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Guinée équatoriale : entre Obiang père et fils, la succession qui ne passe pas

Mis à jour le 30 novembre 2021 à 00:04
 

 

Teodoro Obiang Nguema Mbasogo à Addis-Abeba, le 10 février 2020. © MICHAEL TEWELDE/AFP

 

Le parti au pouvoir à Malabo devait désigner fin novembre son candidat pour la prochaine élection présidentielle. Mais les rivalités familiales entre les partisans de Teodoro Obiang Nguema Mbasogo et ceux son fils, Teodorín, ont tout bouleversé. Explications.

Le congrès du Parti démocratique de Guinée équatoriale (PDGE, au pouvoir), qui a eu lieu du 21 au 24 novembre à Bata, devait être le point de départ de la dernière ligne droite vers la prochaine échéance présidentielle, prévue en 2023. Comme en amont des scrutins précédents, la formation politique espérait se choisir par consensus et dans une apparence d’unité un candidat pour l’élection à la magistrature suprême. Mais rien ne s’est déroulé comme annoncé.

Initialement prévu à la mi-novembre, le rendez-vous a d’abord été reporté sans raison officielle. Le PDGE, qui avait prévu de convier ses membres et de nombreux observateurs à ce qu’il présentait comme une fête populaire, a ensuite choisi de restreindre le nombre d’invités de l’étranger, au nom de restrictions sanitaires liées à la pandémie de Covid-19. Mais, selon nos informations, ces décisions étaient en réalité dues aux tensions internes qui secouent le parti au pouvoir, au sein duquel deux clans s’affrontent depuis de nombreux mois.

Querelles de famille

Teodoro Nguema Obiang Mangue (dit Teodorín), fils du chef de l’État et vice-président du pays, a en effet espéré jusqu’aux derniers instants être désigné candidat pour la prochaine présidentielle, en lieu et place de son père. Il pouvait en particulier compter sur l’appui officieux du secrétaire général du parti, Jeronimo Osa Osa Ecoro. Ce dernier, officiellement neutre dans la bataille pour la désignation, est en effet un proche de Teodorín mais aussi de la première dame, Constancia Obiang, laquelle se trouve être le premier soutien du vice-président. Mais ce puissant trio fait face à l’hostilité d’une partie de la vieille garde à Malabo.

AU-DELÀ DE SA RÉPUTATION DE JET-SETTEUR, QUELLE CRÉDIBILITÉ PEUT-IL AVOIR SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE APRÈS AVOIR ÉTÉ CONDAMNÉ PAR LA JUSTICE FRANÇAISE ?

Plusieurs intimes de Teodoro Obiang Nguema Mbasogo plaident en effet pour un maintien au pouvoir de l’actuel chef de l’État et tentent à tout prix de freiner l’ascension de son fils, dont ils doutent de la crédibilité, notamment au niveau international. Selon nos sources, le ministre de la Sécurité, Antonio Mba Nguema, l’ancien ambassadeur à Londres Agustin Nze Mfumu et le frère cadet du président, Armengol Ondo Nguema, sont les principaux chefs de file de ce clan. Ils sont progressivement parvenus à convaincre le chef de l’État. Ce dernier s’est d’ailleurs adressé récemment à ses proches pour leur expliquer qu’il serait inopportun de désigner son fils comme candidat alors que celui-ci accumule les ennuis judiciaires, notamment en France avec l’affaire des biens mal acquis.

« Au-delà de sa réputation de jet-setteur, quelle crédibilité peut-il avoir sur la scène internationale après avoir été condamné par la justice française ? s’interroge un diplomate familier de Malabo. Le président Obiang ne peut pas ignorer les pressions étrangères, notamment venues de France, qui le poussent à ne pas désigner son fils comme successeur. »

« Les frasques de Teodorín ne sont qu’un prétexte pour l’écarter et ses ennuis judiciaires ne sont pas insurmontables. Ce qui se joue, en réalité, c’est l’équilibre du pouvoir entre les familiers du président et ceux de la première dame », analyse cependant un fin connaisseur des histoires familiales équato-guinéennes.

