Vu au Sud - Vu du Sud

Au Mali, des célébrations de « l’indépendance » de l’Azawad sous haute tension

Ce 6 avril, les anciens groupes rebelles du Nord fêtent en grande pompe le onzième anniversaire de leur indépendance symbolique. De quoi irriter un peu plus la junte au pouvoir à Bamako, avec laquelle les relations sont déjà très dégradées.

 
Mis à jour le 6 avril 2023 à 16:53
 
 

 azawad

 

 

Un bureau de vote couvert de drapeaux séparatistes et de graffitis soutenant la création de l’État indépendant de l’Azawad, à Kidal, au Mali, en 2013. © Rebecca Blackwell/AP/SIPA

 

 

La date n’est que symbolique mais elle revêt une importance particulière pour les groupes indépendantistes du nord du Mali. Comme chaque 6 avril depuis 2012, date de sa proclamation par le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), les anciens rebelles célèbrent, ce jeudi, « l’indépendance » du septentrion malien.

Dès 8 heures du matin, des célébrations ont démarré dans les différentes régions du Nord. À Tombouctou, une dizaine de pick-up se tenaient prêts pour une parade militaire. Des hommes en armes posaient devant les objectifs, aux côtés de femmes arborant le drapeau de l’Azawad.

À Kidal, fief historique des rébellions touarègues qui ont secoué le Mali, la population était sortie pour assister au défilé des forces de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), la principale coalition d’anciens groupes rebelles. Cette petite ville isolée de l’extrême-nord malien, située à plus de 1 500 kilomètres de Bamako, échappe toujours au contrôle de l’État, près de huit ans après la signature de l’accord de paix d’Alger, en 2015.

Rapport de force

Cette année, ces célébrations de « l’indépendance » par les ex-rebelles interviennent dans un contexte bien particulier : leurs relations avec la junte au pouvoir à Bamako sont proches de la rupture, faisant même redouter à certains une reprise des hostilités entre les deux camps. Hier, mercredi, des avions de chasse des Forces armées maliennes ont survolé Kidal et d’autres localités du Nord, entraînant des tirs de riposte de la part de la CMA. La coalition d’anciens rebelles a rapidement dénoncé dans un communiqué une « violation patente du cessez-le-feu » et « une provocation grave ».

À LIREAu Mali, « des risques d’escalade politiques et militaires » entre le gouvernement et les ex-rebelles du Nord

Bamako cherche-t-il à les intimider ou à les mettre sous pression ? Ces derniers mois, les tensions entre le gouvernement malien et les mouvements signataires de l’accord d’Alger sont de plus en plus vives – plaçant de facto le processus de paix dans une impasse. Dans ce contexte explosif où chacun bande les muscles, fêter l’indépendance de l’Azawad est perçu comme une provocation par les autorités de transition.

Contexte de tensions

« Les célébrations de cette année se déroulent dans un contexte de tensions particulier avec Bamako », explique un haut responsable de la CMA. Selon lui, l’accord d’Alger est plus que jamais menacé. « Nous n’avons plus de contact avec les autorités depuis plus de quatre mois, déplore-t-il. Les populations n’y croient plus. De nombreuses voix s’élèvent désormais pour dire qu’il faut se débarrasser de cet accord. » Reprochant au régime d’Assimi Goïta une « inertie » dans la mise en œuvre de ce texte, qui avait scellé la paix après la crise politico-militaire de 2012, la CMA a multiplié les démonstrations de force ces dernières semaines.

À LIREAu Mali, le bras de fer entre Assimi Goïta et Alghabass Ag Intalla menace le processus de paix

Le 28 mars, les mouvements signataires de l’accord, regroupés au sein du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD), ont déclaré dans un communiqué « ne pas se reconnaître dans le projet de la nouvelle Constitution », qui ne respecte pas les « engagements politiques et institutionnels de l’Accord pour la paix », après s’être retirés en janvier de la commission chargée de finaliser le projet.

