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À Yopougon, Dia Houphouët en embuscade face à Adama Bictogo et Michel Gbagbo

En Côte d’Ivoire, le candidat du PDCI à la mairie de la plus grande commune d’Abidjan entend incarner une troisième voie entre le président de l’Assemblée nationale et le fils de l’ancien président Laurent Gbagbo.

Par  - à Abidjan
Mis à jour le 27 juin 2023 à 13:06
 
 

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Dia Houphouët Augustin Yohou en meeting à Yopougon, le 9 juin 2023. © Facebook/DeputeDeYopougon

 

« Un mercredi matin, sous la pluie, vous êtes venues massivement pour me dire : ‘Mon fils, nous sommes avec toi’. Et cette mobilisation d’aujourd’hui me donne la force de continuer le combat. » Chemise trempée, lêkê (méduses) aux pieds, le député Dia Houphouët Augustin Yohou rencontre des associations de femmes qui le soutiennent, dans un quartier de Yopougon.

Ce 21 juin, sous la pluie, l’événement a des allures de fête de quartier. À cette occasion, des enveloppes de 500 000 francs CFA sont distribuées aux 25 associations présentes pour financer leurs activités.

En quelques années, le jeune ambitieux est devenu une figure importante du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), qui l’a désigné comme son candidat pour les municipales du 2 septembre à Yopougon, la plus grande commune du pays, où il a déjà été élu député, en 2021.

Outsider mais populaire

Avec ses 160 km2, ses quelques deux millions d’habitants et sa zone industrielle, « Yop », jadis considérée comme le fief de l’ancien président Laurent Gbagbo, est dirigée par le ministre Gilbert Kafana Koné, qui est aussi à la tête du directoire du Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, au pouvoir).

Les élections municipales y seront très disputées. Outre Dia Houphouët Augustin Yohou, Adama Bictogo, le président de l’Assemblée nationale, et Michel Gbagbo, député de la commune et fils de Laurent Gbagbo, y sont aussi candidats.

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Entre les deux, le candidat du PDCI compte peser sur le scrutin. « À l’étranger, lorsqu’on parle des municipales à Yopougon, on se dit que c’est un match entre le président de l’Assemblée nationale et le fils de Laurent Gbagbo. Mais le soir de l’élection, ils seront surpris de voir que celui qu’ils considéraient comme l’outsider est élu car j’ai tissé un lien avec les populations. Les gens ne regardent pas un parti, ils regardent l’homme », affirme-t-il à Jeune Afrique.

« Après mon élection [comme député], je suis reparti sur le terrain. J’ai rencontré des militants déçus des politiciens (…) J’ai aussi vu l’impact de dix ans d’abandon de cette commune par le pouvoir : taux de chômage élevé, routes dégradées, manque d’eau dans certaines zones, écoles vétustes… Des difficultés que j’ai essayé de relayer à l’Assemblée nationale, tout en aidant ceux que je pouvais », confie-t-il.

Du Maroc à la Grande-Bretagne

Né le 23 juillet 1980, Dia Houphouët Augustin Yohou est le benjamin d’une fratrie de huit enfants. Il grandi à Yopougon, où son QG de campagne se trouve dans la cour familiale. Grâce à une bourse d’études, il suit à partir de 2008 une licence en économétrie au Maroc avant de compléter sa formation en Angleterre, où il obtient un master en finances à l’université de Coventry.

Malgré ses diplômes, il enchaîne les petits boulots, dont caissier dans un supermarché à Londres. En 2013, il décide de rentrer au pays pour tenter sa chance. « J’ai postulé à des offres pendant six mois sans succès. À un moment donné, je vendais même des vêtements invendus de la boutique de ma sœur au bord de la route car je voulais vraiment travailler », se souvient-il. En 2014, il débute sa carrière à la Newcrest Mining, dans le secteur de l’or, avant d’en démissionner en 2020 pour se consacrer à sa carrière politique.

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« Petit-fils » d’Houphouët

S’il n’est pas de la famille biologique de l’ancien président Félix Houphouët-Boigny, dont il porte le nom comme prénom, il explique avoir grandi à ses côtés. « Ma mère est une fille adoptive de Mamie Faitai, la sœur aînée du président. C’est lui qui a voulu que je porte son nom », raconte-t-il.

