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Au Sénégal, la filière rizicole se renforce

Avec un investissement de 4,7 milliards de F CFA, l’IFC a scellé un partenariat avec l’entreprise agrotechnologique agCelerant et Bank of Africa Sénégal pour contrer le risque de pénurie.

Mis à jour le 17 mars 2023 à 17:35
 
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Un ouvrier agricole emballe des sacs de riz, à Ross Bethio, dans la vallée du fleuve Sénégal, le 27 octobre 2022. © SEYLLOU/AFP

 

 

Engagée à consolider la sécurité alimentaire au Sénégal, la Société financière internationale (IFC) a scellé un partenariat avec agCelerant et Bank of Africa Sénégal à hauteur de 4,7 milliards de franc CFA (7,2 millions de dollars), destinés à faciliter l’accès aux financements des petits exploitants et des PME de la filière rizicole.

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« Ce partenariat concernera près de 5 000 microentreprises, coopératives et agriculteurs produisant du riz au Sénégal », précise la filiale de la Banque mondiale, consacrée au secteur privé, à Jeune Afrique.

Réorganisation des chaînes de valeur

Alors que l’IFC mobilisera les fonds, Bank of Africa Sénégal intègrera l’opération dans un mécanisme de partage des risques. Les entreprises rizicoles seront ainsi accompagnées dans la signature de contrats d’assurance, d’achat d’équipements et d’engrais.

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Pour sa part, agCelerant fournira une plateforme de monitoring pour assurer le suivi des aides financières et techniques dont bénéficient les agriculteurs sénégalais. Développé par Manobi Africa, un acteur basé à Maurice et présent dans 14 pays africains, le service promet de restructurer le secteur en chaînes de valeur organisées afin d’améliorer la performance agricole.

Difficultés d’approvisionnement

Ce partenariat tripartite intervient à point nommé. Touché par la crise alimentaire mondiale et les restrictions à l’exportation de riz décidées par l’Inde, Dakar est confronté à des difficultés de ravitaillement et à une inflation persistante.

Grand consommateur de riz brisé indien, le Sénégal a importé 55 % de ses besoins pour la campagne 2021-2022 auprès du géant asiatique. Depuis la décision de New Delhi, annoncée après une sécheresse importante ayant touché les régions productrices, les autorités sénégalaises ont fixé le prix du kilo à 325 F CFA pour éviter les spéculations autour de cette denrée.

Franc CFA : au sommet de la Cemac, les chefs d’État optent pour le statu quo

Lors du sommet de Yaoundé du 17 mars, les dirigeants des six États de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale ont recommandé un élargissement, au niveau ministériel, de la réflexion entamée par la banque centrale régionale et la Commission de la Cemac.

Par  - à Yaoundé
Mis à jour le 18 mars 2023 à 11:14
 
 
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Le président camerounais Paul Biya arrive au sommet extraordinaire de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) à Yaoundé, le 22 novembre 2019. © COLIN DELFOSSE / AFP

Des mesures fortes étaient attendues pour réformer le franc CFA d’Afrique centrale. Les présidents du Cameroun, du Tchad, du Gabon, de Centrafrique, du Congo et de la Guinée équatoriale ont décidé de ne pas décider.

Et ce, en dépit du rapport d’experts porté à leur attention par le gouverneur de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) et le président sortant de la Commission de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac).

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Des sujets remis à plus tard

En définitive, lors du sommet qui s’est tenu le 17 mars au palais d’Etoudi, à Yaoundé, les dirigeants d’Afrique centrale ont préconisé l’élargissement de la réflexion aux ministres chargés des Finances et de l’Économie, assortie d’un calendrier de mise en œuvre des conclusions qui seront arrêtées.

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Ainsi, le changement de nom de la monnaie commune, la clôture du compte d’opérations, le retrait éventuel des représentants de la France des organes de décision et de contrôle de la banque centrale régionale sont des questions remises à plus tard.

« Une bonne nouvelle pour la BEAC », s’enthousiasme un cadre de la banque centrale, qui y voit une opportunité de revenus pour au moins une année supplémentaire à travers le compte d’opérations. Avec un taux d’intérêt plancher fixé à 0,75 % depuis la révision, en 2014, de la convention portant sur ce compte, la BEAC a engrangé un gain de 12,4 milliards de F CFA (18,9 millions d’euros) en 2021, contre 14,7 milliards une année plus tôt.

