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Côte d’Ivoire : la menace terroriste fragilise les relations intercommunautaires

Face à la présence de jihadistes dans les régions nord du pays, les autorités renforcent les activités en faveur des populations et misent sur le dialogue entre communautés.

Par  - à Abidjan
Mis à jour le 13 mai 2022 à 18:26

 

Des réfugiés burkinabè dans un refuge à Tougbo (Côte d’Ivoire), le 22 janvier 2022. © SIA KAMBOU/AFP.

 

« Sur le plan sécuritaire, je voudrais vous rassurer, la situation est calme et sous contrôle sur toute l’étendue du territoire national », a lancé Alassane Ouattara lors de son discours sur l’État de la nation, devant le Congrès réuni à Yamoussoukro, le 19 avril. Tout en rassurant ses compatriotes, le président ivoirien a pris l’engagement de poursuivre les efforts et les investissements en matière de sécurité.

Depuis quelques mois, le nord de la Côte d’Ivoire, cible d’attaques des hommes de la Katiba Macina depuis juin 2020, connaît un répit. La découverte, au début de février, d’un engin explosif improvisé sur l’axe Téhini-Koïnta, près du parc de la Comoé dans le nord-est du pays, est la dernière tentative d’attaque rendue publique. « Le renforcement du renseignement a permis de neutraliser des entreprises similaires », a souligné le général de brigade Ouattara Zoumana, commandant de la 4e région militaire et de la zone opérationnelle Nord, interrogé au début de mai par des médias internationaux.

La création de cette zone opérationnelle a pour but de coordonner l’action des différentes forces de défense et de sécurité dans la zone. « Malgré la relative accalmie, nous n’avons pas le droit de nous endormir sur nos lauriers. Nous connaissons le mode d’action de l’ennemi, qui est fondé sur la perfidie et utilise la population. Nous devons rester vigilants », a-t-il ajouté, plaidant pour un renforcement des effectifs. Les forces de défense et de sécurité portent une attention particulière au parc de la Comoé, où, en plus de la menace terroriste, se développe l’orpaillage clandestin.

Discriminations ethniques

Si la sérénité revient progressivement dans la région, le terrorisme a fragilisé les relations intercommunautaires, en créant un climat de suspicion, particulièrement envers les peuls, accusés d’être des terroristes ou d’en être les complices. Cette méfiance intervient dans un contexte de relations parfois tendues entre agriculteurs et éleveurs. Fin janvier, un chef de village confiait à JA l’importance de la collaboration avec les forces de l’ordre pour lutter contre le terrorisme, en signalant systématiquement tout passage de berger. Résultat, de nombreuses associations locales ont dénoncé les arrestations et le harcèlement des peuls, qui constituent la majorité des éleveurs transhumants.

LES SPÉCIALISTES S’ACCORDENT À DIRE QU’IL N’Y PAS ENCORE DE JIHADISME ENDOGÈNE EN CÔTE D’IVOIRE

« C’est comme si le métier d’éleveur était un passeport pour le jihad. Pourtant nos cheptels sont également victimes des groupes jihadistes », déplore un membre d’une association des éleveurs. Et d’ajouter : « Le vol de bétail est un mode de financement de ces mouvements terroristes. Ce n’est ni l’activité ni l’ethnie d’une personne qui fait de lui un jihadiste : Amedy Coulibaly [un des auteurs des attentats de janvier 2015 en France] n’était pas peul. Beaucoup de stéréotypes courent à l’encontre des peuls. »

Cet amalgame est renforcé par le fait que les spécialistes s’accordent à dire qu’il n’y pas encore de jihadisme endogène en Côte d’Ivoire. Les bergers venant de pays voisins pour la transhumance éveillent donc des soupçons.

Un membre de la communauté Fulani attrape un bœuf avec son fils, dans la région de Kafolo, au nord de la Côte d’Ivoire, le 21 janvier 2021. © SIA KAMBOU/AFP.

 

Un membre de la communauté Fulani attrape un bœuf avec son fils, dans la région de Kafolo, au nord de la Côte d’Ivoire, le 21 janvier 2021. © SIA KAMBOU/AFP.