« On laisse la situation pourrir »

Si l’hypothèse de voir Teodoro Obiang Nguema Mbasogo briguer sa propre succession semble aujourd’hui la plus crédible, Constancia Obiang et les réseaux de Teodorín n’ont pas désarmé, tous affirmant que le temps est venu pour le chef de l’État de passer la main à un fils qui se prépare maintenant depuis de nombreuses années.

LES ORGANISATEURS SAVAIENT QUE TOUT ALLAIT PARTIR EN VRILLE

Lors du congrès du PDGE, les discussions, parfois houleuses, se sont poursuivies jusqu’à une heure avancée de la nuit du mercredi 23 au jeudi 24 novembre. Aucun accord n’a cependant été trouvé et ce n’est que sur les coups de deux heures du matin que décision a été prise de reporter la désignation du candidat, une première dans l’histoire du PDGE. « Les organisateurs ont repoussé le congrès, puis ils ont limité son envergure parce qu’ils savaient que tout allait partir en vrille. Et c’est ce qui s’est passé », résume un proche de l’organisation.

Officiellement, le parti au pouvoir affirme que rien ne presse, l’élection n’ayant lieu qu’en 2023. Le PDGE se donne ainsi la possibilité d’organiser un nouveau congrès extraordinaire au cours de l’année 2022, en espérant d’ici là avoir mis fin aux débats en coulisses. Mais, selon certaines sources, les divergences sont désormais trop profondes et le chef de l’État pourrait choisir de se déclarer candidat à sa succession sans en passer par une nouvelle grand-messe synonyme de dangereuses tensions internes. « On laisse la situation pourrir, déplore un proche du PDGE. Le père tient la corde et est le candidat naturel, mais le fils va continuer à se battre pour renverser la tendance. Le congrès n’a fait que rendre cela public. »

Réunion stratégique à Tolède

Selon nos informations, l’opposition équato-guinéenne – qui dispose de discrets relais au sein de la famille au pouvoir – est en outre bien décidée à profiter de la situation et des querelles intestines chez ses adversaires. Les principaux opposants en exil ont prévu de se réunir en Espagne, à Tolède, afin de travailler à une stratégie commune en prévision de la présidentielle.

Trois hommes devraient constituer les piliers de cette alliance :  Salomon Abeso Ndong, président de la Coalition pour la restauration d’un État démocratique, Ruben Clemente Nguema Engonga, fils du ministre de l’Intérieur, Clemente Engonga Nguema Onguene, et Juan Carlos Ondo Angue, ancien président de la Cour suprême équato-guinéenne. Ce « sommet » de l’opposition pourrait avoir lieu dans les prochaines semaines, en fonction de la situation sanitaire en Europe.

Côte d’Ivoire : les industriels de la noix de cajou s’inquiètent de la concurrence étrangère

 

Alors que le pays, leader mondial de la production d’anacarde, affiche de grandes ambitions pour la transformation locale de l’anacarde, les transformateurs ivoiriens craignent pour la survie de leur activité, en raison de la concurrence des sociétés étrangères, principalement celles originaires d'Asie. Ils appellent le gouvernement à mettre en place des mesures incitatives fortes d'ici à la fin de l’année.

Avec notre correspondant à Abidjan, Sidy Yansané

Dans un mémo rendu public jeudi 25 novembre, le Groupement des industriels de cajou déplore que la Côte ďIvoire ne « capte qu'une infime partie des richesses générées par le marché » de l’anacarde. Car malgré son statut de premier producteur mondial, le pays transforme à peine 10 % de sa noix de cajou.

Début novembre, le Conseil Coton Anacarde a pourtant annoncé vouloir tripler la transformation locale de sa production dès l'an prochain, avec pour objectif la moitié de sa noix de cajou transformée sur place d'ici à 2025. 

