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Guinée, Côte d’Ivoire, Mali, Nigeria… Mota Engil ne connaît pas la crise

Routes, rails, aéroports… Le premier constructeur portugais empile les concessions sur le continent, en solo ou en duo.

Mis à jour le 24 juillet 2023 à 09:10
 
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Le stade de la paix de Bouaké, en Côte d’Ivoire, en mars 2023 lors du Championnat d’Afrique des Nations. © Issouf SANOGO/AFP.

 

Vu du Cameroun, le portugais Mota Engil est un géant assoupi. Après l’achèvement des chantiers de Garoua – réhabilitation et extension du stade Roumde Adja de la capitale régionale du Nord, construction du stade annexe et d’un hôtel de 70 chambres –, dans la perspective de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) de football que le pays a abritée l’année dernière, la filiale locale s’échine à conclure le contrat de construction de la deuxième phase (196 km) de l’autoroute Douala-Yaoundé, estimée à 835 milliards de F CFA (1,27 milliard d’euros). Un projet qui mobilise son patron, Jorge Nelson Rocha Mota, et ses équipes qui, après avoir coiffé au poteau le consortium Sogea-Satom/Fayat/Vinci et le groupement Sinohydro/PCRB/SDHS, n’ont pour l’instant aucun autre chantier en ligne de mire.

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Cette atonie tranche avec l’activisme qui se manifeste sur certains des douze autres marchés (Angola, Mozambique, Malawi, Afrique du Sud, Zimbabwe, Ouganda, Rwanda, Guinée‐Conakry, Côte d’Ivoire, Kenya, Nigeria et Mali) dans lesquels le constructeur est présent sur le continent. À la tête de Mota Engil Africa, Manuel António Mota, à présent numéro deux du groupe, annonçait la couleur il y a cinq ans.

« Nous sommes à la recherche de concessions dans le secteur des routes, des chemins de fer, de tout ce qui peut alimenter notre activité principale de construction », indiquait-il à Jeune Afrique. Le groupe vient ainsi de s’entendre avec Rio Tinto sur un contrat de près de 280 millions d’euros pour aménager le site d’exploitation du fer de Simandou, en Guinée Conakry.

Succès en série au Nigeria

En juillet, les bonnes nouvelles sont surtout venues du Nigeria. Le groupe lusitanien, détenu par la famille Mota (40%) et la China Communications Construction Company (CCCC, 32,41 %), a raflé un marché de 840 millions d’euros pour l’acquisition de matériel roulant, dans le cadre d’un projet ferroviaire visant à rallier la première économie du continent à son voisin nigérien. Son alliance avec Africa Finance Corporation (AFC), qui va créer une coentreprise, a permis de décrocher deux concessions. Lesquelles offriront l’opportunité de transformer, moyennant 240 millions d’euros, deux routes nationales en autoroutes, ainsi que leur gestion pendant vingt-cinq ans. Sans compter les concessions pour la gestion des aéroports d’Abuja et de Kano en cours de négociation.

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Mota Engil consolide ainsi sa position en Afrique de l’Ouest, à côté de ses traditionnels marchés lusophones. Le groupe de BTP avait pris la décision de s’intéresser à la zone au milieu de la décennie écoulée, parallèlement à la poursuite de son désendettement, qui lui donne désormais les coudées franches.

En Côte d’Ivoire, comme par le passé au Cameroun, il surfe sur la vague infrastructurelle qu’exige l’organisation de la plus grande compétition sportive africaine. Le constructeur bâtit ou réhabilite les stades de Bouaké et Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan. Il en est de même de l’enceinte de Boké, en Guinée, qui devait, en principe, accueillir la compétition en 2025.

Un carnet de commandes plein

Ces deux pays, ainsi que l’Angola et le Mozambique, ont contribué à 66 % du chiffre d’affaires de sa branche africaine au cours des deux derniers exercices. Lequel a crû de 44 % en deux ans – seule l’entité sud-américaine, avec une croissance de 145 %, a fait mieux –, pour se situer à pratiquement 1,2 milliard d’euros, soit le tiers du revenu global du groupe. En outre, les marchés ivoirien, angolais, sud-africain, ougandais et rwandais sont particulièrement dynamiques avec une progression annuelle de 50 %.