Touadéra, nouveau président

Au moment où la Centrafrique engage la révision de sa loi sur la cryptomonnaie, Faustin-Archange Touadéra, son dirigeant, et ses pairs réaffirment leur attachement au franc CFA en tant que monnaie unique ayant cours légal et force libératoire dans la zone, confortant ainsi la position de la banque centrale. Nouveau président de la conférence des chefs d’État de la Cemac, le dirigeant centrafricain compte dévoiler sa feuille de route le 18 mars, avant de quitter la capitale camerounaise.

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En outre, et si le communiqué final lu par le président sortant de la Commission, le Gabonais Daniel Ona Ondo, reste muet sur la question de la rotation des postes à la tête des institutions sous-régionales, c’est parce que les chefs d’État en ont renvoyé l’évaluation sine die. Une décennie après son instauration et les déséquilibres qu’il crée entre les États en termes de représentation. Les observateurs ne se faisaient guère d’illusions depuis que le conseil des ministres avait décidé, deux jours plus tôt, de ne pas aborder la question, en préconisant, dans un flou artistique, que « […] la problématique soulevée soit traitée en termes de formulation dans le communiqué final de la conférence ».

En Guinée, le redémarrage des travaux du gisement de fer de Simandou enfin acté

Les différents acteurs liés à l’exploitation du Simandou, gisement de fer de classe mondiale, ont trouvé un accord le 8 mars, rendu public dans la soirée du 12 mars. Censées se terminer le 28 février, les négociations ont duré bien plus longtemps que prévu.

Mis à jour le 13 mars 2023 à 09:39
 
 
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Le gisement de fer du Simandou, en Guinée, est l’un des plus importants au monde. © Rio Tinto

 

Après la mise en place de la Compagnie du Transguinéen (CTG) et l’octroi de 15 % d’actions gratuites à l’État, en juillet 2022, il fallait enchaîner avec l’établissement des règles de gouvernance de la nouvelle société et la définition des responsabilités juridiques et financières de chaque partenaire, relate le directeur des affaires extérieures du groupe Rio Tinto, Lawrence Dechambenoit, qui a suivi de près les négociations.

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Ce dernier se réjouit, in fine, qu’un consensus « qui marche pour toutes les parties » ait été trouvé. Rio Tinto Simfer détient les blocs 3 et 4 du Simandou, tandis que les blocs 1 et 2 appartiennent à Winning Consortium Simandou (WCS).

Fin janvier, la présidence guinéenne avait annoncé « le démarrage effectif du gigantesque projet du Simandou en mars 2023 », non sans oublier d’ajouter : « sous réserve de la finalisation des négociations des documents du projet au plus tard ce 28 février 2023. »  C’est finalement avec un léger retard d’une semaine qu’un accord a été signé mercredi 8 mars à 13 : celui du pacte d’actionnaires de la Compagnie du Transguinéen. La transaction, elle, a été rendue publique dans la soirée du 12 mars sur la Radio Télévision Guinéenne (RTG), lors du journal télévisé de 20 h 30.

LE CORRIDOR SERA UN CATALYSEUR DE CROISSANCE TRAVERSANT LE PAYS D’EST EN OUEST

Ce pacte permet à la Guinée de désigner un directeur général adjoint de la CTG qui, à terme, sera entièrement gérée par des Guinéens, étant donné que les infrastructures seront rétrocédées à l’État après trente-cinq ans d’exploitation.


>> À lire sur Africa Business+ Compagnie du Transguinéen : signature annoncée du pacte d’actionnaires <<<


Contrat de performance

En attendant, ce dernier bénéficie d’une participation gratuite et non dilutive de 15 % dans les infrastructures ferroviaires et portuaires, et autant d’actions dans le minerai, comme le souhaitait le colonel Mamadi Doumbouya, qui avait ordonné l’arrêt des travaux et la réouverture des négociations afin de préserver les intérêts de son pays.

Lesdites infrastructures comportent un chemin de fer de 670 km qui relie la mine au port en eau profonde de Moribayah, dans la préfecture de Forécariah. Outre l’évacuation du minerai de fer de Simandou qu’il permettra, il s’agira d’un véritable corridor pour le transport des personnes et des marchandises ; un catalyseur de croissance traversant le pays d’est en ouest.

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« Ce genre de négociations ne dure pas moins de six mois. C’est un travail à faire avec minutie, toute précipitation expose à des risques », remarque un spécialiste des mines guinéen. Maintenant qu’un accord est trouvé, les travaux devraient s’accélérer sur le terrain pour une entrée en production prévue en 2024.