Dans un pays où l’image du « Vieux » est plus que jamais fédératrice, se présenter comme son « petit-fils » est un atout électoral non négligeable. Lorsqu’il se lance en politique, il se fait appeler « Dia Houphouët Augustin ». Contrairement à de nombreux membres du PDCI, encartés de générations en générations, le jeune homme ne rallie pas tout de suite l’ancien parti unique. « Ma mère était très active au sein du parti et était même conseillère municipale. Mais moi je regardais tout cela de loin », confie-t-il.

En 2018, lorsque l’alliance entre le PDCI et le RHDP prend fin dans un climat tendu, plusieurs cadres historiques démissionnent pour rejoindre le parti d’Alassane Ouattara. Youhou vit cela comme une injustice et décide alors de s’encarter dans la parti de sa mère. Il intègre le mouvement des Cadres et entrepreneurs engagés pour le PDCI-RDA (MCEE-PDCI), dont il devient le président.

Alliance avec Laurent Gbagbo ?

Pendant la présidentielle de 2020, il relaie l’appel à la désobéissance civile de l’opposition et tente de mobiliser les militants. C’est aussi à cette période qu’il rencontre en tête-à-tête l’ancien président, Henri Konan Bédié, par l’intermédiaire d’une des nièces de ce dernier. Petit à petit, il se fait repérer et son nom circule pour être le candidat du PDCI aux législatives de 2021 à Yopougon.

Le PDCI est alors allié au mouvement Ensemble pour la démocratie (EDS), une coalition fondée par les fidèles de Laurent Gbgabo. Sur sa liste commune, le PDCI obtient deux postes de députés sur six. « Nous avions accepté cet accord sur la base des résultats de 2010, en nous disant qu’avec eux, la victoire face au RHDP allait être écrasante. Yopougon était considéré comme un bastion pro-Gbagbo. Mais nous n’avons gagné qu’avec 300 voix d’écart. Pour moi, c’était le signe qu’après dix ans d’absence de leur parti aux élections, les choses avaient changé à Yopougon, estime-t-il. Aujourd’hui, personne ne peut revendiquer Yopougon comme son bastion. Les gens oublient aussi souvent que le PDCI a géré cette mairie pendant vingt ans, de 1980 à 2000. »

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À l’heure où les cadres du PDCI et ceux du Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI), le nouveau parti de Gbagbo, discutent d’alliances électorales pour les locales du 2 septembre, le cas de Yopougon fait partie des sujets sensibles et non-tranchés.

Face à Michel Gbagbo, le PDCI entend maintenir la candidature de son jeune député. Mais la montée en puissance de ce dernier ne fait pas que des heureux au sein même de sa famille politique. La délégation PDCI de Yopougon s’était même opposée à son investiture, car elle le considère comme un nouveau venu.

Pari sur l’avenir du PDCI

À Youpougon, le PDCI fait également le constat de l’émiettement des voix de l’ancien bloc de gauche, entre le PPA-CI, le Front populaire ivoirien (FPI) resté aux mains de Pascal Affi N’Guessanle Mouvement générations capables (MGC) créé par Simone Gbagbo et le Congrès panafricain pour la justice et l’égalité des peuples (Cojep) de Charles Blé Goudé.

« Le potentiel électoral projeté par l’ancienne mouvance Gbagbo paraît à bien des égards fantasmé. Le PPA-CI doit réaliser que des mutations sociologiques se sont produites en son absence », indique un membre du comité de gestion et de suivi des élections du PDCI.

Pour Dia Houphouët Augustin Yohou, Yopougon est un pari sur l’avenir du PDCI. « Si nous gagnons, nous montrerons que nous pouvons y arriver seuls. Ce sera un symbole fort pour qu’en 2025 notre parti parte à la reconquête du pouvoir seul, sans s’allier à un autre parti », conlut-il.

En Côte d’Ivoire, le défi de l’afflux de réfugiés burkinabè dans le Nord

Jusque-là accueillis par les communautés locales, 10 000 réfugiés burkinabè vont être prochainement hébergés dans deux centres construits par les autorités ivoiriennes. Selon le HCR, environ 1 000 de leurs compatriotes franchissent la frontière chaque semaine.