Les ambitions affichées pour ce secteur ont poussé de nombreux industriels nationaux à se lancer dans l’aventure. Mais la force de frappe de leurs concurrents asiatiques, notamment vietnamiens, plus expérimentés et aux prix plus compétitifs, pèse lourdement sur l'activité des transformateurs ivoiriens. Plusieurs usines ayant déjà mis la clé sous la porte, d'autres se contentant de survivre.

Joints par RFI, des entrepreneurs du cajou préférant garder l’anonymat mettent également en cause des obstacles d’ordre structurel : manque de compétences, d'équipement qui coûte cher à l’importation, mais aussi un faible accompagnement des banques ivoiriennes et de l’État, malgré ses subventions.

Les industriels espèrent que le gouvernement lancera des mesures beaucoup plus incitatives, comme un fonds de garantie pour motiver les banques à débloquer les financements.

La Mauritanie rouvre son Sahara aux touristes  

Mis à jour le 24 novembre 2021 à 12:33
 

 

Avant le Covid-19, le secteur visait les 10 000 touristes de randonnée par an dans le pays. Ici, un chamelier dans la région de l’Adrar. © Anita BACK/LAIF/REA


Seul pays du Sahel épargné par les attentats depuis onze ans et ouvert sans restriction aux amoureux du désert, la Mauritanie relance ses activités touristiques.

C’est un frémissement dans un secteur du tourisme à la peine depuis l’apparition du Covid-19. La Mauritanie, l’une des portes d’entrée vers le désert du Sahara, s’apprête à de nouveau accueillir des touristes.

Une relance rendue possible par la mise en place, d’ici à un mois, d’un vol charter hebdomadaire. Ces vols, prévus du 10 décembre 2021 au 2 avril 2022, seront opérés par la compagnie française ASL Airlines France et rallieront Paris à Atar, ville du centre-ouest de la Mauritanie, capitale de la région de l’Adrar.

LE RETOUR DES TOURISTES FERA VIVRE GUIDES, CHAUFFEURS, CUISINIERS ET CHAMELIERS

La pandémie a stoppé net le développement du tourisme de randonnée qui avait attiré 2 380 visiteurs en 2017-2018, 3 860 personnes en 2018-2019 mais seulement 2 500 personnes en 2019-2020, saison interrompue par le confinement sanitaire. Avant le Covid-19, le secteur visait les 10 000 touristes par an avec l’ambition de conquérir la clientèle espagnole.

Assurer la sécurité

Les prévisions des autorités comme celles des agents de voyage mauritaniens et français tablent sur le retour de 2 900 voyageurs grâce à douze vols confirmés, auxquels pourraient s’ajouter quatre vols supplémentaires en cas d’affluence (le prix du vol aller-retour varie entre 480 et 620 euros selon la période). Le premier vol, le 10 décembre, affiche complet car il permet à ses passagers de participer au festival des villes anciennes organisé à Ouadane (nord).

« Je suis optimiste quant au succès de cette reprise, affirme Naha Mint Mouknass, le ministre du Commerce, de l’Industrie, de l’Artisanat et du Tourisme. Une fois de plus, nous ferons en sorte que nos visiteurs voient la différence entre la Mauritanie et les autres pays du Sahel et qu’ils s’y sentent totalement en sécurité. Nous n’exigeons plus d’eux de test PCR à l’arrivée sur notre sol, mais j’ai toute confiance dans le fait qu’ils respecteront les consignes en matière de vaccination et de précautions sanitaires. »

La renaissance du tourisme est attendue avec impatience dans ces contrées arides. « Les populations qui nous accueillent vivent un vrai désespoir depuis un an et demi, explique Kadi Medhi, cofondateur de l’agence Mauritanides Voyages. Ils souffrent de la sécheresse persistante et d’une très mauvaise récolte de dattes. Leur espoir repose sur le retour des touristes qui fera vivre guides, chauffeurs, cuisiniers et chameliers. »

LE TOURISME EST UN FACTEUR DE STABILITÉ ET DE RETOMBÉES VITALES DANS CES ZONES EXSANGUES

Sur le plan pratique, lors des séjours, il faut compter trois dromadaires pour un touriste, ce qui explique qu’un chamelier puisse gagner 1 000 euros en quinze jours et assurer ainsi des mois de subsistance à sa famille.

