Développement de la production d’hydrocarbures et gestion durable des revenus pétroliers sont les deux piliers de la nouvelle politique nigérienne, qui vise à faire du pétrole un des leviers du développement du pays.
Le 11 janvier, le Conseil des ministres de la République a adopté le projet de décret portant approbation de la Politique pétrolière nationale. « La vision qui sous-tend la Politique pétrolière nationale est la suivante : faire du secteur pétrolier nigérien un moteur majeur de développement économique et social pour les populations actuelles et les générations futures, en gérant les ressources de façon responsable et respectueuse de l’environnement. », détaille le compte-rendu du conseil des ministres.
Jeune Afrique a pu consulter le document de 90 pages, rédigé à la demande du ministère du Pétrole par le cabinet Okan Partners, spécialisé dans l’accompagnement des politiques publiques en Afrique*, qui détaille cette politique.
Son objectif : que le secteur pétrolier soit, à l’horizon 2025, le « moteur » de l’économie du Niger, « en représentant près d’un quart de la richesse du Niger, près de la moitié des ressources fiscales, l’essentiel des exports du pays et une partie très significative de l’emploi formel qualifié », note le Premier ministre, Brigi Rafini, dans la préface. Pour le ministre nigérien du Pétrole, Foumakoye Gado, il était nécessaire d’avoir un document d’orientation du secteur, alors que les dernières années ont été marquées par de nouvelles découvertes.
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Selon le nouveau texte, les revenus pétroliers futurs doivent être utilisés pour le développement du pays.
Un oléoduc passant par le Bénin paraît plus sûr qu’un passage par le Tchad
Diversifier les partenaires
La hausse de la production d’hydrocarbures passe avant tout par une meilleure exploration du territoire nigérien. Des actions doivent également être entreprises pour mieux promouvoir les blocs pétroliers auprès des opérateurs. « L’enjeu est de diversifier nos partenaires dans le domaine pétrolier », confie le ministre nigérien du Pétrole, selon lequel seules trois entreprises sont pour l’instant présentes : le chinois CNPC, le britannique Savannah Petroleum et l’algérien Sipex (Sonatrach).
Un autre enjeu important est celui de l’évacuation du brut nigérien. Si un passage par le Tchad est envisagé, l’option d’un oléoduc passant par le Bénin « paraît plus favorable en termes de critères de modularité, de risques politiques et sécuritaires et de développement régional ». La construction de cette infrastructure permettrait accroître la compétitivité du brut nigérien, dont le coût actuel d’évacuation est estimé à 15 à 20 dollars (13 à 17 euros) par baril. Les négociations sont bien avancées pour ce projet estimé à 1 à 2 milliards de dollars, et des annonces pourraient être faites dans les mois qui viennent, nous confie une source proche du dossier.
Autre point soulevé : celui du climat des affaires, pour lequel « il est nécessaire de fluidifier les processus administratifs afin de faciliter les opérations des pétroliers ». Plus globalement, la gouvernance du secteur pétrolier, marquée par « l’absence de cadre définissant des règles précises régissant l’utilisation des revenus pétroliers », va devoir évaluer, afin de devenir plus cohérente et fonctionnelle.
Politique de contenu local
« L’État nigérien doit s’engager dans une gestion durable de ses revenus pétroliers, encourageant le développement économique et social du pays et assurant l’équité intergénérationnelle », souligne le document. Pour Foumakoye Gado, « la décision du Niger de reprendre sa place dans l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie) [annoncée fin janvier] va permettre d’assurer un contrôle sur ces recettes ».
Deux autres axes de réformes secondaires sont envisagés : améliorer le fonctionnement du secteur de la distribution pétrolière et mettre en place une politique de contenu local, afin de maximiser l’impact de la production d’hydrocarbures sur l’économie du Niger.
Au niveau de la distribution pétrolière, « le mécanisme de fixation des prix tout au long de la chaîne de valeur pétrolière (du producteur de brut à la pompe) doit […] être revu en profondeur ». Autre réforme à mettre en place, une politique de lutte contre la fraude aux hydrocarbures, « pour préserver les recettes fiscales et limiter la dégradation de la situation de la Sonidep et des distributeurs privés ».
Pour « maximiser » l’impacts des découvertes pétrolières sur l’économie du Niger, il faut un renforcement du contenu local, afin d’accroître la participation des entreprises nigériennes à l’industrie pétrolière. Mais cela passe par l’amélioration de « l’offre de compétences locales nécessaires au développement de l’amont et l’aval pétrolier », à travers la création de programme de formation à tous les niveaux, en collaboration avec les opérateurs pétroliers et les acteurs de l’éducation.
« Le document validé en conseil des ministres donne les grands axes stratégiques de cette politique de contenu local. Il reste maintenant à en définir les modalités de mise en œuvre opérationnelle, qui seront fixées par décret », précise Amaury de Féligonde, associé d’Okan.
Le pétrole : un quart du PIB nigérien en 2025
Au total, si les investissements en matière d’export du brut par oléoduc sont mis en place à l’horizon 2021-2022, le secteur pétrolier nigérien pourrait représenter 24 % du PIB en 2025 (contre 4 % en 2017), 45 % des recettes de l’État (contre 19 % en 2017), 68 % des exportations (contre 16 % en 2016), et 8 à 12 % des emplois salariés formels (contre 5 à 8 % en 2012).
Le coût de la mise en œuvre de cette politique atteint 60-70 millions de dollars, estime le rapport, excluant les dépenses liées au travaux d’exploration, aux infrastructures de production et au transport, qui devraient être prises en charge par les opérateurs privés. 35 % de cette somme doit servir à réaliser des études permettant une meilleure connaissance du sous-sol. « Le reste du budget concerne essentiellement l’amélioration de l’offre de compétences locales (15-20 % du budget), l’opérationnalisation de l’oléoduc vers le Bénin (15-20 % du budget) et la réforme du cadre institutionnel (5-10 % du budget) », indique le document.
*Okan a notamment accompagné la politique ivoirienne de soutien aux PME baptisée Plan Phoenix, en 2016.