« Une autre chose était importante pour l’État et pour nous, c’était de faire en sorte que nous soyons tous astreints à un calendrier d’accélération des travaux et de déboursement des fonds », précise Lawrence Dechambenoit à Jeune Afrique. Il s’agit dans un premier temps de débloquer un financement additionnel qui requiert l’autorisation préalable des conseils d’administration des différentes sociétés. Un point sur lequel les parties prenantes ont dû âprement négocier.

Remboursement partiel

« Les Chinois souhaitaient que Rio Tinto avance le financement, en attendant la tenue de leur conseil d’administration qui a lieu tous les six mois. Le dernier est déjà passé, le prochain est prévu en juin. L’accord de principe était acquis, sauf que Rio Tinto souhaitait ajouter une clause pour préciser qu’une approbation de son conseil d’administration était requise. Ce que le gouvernement ne voulait pas », confie une source proche d’une des parties.

Conakry a finalement cédé, mais non sans faire planer la menace de pénalités sur la tête de toute partie défaillante. En ce sens, le présent accord passe pour une sorte de « contrat de performance » que Mamadi Doumbouya a fait signer à ses partenaires, comme il l’avait fait auparavant avec son gouvernement et les hauts cadres de l’administration.

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Une « pression positive » qui engage tout le monde à satisfaire aux attentes de l’État et respecter l’échéance, relativise le directeur des affaires extérieures de Rio Tinto. Lequel assure que, parallèlement aux négociations, les différentes parties poursuivent les travaux sur le terrain. Et l’expression « redémarrage effectif », employée dès ce mois de mars par les autorités, relève de la  « sémantique », et signifie plutôt accélération du chantier.

Ainsi, Rio Tinto a déjà commencé à construire la liaison ferroviaire entre sa mine et la ligne principale de la Compagnie du Transguinéen (CTG) gérée par Winning consortium Simandou (WCS). Cette dernière a également à sa charge la réalisation du terminal, à Forécariah. Soit le plus gros des travaux portant sur les infrastructures qui seront mutuellement utilisées. Si cela évite à Rio Tinto Simfer de réaliser ses propres infrastructures, cela l’oblige à rembourser en partie WCS, à la hauteur de sa participation au projet.

Au Burkina Faso, des populations de l’Est accusent l’État de les abandonner

Fin février, une attaque meurtrière a de nouveau endeuillé la province de la Tapoa, qui vit sous le joug des jihadistes. Agonisante, la population accuse le régime de transition d’Ibrahim Traoré.

Par Flore MONTEAU
Mis à jour le 9 mars 2023 à 13:19
 

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Des familles déplacées qui ont fui les attaques jihadistes dans le nord et l’est du Burkina Faso, à Gampela près de Ouagadougou le 6 octobre 2022. © ISSOUF SANOGO/AFP



« IB, à quand la paix ? », « La Tapoa pleure ». Voici quelques-uns des slogans qu’on pouvait lire sur les pancartes des manifestants ce 1er mars, dans les rues de Diapaga, chef-lieu de la province de la Tapoa, dans l’Est du Burkina Faso, où une foule excédée était rassemblée pour dénoncer la situation sécuritaire dans la région.

Deux jours plus tôt, la commune de Partiaga, située à 25 kilomètres de là, subissait une attaque jihadiste meurtrière malgré les appels à l’aide réguliers de la population aux autorités. Bilan : au moins une cinquantaine de morts, selon des sources locales. Une énième tuerie qui a conduit certains acteurs de la société civile de la Tapoa, qui se sentent délaissés par le pouvoir central de Ouagadougou, à 400 kilomètres de là, à vouloir porter plainte contre les autorités de transition pour abandon, trahison et non-assistance à personne en danger.

Livrés à eux-mêmes

« Population de la Tapoa, nous sommes à bout de souffle », déclarait, ému, Pierre Yonli, président du conseil provincial de la société civile devant une foule de près de 5 000 personnes. Les habitants de cette région forestière qui jouxte le Niger et le Bénin, subissent depuis plus de cinq ans la progression de la menace jihadiste et tentent d’alerter les autorités, en vain. « Nous n’avons eu aucune réaction de la part de l’État malgré nos cris de détresse et nos demandes de secours », déplore Pierre Yonli avant de pointer la responsabilité sur l’État burkinabè aveugle, selon lui, à un  drame qui aurait pu être évité.

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Le 26 février, à l’aube, la ville de Partiaga a été prise d’assaut par près de 300 jihadistes qui encerclaient la ville depuis plusieurs jours. Dix jours plus tôt, les forces de sécurité (FDS) avaient quitté leurs postes et laissé leurs supplétifs civils, les Volontaires de défense de la patrie (VDP), livrés à eux-mêmes. « Les FDS ont estimé qu’elles n’étaient pas assez armées pour contrer les terroristes. Et les VDP ont préféré se cacher. On en a retrouvé beaucoup qui ont fui », confie Marcel Ouoba, journaliste et originaire de Partiaga.