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L’Afrique représente aujourd’hui la moitié du carnet de commandes du groupe, qui a d’ailleurs bondi de 66 % sur un an, à 12,6 milliards d’euros l’année dernière. Une place qui prendra encore de l’ampleur dans les revenus du groupe, lesquels sont appelés, selon les prévisions de Mota-Engil, à croître de 20 % cette année.

Burkina/Hivernage : Une période d’anxiété dans le quartier non loti de Goundrin

Accueil > Actualités > Société • LEFASO.NET • mercredi 19 juillet 2023 à 22h25min 
 
Burkina/Hivernage : Une période d’anxiété dans le quartier non loti de Goundrin

 

Au Burkina Faso, de juillet à septembre, le pays connaît de grosses pluies. Pendant cette période, nombreux sont les Burkinabè qui, lorsqu’ils aperçoivent des nuages se former, sont dans l’anxiété, craignant que les eaux de pluies n’inondent leurs maisons ou ne les fasse tomber.

A Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, dans la nuit du 18 au 19 juillet 2023, une grande pluie s’est abattue sur la ville. Dans le quartier non loti de Goundrin, certaines personnes n’ont pas pu fermer l’œil à cause de la pluie.

Il est 7h passé. Charles Ouédraogo, assis dans sa maison, écoute les informations à la radio. Ce père de famille n’a pas passé une nuit agréable à cause de la pluie. Sa maison a été inondée. « Hier, quand il pleuvait on dormait déjà. On n’a pas eu le temps de ramasser nos affaires. Certains de nos habits sont mouillés. Même le riz que j’avais acheté pour le mois est totalement mouillé. Nous sommes restés debout jusqu’à 4h moins avant que les enfants ne se couchent. Moi je n’ai presque pas dormi. Regardez, ma maison est à un pas du ravin. Et cela fait vraiment peur quand il pleut, surtout quand on a des enfants », a indiqué ce père de quatre enfants.

 

Il habite le quartier Goundrin depuis 1998. Selon ses dires, il y a 10 à 15 ans en arrière, il n’y avait pas d’inondations dans leur quartier. Le ravin qui est juste derrière sa maison n’existait pas. C’était une route. Mais à cause de l’érosion, la route a fini par devenir un grand ravin. Chez lui, quand il pleut, les effets sont déposés sur une table. Après la pluie, les enfants raclent l’eau, balaient la maison et redéposent les effets par terre.

Selon lui, s’il vit toujours dans cet endroit, c’est parce qu’il n’a pas les moyens de s’acheter une parcelle ailleurs. Et aussi, en tant que tâcheron il n’a pas les moyens pour louer une maison dans un quartier loti. Monsieur Ouédraogo assure qu’il a été inscrit sur une liste de la mairie pour bénéficier d’une parcelle. Malheureusement, il n’a pas eu de réponse favorable.

 

Il demande aux autorités de se pencher sur leur cas. Car ils sont dans une zone à risques. A tout moment il peut y avoir un éboulement, vu l’état du ravin.

Déplacée interne venue de la région de l’Est, Assétou Sana lave ses affaires mouillées à cause de l’inondation de la nuit. Sa famille et elle habitent le quartier Goundrin depuis deux ans maintenant. A chaque pluie, ses enfants et elle doivent rester debout jusqu’à la fin de la pluie avant de pouvoir s’asseoir où se coucher.

« Quand il pleut, l’eau remplit la cour et entre dans les maisons. Mes enfants et moi sommes obligés de nous arrêter jusqu’à ce que la pluie cesse. Aussi, notre maison est au bord de ce grand ravin donc quand il pleut, nous avons peur qu’il y ait un éboulement. Lorsque nous sommes arrivés à Ouagadougou, cette maison était la seule qu’on pouvait prendre au regard de nos moyens. Nous sommes conscients qu’à tout moment, il peut y avoir un éboulement mais nous n’avons pas le choix », a expliqué madame Sana.

