Dia Houphouët Augustin Yohou en meeting à Yopougon, le 9 juin 2023. © Facebook/DeputeDeYopougon
« Un mercredi matin, sous la pluie, vous êtes venues massivement pour me dire : ‘Mon fils, nous sommes avec toi’. Et cette mobilisation d’aujourd’hui me donne la force de continuer le combat. » Chemise trempée, lêkê (méduses) aux pieds, le député Dia Houphouët Augustin Yohou rencontre des associations de femmes qui le soutiennent, dans un quartier de Yopougon.
Ce 21 juin, sous la pluie, l’événement a des allures de fête de quartier. À cette occasion, des enveloppes de 500 000 francs CFA sont distribuées aux 25 associations présentes pour financer leurs activités.
En quelques années, le jeune ambitieux est devenu une figure importante du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), qui l’a désigné comme son candidat pour les municipales du 2 septembre à Yopougon, la plus grande commune du pays, où il a déjà été élu député, en 2021.
Outsider mais populaire
Avec ses 160 km2, ses quelques deux millions d’habitants et sa zone industrielle, « Yop », jadis considérée comme le fief de l’ancien président Laurent Gbagbo, est dirigée par le ministre Gilbert Kafana Koné, qui est aussi à la tête du directoire du Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, au pouvoir).
Les élections municipales y seront très disputées. Outre Dia Houphouët Augustin Yohou, Adama Bictogo, le président de l’Assemblée nationale, et Michel Gbagbo, député de la commune et fils de Laurent Gbagbo, y sont aussi candidats.
Entre les deux, le candidat du PDCI compte peser sur le scrutin. « À l’étranger, lorsqu’on parle des municipales à Yopougon, on se dit que c’est un match entre le président de l’Assemblée nationale et le fils de Laurent Gbagbo. Mais le soir de l’élection, ils seront surpris de voir que celui qu’ils considéraient comme l’outsider est élu car j’ai tissé un lien avec les populations. Les gens ne regardent pas un parti, ils regardent l’homme », affirme-t-il à Jeune Afrique.
« Après mon élection [comme député], je suis reparti sur le terrain. J’ai rencontré des militants déçus des politiciens (…) J’ai aussi vu l’impact de dix ans d’abandon de cette commune par le pouvoir : taux de chômage élevé, routes dégradées, manque d’eau dans certaines zones, écoles vétustes… Des difficultés que j’ai essayé de relayer à l’Assemblée nationale, tout en aidant ceux que je pouvais », confie-t-il.
Du Maroc à la Grande-Bretagne
Né le 23 juillet 1980, Dia Houphouët Augustin Yohou est le benjamin d’une fratrie de huit enfants. Il grandi à Yopougon, où son QG de campagne se trouve dans la cour familiale. Grâce à une bourse d’études, il suit à partir de 2008 une licence en économétrie au Maroc avant de compléter sa formation en Angleterre, où il obtient un master en finances à l’université de Coventry.
Malgré ses diplômes, il enchaîne les petits boulots, dont caissier dans un supermarché à Londres. En 2013, il décide de rentrer au pays pour tenter sa chance. « J’ai postulé à des offres pendant six mois sans succès. À un moment donné, je vendais même des vêtements invendus de la boutique de ma sœur au bord de la route car je voulais vraiment travailler », se souvient-il. En 2014, il débute sa carrière à la Newcrest Mining, dans le secteur de l’or, avant d’en démissionner en 2020 pour se consacrer à sa carrière politique.
« Petit-fils » d’Houphouët
S’il n’est pas de la famille biologique de l’ancien président Félix Houphouët-Boigny, dont il porte le nom comme prénom, il explique avoir grandi à ses côtés. « Ma mère est une fille adoptive de Mamie Faitai, la sœur aînée du président. C’est lui qui a voulu que je porte son nom », raconte-t-il.
Dans un pays où l’image du « Vieux » est plus que jamais fédératrice, se présenter comme son « petit-fils » est un atout électoral non négligeable. Lorsqu’il se lance en politique, il se fait appeler « Dia Houphouët Augustin ». Contrairement à de nombreux membres du PDCI, encartés de générations en générations, le jeune homme ne rallie pas tout de suite l’ancien parti unique. « Ma mère était très active au sein du parti et était même conseillère municipale. Mais moi je regardais tout cela de loin », confie-t-il.
En 2018, lorsque l’alliance entre le PDCI et le RHDP prend fin dans un climat tendu, plusieurs cadres historiques démissionnent pour rejoindre le parti d’Alassane Ouattara. Youhou vit cela comme une injustice et décide alors de s’encarter dans la parti de sa mère. Il intègre le mouvement des Cadres et entrepreneurs engagés pour le PDCI-RDA (MCEE-PDCI), dont il devient le président.
Alliance avec Laurent Gbagbo ?
Pendant la présidentielle de 2020, il relaie l’appel à la désobéissance civile de l’opposition et tente de mobiliser les militants. C’est aussi à cette période qu’il rencontre en tête-à-tête l’ancien président, Henri Konan Bédié, par l’intermédiaire d’une des nièces de ce dernier. Petit à petit, il se fait repérer et son nom circule pour être le candidat du PDCI aux législatives de 2021 à Yopougon.
Le PDCI est alors allié au mouvement Ensemble pour la démocratie (EDS), une coalition fondée par les fidèles de Laurent Gbgabo. Sur sa liste commune, le PDCI obtient deux postes de députés sur six. « Nous avions accepté cet accord sur la base des résultats de 2010, en nous disant qu’avec eux, la victoire face au RHDP allait être écrasante. Yopougon était considéré comme un bastion pro-Gbagbo. Mais nous n’avons gagné qu’avec 300 voix d’écart. Pour moi, c’était le signe qu’après dix ans d’absence de leur parti aux élections, les choses avaient changé à Yopougon, estime-t-il. Aujourd’hui, personne ne peut revendiquer Yopougon comme son bastion. Les gens oublient aussi souvent que le PDCI a géré cette mairie pendant vingt ans, de 1980 à 2000. »
À l’heure où les cadres du PDCI et ceux du Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI), le nouveau parti de Gbagbo, discutent d’alliances électorales pour les locales du 2 septembre, le cas de Yopougon fait partie des sujets sensibles et non-tranchés.
Face à Michel Gbagbo, le PDCI entend maintenir la candidature de son jeune député. Mais la montée en puissance de ce dernier ne fait pas que des heureux au sein même de sa famille politique. La délégation PDCI de Yopougon s’était même opposée à son investiture, car elle le considère comme un nouveau venu.
Pari sur l’avenir du PDCI
À Youpougon, le PDCI fait également le constat de l’émiettement des voix de l’ancien bloc de gauche, entre le PPA-CI, le Front populaire ivoirien (FPI) resté aux mains de Pascal Affi N’Guessan, le Mouvement générations capables (MGC) créé par Simone Gbagbo et le Congrès panafricain pour la justice et l’égalité des peuples (Cojep) de Charles Blé Goudé.
« Le potentiel électoral projeté par l’ancienne mouvance Gbagbo paraît à bien des égards fantasmé. Le PPA-CI doit réaliser que des mutations sociologiques se sont produites en son absence », indique un membre du comité de gestion et de suivi des élections du PDCI.
Pour Dia Houphouët Augustin Yohou, Yopougon est un pari sur l’avenir du PDCI. « Si nous gagnons, nous montrerons que nous pouvons y arriver seuls. Ce sera un symbole fort pour qu’en 2025 notre parti parte à la reconquête du pouvoir seul, sans s’allier à un autre parti », conlut-il.