Climat de méfiance

Pour répondre à ces enjeux, des associations mènent des activités de sensibilisation et travaillent à un meilleur encadrement de la transhumance. À la fin de janvier, des participants de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest se sont réunis lors d’un atelier sur le thème du commerce du bétail. C’était aussi l’occasion d’un jeu de rôle qui a consisté en une inversion de rôle entre agriculteurs et éleveurs, afin que chacun comprenne la position de l’autre. Une autre rencontre est prévue à Tengrela à la fin de mai, autour des pistes de transhumance, de l’alimentation du bétail et des aires de repos.

LES ÉLEVEURS DEVRONT INTÉGRER UN SYSTÈME PERMETTANT AU POUVOIR DE CONTRÔLER LES ALLÉES ET VENUES

« Les pistes permettent de savoir qui passe quand et avec quel nombre de têtes. Mais aussi de réduire les tensions entre agriculteurs et éleveurs. Avec le problème sécuritaire que toute l’Afrique vit, les éleveurs devront intégrer un système permettant au pouvoir de contrôler les allées et venues. Ainsi, l’État pourrait également mettre les moyens pour garantir leur sécurité », estime un membre d’une association locale.

Les relations entre agriculteurs et éleveurs sont cruciales dans cette région du pays. À la fin d’avril, une bagarre entre un agriculteur lobi et un éleveur peul a dégénéré en crise à Kobada, dans la localité de Nafana, près de Kong. En représailles, les lobi ont incendié une dizaine de campements peuls dans les environs. Des maisons, des greniers, ainsi que des motos ont été brûlés, et une dizaine de blessés recensés. Les autorités locales ont pris en charge une centaine de déplacés, tandis qu’un climat de méfiance s’est installé. Une médiation est depuis en cours pour apaiser les tensions.

Arrestations en baisse

Dans un contexte où la moindre étincelle peut tout enflammer, la prudence est de mise et le discours a évolué. Le 6 décembre, devant les sénateurs réunis à Yamoussoukro, le ministre de la Défense, Téné Birahima Ouattara, par ailleurs président du conseil régional du Tchologo, dans le Nord, avait affirmé que les auteurs des attaques auxquelles le pays fait face sont « des peuls du Burkina Faso qui font des incursions en Côte d’Ivoire ». En janvier encore, cette grille de lecture était assez répandue au sein des forces de l’ordre et l’administration dans les régions du Nord. « La majorité des personnes arrêtées en lien avec des affaires de terrorisme sont des peuls », glissait alors un ministre.

LES AUTORITÉS ONT VITE COMPRIS QU’EN STIGMATISENT, ELLES RISQUAIENT D’OUVRIR UNE PLAIE INTERCOMMUNAUTAIRE

Les autorités militaires affirment ne pas cibler une communauté en particulier, défendant une action « globale ». « Même après l’interpellation de personnes dénoncées, nous les mettons à disposition de services spécialisés. Un certain nombre d’éléments permettront d’établir, ou non, leur implication dans l’activité terroriste », explique le général de brigade Zoumana Ouattara. « Si nous tenons parfois compte de ce que disent les villageois, c’est qu’ils connaissent tout le monde. Si quelqu’un arrive, qu’ils ne savent ni qui il est, ni ce qu’il fait, ni comment il vit, cela les interpelle », précise-t-il, rappelant que ses troupes et lui-même « insistent sur la cohabitation ».

Le militaire se veut rassurant, prenant pour exemple une localité d’où tous les peuls étaient partis. « J’ai demandé au chef de village de leur dire de revenir, car tant qu’aucun d’entre eux n’a de lien avec l’activité terroriste, ils n’ont rien à craindre pour leur sécurité. Ils seront autant en sécurité que n’importe quel citoyen. » Sur le terrain, les associations d’éleveurs constatent une amélioration de la situation. « Les arrestations ont diminué et les gens ont moins peur de circuler avec leur bétail », se réjouit un éleveur. L’accalmie que connaît le pays ces derniers temps y est-elle également pour quelque chose ?