Mis à jour le 23 juin 2023 à 17:45
 
 
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Des réfugiés burkinabè dans un centre d’accueil situé à Tougbo, dans le nord-est de la Côte d’Ivoire, le 22 janvier 2022. © Sia KAMBOU/AFP

Les Burkinabè fuyant les violences des groupes jihadistes – mais aussi, parfois, celles de l’armée et de ses supplétifs civils, les volontaires pour la défense de la patrie (VDP) – continuent d’affluer dans le nord de la Côte d’Ivoire. D’après le dernier relevé du Haut Commissariat aux réfugiés (HCR), le lundi 19 juin, ils seraient environ 27 000 à avoir franchi la frontière poreuse, longue de près de 600 kilomètres.

Une capacité totale de 10 000 places

Ils étaient 7 000 en février 2022 et 22 000 à la mi-mai de cette année. Le HCR et les autorités ivoiriennes ont procédé à l’enregistrement de plus de 16 000 d’entre eux. Chaque semaine, environ un millier de Burkinabè supplémentaires viennent chercher refuge en Côte d’Ivoire.

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D’ici la fin du mois, deux centres d’hébergement financés par les autorités ivoiriennes devraient être opérationnels, avec une capacité totale de 10 000 places. Le premier se trouve dans la localité de Niorigue, dans la région du Tchologo – région présidée par le ministre de la Défense et frère du président Ouattara, Téné Birahima Ouattara.

Un second centre comptera 600 abris. En cours de finalisation, il est installé dans la région voisine du Bounkani, près de la ville de Bouna, dans le village de Notadouo. Dans cette région vivent actuellement 16 000 réfugiés, dont 10 000 pour le seul département de Tougbo.

Stigmatisation

« La Côte d’Ivoire est le principal bailleur de fonds de cette initiative d’hébergement. C’est une première en Afrique », se réjouit le représentant du HCR dans le pays, Papa Kysma Sylla. Jusqu’à présent, les demandeurs d’asile étaient accueillis par les communautés locales. « Les premiers réfugiés avaient des attaches en Côte d’Ivoire, ce qui n’est pas le cas de ceux qui sont arrivés plus récemment », constate Papa Kysma Sylla, qui salue l’attitude du gouvernement ivoirien « dans l’accueil et la prise en charge des demandeurs d’asile, [à qui il fournit] régulièrement une assistance alimentaire ».

Depuis avril 2022, des équipes du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) sont aussi présentes dans les districts de Tougbo et de Tehini, « pour évaluer les besoins humanitaires des populations réfugiées, des familles d’accueil et des personnes vulnérables, et y répondre conjointement avec son partenaire de la Croix-Rouge de Côte d’Ivoire ».

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Selon les données du HCR, environ la moitié de ces réfugiés seraient des Peuls. Soumis à l’insécurité au Burkina Faso, ils subissent aussi une forte stigmatisation. Ils sont souvent les principales victimes des exactions commises par les forces armées burkinabè, alors que nombre de jeunes Peuls ont rejoint les groupes jihadistes.

Ouattara vigilant

Face à l’afflux de réfugiés dans le Nord, les autorités ivoiriennes veillent à maintenir la cohésion sociale entre les populations. Le 25 mai, le Conseil national de sécurité (CNS) a ainsi justifié sa décision d’interdire l’entrée du bétail des réfugiés sur le territoire ivoirien.

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Une semaine plus tôt, une délégation du CNS, conduite par son secrétaire exécutif, Fidèle Sarassoro, par ailleurs directeur de cabinet d’Alassane Ouattara, s’était rendue dans la ville nordiste de Ferkessédougou. Objectif ? Suivre et coordonner les interventions étatiques et locales pour l’accueil et la gestion de l’afflux des réfugiés.

De son côté, Alassane Ouattara reste vigilant sur la situation à sa frontière nord, où la dernière attaque terroriste, en juin 2021, a coûté la vie à deux soldats et un gendarme, près de Téhini. Cette attaque était la quatrième en un peu plus de deux mois dans cette région.

Au Sénégal, les télécoms paient cher la coupure internet

Sonatel, Free, mais aussi Wave… Les dégradations lors des manifestations après la condamnation d’Ousmane Sonko et la coupure internet décidée par l’exécutif de Macky Sall ont eu un impact financier important.

Mis à jour le 21 juin 2023 à 17:23
 
 
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De violentes manifestations ont éclaté à Dakar au début de juin à la suite de la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko. 

