéma ; ils manifestent dans les rues en chantant ou en criant des slogans ; pour les vacances, ils partent avec leur famille et leurs proches.J'ai eu aussi la chance de participer, à Paris, à une « Session Welcome », où j'ai découvert certains aspects de la culture française. Cette session est arrivée au bon moment pour moi. Elle m'a introduit aux détails de l'histoire du pays dans les domaines religieux, culturel, politique et un peu économique. Nous avons aussi parlé de la laïcité et des raisons pour lesquelles les églises sont quasiment vides. Comme nous étions nombreux à venirpour la mission en France, j'en ai profité pour écouter l'expérience de ceux qui avaient déjà plus de deux ans de présence.Le pèlerinage en Pologne des aumôneries de jeunes de Marseille a été une belle expérience. J'étais avec cent quarante pèlerins du diocèse. C'était la première fois de ma vie que j'étais au milieu de tant d'Européens : j'ai appris beaucoup à propos de leur culture et de leur mode de vie. J'ai eu aussi la chance de prier dans des lieux saints : au village de Jean-Paul II, à Notre-Daine de la Miséricorde divine, chez Maximilien Kolbe ; et je me suis laissé interpeller par la philosophie de Nicolas Copernic à l'université de Cracovie.
Mes réactionsface à l'entourage, à la langue, à la cultureJ'ai suivi un cours de français à l'Alliance française. L'entourage m'a aidé à bien saisir la langue. J'ai fait aussi la connaissance d'étudiants de plus de quinze nationalités. Quelques-uns m'ont rendu visite dans la communauté et d'autres, surtout des non-croyants et des musulmans, m'ont invité chez eux pour partager nos expériences. Ces visites m'ont donné l'occasion de pratiquer la langue dont la connaissance m'était indispensable.Culturellement, je trouve le lieu de mon stage plutôt diversifié : il n'y a quasiment pas de culture unique ; ce qui constitue la culturede Marseille c'est un mélange d'origines et d'accents différents, de repas mixtes. Cela m'a appris à respecter chaque personne pour ce qu'elle est, à comprendre ces différences et cette diversité urbaine. La mixité culturelle m'a beaucoup plu et m'a mis à l'aise. Bien évidemment, je n'oublie pas un des traits de la culture française : l'importance du repas où l'on se retrouve pour prendre l'apéritif et manger tout en échangeant. Beaucoup de discussions ont lieu au cours du repas. Je n'ai pas fait le compte de tous les morceaux de fromage et des cafés qui m'ont enraciné dans la culture française... Et si quelqu'un veut saisir cette culture en faisant l'impasse sur le fromage et la tasse de café, sa compréhension en sera différente. Il me semble que c'est au cours du repas ou du café que j'ai le plus appris sur la culture française. Ilest évident que la culture se dit à travers la langue française ; en parlant cette langue, on entre donc dans sa culture, et c'est formidable.Mission de présence, de témoignage, de rencontreEn France, on peut évangéliser, mais pas avec la Bible en main comme autrefois. Ilfaut d'abord méditer l'Évangile, puis en vivre avec les gens. La façon d'en vivre diffère selon le lieu où l'on se trouve.: en prison, à l'hôpital, au collège, dans une cité, à l'accueil des SDF (Sans domicile fixe), avec des gens d'autres religions ou des non-croyants... L'important, c'est d'essayer d'être un témoin, proche des gens, et d'apprendre à les écouter. Et si une occasion se présente d'évangéliser en paroles, alorson peut le faire.Marseille est multiculturelle et multi-religieuse. Il y a des églises catholiques, orthodoxes, arméniennes ; des temples évangéliques, protestants et ceux des Témoins de Jéhovah ; des synagogues et de nombreuses mosquées. Il faut aussi comprendre que la vie spirituelle a été affectée par la séparation des Églises et de l'État depuis 1905. L'Église a souffert depuis la Révolution française de 1789, et aussi à cause du bouleversement de la société qui a suivi les événements de mai 1968 enFrance. De plus, la déclaration de la laïcité de l'État français a beaucoup marqué la vie ecclésiale dans le pays. De ce fait, des Églises existent bien, mais la chute de la pratique religieuse a affecté la jeune génération : on voit davantage de personnes âgées que de jeunes fréquenter les églises, et cela cheztoutes les confessions. En revanche, les jeunes qui participent à la vie de l'Église me semblent très motivés.