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Pour Pierre Yonli, l’État n’a pas joué son rôle de garant de la sécurité et les responsables du départ des FDS « doivent répondre devant la juridiction compétente de notre pays ». « Les autorités se sont murées dans un silence des plus sordides, ajoute Saïdou Sinini, le porte-parole des habitants de la commune de Partiaga. Cela faisait plus de deux semaines que nous les alertions sur la situation. » Le 16 février, alors que des informations circulaient déjà sur une attaque imminente, des habitants avaient organisé une conférence de presse en vue d’interpeller le pouvoir central sur la situation sécuritaire de la province. Mais la réponse du gouvernement – quelques frappes de drones aux alentours – n’a pas été suffisante pour éviter le drame.

Silence des autorités

« Nous sommes déçus des nouveaux dirigeants de transition qui font la sourde oreille quand il s’agit de la vie des habitants de l’Est. Nous sommes aussi burkinabè », poursuit Sinini. Depuis 2021, plusieurs marches ont été organisées pour dénoncer l’insécurité dans la région, sans amélioration. Fin 2022, une campagne d’alerte était aussi lancée sur les réseaux sociaux. « Même quand il y a des morts, les autorités ne s’expriment pas, témoigne Marcel Ouoba. Plus d’une centaine de jeunes ont été enlevés entre 2021 et 2022 dont on est toujours sans nouvelle, mais rien n’a été communiqué dessus. »

SOIT LES COMMUNES SONT SOUS BLOCUS, SOIT ELLES N’EXISTENT PLUS

Pourquoi ce silence ? Officiellement, les autorités disent ne pas avoir assez d’éléments, affirme Emmanuel Ouoba, du mouvement de la société civile U Gulmu Fi (le « Gulmu [région de l’Est] se met debout », en gourmantché). Dans la Tapoa, quasiment intégralement occupée par les groupes jihadistes, l’étau s’est tellement resserré que l’administration n’est plus présente que dans les villes de Diapaga et Kantchari, elles-mêmes sous blocus jihadiste. Au-delà, toute la région de l’Est, frontalière du Niger, du Bénin et du Togo, vit une situation sécuritaire alarmante.

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« Nous voulons que les autorités fassent de l’Est une de leurs priorités », indique Emmanuel Ouoba. Pour lui, le bilan de la région est le plus « macabre » du pays. « Soit les communes sont sous blocus, soit elles n’existent plus. Sur les cinq provinces de la région, une seule est encore reliée à Fada N’Gourma, son chef-lieu. » Conséquence : l’urgence humanitaire est immense et le flux de déplacés forcés de quitter leurs villages sous la pression jihadiste ne se tarit pas – au moins 14 000 dans la Tapoa (CONASUR, décembre 2022) et plus de 200 000 dans la région de l’Est (UNHCR, janvier 2023).

Sentiment d’abandon

Malgré cette situation alarmante, certaines communes n’ont pas reçu de convoi humanitaire depuis deux ou trois ans, renforçant le sentiment d’abandon, déjà profond, des populations. Selon Marcel Ouoba, le maillage sécuritaire est plus lâche dans l’Est que dans le reste du pays. « Ailleurs, les détachements mis en place ne sont espacés que de 25 kilomètres. Dans l’Est, ils sont à 150 kilomètres les uns des autres,  ce qui rend difficile les opérations militaires », affirme-t-il.

C’EST LE MÉDECIN QUI ARRIVE APRÈS LA MORT

Services sociaux inexistants, écoles et infrastructures sanitaires fermées, absence de soutien administratif, réseau téléphonique défaillant… Pour beaucoup de ses habitants, la situation dans la Tapoa est invivable et incompréhensible. À Partiaga, le représentant de la commune prévient le régime de transition : « Si vous ne souhaitez pas que nos populations pactisent avec l’ennemi pour vivre en paix, il est temps que vous nous considériez. »

Alertés, Ibrahim Traoré et son régime ont sommé les forces de sécurité d’aller à Partiaga, où un ratissage est en cours depuis le 3 mars, selon une source locale. « C’est le médecin qui arrive après la mort », souffle Pierre Yonli. D’après l’Agence d’information du Burkina (AIB), des frappes aériennes organisées le même jour ont permis de tuer un « groupement de terroristes » dans l’Est et dans le Nord.