 

« Cela tombe très mal. L’Aïd arrive et les dépenses vont plutôt être orientées vers cette grande fête. » À une dizaine de jours de la Tabaski, un dirigeant d’un opérateur télécoms sénégalais se désespère de ne pas voir revenir ses courbes de consommation à la normale depuis les manifestations en réaction à la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko, qui ont poussé, au début de juin, l’exécutif de Macky Sall à couper l’accès aux réseaux sociaux, puis à l’intégralité d’internet pendant plusieurs jours.

Destructions et manque à gagner

Principal opérateur du pays avec plus de 56 % de parts de marchés sur le mobile, Sonatel a communiqué le 14 juin sur le coût financier des manifestations et coupures. Au total, selon le directeur de la communication, Abdou Karim Mbengue, cité dans la presse locale, l’opérateur enregistre 677 millions de F CFA (1,03 million d’euros) de manque à gagner sur la période.

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Pour sa part, son concurrent, Free Sénégal (près de 24 % de part de marché), déplore quarante kiosques incendiés et deux agences saccagées. Ajouté à la coupure d’internet, le coût total des pertes pour l’opérateur est, là aussi, estimé à un million d’euros.

Interrogé par Jeune Afrique, Expresso, troisième opérateur du pays, n’a pas donné suite à nos sollicitations.

8 millions de dollars par jour

Outre les opérateurs télécoms, les entreprises tech ont également fait remonter un manque à gagner. Wave, principal service de mobile money utilisé par 90 % de la population adulte au Sénégal, a ainsi annoncé une baisse de 40 % des transactions lors de cette période, et ce, malgré des négociations qui se sont tenues autour du 5 juin avec le régulateur des télécoms pour garantir un service minimum sur le mobile money.

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Selon l’outil « Cost of shutdown » développé par l’ONG NetBlocks sur la base d’indicateurs de la Banque mondiale, de l’Union internationale des télécommunications, d’Eurostat et du Bureau du recensement des États-Unis (Census Bureau), le coût économique d’une coupure totale d’internet au Sénégal est estimé à près de 8 millions de dollars par jour.

En Côte d’Ivoire, les dessous d’une hausse inédite des prix de l’électricité

Les prix de l’électricité vont augmenter à partir du 1er juillet pour une partie des Ivoiriens. Une décision du gouvernement qui intervient après un accord historique avec le FMI.

Mis à jour le 20 juin 2023 à 18:54
 
 

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Le bâtiment de la compagnie ivoirienne d’électricité, à Abidjan. © Nabil Zorkot/ Jaguar

 

Au sein du gouvernement ivoirien, les discussions ont été âpres. Il a finalement été décidé d’augmenter de 9,6 % les tarifs de l’électricité pour une catégorie de consommateurs afin de « sauver un secteur dont l’équilibre financier devient de plus en plus précaire », a indiqué Mamadou Sangafowa Coulibaly, le ministre des Mines, du Pétrole et de l’Énergie, le 8 juin, à Abidjan.

Cette mesure, qui entrera en vigueur à partir du 1er juillet prochain, concerne les consommateurs qui ont une puissance de plus de 15 ampères, les professionnels des lignes à haute tension et les industriels. Selon le gouvernement, cela devrait concerner 13 % des utilisateurs, soit environ 400 000 abonnés sur un total de plus de 3 millions.

Prêt du FMI contre baisse des subventions

Mais le gouvernement se refuse à employer les termes de hausse ou d’augmentation et parle « d’ajustement tarifaire ». Une décision qui coïncide avec l’entrée en application des engagements du gouvernement après son accord avec le Fonds monétaire international (FMI).

Pour rappel, le programme avec le FMI prévoit le décaissement de 3,5 milliards de dollars sur quarante mois pour soutenir l’économie ivoirienne. Après l’octroi d’une première tranche de 495,4 millions de dollars en mai dernier, l’institution de Bretton Woods s’est voulue claire : les prochaines tranches seront conditionnées par une avancée notable de l’exécution des engagements contenus dans l’accord, qui prévoit notamment une baisse des subventions de l’État destinées au secteur de l’électricité.

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Du côté du gouvernement, on affirme que cette augmentation n’est pas liée à l’accord avec le FMI. « Le coût moyen de revient d’un kilowattheure (kWh) est de 89 francs CFA, tandis que le prix moyen de vente s’établit à 73 francs CFA, ce qui fait un différentiel de 16 francs CFA par kWh, a argumenté Mamadou Sangafowa Coulibaly. Pour la seule année 2023, la perte d’exploitation est estimée à 161 milliards de francs CFA. » Selon le ministre, la pandémie de Covid-19 et la crise en Ukraine ont accentué le déficit financier. Et l’écart entre les ressources générées par le secteur et les besoins de financement s’amplifiait.