Divers types de communautés
Mes premières rencontres ont été celles de notre communauté composée de quatre confrères. Ceux-d ont eu à mon égard une attitude positive, tous prêts à m'indiquer le chemin à suivre. Ils ont été patients avec moi alors que je ne parlais pas bien le français et avais du mal à me faire comprendre. J'ai eu le sentiment d'être des leurs. Ils m'ont bien guidé dans toutes les directions. Cette communauté de vie m'a ouvert à d'autres communautés à l'extérieur : celle des paroissiens et celle des associations où ils font leur apostolat. Toutes ces communautés m'ont accordé leur soutien pour que mon stage se déroule bien. Les gens ont toujours été prêts à m'aider, à travailler avec moi. Je me suis senti accepté dans mes engagements et je leur en suis reconnaissant. Ils le faisaient simplement, par exemple lors d'une invitation pour un café : cela nous donnait l'occasion de planifier des activités ensemble. Grâce aux transports en commun, j'ai appris aussi à connaître une autre communauté : dans le bus, on se salue, on se parle, on fait connaissance. Cette communauté-là m'a enseigné l'importance du dialogue. Je rends gloire à Dieu pour ces communautés qui m'ont aidé à découvrir presque tous les côtés de la mission à Marseille.Pendant mon stage, j'ai également rencontré des gens qui ne croient pas et qui ne partagent pas la même religion ni les mêmes convictions que moi. J'y ai fait des rencontres et j'ai dialogué avec tant de personnes, surtout des musulmans. Nous avons un local qui se trouve dans une cité où les musulmans sont majoritaires. Je fréquentais cette cité au moins deux fois par semaine pour y faire des rencontres que j'ai trouvé intéressantes. Je participais aussi à d'autres rencontres organisées par les imams et les prêtres de Marseille. Je suis intéresséà en connaitre davantage sur cet aspect de la mission. J'aime aussi travailler pour la justice, la paix et l'intégrité de la création. Je m'intéresse à l'écologie en vue de protéger et de conserver notre terre ; j'ai eu l'occasion de m'y engager en particulier avec les jeunes de notre aumônerie : nous avonsparticipé à une conférence donnée par une écologiste et à des actions de tri des déchets.Rencontres simplement humainesDepuis l'été 2018, je me rends dans l'une des cités qu'on appelle « La Solidarité ». Nous y avons un local soutenu par une association des amis d'Étienne Renaud. Ce local a pour but de garder le contact avec les gens, surtout les musulmans qui vivent là. Pour bien entrer dans ce monde, j'ai commencé à jouer au basket sur le terrain de cette cité. Au départ, je jouais tout seul ; et après deux ou trois fois, trois garçons-m'ont rejoint. Nous avons joué ensemble sans nous parler ; c'était un peu froid parce qu'on ne se connaissait pas. Cela m'a encouragé à provoquer d'autres rencontres avec quelques jeunes de la cité 'et on s'est donné rendez-vous pour jouer ensemble le lendemain. Les jours suivants, on a continué à jouer... Ils ont invité leurs amis ; je leur ai alors demandé leur nom et je me suis présenté. Ce qui est merveilleux, c'est qu'en entendant mon prénom, ils étaient tous contents et prêts à le traduire en « Moussa » ; du coup, ils m'ont appelé « Tonton Moussa ». Ils m'ont aussi posé plusieurs questions, du genre : « Es-tu musulman ? » Mon but, c'était de rencontrer les gens de la cité.Je suis particulièrement attiré par ce qui touche à l'humanité des gens. Cela m'a rendu proche de gens de toutes origines et m'a appris ce qu'est la vie humaine, la souffrance dans notre monde. Pour décrire ce type d'apostolat, je peux prendre l'exemple duSecours Catholique de Marseille. Il a créé des lieux d'accueil pour les SDF : ce sont des gens du pays, mais aussi d'autres qui arrivent de loin. Un de ces centres, appelé Maison Béthanie, ouvre quatre jours par semaine : des gens y viennent pour se doucher, pour voir le médecin, le podologue ou la psychologue, pour boire un café ; mais aussi pour savoir où aller manger ou être hébergé, pour recevoir leur courrier, apprendre le français et rédiger des documents administratifs. Nous avons aussi un groupe de jeunes auxquels sont proposées des activités pour les occuper, puisqu'ils n'ont rien à faire. Nous jouons au foot, nous préparons à manger, nous organisons des sorties et nous allons au cinéma ou au théâtre ; nous échangeons sur des sujets qui les concernent. J'étais chargé des inscriptions, puis d'accompagner les jeunes au stade, toujours ému en les écoutant parler de leurs rêves.