Hausse des prix du carburant

Le maître d’œuvre de cette reprise est Maurice Freund, le créateur de l’agence de voyages Point Afrique, qui a embarqué dans l’aventure les agences Voyageurs du monde, Terres d’aventure,  Allibert, Nomades et La Balaguère.

Malgré les risques d’une reprise de la pandémie et la forte augmentation des prix du carburant, Maurice Freund s’est battu, de concert avec les autorités mauritaniennes, pour apporter, dit-il, « un peu de développement, facteur de stabilité et de retombées vitales dans ces zones économiquement exsangues  via un tourisme raisonné ».

Les circuits proposés cette saison arpenteront le désert de l’Adrar ainsi que les sites historiques des villes de Chinguetti ou de Ouadane, où s’arrêtaient jusqu’au XIXe siècle les caravanes remontant de Tombouctou vers le Maroc. Le Train du désert, qui emprunte la voie ferrée grâce à laquelle est acheminé vers le port de Nouadhibou le minerai de fer des mines de Zouerate, figure aussi au catalogue.

Cedeao : pourquoi un avion d’Air Côte d’Ivoire a été saisi à Bamako 

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 22 novembre 2021 à 17:23
 

 

Un avion d’Air Côte d’Ivoire, sur le tarmac de l’aéroport Felix Houphouët-Boigny d’Abidjan, en juillet 2017. © ISSOUF SANOGO/AFP

 

Suite à une décision de la Cour de justice de la Cedeao, un appareil exploité par la compagnie aérienne ivoirienne a été saisi. Voici les détails de cette affaire judiciaire hors normes. 

Selon nos informations, l’homme d’affaires congolo-malien Oumar Diawara a obtenu, le 22 novembre, la saisie au Mali d’un Airbus A319 immatriculé TU-TSZ exploité par la compagnie nationale Air Côte d’Ivoire. L’opération fait suite à la décision, le 22 octobre, de la Cour de justice de la Cedeao de lui réattribuer environ 50 hectares de terrains confisqués en 2020 sur décision du tribunal de première instance d’Abidjan, ainsi que de lui verser 1,3 milliard de francs CFA au titre de dommages et intérêts.

Situées sur les communes d’Angré, Assinie, Bingerville et Abatta, ces terres sont estimées à 15 milliards de F CFA. L’une des parcelles concernées doit accueillir un tronçon de la future autoroute Y4, qui contournera la capitale économique. Toujours dans l’attente de l’exécution du jugement, l’investisseur, également actif dans les secteurs du pétrole et du gaz en Afrique centrale, ainsi que du transport de produits raffinés et alimentaires dans l’hinterland ouest-africain, a décidé de saisir les avoirs de l’État ivoirien.

Marathon judiciaire

Le 19 novembre, au Mali, Oumar Diawara a obtenu devant la Cour suprême la formule exécutoire du jugement. Muni de l’arrêt de la Cedeao, que Jeune Afrique a consulté, un huissier accompagné de la force publique s’est présenté le 22 novembre à l’aéroport. L’immobilisation de l’appareil du vol HF 710 en provenance d’Abidjan a été enregistrée par l’Aviation civile et l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (Asecna), qui ne lui ont pas donné l’autorisation de redécoller.

Depuis quatre ans, l’homme d’affaires est embarqué dans un véritable marathon judiciaire en Côte d’Ivoire, durant lequel ses multiples demandes de règlement amiable sont restées sans effet. S’estimant privé d’un procès équitable à Abidjan, il avait porté son dossier au niveau communautaire en avril 2021. Dans leur arrêt, les magistrats de la Cedeao avaient reconnu son préjudice, décrivant l’action de la juge ivoirienne Blanche Abanet Essoh comme « clairement motivée par la partialité, les préjugés et la mauvaise foi ».