LES PROCÈS D’INTENTION FONT BASCULER TOUS LES PEULS : CEUX QUI HÉSITENT, VOIRE CEUX QUI N’ONT PAS DE LIEN AVEC LES JIHADISTES

Pour Arthur Banga, docteur en relations internationales et en histoire des stratégies militaires, « les autorités ont vite compris qu’en stigmatisent, elles risquaient d’ouvrir une plaie intercommunautaire, créant un contexte qui faciliterait l’installation et l’opération des groupes jihadistes ». À ses représentants sur place, l’État conseille la vigilance, note-t-il. « Les procès d’intention font basculer tous les peuls : ceux qui hésitent, voire ceux qui n’ont pas de lien avec ls jihadistes. Amadou Koufa tient aussi un discours identitaire. Il surfe sur les difficultés d’intégration des peuls qui vivent parfois dans des campements reculés, ce qui ne permet pas forcément à l’État d’installer des infrastructures », analyse-t-il.

Un soldat ivoirien en patrouille, le 22 janvier 2022. © SIA KAMBOU/AFP.


Un soldat ivoirien en patrouille, le 22 janvier 2022. © SIA KAMBOU/AFP.

Pour l’éleveur cité plus haut, la seule façon d’éviter l’amalgame entre peul et jihadiste doit venir d’une volonté au sommet de l’État. « Parmi les jihadistes, il y a des peuls, mais aussi d’autres ethnies. Mais ce sont surtout des jeunes précaires à qui il faut offrir des opportunités afin qu’ils ne tombent pas dans les filets des jihadistes », avertit-il.

Une stratégie militaire et sociale

Longtemps délaissées par les autorités, les régions du Nord ont besoin d’infrastructures et de services sociaux de base, tels que des dispensaires et de l’eau potable. En plus du retard de développement et du chômage des jeunes, un autre facteur a aggravé la situation sociale. À Tougbo, comme dans plusieurs autres villages de la région, les Burkinabè fuyant les attaques jihadistes de l’autre côté de la frontière, à quelques kilomètres de là, ont été d’abord accueillis chez les habitants, qui leur ont ouvert la porte de leurs concessions.

UNE FOIS LA SITUATION STABILISÉE, IL FALLAIT ENSUITE S’ATTAQUER AUX RACINES DU PROBLÈME À TRAVERS LES QUESTIONS SOCIALES

Le nombre de réfugiés grossissant, ils se sont progressivement installés dans des camps de fortune dans la brousse. En janvier, on en dénombrait près de 5 000 dans la sous-préfecture de Tougbo et près de 6 000 au total dans la région du Bounkani. Combien sont-ils désormais ? Difficile d’obtenir des chiffres globaux. Certains sont rentrés au Burkina Faso pour la récolte de l’anacarde, d’autres se sont déplacés vers des villages plus au Sud. Tout cela sous la surveillance régulière des forces de l’ordre, qui multiplient désormais des actions civilo-militaires dans la zone.

« Les autorités ont vite pris au sérieux la menace jihadiste et ont compris que cela nécessitait des moyens importants. L’urgence était d’abord de faire cesser les attaques, via des actions militaires. L’installation des bases permet aussi de réaffirmer la présence de l’État. Une fois la situation stabilisée, il fallait ensuite s’attaquer aux racines du problème à travers les questions sociales. L’une des solutions ne peut marcher sans l’autre », explique Arthur Banga. C’est désormais la ligne adoptée par les autorités pour faire face au terrorisme dans ces régions où la pauvreté est importante.

Le 22 janvier, le Premier ministre Patrick Achi, accompagné d’une importante délégation de ministres, députés et diplomates, s’est rendu à Tougbo, à Kafolo et à Kong. Au cours de cette tournée fort symbolique, il a annoncé le lancement officiel du « programme spécial d’appui à l’insertion des jeunes des zones frontalières du Nord », pour lequel 8,6 milliards de F CFA (13,2 millions d’euros) ont été mobilisés en faveur de près de 20 000 jeunes issus de six régions du Nord (Bagoué, Bounkani, Folon, Kabadougou, Poro, Tchologo). Plusieurs partenaires internationaux de la Côte d’Ivoire, tels que l’Union européenne, financent des projets autour du dialogue intercommunautaire, un des enjeux majeurs pour la stabilité de la région et du pays, face aux velléités d’expansion des groupes jihadistes vers les côtes.