 

Assetou Sana, riveraine du quartier Goundrin

Boukaré Guigma, avec un air triste, dit qu’il s’est réveillé à 2h du matin dans l’eau. « J’étais fatigué hier. Je n’ai pas su à quel moment la pluie a commencé. C’est quand j’ai senti mon matelas mouillé que je me suis réveillé. J’ai constaté que l’eau était dans la maison. Après cela, je n’ai plus fermé l’œil jusqu’à cette heure », raconte-t-il. D’après ses dires, quand il voit les nuages son cœur commence à battre fort, parce qu’il ne sait pas ce qui peut arriver s’il pleut trop.

Notre interlocuteur souhaite que les autorités trouvent des solutions aux prix exorbitants des parcelles et des loyers pour que chaque Burkinabè puisse avoir un logement digne.

 

Pour lui, c’est la cherté du loyer et des parcelles qui poussent certaines personnes à aller habiter dans les zones non loties et à risques.

Rama Diallo
Lefaso.net

En Mauritanie, les derniers fidèles de Mohamed Ould Abdelaziz

En détention provisoire depuis l’ouverture de son procès pour corruption, le 25 janvier, l’ancien président a été lâché par nombre de ses soutiens. Dans le pays, ses alliés se comptent désormais sur les doigts d’une main.

Mis à jour le 21 juillet 2023 à 09:35

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L’ancien président mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz. © SEYLLOU/AFP

 

Lorsque les puissants chutent, il y a ceux qui partent, et ceux qui restent. S’ils sont bien peu à afficher publiquement leur soutien à Mohamed Ould Abdelaziz, ce dernier peut néanmoins s’appuyer, dans sa traversée du désert, sur quelques indéfectibles alliés.

S’agissant de ceux qui ont déserté ses rangs, l’ancien président répondait laconiquement à Jeune Afrique, en avril 2021, qu’ils étaient « surtout fidèles à leurs intérêts ». Installé à sa droite lors de sa première conférence de presse, en décembre 2019, juste après que le conflit pour le leadership du parti au pouvoir avait éclaté, son ex-ministre, Seyedna Ali Ould Mohamed Khouna, est toujours à ses côtés.

Terrain politique

Cet homme à la barbe blanche et à l’air sévère – bien que réputé très sympathique -, a géré les portefeuilles de l’Habitat et de la Fonction publique lorsque Mohamed Ould Abdelaziz était au pouvoir, avant de devenir secrétaire général de la présidence. Très influent dans sa localité d’origine, Amourj (wilaya du Hodh el Chargui, dans l’est de la Mauritanie), il est le frère de Cheikh El Avia Ould Mohamed Khouna, lequel fut, entre autres, le Premier ministre de Maaouiya Ould Taya entre 1998 et 2003. Depuis le début des ennuis judiciaires de son ami, placé en résidence surveillée dès août 2020, Seyedna Ali Ould Mohamed Khouna n’a cessé d’occuper le terrain politique.

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En décembre de cette même année, il a été désigné secrétaire général du Parti unioniste social-démocrate de Mahfoudh Ould Azizi, une formation d’obédience baathiste que Aziz avait rejointe quelques mois plus tôt et qui, par la suite, a été dissoute. Son ancien directeur de cabinet, Isselkou Ould Ahmed Izid Bih, s’en était également rapproché, mais il a, depuis, fait défection. Seyedna Ali Ould Mohamed Khouna n’a pas baissé les bras. Il est aujourd’hui président du Front pour le changement démocratique, un mouvement pro-Aziz qui ne parvient pas encore à se faire enregistrer en tant que parti politique. Et il se murmure qu’il pourrait être candidat à la présidentielle de 2024.

Franc-parler

Le deuxième vice-président du Front pour le changement démocratique est un autre ancien membre du gouvernement de Aziz : Mohamed Ould Jibril. Cet ex-ministre de la Jeunesse et des Sports (2017-2018) fut aussi directeur de cabinet du Premier ministre Yahya Ould Hademine (2014-2017). Maître de conférence à l’Institut supérieur de comptabilité et d’administration des entreprises, il a brigué un siège de député à Nouakchott-Sud, sur la liste de Ribat al-Watani (le parti que Aziz avait rallié en 2021) lors des dernières élections législatives, en mai dernier. Sans succès. Enfin, le troisième vice-président du mouvement est un autre fidèle parmi les fidèles de Aziz, Mohamed Ould Abidine.