L’affaire a débuté le 18 juillet 2017. L’investisseur fait l’acquisition, au travers de la société ivoirienne des dépôts douaniers (SIDD), dont il est l’unique actionnaire, de l’entreprise immobilière Perl Invest. Celle-ci est mise en vente par BNI Gestion, filiale de la Banque nationale d’investissement (BNI) ivoirienne, à la demande du CREPMF, le gendarme des marchés financiers de l’Uemoa, pour des raisons réglementaires.

Fin 2017, Oumar Diawara constate que les actifs de Perl Invest – au départ estimés à 100 hectares – ont été surévalués. Il met alors à jour un système d’abus de bien social et de détournement qui aurait été orchestré par Fatoumata Sakandé Cissé, ex-directrice générale de BNI gestion, que BNI vient de licencier pour faute lourde. Toujours présumée innocente, elle a néanmoins été renvoyée en juin devant le tribunal correctionnel.

L’homme d’affaires porte plainte contre elle, mais il se retrouve également accusé d’escroquerie par Souleymane Cissé, le président du conseil d’administration de BNI, qui le soupçonne d’être impliqué dans les détournements. Fin 2018, il est ainsi inculpé pour blanchiment et complicité d’abus de bien sociaux, sans même être entendu. Les avoirs de Perl Invest sont aussi gelés.

Volte-face

En mai 2019, Oumar Diawara saisit la Cour d’appel d’Abidjan. Informé du litige, Adama Koné, alors ministre de l’Économie, tente une médiation entre BNI gestion et le propriétaire de Perl Invest. Mais en septembre, à la veille de la signature du protocole d’accord – alors même que les parties semblent avoir trouvé un terrain d’entente -, il est rétrogradé au poste de ministre auprès du président de la République, chargé des affaires économiques et financières. Son successeur, Adama Coulibaly, qui n’est autre que son ancien directeur de cabinet, fait volte-face.

Constatant l’inaction de la Cour d’appel, Oumar Diawara et son conseil saisissent courant 2020 la Cour de cassation. Mais, la magistrate Blanche Abanet Essoh, en charge de l’instruction, refuse de transmettre l’affaire au procureur. Au mépris des procédures, elle poursuit son travail jusqu’en septembre 2020. L’avocate d’Oumar Diawara découvre alors un dossier vierge de toute audition. Ni les témoins, ni les parties civiles, ni Fatoumata Sakandé Cissé, l’auteure présumée des infractions, ni son client n’ont été interrogés. Elle constate aussi que les terrains de Perl Invest sont depuis une ordonnance du 17 avril 2020 placés entre les mains de la justice.

La juge dessaisie

En octobre, les juges de la Cour de cassation décident finalement de dessaisir la juge. Dans un courrier daté du 24 décembre 2020 et adressé à Moussa Sefon, conseiller juridique du président de la République, Oumar Diawara énumère ses ennuis judiciaires et se plaint de la pression exercée par Sansan Kambilé, ministre de la Justice depuis 2016, sur la Cour de cassation pour annuler la décision de dessaisissement.

L’HOMME D’AFFAIRES A DÉJÀ PRÉVU DE MENER D’AUTRES ACTIONS DANS LES ESPACES CEDEAO, UEMOA, MAIS AUSSI EN FRANCE.

En février 2021, les craintes de l’accusé se révèlent fondées. La Cour de cassation rend une décision qui autorise finalement la magistrate dessaisie à poursuivre son travail, ce qui permet à BNI Gestion de récupérer les terres. La décision pousse Oumar Diawara à se tourner vers la Cour de justice de la Cedeao.

Contactée par JA, la direction d’Air Côte d’Ivoire a indiqué tout mettre en œuvre pour libérer son appareil.

Si la saisie de l’appareil d’Air Côte d’Ivoire à Bamako est levée sans qu’il obtienne gain de cause, l’homme d’affaires a déjà prévu de mener d’autres actions dans les espaces Cedeao, Uemoa, mais aussi en France. Oumar Diawara n’en est pas à son coup d’essai. En 2004, en conflit avec le Crédit pour l’agriculture, l’industrie et le commerce à Brazzaville, il avait saisi en France des avoirs congolais, avant d’obtenir un accord lui accordant 13 millions de dollars.