Pour rappel, à date et depuis 2011, l’État accorde une subvention de 63 milliards de francs CFA (90 millions d’euros) à la Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE), qui a le monopole de la distribution et de la commercialisation de l’électricité dans le pays.

Vers un accroissement des investissements

Selon le gouvernement, les fonds qui seront dégagés devraient permettre l’amélioration de la qualité du service et un accroissement des investissements. Par exemple, la Côte d’Ivoire ambitionne de réduire le nombre d’heures de coupure de courant. Elles étaient estimées à seize heures et vingt-deux minutes en 2020 et sont montées à vingt-huit heures l’an dernier.

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Mais face aux craintes d’une inflation généralisée provoquée par cette augmentation, l’État ivoirien a entamé des négociations avec les industriels et essaie de faire preuve de pédagogie. « Il est certes vrai que cet ajustement touche une frange marginale des consommateurs, mais cela concerne ceux qui produisent en grande partie la richesse. Pour survivre, une hausse des prix des produits manufacturés n’est pas à exclure », explique un membre d’une association d’industriels, qui a requis l’anonymat. La consommation par habitant est d’environ 302 kWh contre une moyenne africaine de 572 kWh en 2019.

Selon la direction générale de l’énergie du ministère concerné, en 2019, la consommation d’électricité était partagée entre les ménages (36,6 %), les services (30,6 %), les industries minières et manufacturières (28,2 %) et le secteur de l’agriculture, ainsi que d’autres secteurs non spécifiés (4,6 %).

4 000 mégawatts en 2030 ?

La croissance de la demande en électricité a baissé, non sans conséquence pour les ambitions de la Côte d’Ivoire en matière de capacité de production. Elle est en effet passée de 10 % en 2012, à 7,1 % au cours de ces dernières années, selon Mamadou Sangafowa Coulibaly.

Et l’objectif de porter le parc énergétique d’environ 1 600 mégawatts en 2011 à 4 000 mégawatts à l’horizon 2020 est un lointain souvenir. En 2023, la capacité de production installée est de plus de 2 400 mégawatts pour une consommation aux heures de pointe qui dépasse 1 900 mégawatts. La nouvelle ambition du pays est désormais d’atteindre 4 000 mégawatts en 2030.

Cette augmentation des tarifs de l’électricité n’est pas une première en Côte d’Ivoire. En 2016, déjà, l’État avait ajusté les tarifs dans le cadre d’un programme avec le FMI.

Pourquoi Ousmane Sonko n’a toujours pas été arrêté

Condamné le 1er juin à deux ans de prison ferme, l’opposant sénégalais n’a toujours pas été notifié du jugement rendu par la chambre criminelle.

Par  - à Dakar
Mis à jour le 20 juin 2023 à 13:56
 

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Ousmane Sonko à Dakar, le 14 mars 2023 Opposition leader Ousmane Sonko (C) looks on during an opposition meeting two days before his trial, in Dakar on March 14, 2023. – Thousands of supporters of Senegalese opposition leader Ousmane Sonko rallied in Dakar on March 14, 2023, the first of several days of protests as the country prepares for elections in less than a year. Sonko is expected in court TMarch 16, 2023 after being sued by Tourism Minister Mame Mbaye Niang for « defamation, insult and forgery ». © JOHN WESSELS / AFP

 

 

Ses partisans prédisaient une situation ingérable si jamais il venait à être arrêté ou emprisonné. Condamné le 1er juin dernier à deux ans de prison ferme, 20 millions de F CFA de dommages et intérêts et 600 000 F CFA d’amende, Ousmane Sonko est toujours libre. Cette liberté est relative certes, l’opposant étant assigné de fait à résidence depuis plus de trois semaines. Mais dix-neuf jours après sa condamnation, rendue au terme d’un procès qu’il a boycotté, la justice ne l’a toujours pas inquiété. Combien de temps cela peut-il durer ?