« Contrainte morale et politique »

« Ces célébrations de l’indépendance sont aussi une façon de dire aux autorités de transition : “Nous sommes toujours là, voici nos armes, notre drapeau, et les populations qui nous soutiennent” », estime Bréma Ely Dicko, sociologue et enseignant à l’Université de Bamako, qui voit en ces manifestations le signe d’un « ras-le-bol » face aux échecs successifs des différents accords de paix et à la dégradation de la situation humanitaire et sécuritaire.

« Avec ces démonstrations de force organisées à Kidal, les mouvements répondent à une contrainte morale et politique : montrer aux femmes et aux jeunes que leurs revendications sont toujours légitimes. Un mouvement n’existe que s’il est populaire », poursuit l’universitaire.

À LIREAccord de paix au Mali : « La moindre étincelle peut faire dégénérer la situation »

Du côté de Bamako, certains jugent une reprise des hostilités peu plausible. Lutte contre les groupes jihadistes, maintien du calendrier électoral, contraintes budgétaires… Le régime d’Assimi Goïta est déjà confronté à d’innombrables défis. Se lancer dans une nouvelle guerre contre les groupes signataires de l’accord d’Alger – bien que l’envie ne manque pas à certains officiers, y compris parmi les colonels au pouvoir – paraît risqué. Le 3 avril, la Direction de l’information et des relations publiques des armées avait ainsi indiqué « qu’aucune action néfaste ne serait entreprise à l’égard de Kidal ». Le lendemain, plusieurs avions de chasse survolaient la ville à basse altitude.

Peut-on encore sauver Saint-Louis du Sénégal ?

L’ancienne capitale du pays, pourtant inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2000, se dégrade d’année en année. Un patrimoine d’autant plus difficile à sauvegarder qu’il peut être bien encombrant. Reportage.

Par  - à Saint-Louis
Mis à jour le 2 avril 2023 à 16:20

 
StLouis
 

 

BAly Sine, directeur du patrimoine à la mairie, devant la « chapelle oubliée » de Saint-Louis du Sénégal. Le 10 janvier 2023. © Annika Hammerschlag pour JA

 

Du vieux bâtiment dont la construction remonte au XIXe siècle il ne subsiste que quelques pans de mur menaçant de s’écrouler. Aux pieds de l’édifice en pierre, ou plutôt de ce qu’il en reste, les gravats se mêlent aux tas d’ordures qui débordent sur la rue. À l’angle de la rue Blanchot et du quai Roume, à deux pas des rives paisibles du fleuve Sénégal, Aly Sine, directeur du patrimoine à la mairie de Saint-Louis, lève le doigt pour désigner la tour qui se dresse encore. La légende raconte qu’elle appartenait à une chapelle du XVIIIe. La maison, ancien entrepôt de la compagnie française Maurel & Prom, est restée connue sous le nom de « chapelle oubliée ». Répertorié comme un lieu « de grande valeur architecturale », le bâtiment semble sur le point de s’écrouler. Aly Sine se veut pourtant rassurant : « Les lieux ont été sécurisés. Nous pourrions tout reconstruire en respectant les plans originaux », assure-t-il avec un enthousiasme qui paraît un peu forcé.

À LIRESénégal : un musée d’un nouveau genre ouvrira près de Kaolack en 2025

Comme près de 720 bâtiments de l’île de Saint-Louis (Nord), capitale du Sénégal jusqu’en 1957, l’église oubliée avait pourtant été classée comme un site à protéger. Un important travail d’inventaire des lieux d’intérêt historique avait été réalisé après la reconnaissance de ce qui fut aussi l’ancienne capitale de l’Afrique-Occidentale française (AOF) comme patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco en 2000. « Aujourd’hui, 23 ans plus tard, la situation est bien pire. Une grande proportion des bâtiments à l’intérêt architectural et historique n’existent plus, ont été démolis ou transformés », lâche Xavier Ricou.

L’architecte sénégalais avait été missionné en 2005 pour préparer le plan de sauvegarde et de mise en valeur de la ville, qui, regrette-t-il, a été « mal appliqué ». « Beaucoup de propriétaires n’attendent qu’une chose : que les bâtiments soient totalement détruits pour faire construire des villas ou des immeubles à la place. Ce classement ne les arrange pas. » Les experts estiment qu’au moins un tiers des édifices d’époque ont été « irrémédiablement perdus » depuis 2000.