Mine de SOMAÏR : l’innovation au service du prolongement de la durée de vie de la mine
et de la sécurité des travailleurs

Interview d’Abdoul Nassirou Garba Illou, directeur général de SOMAÏR

 

Abdoul Nassirou GARBA ILLOU – Directeur général SOMAÏR ©Orano

 

Peut-on qualifier la mine de SOMAÏR de moderne alors qu’elle a plus de 50 ans ?

Depuis quelques années, la Société des Mines de l’Aïr (SOMAÏR) a engagé un vrai travail de fond pour développer des innovations dans ses activités, avec à la clé, l’optimisation du fonctionnement de l’ensemble de la chaine de production et le renforcement de la sécurité des travailleurs, ADN de SOMAÏR et d’Orano. En touchant tous les domaines de l’activité minière et industrielle, de la géologie à l’usine en passant par la mine et la gestion du parc engins, ces innovations insufflent un vent de modernité à l’un des plus anciens sites miniers du pays.

Quelles innovations majeures ont été mises en place ?

Grâce à la collaboration entre les équipes de SOMAÏR et du groupe Orano, de nouveaux outils sont développés et utilisés, rendant ainsi possible une optimisation des processus opérationnels, du temps de travail et une nette amélioration des conditions de travail, de la sécurité et de la productivité.

SOMAÏR a notamment déployé dans son fonctionnement des outils et méthodes de l’excellence opérationnelle adaptés à notre activité et à notre contexte. Le personnel est formé et coaché afin de contribuer à renforcer la culture sécurité au quotidien.

 

Digitalisation de la mine

Pour la géologie :

Déploiement opérationnel d’une canne connectée qui apporte une meilleure précision dans la mesure de la teneur en uranium au fond de la fosse. Elle permet de cartographier en direct et d’améliorer la séparation du minerai qui contient de l’uranium de la roche stérile qui l’entoure et conséquemment d’optimiser la sélectivité et les coûts du traitement du minerai. Cet outil apporte également une importante amélioration des conditions de travail au niveau physique (meilleure posture) et au niveau radioprotection (prise de mesure à distance).

 

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© Opérateur Can-OP – MCO SOMAÏR © Orano

 

 

Pour l’exploitation en mine : 

SOMAÏR a équipé les engins miniers de dispositifs embarqués qui donne lieu à une meilleure collecte d’informations – (emplacement des engins en temps réel, optimisation des déplacements, suivi de la maintenance) pour la gestion du parc des engins en temps réel à partir d’une salle de contrôle et une remontée de données utiles pour de la maintenance préventive.

Aussi de nouveaux outils technologiques (radars, kits bidirectionnels, caméras) sont en train d’être introduits sur la flotte d’engins pour renforcer la sécurité de l’activité minière à travers une meilleure gestion de la coactivité engins-piétons.

Ces outils mis en place contribuent considérablement à améliorer la productivité au niveau de la mine et favorise une meilleure exploitation du parc engins sur la durée.

 

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© Salle de contrôle des engins miniers – SOMAÏR © Orano

 

Pour le traitement du minerai :

Les recherches menées à SOMAÏR avec l’aide des équipes du Centre d’Innovation en Métallurgie Extractive du groupe Orano en France ont permis de poser les bases de l’application de la bio-oxydation au niveau de la lixiviation en tas du minerai pauvre. Ce procédé permet grâce à l’utilisation de bactéries présentes dans les effluents de l’usine, de générer l’oxydant nécessaire à la récupération de l’uranium. A termes, ce procédé contribuera à réduire la consommation de réactif chimique et donc l’empreinte environnementale de la mine ainsi que son coût de production.