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Réputé pour son franc-parler, souvent coiffé d’un panama, cet homme d’affaires qui a fait fortune dans la pêche à Nouadhibou (nord) est un compagnon de route de Mohamed Ould Abdelaziz depuis 2005. Il fut le représentant du parti au pouvoir, l’Union pour la République (devenu El Insaf), dans l’Inchiri, le fief de l’ancien chef de l’État. « Nous ne sommes pas parents, mais je le soutiens par conviction, affirme-t-il. Il est mon ami, mon frère, et j’en suis fier. » Il déplore qu’on l’empêche d’exercer ses activités professionnelles en raison de cette proximité et argue que c’est pour cela que peu osent afficher un soutien, ce que le camp adverse nie catégoriquement.

Quant à la présidentielle de 2024, il confie que « toutes les options sont possibles », avant de reconnaître que, tant que « Mohamed Ould Abdelaziz est sous les verrous, [il] ne sait pas tellement quelle est la marge de manœuvre, mais [qu’il] va continuer à se battre ». Tous sont en contact avec Sidi Elemine Mohamed Asker, dit Demine, qui gère les relations extérieures de l’ex-président, qu’il accompagne depuis 2000. Il est aussi membre fondateur, en novembre 2022, d’Engagés pour une Mauritanie unie (EMU), un mouvement de soutien à Aziz. Et l’ancien président s’appuie bien sûr sur son clan familial, soudé autour de lui. Sa fille, Asma, très présente au tribunal, lui apporte ses repas depuis les premiers jours de sa détention.

Bataille judiciaire

Enfin, Mohamed Ould Abdelaziz a engagé plusieurs avocats étrangers ces dernières années pour le défendre, mais seule une poignée plaide actuellement sa cause dans la petite salle du Palais de justice de Nouakchott. Parmi eux, le Sénégalais Ciré Clédor Ly ou encore la Libanaise Sandrella Merhej, recrutée en avril 2022, qui a déserté Beyrouth ces derniers mois pour assister à chacune des audiences. Cette spécialiste du droit pénal international, qui s’est familiarisée avec la loi mauritanienne et le complexe dossier de Aziz, affiche sa détermination.

« Tant que mon client sera en difficulté, je serai à ses côtés, ce n’est plus “seulement” un dossier, c’est une cause. Il est riche et il l’a reconnu, mais ce n’est pas un criminel et il y a beaucoup d’injustices dans cette affaire. » Son confrère Mohameden Ould Ichidou, qui dirige le pôle des avocats, a lui aussi tissé des liens avec son client depuis qu’il a pris son dossier en mains.

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Après avoir perdu plusieurs de leurs batailles, notamment devant le Conseil constitutionnel, les avocats espèrent aujourd’hui obtenir la libération provisoire d’Ould Abdelaziz. Estimant qu’il collabore avec la justice, ils dénoncent ses conditions de détention. Reste que Ould Abdelaziz fait plus que jamais face à de lourdes accusations de détournements, auxquelles plusieurs témoignages, comme celui de l’homme d’affaires Brahim Ould Ghadda en avril, ont donné du poids. « Il m’a confié des milliards », a même assuré ce dernier. À la barre, Mohamed Ould Abdelaziz a assuré qu’il s’était enrichi grâce à des dons de l’étranger et au reliquat des financements de ses campagnes. Sans toutefois convaincre ni la partie adverse, ni (pour le moment ?) l’opinion.

Les dynasties du nord du Nigeria : une histoire de puissance et d’entre-soi

Ils s’appellent Dangote, Sanusi, Mangal, Indimi, Yar’Adua ou Buhari… Ils se connaissent, se fréquentent et se marient, nouant des alliances à toute épreuve. Perpétuant aussi une influence politique et économique considérable.