Un passé ambigu

Créée par les Français, qui y établissent le « comptoir du Fort Saint-Louis » en 1643, l’île de Saint-Louis est une étroite bande de terre de 72 ha, située au beau milieu du fleuve Sénégal et séparée de l’océan Atlantique par la langue de Barbarie. Cette langue de sable a longtemps servi de protection naturelle à l’île, qui est désormais menacée par l’érosion et la montée des eaux. Plusieurs villages ont déjà été engloutis par la mer. Entre 10 000 et 20 000 habitants de Guet Ndar, principalement des pêcheurs, doivent notamment être relogés.

À LIREVilles et climat : Saint-Louis combat l’érosion côtière [3/6]

Près de 7 000 personnes résident actuellement sur l’île, en perte de vitesse depuis que la ville a perdu son statut de capitale : à l’époque de l’AOF, ils étaient 150 000, un chiffre qui a même pu atteindre 300 000 habitants. Dans les rues au tracé régulier où les touristes baguenaudent, les maisons à galerie aux couleurs pastels tombent lentement en ruines. Bâties par les signares ou les négociants fortunés, principalement entre 1850 et 1950, elles constituent l’une des richesses historiques de la ville. Mais la plus ancienne colonie française d’Afrique semble avoir remisé son passé ambigu de capitale, dont la position stratégique lui a permis de s’enrichir par le commerce des esclaves, de la gomme arabique et des peaux.

EN 2000, L’UNESCO ENCOURAGE LE DÉPÔT DU DOSSIER POUR SAINT-LOUIS, SOUS RÉSERVE QUE L’ÉTAT DONNE DES CONDITIONS DE PROTECTIONS

À la différence de l’île de Gorée, classée au patrimoine mondial de l’humanité dès 1976, ce n’est donc qu’en 2000 que l’État sénégalais dépose un dossier devant l’Unesco. Le contexte s’y prête alors, explique l’architecte Suzanne Hirschi : « Le centre du patrimoine (de l’Unesco) opérait alors ce qu’il appelait un « rééquilibrage de sa carte » car le nombre de sites classés au patrimoine mondial était bien plus important en Occident qu’ailleurs. » L’Unesco encourage ainsi le dépôt du dossier pour Saint-Louis, sous réserve que l’État donne des conditions de protections, et fournisse un inventaire complet des lieux à sauvegarder.

L’architecte sera chargée de copiloter ce recensement architectural et urbain réalisé par l’école d’architecture de Lille, sur lequel s’est adossé le plan de sauvegarde de la ville, finalement converti en décret présidentiel en 2008. « Je me souviens qu’on parlait alors de Saint-Louis comme d’une découverte archéologique, se remémore Suzanne Hirschi. On la décrivait comme une ville endormie, poussiéreuse, presque sous la cendre. Une ville qui avait fini son histoire. »

Plan de conservation « mal appliqué »

Pour consolider le plan de sauvegarde national, d’autres initiatives ont depuis été mises en place, comme l’élaboration d’un plan de conservation avec l’appui de l’Unesco. « Les nouvelles constructions, les modifications architecturales sur les bâtiments existants et les projets urbains doivent faire l’objet d’une attention particulière, afin de ne pas affecter l’intégrité du site. Ce nouveau plan de gestion pourrait aider les autorités locales à fixer et à faire appliquer des règles plus précises », indique une source au sein de l’institution.

La ville bénéficie également d’une enveloppe de sept millions d’euros pour le patrimoine au sein du programme de développement touristique financé par l’Agence française de développement (AFD). Un programme qui assure l’essentiel des travaux de réhabilitation du patrimoine public et privé, des places publiques et des quais. Un fonds d’urgence pour la sauvegarde du patrimoine a également été mis en place par les autorités locales en 2018, inscrit dans le budget du Programme d’actions prioritaires (PAP) 2019-2023 de l’État. Ces initiatives ont ainsi permis des travaux importants : réhabilitation de la cathédrale, aménagement de l’ex-place Faidherbe et de l’avenue Jean-Mermoz, rénovations de plusieurs maisons privées.