 

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© Lixiviation en tas – SOMAÏR © Orano

 

Y-a-t-il également des améliorations en termes de sécurité pour le personnel ?

La sécurité au travail des collaborateurs est une priorité pour SOMÄIR et pour Orano. Elle est donc prioritaire et indissociable des innovations que nous développons.

Nous mobilisons des moyens financiers conséquents dans la dotation en outillage adapté et équipements de protection individuelle et collective, dans l’aménagement des locaux, le renouvellement et la modernisation des équipements de travail pour maintenir et améliorer nos performances en sécurité au travail, hygiène et santé de nos collaborateurs. Les outils d’excellence opérationnelle déployés auprès de toutes les équipes et à tous les niveaux (management visuel, méthode de rangement dite 5S, zones modèles) contribuent également à déployer et maintenir une culture de sécurité à chaque instant et à tous les niveaux.

Pendant combien d’années la mine peut-elle encore être exploitée grâce à ces innovations ?

Aujourd’hui, nous avons une vision de la production de la mine à un horizon de 10 à 15 ans. Nous avons par ailleurs élargi notre portefeuille de réserves minières avec deux nouveaux gisements : celui de « Tamou-Extension » et de « Grand Artois ». Les investissements en termes de R&D, d’innovation et d’excellence opérationnelle nous autorisent à mieux développer, mieux connaître les gisements et à étendre la durée d’exploitation.

SOMAÏR doit sa résilience et sa transformation à ses ressources humaines compétentes, engagées et flexibles dans le travail. Les femmes et les hommes de SOMAÏR continuent de porter toutes ses innovations afin que cette entreprise minière qui a fêté ses 50 ans en 2020 poursuive son évolution guidée par une volonté d’amélioration continue inspirée d’évolutions technologiques afin de continuer à s’inscrire dans le temps et battre encore des records de longévité.

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Sénégal: relaxe et prison avec sursis pour les sages-femmes de Louga

Publié le : 11/05/2022 - 17:23
Modifié le : 11/05/2022 - 23:41

 

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Des manifestants sénégalais défilent le 15 avril à Louga pour réclamer justice pour Astou Sokhna, jeune femme enceinte décédée à l'hôpital. (Illustration). © Théa Ollivier/RFI


Texte par :
RFI

Les six sages-femmes étaient poursuivies pour « non-assistance à personne en danger » après le décès d'Astou Sokhna le 1er avril dernier à l’hôpital régional.

Avec notre correspondante à Dakar, Charlotte Idrac

Les trois sages-femmes condamnées étaient dans l’équipe de nuit lors du décès d’Astou Sokhna, selon l’un de leurs avocats, Maître Abou Abdoul Daff. Les trois autres étaient de garde le jour. Leur défense est en train de se concerter et n’exclut pas la possibilité de faire appel de ce jugement qu’on peut qualifier de clément.

Le parquet avait requis en effet une peine d’un an de prison dont un mois ferme pour quatre des sages-femmes et la relaxe pour les deux autres. Le tribunal a donc pris une décision qui va dans le sens « de l’apaisement », selon Me Daff. « Nous prenons bonne note de la décision et nous nous réservons éventuellement un droit de recours pour la bonne et simple raison que le principe même que nous avons retenu depuis le début de cette affaire, c'est qu'on ne pouvait pas retenir d'infraction de non assistance à personne en danger. »

L’affaire « est loin d’être terminée »
De leur côté, les avocats du mari et de la mère d’Astou Sokhna avaient plaidé pour un procès « pour l’exemple », « pour que cela ne se reproduise plus » dans les maternités du Sénégal, en dénonçant des négligences, voire des propos dégradants des sages-femmes à l’endroit de la victime.

L’affaire « est loin d’être terminée », affirme Maître Ousseynou Gaye, qui indique que ce mercredi, avant le jugement, une nouvelle plainte a été déposée cette fois pour « homicide » contre les sages-femmes et contre la gynécologue de l’hôpital. « Le tribunal a mis hors de cause l'équipe du jour, alors que nous pensons que du matin au soir, et jusqu'à l'aube, Astou Sokhna n'a pas bénéficié d'assistance », soutient Me Gaye, qui annonce « une nouvelle étape ».