L'impact qu'a eu sur moi le stage
L'Église est à la fois universelle et particulière. La façon dont j'envisageais la vie de l'Église en Ouganda était vraiment très différente de celle de la France. L'apostolat, là-bas, c'est surtout l'évangélisation, la vie sacramentelle en paroisse avec une foule de chrétiens qui remplissent les églises. Mais, après ce temps de stage en France, je reconnais que j'ai accédé à une nouvelle vision de l'Église, où l'on fait plus de travail social et moins de tâches strictement liturgiques. Je me sens maintenant davantage porté à m'impliquer dans la vie sociale et à comprendre ce que des gens vivent au quotidien plutôt qu'à ne m'engager quedans la pastorale sacramentelle. Mon stage m'a appris que la mission est ouverte à tous les aspects de la vie humaine et je suis invité à y participer franchement.J'ai appris à vivre dans des lieux où la mission est plutôt une présence auprès des gens. J'ai perdu l'habitude de trouver sur place des groupes de jeunes déjà formés, attendant l'arrivée des séminaristes, d'avoir affaire à des adultes hommes et femmes déjà formés eux aussi, d'avoir des églises pleines de monde tous les dimanches. J'ai découvert un autre visage de la mission. La façon de voir que j'avais reçue dans mon pays a changé.Notre mission à Marseille est plutôt orientée vers la rencontre. Je trouve cela bon. J'ai bien aimé les moments où j'ai parlé avec d'autres personnes : c'est tellement impressionnant de dialoguer avec des gens que je ne connaissais pas auparavant. Leur vie est différente mais tout aussi pleine de valeur. J'ai été touché par ces gens me disant n'avoir personne à qui confier leurs expériences, comme par exemple ceux qui se lançaient dans des discussions avec moi dans le bus. Je rends grâce à Dieu pour ces surprises de la mission.J'ai aussi appris à vivre loin de ma famille, de mes amis et de mon confort. J'ai commencé presque à zéro, car tout était nouveau pourmoi : le mode de vie, la culture, les saisons, la langue... Hors de ma culture, de mon climat habituel, j'ai appris à être ouvert à la nouveauté et à m'y adapter.Les difficultés rencontréesAu début, j'ai eu du mal à gérer le temps, à la fois le temps qui passe et le temps qu'il fait. En France, le temps (la météo) change avec les saisons, ainsi que les températures : pendant l'automne, je portais des habits d'hiver ou d'été. À cause d'une mauvaise appréciation du temps qui passe, j'étais tantôt en avance pour des rendez-vous, et tantôt en retard. Par ailleurs, la vie quotidienne est exigeante à cause de l'automatisation : carte de transport à valider à chaque montée dans le bus, le tramway ou le métro ; en plus il faut demander l'arrêt, sinon le bus continue vers la station suivante. Il faut s'accoutumer à la carte bancaire pour faire ses achats, aux ascenseurs, au mot de passe ou au code pour entrer dans certains lieux, à la machine à laver la vaisselle... Il m'a fallu du temps et beaucoup d'efforts pour m'habituer à tout cela.Un nouveau regard sur la missionPour conclure, disons que mon expérience en Europe était tout à fait nouvelle et pleine de multiples découvertes : la langue, les coutumes, la diversité, le développement des infrastructures, la croyance, l'accueil, la technologie moderne, l'art...j'ai apprécié tout cela. Je me suis franchement plongé dans ce monde où j'ai vécu et j'ai acquis un nouveau regard sur la mission. Je rendsgrâce à Dieu qui m'a soutenu jusqu'à la fin de mon stage.
Les informations sur nos maisons de formation datent de quelques années, et nous avons demandé aux responsables de ces maisons de nous donner des nouvelles plus récentes.
La première réponse reçue vient de Samagan, le noviciat près de Bobo-Dioulasso (lire la suite)
La deuxième réponse nous a été donnée par la "Maison Lavigerie", notre maison de formation à la périphérie de Ouagadougou, où les candidats ont leurs trois premières années de formation (lire la suite)