CE QUI MANQUE À SAINT-LOUIS, C’EST LE RECUL PATRIMONIAL IDENTITAIRE QUI DONNE UNE VALEUR RÉELLE À L’OBJET HÉRITÉ

Sur cette île en chantier permanent, difficile pourtant de faire respecter les (nombreuses) règles du plan de sauvegarde. Le directeur du patrimoine de la mairie Aly Sine le reconnaît. « Notre principal problème, c’est le respect de la réglementation. Normalement, un propriétaire a besoin d’une autorisation ne serait-ce que pour changer une porte ou une fenêtre. Mais le contrôle est très difficile. » La rénovation des bâtiments privés est complexifiée par la multiplication des héritiers et par leur incapacité à financer les travaux nécessaires, explique Aly Sine.

À LIREIl faut sauver l’île de Gorée… et ses habitants

« La conservation du patrimoine ne vit pas ses plus beaux jours, admet le responsable municipal. Et ces questions ne sont pas toujours observées d’un œil bienveillant. La perception de ce patrimoine est ambiguë : certains Saint-Louisiens « de souche » le voient comme leur héritage, d’autres sont embarrassés devant ce que Léopold Sédar Senghor appelait les « décombres du colonialisme ». »

Désintérêt pour l’héritage historique

« La plus grande partie du patrimoine n’est pas coloniale mais d’époque coloniale, précise néanmoins l’architecte Xavier Ricou. Certes, des bâtiments ont été construits par les colons : la gouvernance, le palais de justice et les édifices administratifs. Mais la plupart l’ont été par des Sénégalais et des métis. » Il décrit un rejet du patrimoine « plus idéologique que réel ». « D’ailleurs, le patrimoine, les archives sont des sujets qui n’intéressent pas au Sénégal. Le passé n’est qu’une chose à laquelle on fait référence. Il faudrait arriver à persuader les gens qu’on peut faire de l’argent avec cet héritage historique, mais une maison d’hôtes à Saint-Louis ne sera jamais aussi rentable qu’un immeuble de dix étages. »

 

 

Stlouis2

 

 

Saint-Louis du Sénégal © Annika Hammerschlag pour JA



« On ne préserve pas quelque chose uniquement pour sa beauté, son intérêt artistique, souligne également Suzanne Hirschi. Il faut qu’il y ait une plus value affective qui nous attache à ce patrimoine. Ce qui manque à Saint-Louis, c’est ce recul patrimonial identitaire qui permet de donner de la valeur réelle à l’objet hérité, comme cela a été fait à Gorée, qui s’inscrit pourtant dans une même histoire coloniale. Dans le patrimoine, il y a aussi la liberté pour l’héritier d’en faire quelque chose. Un héritage grevé de dettes, on peut le refuser. »

À LIREMohamed Mbougar Sarr : « La colonisation est une épine plantée dans la chair de l’ancien colonisé »

Devant la grande mosquée de la ville, située à son extrémité nord, l’écrivain Amadou Alpha Sy préfère insister sur la « symbiose multiculturelle » qui fait de Saint-Louis une ville particulière. Il pointe du doigt le minaret gauche de l’édifice religieux, où le clocher carillonnait pour annoncer la prière – l’appel du muezzin, dit l’histoire, dérangeait les colons… En cours de rénovation, la mosquée ne sera pas débarrassée de son clocher à l’issue des travaux. « La question n’a même pas été soulevée », observe le Saint-Louisien.

« À Saint-Louis, tout est parlant. Le fait colonial est partout, et l’architecture de notre ville est révélatrice de notre histoire », insiste l’écrivain, qui regrette que la politique culturelle de la ville ne soit pas plus développée afin d’attirer aussi un tourisme national. « L’offre culturelle doit être rénovée au-delà de notre héritage historique. Nous ne pouvons pas nous contenter uniquement de ce que nous avons. » La ville semble aujourd’hui plus tournée vers son futur que vers son passé, avec l’exploitation des ressources de pétrole et de gaz situées au large des côtes prévue pour 2023. De quoi redynamiser la ville, pour le meilleur ou pour le pire.