Une autre plainte a aussi été déposée selon l’avocat, pour « faux et usage de faux » dans l’établissement du certificat de décès rédigé par une sage-femme, qui avait conclu à la « mort naturelle » d’Astou Sokhna.

Les quatre sages-femmes qui étaient sous mandat de dépôt depuis le 19 avril sont donc libres. Plusieurs responsables de syndicats de la santé s’étaient mobilisés ce mercredi encore au tribunal de Louga pour marquer leur solidarité avec leurs collègues.

De l'autre côté, le collectif « patient en danger » se bat pour que l’accès à la santé soit équitable, pour que le personnel soit mieux formé. Nina Penda Faye est l’une des porte-voix de cette association qui ne comprend pas le verdict de Louga, qui estime que les sanctions ne sont pas suffisantes car des vies ont été perdues.

Le verdict qui tombe nous donne l'impression que le Sénégal qui est quand même un Etat qui se veut protecteur des droits humains et spécifiquement des droits de la femme [...], nous ne pouvons pas comprendre ce qu'il se passe parce qu'une femme est décédé avec son bébé, et pour nous il est impossible que ça se passe comme ça, sinon ça va être de l'impunité et les citoyens confrontés à ce genre de situation risquent de vouloir eux-mêmes régler le problème.

Nina Penda Faye

Tchad: comment faire pour que les plus pauvres arrivent à bien se loger?

Des bâtiments qui s’écroulent sous l’effet de l’érosion, un immeuble à peine achevé qui s’effondre… Construire un habitat durable en Afrique est un véritable casse-tête. La question était au centre du congrès de l’Ordre national des architectes du Tchad qui s’est achevé, samedi 7 mai, à Ndjamena, une rencontre à laquelle participaient les membres de la conférence des Ordres des architectes de l’Afrique centrale, une région où tous les habitants ont les mêmes problèmes de logement.

Avec notre correspondant à Ndjamena, Madjiasra Nako

Comment faire pour que les plus pauvres arrivent à bien se loger ? Pas forcément besoin de béton estime Adamou Souley, le secrétaire général de la fédération africaine des architectes francophones: « Pour l’habitat durable, il faut entendre un habitat qui est adapté au milieu pour lequel on le conçoit, qui est accessible au plus grand nombre du point de vue coût, et qui a quand même une certaine durée de vie parce qu’on ne construit pas pour que demain ça s’envole ».

Solutions locales

Des solutions locales existent, ajoute, pour sa part, Hayatte Abdérahim Ndiaye, la présidente de l’ordre national des architectes du Tchad: « Il y a énormément de solutions à part la terre, évidemment, qui est la matière par excellence. Il y a le bois, il y a la paille que nous connaissons et il y a la pierre ».

Il faut aller dans ce sens pour que les Africains construisent à moindre coût renchérit pour sa part Antoine Bokolojoue, président de la conférence des architectes de l’Afrique centrale: « Comment faire pour innover dans ce qui existe déjà ? Vous savez qu’importer coûte très cher. Le sac de ciment au Tchad coûte très cher. Voyez-vous, il y a beaucoup de choses qu’on peut faire pour qu’on ait des constructions qui nous permettent de vivre bien dans nos pays ».

►À lire aussi : Les Tchadiens misent sur la brique de terre cuite pour la construction des logements

Les architectes africains invitent les politiques à privilégier les compétences locales. Ils vivent ici et peuvent donc mieux cerner les problèmes plaident-ils.

►À lire aussi : Burkina Faso: l'architecte Diébédo Francis Kéré devient le premier Africain à remporter le prix Pritzker

Noix de cajou : comment la Côte d’Ivoire veut accélérer sur la transformation

Le groupe singapourien Valency International, qui a décroché des financements norvégiens et finlandais pour augmenter la capacité ivoirienne de transformation d’anacarde, n’est pas le seul à parier sur le développement du secteur.