Côte d’Ivoire : Ouattara, Bédié, Gbagbo, Soro… un dialogue avec qui et pour quoi faire ?

Mis à jour le 22 novembre 2021 à 12:48
 

 

Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara au palais présidentiel, à Abidjan, le 27 juillet 2021 © Luc Gnago/REUTERS

 

Le Premier ministre ivoirien, Patrick Achi, a annoncé la reprise du dialogue politique dès le mois de décembre. Si l’initiative fait l’unanimité, ses modalités et les sujets à aborder pourraient déjà constituer un blocage.

La scène qui s’est jouée le 27 juillet augurait-elle des annonces qu’allait faire, quatre mois plus tard, Patrick Achi ? Ce jour-là, Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo se retrouvaient pour la première fois depuis dix ans, se donnant l’accolade et promettant de travailler au dialogue et à la cohésion nationale. Début novembre, devant la presse, le Premier ministre annonçait que le dossier lui avait été confié et qu’il allait, dès le mois de décembre, s’entretenir avec les différents partis.

Une décision unanimement saluée par l’ensemble des acteurs politiques, qui préparent déjà leur participation à ce rendez-vous. Henri Konan Bédié a ainsi nommé Noël Akossi-Bendjo comme conseiller spécial chargé de la réconciliation. Il devra fournir à l’ancien président les éléments qui permettront au Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) de prendre une part active aux discussions.

Fraîchement divorcé d’avec Laurent Gbagbo, le chef du Front populaire ivoirien (FPI), Pascal Affi N’Guessan, a pour sa part promis que son parti serait force de proposition – un engagement formulé à l’issue d’une rencontre avec Alassane Ouattara, le 28 octobre dernier. Le Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI), créé par Gbagbo, affiche lui une égale satisfaction. « Nous avons toujours été partisan du dialogue et de la démocratie et nous ne pouvons que nous réjouir que le président ait décidé de le reprendre, se réjouit Damana Pickass, le secrétaire général de la nouvelle formation. Il faut apaiser les tensions et faire tomber les murs afin de rétablir la confiance. Le seul fait d’ouvrir le dialogue est quelque chose de positif à mettre à l’actif du gouvernement. Maintenant il faut transformer l’essai et faire en sorte que cela aboutisse à des résultats notables. »

OUATTARA, GBAGBO, BÉDIÉ ET AFFI S’APPELLENT, ÉCHANGENT. POURQUOI PERDRE DU TEMPS ?

Les assises de la discorde

Si le dialogue fait l’unanimité, reste à savoir la manière de s’y prendre et les sujets à aborder. Pour Hubert Oulaye, président exécutif du PPA-CI, il faudrait organiser des assises nationales afin que les Ivoiriens puissent se parler. « Il ne faut pas se cristalliser sur ce qui s’est passé, mais il faut que la réconciliation se fasse dans la vérité. Tous ceux qui ont été touchés par la crise doivent s’exprimer, estime le député de Guiglo (Ouest). Les propositions de la Commission dialogue, vérité et réconciliation [CDVR] peuvent servir pour aller de l’avant. Mais il faudrait des assises sur la réconciliation pour mettre face à face les adversaires d’hier en présence du peuple, qui a son mot à dire. Cela va nous permettre de savoir pourquoi il y a eu cette guerre, si elle était évitable, et de prendre des dispositions pour que ça n’arrive plus. »

Et c’est là que les premières dissensions apparaissent. « Nous ne sommes pas dans une situation de crise qui imposerait de faire des assises », glisse un ministre. Ibrahim Cissé Bacongo, conseiller spécial du président chargé des affaires politiques, s’interroge lui aussi sur la pertinence d’un tel format. « Nous l’avions fait en 2001, rappelle-t-il. Ce forum a eu lieu et a pris le temps qu’il fallait. Tout le monde a vidé son sac. Après cela, nous avons organisé des ateliers à Grand-Bassam avec des personnalités du monde politique et universitaire. Il y a eu des joutes oratoires terribles. Et où sont les conclusions de ce forum ? Dans les tiroirs ! »