Mis à jour le 16 juillet 2023 à 10:03
 
 
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L’ancien ministre de la Défense et magnat du pétrole, le général Theophilus Danjuma, avec son épouse, l’ancienne sénatrice Daisy Danjuma, après avoir reçu le titre de Jarmai Zazzau par l’émir de Zazzau, à Zaria, dans l’État de Kaduna, le 22 juin 2013. © Afolabi Sotunde/REUTERS

 

Nous sommes en 2015, dans l’État de Sokoto, dans le nord-ouest du Nigeria. Les électeurs s’apprêtent à désigner leur nouveau président (leur choix se portera sur Muhammadu Buhari), mais aussi leurs députés et leurs gouverneurs. À Sokoto justement, le poste de gouverneur est particulièrement convoité : Aminu Tambuwal, le président de la Chambre des représentants qui porte les couleurs du All Progressives Congress (APC, au pouvoir), affronte Abdallah Wali du Peoples Democratic Party (PDP, opposition). Entre les deux hommes, une femme que le résultat du scrutin indiffère sans doute : Hajiya Mariya. Tambuwal est son mari et Wali, son frère aîné. Une configuration étonnante, qui illustre la complexité des liens qui unissent les membres de l’élite musulmane dans le nord du pays.

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Nous sommes cette fois en 2020. L’influent – et médiatique – Lamido Sanusi est destitué de ses fonctions d’émir de Kano par les autorités locales, qui lui reprochent ses positions critiques. Le voilà contraint de quitter sans délai le palais qu’il occupait avec sa famille. Bientôt, son successeur y pose ses valises : Aminu Ado Bayero, son beau-frère (il est apparenté à la première épouse de Lamido Sanusi) et cousin germain.

Une question de classe

Dans le nord du Nigeria peut-être encore plus qu’ailleurs, le mariage scelle souvent une alliance politique, voire économique. Dans l’État de Yobe (Nord-Est), le gouverneur Mai Mala Buni a épousé Umi, la fille de son prédécesseur et parrain politique, Ibrahim Gaidam, au lendemain de son investiture, cimentant ainsi leur union politique. Plus tard, il ajoutera Gumsu Abacha, la fille de l’ancien chef de l’État, Sani Abacha, à la liste de ses épouses.

« Les enfants des élites qui se marient entre eux, c’est une question de classe, résume Samaila Suleiman, de l’université Bayero à Kano. C’est une manière de consolider leur hégémonie politique tout en promouvant et en protégeant des intérêts particuliers. »

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Ces mariages entre cousins et alliés ne sont pas sans rappeler ces pratiques qui ont si longtemps perduré en Europe, notamment au sein de l’aristocratie. Dans le nord du Nigeria, certaines dynasties puissantes se sont constituées de la même manière, et le fait que l’islam autorise la polygamie n’a fait que décupler le phénomène.

Magnat du pétrole

Dans l’État de Borno, le magnat du pétrole Mohammed Indimi, fondateur d’Oriental Energy Resources, est en train de créer une nouvelle dynastie en mariant certains de ses vingt enfants à des personnalités haut placées. En 2004, sa fille Rahama a épousé Mohammed, le premier fils de l’ancien président Ibrahim Babangida, celui-là même qui, quatorze ans plus tôt, lui avait accordé une licence de prospection pétrolière. En 2016, son fils Ahmed a épousé Zahra, la fille de Muhammadu Buhari, à la tête du pays entre 2015 et 2023. Le mariage s’est déroulé dans l’enceinte même de la villa présidentielle.

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Trois ans plus tôt, une autre des filles d’Indimi, Rukaiya, avait épousé un membre de la famille Dantata, l’une des plus riches du Nigeria dont le patriarche, Usman Dantata, est également le grand-père maternel de l’homme le plus riche d’Afrique, Aliko Dangote. Quant à sa fille Adama, un temps éprise du musicien D’Banj, elle a fini par revenir à la raison en épousant Malik Ado Bayero, le prince de Kogi, un homme d’affaires prospère qui s’est présenté à la dernière élection présidentielle. La plus jeune fille d’Indimi, Hauwa, s’est unie à Muhammad Yar’Adua, fils du riche ancien directeur général de la compagnie pétrolière nationale du Nigeria, Lawal Yar’Adua. Et ce n’est pas tout : Mustapha Indimi s’est lui marié à Fatima Sheriff, la fille du législateur fédéral Muhammad Nur Sheriff, frère de l’ancien gouverneur Ali Modu Sheriff, l’un des hommes politiques les plus riches de l’État de Borno.