Mali: les groupes armés du Nord s'opposent au projet de Constitution

Après des partis politiques maliens, puis une association de religieux, c’est autour de la quasi-totalité des mouvements armés impliqués dans le processus de paix de dire « non » au projet de nouvelle Constitution dans sa forme actuelle. L'alliance des groupes armés estime, dans un communiqué,  que le texte, qui doit être soumis à référendum, ne prend pas en compte leurs préoccupations.

Avec notre correspondant régional, Serge Daniel

Parmi les signataires du communiqué, figurent les principaux groupes armés plutôt indépendantistes, autonomistes et même des pro-Bamako. Pour tous, c’est « non » au projet de nouvelle Constitution pourtant validé par les autorités de transition.

« Article 6 »

Mohamed Elmaouloud Ramadane, porte-parole des mouvements armés du Nord, signataire du communiqué, donne les détails : « À la sortie de la version finale de ce projet de la Constitution, nous avons vu qu’elle ne prend pas en charge les dispositions de l’Accord [de paix signé en 2015 avec Bamako sous l'égide d'Alger]. Par exemple, l’article 6 qui stipule que le président de la région doit être élu au suffrage universel direct et il est le président de l’exécutif. Au lieu que ça soit le gouverneur, maintenant c’est lui le président de l’exécutif, tant qu’il y a la libre administration, une décentralisation poussée. »

Coup dur

La décision des mouvements armés de rejeter le nouveau projet de Constitution est un nouveau coup dur pour le processus de paix. Et il se murmure déjà qu’il sera difficile, dans ces conditions, que le référendum se tienne dans les zones qu’ils contrôlent. Ce vendredi, le gouvernement malien n’avait pas encore réagi à la prise de position de ces groupes armés.

À lire aussi L'expert indépendant sur les droits de l'homme Alioune Tine «préoccupé» par la situation au Mali

Burkina: mobilisation générale et état d’urgence, des mesures exceptionnelles qui inquiètent

Le Burkina Faso monte d'un cran dans sa riposte face à la menace terroriste. Vendredi soir, sur demande du président de la Transition, le Conseil constitutionnel a publié un avis portant ordre de « mobilisation générale et de mise en garde ». Dans le même temps, le Conseil des ministres a décidé de déclarer l'état d'urgence dans huit régions du pays, à partir du 30 mars.

Selon le gouvernement, cette décision permet de renforcer les moyens juridiques pour lutter contre le terrorisme.

Vingt-deux provinces burkinabè sont ainsi concernées par l'état d'urgence. Parmi elles, figurent le Soum, la Tapoa, le Namentenga, le Bam ou encore le Sanmatenga. Cela représente près de la moitié des provinces du pays.

D'après la loi de 2019, l'état d'urgence permet « aux autorités administratives de prendre des mesures exceptionnelles en matière de sécurité, susceptibles de porter atteinte aux droits et libertés des personnes. »

Les ministres de la Sécurité et de l'Administration territoriale peuvent par exemple réquisitionner des personnes ou des biens, interdire la circulation de personnes ou véhicules, confier à l'armée des tâches de maintien de l'ordre, dissoudre ou suspendre des groupes et associations ou encore contrôler les contenus des médias et interdire les publications.

L'état d'urgence est toutefois limité à 30 jours. L'Assemblée législative de transition peut le proroger sur saisine du gouvernement.

L'avis du Conseil constitutionnel sur la mobilisation générale, autorise, quant à lui, le chef de l'État à prendre des mesures similaires, mais sur toute l'étendue du territoire burkinabè.

Un décret présidentiel doit être publié dans les jours à venir pour préciser « ces mesures exceptionnelles ».

Restriction des libertés civiques

Cet attirail juridique inquiète une partie de la société civile qui redoute une restriction des libertés civiques.