« Le dialogue n’a jamais été aussi fort dans notre pays, poursuit Bacongo. Le président a reçu Gbagbo, Bédié et Affi. Ils s’appellent, ils échangent. Pourquoi organiser des assises si ce n’est pour perdre du temps ? Notre pays fonctionne. Chacun dit et fait ce qu’il veut dans le respect de la loi. Si des contradictions demeurent, on peut en parler sans marquer un temps d’arrêt dans la vie de la Côte d’Ivoire pour organiser une conférence nationale qui ne dit pas son nom. »

Prisonniers et exilés

En ce qui concerne les points à aborder lors du dialogue, Laurent Gbagbo a fait de la libération des prisonniers civils et militaires – qu’il a déjà abordée avec Alassane Ouattara – une question centrale. « Si on veut la paix et la réconciliation, on doit pouvoir faire des concessions, savoir pardonner et avancer », abonde Damana Pickass, du PPA-CI, qui insiste aussi sur le sort des exilés. « Tant qu’il y a des fils et filles de Côte d’Ivoire dehors, la paix et la réconciliation ne seront jamais effectives, estime-t-il. Il faut les laisser rentrer sans aucune menace de poursuite judiciaire afin qu’il puissent reprendre leur place dans le jeu politique et apporter leur contribution à la marche du pays. »

« Il faut absolument que tous les exilés rentrent, plaide aussi Noël Akossi-Bendjo. Je lance un appel pour que ce problème soit bien traité afin de permettre à tous les Ivoiriens de rentrer chez eux. » L’ancien maire de la commune du Plateau, à Abidjan, a lui-même connu l’exil pendant trois ans et n’est rentré qu’en juillet dernier, à la faveur d’un apaisement des tensions politiques, malgré les condamnations dont il a fait l’objet par la justice ivoirienne. Depuis Paris, où il s’était installé, il avait joué les intermédiaires entre le PDCI et des personnalités telles que Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé et Guillaume Soro.

POUR QUE GUILLAUME SORO REVIENNE, IL FAUDRAIT QU’IL RECONNAISSE QU’IL EST ALLÉ TROP LOIN

Déjà 2025

Dans les coulisses du pouvoir, le cas de l’ancien président de l’Assemblée nationale fait toutefois grincer des dents. « C’est de la petite politique que d’exiger [son] retour. Il a été jugé et condamné. Pour qu’il revienne sans être rattrapé par la justice, il faudrait une loi d’amnistie ou un acte politique posé par le président, et lui seul peut en décider », glisse un proche d’Alassane Ouattara. Mais tout de suite, notre interlocuteur précise : « Il faudrait de la part de Guillaume Soro un acte de contrition. Qu’il reconnaisse qu’il est allé trop loin. Lui qui a été un collaborateur, un jeune frère, voir un “fils” du président de la République doit entreprendre au moins quelques démarches pour lui donner des raisons de faire un geste. »

Si le troisième mandat d’Alassane Ouattara ne fait plus l’objet de contestation, tous les regards sont d’ores et déjà fixés sur les prochaines échéances électorales. L’organisation des scrutins à venir devrait donc être un sujet majeur du dialogue annoncé par Patrick Achi. « La cause principale de la fracture politique et sociale en Côte d’Ivoire, c’est la présidentielle. La situation se dégrade à chaque élection depuis 1995. Depuis son entrée dans le multipartisme, la Côte d’Ivoire n’a pas encore su organiser un scrutin permettant une transmission pacifique du pouvoir, conclut Geoffroy-Julien Kouao, politologue et essayiste. Le parti au pouvoir et l’opposition doivent dès maintenant discuter du cadre juridique, institutionnel et opérationnel dans lequel se déroulera la présidentielle de 2025. »