Aristocratie du Nord

Dans la famille Indimi, la liste parait sans fin, puisqu’en 2016, un autre fils, Jibrilla, a épousé la princesse Hadiza, fille de l’émir de Zazzau, Shehu Idris, l’un des chefs traditionnels les plus puissants du Nord. Amina, une autre de ses filles, a épousé Mohammed, le premier fils d’un aristocrate qui fut aussi ministre de l’Énergie, Bashir Dalhatu.

La famille Indimi a beau être un cas d’école, elle est loin d’être un cas isolé. Les Yar’Adua, autre dynastie du nord du Nigeria, ne sont pas en reste. Le patriarche de la famille était Musa Yar’Adua, dont l’oncle était l’émir de Katsina, Muhammadu Dikko, et la mère la princesse Binta. Son père était le trésorier de l’émir et portait le titre de Mutawallin Katsina.

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Musa Yar’Adua a épousé Aya Dada, avant de devenir parlementaire et ministre en 1963. Son premier fils, Shehu, s’est engagé dans l’armée et est devenu vice-président du pays sous le régime militaire d’Olusegun Obasanjo entre 1976 et 1979. Plus tard, il fera office de mentor pour toute une génération d’hommes politiques, dont Bola Tinubu – aujourd’hui à la tête du pays – et Atiku Abubakar, ancien vice-président du Nigeria.

Le deuxième fils de Musa Yar’Adua, Umaru, est devenu gouverneur de l’État de Katsina, puis président du Nigeria entre 2007 et 2010. Deux mois après le début de son mandat, sa fille Zainab a épousé Usman Dakingari, gouverneur en exercice de l’État de Kebbi. Trois mois plus tard, une autre fille de Yar’Adua, Nafisat, a épousé le gouverneur en exercice de l’État de Bauchi, Isa Yuguda. Après la mort de Yar’Adua en mai 2010, l’ancien gouverneur de l’État de Katsina, Ibrahim Shema, a épousé la fille aînée du défunt, Maryam. En d’autres termes, les trois filles de Yar’Adua sont toutes mariées à d’anciens gouverneurs, trois familles politiques ayant ainsi uni leurs destinées.

Tous liés par le mariage

Et que dire de Modu Sheriff, ancien bras droit de l’émir de Borno ? Son fils aîné est l’ancien gouverneur Ali Modu Sheriff de l’État de Borno, l’un des hommes politiques les plus riches de la région. Un autre de ses fils, Babagana, est marié à la fille de Muhammadu Buhari, Halima. Quant à Muhammed Kur Sheriff, c’est un parlementaire et homme d’affaires prospère. Ce dernier, en plus d’avoir uni une de ses filles à la famille Indimi, en a donné une autre en mariage à Shehu Yar’Adua l’année dernière, lors d’une cérémonie somptueuse à laquelle a assisté Muhammadu Buhari. Autrement dit, les Sheriff, les Yar’Adua, les Indimi et les Buhari sont tous liés par le mariage.

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La famille Mangal n’est pas en reste. Dahiru Mangal est un industriel millionnaire de la ville de Katsina, à la tête de Max Air et de Mangal Industries. En 2016, le fils de Mangal, Lawal, a épousé la fille du gouverneur de l’État de Jigawa, Amina Badaru. Quatre ans plus tard, la fille de Mangal, Amina, a épousé Najib, le fils du gouverneur de Sokoto de l’époque, Aminu Tambuwal.

Noces somptueuses

Chez les Buhari, c’est Nana Hadiza, la fille de l’ancien président, qui est mariée à l’ancien procureur général Abubakar Malami. Une autre de ses filles, Hanan, a épousé Turad Sha’aban, le fils d’un ancien législateur fédéral de l’État de Kaduna, Sani Mahmoud Sha’aban. Quant à son fils unique, Yusuf, il a épousé Zarah, la fille de l’émir de Kano, Nasir Ado Bayero, lors d’un somptueux mariage en 2021.

Même chose chez les Dangote. Fatima, la fille de l’homme le plus riche d’Afrique, a épousé Jamil Mohammed Abubakar, le fils de l’ancien chef de la police, MD Abubakar, lors d’un mariage somptueux célébré en 2018 en présence, notamment, de Bill Gates. Une autre fille de Dangote, Halima, est mariée au fils de l’ancien gouverneur militaire Sani Bello.

