A Noel, l’église est là pour moi, même en Algérie
Le Monde - 25 décembre 2019 - Ali EZHAR
Mardi 24 décembre, à la basilique Notre-Dame d’Afrique à Alger. Monseigneur Luciano Russo, ambassadeur du Vatican en Algérie, conduit la messe de nuit de la Noël, devant un peu moins d’une centaine de fidèles. Ali Ezhar/Lemonde.fr
Situé sur les hauteurs d’Alger, Bologhine s’est déjà assoupi depuis longtemps. De cette colline, la capitale semble apaisée. C’est ici que repose la majestueuse basilique Notre-Dame d’Afrique qui surplombe avec une beauté insolente la Méditerranée et veille sur le reste de la ville. Son esplanade est un lieu réputé pour admirer la baie qui s’étire jusqu’à l’horizon.
Les jeunes ont pris l’habitude de s’y retrouver pour rouiller sur les bancs ou « tenir » les murs centenaires de la basilique. Comme ce soir du 24 décembre. Non loin d’eux, quelques policiers surveillent sans stress le monument. Dans quelques minutes, les portes vont s’ouvrir : il est temps de célébrer la naissance du Christ.
A 20 heures et des poussières, le père espagnol José Maria Cantal Rivas accueille les fidèles avec un sourire communicatif. « Prenez des photos avant que ça commence », lance le recteur. « D’où venez-vous ? », demande-t-il à certains. « J’ai dit à des Français que votre Notre-Dame n’est pas opérationnelle mais ici, tout est bon », raconte-t-il en souriant. Un autre Français, accompagné de sa mère qui vit à Alger, l’interpelle : « Il y a quarante ans, j’ai fêté Noël ici. »
Un peu moins d’une centaine de personnes assistent à la cérémonie en français : des Chinois, des Européens, des étudiants subsahariens, des migrants et même des musulmans, curieux d’assister à cet office catholique.
« Priez pour nous et pour les musulmans »
L’intérieur de la basilique est coloré, brillant, sobre et impeccablement entretenu. Sur le côté, la crèche attire les enfants. Une vierge noire trône au milieu de l’autel. « Elle est en bronze. Mais à cause d’un phénomène chimique, elle a trop bronzé », sourit, une nouvelle fois, le père José. Et sur l’abside est inscrit un message immanquable : « Notre-Dame d’Afrique, priez pour nous et pour les musulmans. »
C’est monseigneur Luciano Russo, ambassadeur du Vatican en Algérie, qui conduit la messe de Noël avec un leitmotiv, celui de « s’aimer dans la joie ». Après une heure de chants et de lecture de la Bible, le père José invite les fidèles à boire un chocolat chaud préparé par les sœurs et de faire un « selfie » avec elles. C’est plutôt avec Hubert Velud, l’entraîneur français du club de football de la Jeunesse sportive de Kabylie, située à Tizi Ouzou, de passage à Alger, que les fidèles se prennent en photo. « Cela fait des années que je suis en Algérie et on a toujours des matches lors de la période de Noël. J’ai pris l’habitude de venir ici et c’est particulier : tu es loin de tout et pourtant tu as l’impression d’être en France », souligne-t-il, les yeux illuminés. « Ça fait chaud au cœur, même si je suis loin de chez moi, il y a l’église qui est là pour moi, même en Algérie », ajoute l’un des pères de la basilique provenant du Burkina Faso.
Cette messe a surtout consolé des migrants de Guinée-Conakry ou d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, bloqués en Algérie depuis quelques années. Sans papiers, sans ressources, sans toit, ils pourraient raconter pendant des heures leur calvaire ; mais comme dirait Victoire, une Camerounaise d’une trentaine d’années : « Je ne peux pas dire de l’Algérie que c’est bon ou pas bon, juste que l’Eglise me réconforte beaucoup. J’ai besoin de ça, de la paix du cœur. »
Ali Ezhar (Alger, correspondance)