Mis à jour le 5 mai 2022 à 16:40
 
 
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Usine de transformation de noix de cajou dans la ville de Bouaké, dans le centre de la Côte d’Ivoire, en 2018. © ISSOUF SANOGO / AFP

C’est le dernier investissement en date dans le secteur de la noix de cajou en Côte d’Ivoire. Le 21 avril, Norfund, le fonds norvégien pour les pays en développement, a annoncé avoir octroyé 10 millions de dollars (soit 6 milliards de F CFA) à un projet d’usine de transformation de noix de cajou de Valency International Trading CIV, l’une des cinq filiales ouest-africaines du groupe singapourien.

Il s’agit de permettre la construction d’un centre de transformation locale intégrée, qui comprend une usine de transformation de noix de cajou d’une capacité de 45 000 tonnes par an, à la périphérie d’Abidjan. « Les travaux de construction doivent débuter dans la deuxième moitié de cette année (entre juin et juillet, ndlr) », affirme un responsable de l’entreprise. Avec, à la clé, la création de quelque 2 000 emplois.

Première ivoirienne pour Valency, déjà présent au Nigeria

Pour Valency International, dont les activités sont essentiellement axées sur l’achat et l’exportation, ce projet est une première en Côte d’Ivoire et le deuxième sur le continent. Au Nigeria, elle accompagne la plus grande usine de transformation de noix de cajou du pays.

EN 2021, LA CÔTE D’IVOIRE A REJOINT LE PODIUM MONDIAL DES EXPORTATEURS D’AMANDES DE CAJOU

Le financement de Nordfund, qui affirme vouloir continuer à investir dans l’agro-industrie, les énergies renouvelables, les institutions financières et les infrastructures vertes en Côte d’Ivoireest complété par une enveloppe du même montant apportée par Finnfund, porté par le gouvernement finlandais.

Cette annonce d’investissement s’ajoute à plusieurs autres intervenues ces dernières années dans le secteur. Notamment dans les sites agro-industriels de Brobo (Centre), de Yamoussoukro (Centre) et Bondoukou (Est) a récemment expliqué à l’AFP Karim Berthé, le directeur de la transformation au sein du Conseil coton-anacarde (CCA).

Doublement de la production en sept ans

En 2021, la Côte d’Ivoire a rejoint le podium mondial des exportateurs d’amandes de cajou – le nom de la noix de cajou une fois transformée – ravissant la troisième place au Brésil et se plaçant derrière le Vietnam et l’Inde. Abidjan était, depuis plusieurs années déjà, le deuxième exportateur mondial de noix de cajou brutes derrière le géant vietnamien. Un statut qui attire les investisseurs vers ce secteur.

SEULS 10 À 12 % DE LA PRODUCTION IVOIRIENNE SONT TRANSFORMÉS LOCALEMENT

Depuis la construction de la première usine de transformation de noix de cajou par la Société ivoirienne de traitement d’anacarde (SITA SA) en 2000, plusieurs acteurs comme Olam et Dorado Nuts ont procédé à une augmentation de leur capacité de production. La production ivoirienne de noix brutes est ainsi passée de 460 000 tonnes en 2013 à 1 million de tonnes en 2020, et celle d’amandes de cajou a bondi de 30 000 à 100 000 tonnes sur la même période, selon les chiffres officiels. Pour 2021, la production brute a atteint plus de 960 000 tonnes.

Mais, de façon récurrente, la quasi-totalité de la production est exportée à l’état brut : seuls 10 à 12 % de la production ivoirienne sont transformés localement. Mais le pays ambitionne de porter cette proportion à 52 % dès cette année. En Asie, notamment en Inde, au Vietnam et au Cambodge, qui représentent environ 45 % de la production mondiale, 90 % de la production est transformée localement. De fait, le gouvernement ivoirien a multiplié les incitations fiscales pour accompagner la structuration de la filière qui génère aujourd’hui un revenu annuel de plus de 300 milliards F CFA (environ 458 millions d’euros) pour quelque 400 000 producteurs ivoiriens. L’État encourage aussi la création de zones industrielles dévolues à la transformation.