À LIREDans les engrais, Aliko Dangote joue le trublion

Jaafar Jaafar est l’éditeur du groupe de presse Daily Nigerian, en même temps qu’un excellent connaisseur de l’histoire et de la politique de cette partie du Nigeria. Il explique que les mariages entre les grandes familles musulmanes se pratiquent depuis des siècles. « Dans le Nord, le mariage est un moyen d’approfondir les liens de parenté entre les émirats, résume-t-il. Autrefois déjà, il permettait de mettre fin aux guerres, comme celle qui opposa les émirats de Sokoto et de Borno. »

« Aujourd’hui, les enfants des familles riches fréquentent les mêmes écoles et appartiennent aux mêmes organisations sociales, ce qui leur permet de rester entre eux et de nouer des relations susceptibles de déboucher sur un mariage, ajoute-t-il. Il n’est pas facile pour un enfant d’une famille pauvre de croiser le chemin de l’un de ses enfants de riches. »

Présidentielle au Sénégal : Benno Bokk Yakaar peut-elle rester unie ?

Le renoncement de Macky Sall a rebattu les cartes au sein de la coalition présidentielle Benno Bokk Yakaar (BBY). Les trois principaux partis qui la composent opteront-ils pour une candidature unique ?

Par  - à Dakar
Mis à jour le 7 juillet 2023 à 21:59
 
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La coalition Benno Bokk Yakaar autour du président Macky Sall, le 2 juillet 2023. © Facebook Benno Bokk Yakaar

 

« Après la réélection du président Macky Sall [en 2019], si cela se passe ainsi – comme nous le souhaitons –, l’AFP aura son candidat en 2024. » Ce 4 mars 2017, Moustapha Niasse se montre catégorique. Face aux caméras, l’inamovible secrétaire général de l’Alliance des forces de progrès (AFP), qu’il a fondée en 1999, annonce ainsi la feuille de route du parti aux deux prochaines présidentielles.

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À l’époque, le débat empoisonné sur le troisième mandat n’a pas encore éclos. Et Moustapha Niasse, 77 ans déjà, sait qu’en 2019 il aura dépassé la limite d’âge prévue par la Constitution (75 ans). Dans ses mots perce donc une double certitude : au terme de son second mandat, Macky Sall ne saurait être à nouveau candidat ; et après douze années de compagnonnage au sein de la coalition Benno Bokk Yakaar (BBY), constituée en 2012 au lendemain de la victoire de Macky Sall face à Abdoulaye Wade, il devra se choisir un dauphin susceptible de concourir sous les couleurs du parti.

Dialogue national

Mais depuis, l’eau a coulé sous les ponts, et bien malin qui saurait dire quel scénario Moustapha Niasse a en tête. Après dix années passées au « perchoir » de l’Assemblée nationale, il s’est abstenu de réintégrer l’hémicycle lors des législatives de juillet 2022. Nommé « haut représentant du président de la République », il a présidé, en juin, le comité de pilotage du dialogue national – initiative transpartisane qui a accouché de plusieurs mesures consensuelles destinées à favoriser une décrispation avant la présidentielle de février 2024.

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Semblant considérer que le moment était venu de passer la main à la tête de l’AFP, il a également laissé entrevoir que cette échéance approchait. Mais jusqu’ici, plusieurs questions subsistent : qui lui succédera ? Dans quel délai ? Le parti se rangera-t-il derrière le candidat que désignera l’Alliance pour la République (APR, parti présidentiel) ou bien retrouvera-t-il une complète autonomie ?

« Ces questions seront discutées au sein de nos instances, selon un timing qui relève de notre stratégie politique », résume Malick Diop, vice-président de l’Assemblée nationale et porte-parole de l’AFP. Nous prendrons le temps qu’il faut. Lors d’une présidentielle, les premiers appelés ne sont pas forcément les mieux servis. »

L’APR s’en remet à Macky

L’interrogation subsiste donc quant aux intentions de l’AFP, elles-mêmes directement conditionnées par la stratégie qu’adoptera Macky Sall au moment de désigner son dauphin. À l’APR, à défaut de connaître le nom de l’heureux élu, le secrétariat exécutif national a tout de même précisé les modalités de sa désignation. Assurant Macky Sall de « son soutien total et [de] sa confiance », cette instance a effectivement fait savoir, le 5 juillet, qu’elle laissait au chef de l’État (resté président de l’APR tout au long de ses deux mandats) « le soin de proposer au parti et à [la coalition BBY] leur candidat à l’élection présidentielle du 25 février 2024 ».