« C'est une décision ambigüe qui ne donne pas d'orientations claires », déplore un défenseur des droits de l'homme à propos de l'état d'urgence. Il redoute que les libertés civiques ne soient abusivement réduites, alors qu'elles sont déjà malmenées, depuis l'arrivée de la junte, il y a quelques mois.

En ce qui concerne la mobilisation générale, « ces mesures exceptionnelles doivent s'inscrire dans l'État de droit, rappelle Abdoulaye Soma, juriste constitutionnaliste, Or, la Constitution garantit des droits fondamentaux. »

Tous les décrets émis par le président de la Transition devront ainsi être soumis à la consultation du Conseil constitutionnel, ultime garant des libertés fondamentales, « mais très peu d'acteurs peuvent saisir le Conseil des sages », concède Abdoulaye Soma. En l'occurrence, seul le président de l'Assemblée législative de transition (ALT) en a la possibilité. C'est aussi l'ALT qui examinera la prorogation de l'État d'urgence limité à 30 jours.

Ces mesures interviennent quelques jours après la visite du capitaine Ibrahim Traoré à Kaya, dans le Centre-Nord du pays. Le chef de la Transition y a prononcé un discours très vigoureux envers ceux qui, à ses yeux, ne soutiennent pas la lutte contre le terrorisme.

Le nombre de civils tués au Mali en 2022 a plus que doublé, selon l’ONU

La Minusma impute plus d’un tiers des violations des droits humains à l’armée malienne et à ses alliés, mais Bamako conteste la crédibilité des informations recueillies.

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 24 mars 2023 à 10:09
 

 civils

 

 

Dans le camp de réfugiés de Faladié, à Bamako, au Mali. © Kemal Ceylan / ANADOLU AGENCY / Anadolu Agency via AFP

 

 

Le nombre de personnes tuées en 2022 (1 277) a enregistré une hausse de 118% par rapport à 2021 (584), a assuré, mercredi 22 mars, la Mission de l’Onu au Mali (Minusma). Un rapport – non publié encore – qui « ne donne aucune précision sur les sources de vérifications des cas rapportés » et ne permet pas au gouvernement de mener « au besoin une confrontation et des enquêtes », a répliqué le ministère des Affaires étrangères en réponse à cette note trimestrielle de l’ONU sur les violations des droits humains, portant sur la période d’octobre à décembre 2022.

À LIREMohamed Ali Bathily : « Le Mali n’avait pas connu un tel recul des libertés depuis Moussa Traoré »

Selon les autorités maliennes, certains cas de violations des droits de l’homme rapportés par l’ONU ont été vérifiés sur la base de « documents publiés par des organisations étatiques et non étatiques » et d’entretiens menés à distance. Cette méthode « amène à poser la question de la crédibilité de toutes les informations recueillies dans ces conditions », estime Bamako.

Blocage des investigations de la Minusma

« D’une manière générale, 2 001 personnes ont été affectées par les actes de violence en 2022 (1 277 tués, 372 enlevés/disparus et 352 blessés) », a précisé l’ONU. Les groupes jihadistes sont les principaux responsables des violences, avec 56% des violations enregistrées.

Mais selon l’ONU, « 694 violations des droits de l’homme, soit 35% du nombre total de violations, sont imputables » aussi à des éléments des Forces de défense et de sécurité (FDS), « quelquefois accompagnés par du personnel militaire étranger ». Ces données n’incluent pas les violations commises à Moura où, selon l’ONG Human Rights Watch, 300 civils ont été massacrés à la fin de mars 2022 par des soldats maliens associés à des combattants étrangers, peut-être russes. L’armée malienne a démenti, revendiquant l’élimination de plus de 200 jihadistes.

À LIREAu Mali, plongée dans le système Wagner

Le régime de Bamako s’est tourné en 2022 vers la Russie, des « instructeurs », selon la junte – des mercenaires du groupe Wagner impliqués dans de multiples exactions, selon plusieurs pays occidentaux. Bamako fait en outre ouvertement barrage aux investigations de la Minusma sur les droits humains, et a expulsé en février le chef de la division des droits de l’Homme de la mission de l’ONU.

(Avec AFP)