Au Togo, la gestion du fonds de riposte Covid fait polémique

Un rapport de la Cour des comptes étrille la gestion des deniers publics alloués à la lutte contre la pandémie en 2020. De son côté, le gouvernement se défend de toute irrégularité.

Par  - à Lomé
Mis à jour le 8 mars 2023 à 12:22
 

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Les membres du gouvernement, dont le ministre du Commerce, Kodjo Adedzé, au micro, face aux députés. © Assemblée Nationale

Commande, sans bon d’achat, de 31 500 tonnes de riz auprès de la société Olam pour 8,6 milliards de francs CFA (13,1 millions d’euros), marché de gré à gré de plus 4 milliards de francs CFA pour l’achat d’engrais à la société Élisée Cotrane, octroi d’indemnités allant jusqu’à 1,1 million de F CFA sans base juridique… Voici quelques unes des « irrégularités » et des « insuffisances » relevées lors de l’audit du Fonds de riposte et de solidarité Covid-19 (FRSC) lancé en 2020 par le gouvernement.

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Mis en ligne par la Cour des comptes sur son site le 1er février, le rapport de 86 pages a suscité de nombreux commentaires dans l’opinion publique et a obligé le pouvoir de Faure Essozimna Gnassingbé à réagir.

Critiques de la société civile

Dans un communiqué publié le 9 février, le gouvernement, visiblement agacé par la pression citoyenne, a indiqué avoir « pris acte » du contenu du rapport, tout en soulignant avoir lui-même commandité l’audit du fonds de riposte Covid à la Cour des comptes. « La mission assurée par la Cour des comptes traduit un fonctionnement normal des institutions de l’État de droit ainsi que la volonté de transparence qui anime les autorités togolaises », souligne le gouvernement, qui ajoute avoir souhaité la publication rapide du rapport dans un « esprit de transparence et de pédagogie ».

« L’inéligibilité éventuelle d’une dépense peut découler d’un contexte marqué par une extrême urgence due à l’imprévisibilité de la crise et aux grandes difficultés d’approvisionnement des équipements et matériels médicaux sur le marché mondial. Ceci ne signifie ni que la dépense est fictive, ni que les deniers ont été utilisés de manière illégale, voire détournés. D’ailleurs, la Cour n’a pas établi de rapport de malversations ou de fraudes », conclut le communiqué gouvernemental.

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Cette sortie, loin de rassurer l’opinion, a plutôt alimenté les interrogations et les critiques. Pour Thomas Dodji Koumou, président de la coalition Lidaw, qui regroupe plusieurs organisations de la société civile togolaise, il s’agit d’une « trahison » et d’un « abus de confiance et de fraude fiscale ». « Environ 80 % du fonds mobilisé en 2020 [173 milliards de francs CFA] sont issus de prêts et représentent donc une dette que nous et nos enfants allons devoir rembourser dans les années à venir », s’insurge cet économiste, qui invite la justice à s’auto-saisir et trancher.

« Ni détournement ni vol »

Le 21 février, à l’Assemblée nationale, une dizaine de ministres se sont présentés devant le Parlement pour s’expliquer sur la gestion polémique du fonds de riposte Covid-19. « Le rapport n’a jamais parlé de prévarication, de détournement ou de vol », a souligné Christian Trimua, le ministre des Droits de l’homme. Selon lui, les Togolais doivent « modérer » leur « passion » autour de cette affaire et ne pas « outrepasser la pensée de la Cour » pour « diffamer » ou « porter atteinte à la réputation » de gens sans preuves.

Sa collègue de l’Économie numérique, Cina Lawson, a pour sa part indiqué que le reliquat du programme de solidarité Novissi n’était pas de 779 millions de F CFA, comme indiqué dans le rapport de la Cour des comptes, mais d’environ 200 millions de F CFA à la fin décembre 2020.

Absence de suites judiciaires

Sani Yaya, le ministre des Finances, a dénoncé la « méthode avec laquelle la Cour a conduit l’audit » avant de préciser que la commande des 31 500 tonnes de riz avait été faite suivant le droit anglais parce qu’aucun « opérateur économique togolais ne disposait de moyens financiers conséquents pour l’effectuer en urgence ». « Il aurait fallu que ce rapport public soit présenté de manière plus pédagogique », a-t-il regretté devant les députés.

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Ces différentes explications ministérielles ne convainquent pas Kao Atcholi, président d’Asvitto, une autre organisation de la société civile. « Ce sont de vaines tentatives pour noyer l’audit de la Cour et le priver des suites judiciaires qui devraient normalement lui être réservées. Le chef de l’État doit prendre ses responsabilités constitutionnelles », conclut-il.