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Acquitté des viols dont l’ancienne employée d’un salon de massage l’accusait, Ousmane Sonko a été condamné pour « corruption de la jeunesse » et pourrait être arrêté « à tout moment », avait précisé le 1er juin le ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall. « Il faut d’abord que la décision soit disponible. Une fois que la décision lui est notifiée, lui-même se constitue prisonnier, ou le parquet va le cueillir, a de nouveau expliqué le membre du gouvernement face à la presse, le 15 juin. C’est une pratique régulière pour se donner le temps de rédiger l’intégralité de la décision. »

Le rythme de la justice

En dépit du fait que le code de procédure pénal sénégalais prévoie que la décision soit déposée au greffe « dans les quinze jours au plus tard du prononcé du jugement », ces délais ont tendance à être beaucoup plus longs dans la pratique : des mois, voire des années, selon plusieurs interlocuteurs.

Rien d’étonnant sur le principe, donc, qu’Ousmane Sonko et sa coaccusée, Ndèye Khady Ndiaye, n’aient jusqu’à présent pas été arrêtés. « La justice sénégalaise est indépendante. Elle fonctionne à son rythme », a insisté Ismaïla Madior Fall. Mais le délai de rédaction du jugement de cette affaire explosive, qui concerne le principal opposant du pays et sa possible inéligibilité, pose cependant question.

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« Je ne sais pas ce qu’ils ont derrière la tête ni quelle est leur stratégie. Quand ils veulent faire traîner, ils traînent», observe l’un des avocats d’Ousmane Sonko, tout en faisant remarquer que « dans l’affaire Mame Mbaye Niang, le jugement a été disponible dans la semaine ». Le ministre du Tourisme a en effet accusé et obtenu la condamnation d’Ousmane Sonko pour diffamation et injure dans une autre affaire. Dans ce dossier, l’opposant a écopé de six mois de prison avec sursis et de 200 millions de F CFA d’amende. Une peine qui lui évite la prison, mais pas l’inégibilité.

« Le jugement n’aurait pas été rédigé… Enfin, ce sont eux qui le disent, poursuit l’avocat de l’opposant. Est-ce qu’un citoyen ordinaire qui commet une infraction se promène dans la nature ? Surtout quelqu’un qu’on a à portée de main ? » « Le gouvernement est dans une impasse », veut croire l’un des proches de Sonko, qui évoque un statu quo à l’issue incertaine.

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L’État hésite-t-il à faire arrêter l’opposant, alors que la nouvelle de sa condamnation a enflammé le pays pendant plusieurs jours, entraîné la mort d’une vingtaine de personnes et provoqué des centaines d’arrestations ? Le chroniqueur judiciaire Daouda Mine évoque une autre possibilité, qui découlerait de la pression liée à cette affaire : « Les juges savent que leur jugement sera disséqué et analysé. Les avocats de la défense ne vont pas se priver de démonter pièce par pièce les arguments de la chambre criminelle. Il leur faut prendre le temps de trouver des arguments imbattables. »

Vers un nouveau procès ?

D’autant que le délit de corruption de la jeunesse finalement retenu dans le cadre de ce procès pour viol fait l’objet de nombreuses critiques et commentaires. Il n’avait en effet pas été retenu par le juge d’instruction dans l’ordonnance de renvoi de l’affaire en janvier, contrairement à ce qu’a affirmé par la suite le ministre de la Justice. Un délit sorti du chapeau du président de la Cour criminelle, accusent aujourd’hui les partisans d’Ousmane Sonko, lequel crie depuis le début au complot visant à l’écarter de la course à la présidentielle de février 2024. « Avec tout ce qu’ils ont engagé comme ressources et les nombreuses déclarations du ministre, qui dit attendre le jugement, il faudra forcément qu’ils l’arrêtent à un moment », glisse une source qui suit le dossier de près.

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Une fois le jugement prononcé et notifié au mis en cause, Ousmane Sonko pourra se constituer prisonnier ou être arrêté sur décision du procureur. Dans les deux cas, à moins qu’il n’acquiesce sous dix jours à la décision de justice rendue en son absence, sa première condamnation sera « anéantie », selon le code de procédure pénal. L’affaire jugée lors d’un procès auquel il n’a pas assisté sera réexaminée, rebattant une nouvelle fois les cartes de ce dossier à rebondissements.

Reste encore une autre possibilité : celle où le jugement ne serait finalement jamais rédigé ou jamais exécuté. C’est notamment le cas pour le coaccusé de Karim Wade, Bibo Bourgi. Il a été condamné par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) à six ans de prison pour complicité d’enrichissement illicite, mais le jugement le concernant n’a jamais été exécuté et il n’a jamais été mis en prison.