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C’est donc lui qui devra arbitrer entre les trois principaux présidentiables pressentis au sein du parti qu’il a fondé en 2008 : Amadou Ba, Abdoulaye Daouda Diallo et Aly Ngouille Ndiaye – cette short list pouvant encore évoluer.

Mais le principal défi qui se présente, pour le président sortant, est avant tout de parvenir à tracer un cadre consensuel susceptible de maintenir cette coalition de partis que ses proches se plaisent à décrire comme « la plus durable que le Sénégal ait jamais connue ».

Il est vrai que malgré le départ récent d’Idrissa Seck (Rewmi), parti voler de ses propres ailes dans l’espoir de parvenir à décrocher enfin le Graal, pour sa quatrième candidature consécutive, BBY continue d’agréger trois des principaux partis du pays, eux-mêmes épaulés par une vaste constellation de mouvement de moindre importance.

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Reste à savoir si un scénario jusque-là exclu pourrait désormais s’imposer : une candidature de BBY qui ne serait pas portée par un représentant de l’APR mais plutôt par un parti allié. Après avoir apporté à Macky Sall un soutien sans faille de 2012 à 2023, les militants du Parti socialiste (PS) ou de l’AFP peuvent-ils cultiver l’espoir légitime de voir l’APR renoncer à un statut hégémonique en soutenant à son tour une candidature issue de leurs rangs ?

Poussés vers la sortie

Jusque-là, au PS comme à l’AFP, celles et ceux qui se sont aventurés à initier un tel débat ont été poussés sans ménagement vers la sortie. Ce fut notamment le cas de Malick Gakou, qui a fondé depuis le Grand Parti, et de plusieurs autres cadres de l’AFP qui avaient, dès 2015, réclamé que le parti retrouve son autonomie.

Aujourd’hui encore, si Moustapha Niasse n’est plus éligible, il conserve la haute main sur l’AFP, et a récemment fait savoir qu’il n’entendait laisser quiconque être investi candidat sans son imprimatur.

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Alioune Sarr, l’ancien ministre du Tourisme et des Transports aériens, en a récemment fait les frais. Après que plusieurs instances de l’AFP avaient initié des motions de soutien à sa candidature, il a été sèchement recadré en 2023. Aujourd’hui candidat sous ses propres couleurs, la coalition Convergence pour une alternative progressiste en 2024 (CAP 2024), il préfère ne pas s’étendre sur les remous provoqués par sa tentative avortée de forcer la main au patriarche.

Fin 2016, une véritable hémorragie avait également saigné le PS, où les tenants réels ou supposés d’une aile « autonomiste » – Aïssata Tall Sall, Khalifa Sall ou encore Barthélémy Dias – s’étaient, eux aussi, retrouvés exclus après avoir fissuré la fidélité indéfectible du parti, alors dirigé par Ousmane Tanor Dieng, envers le chef de l’État en prévision de la présidentielle de 2019.

Candidature unique ?

Tanor est décédé en juillet 2019. Il a depuis été remplacé par Aminata Mbengue Ndiaye, qui préside le Haut Conseil des collectivités territoriales (HCCT). Mais cette responsable politique discrète ne semble pas se positionner, pour l’heure, comme une candidate embusquée. Ce qui n’est pas le cas du ministre de l’Eau et de l’Assainissement, Serigne Mbaye Thiam, présent au gouvernement sans discontinuer depuis avril 2012, et dont l’entourage ne fait pas mystère de son intérêt pour le « job ».

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Ce 6 juillet, jusque tard dans la soirée, le secrétariat exécutif national du PS s’est réuni à Dakar afin d’évoquer la question sensible de la candidature présidentielle au lendemain de l’annonce de Macky Sall. « Le débat dans nos rangs n’est pas encore épuisé, résume un participant à la rencontre. Certains veulent que le PS ait son propre candidat, d’autres sont favorables à une rationalisation des candidatures au sein de BBY, y compris en envisageant une candidature unique – socialiste – au nom de la coalition. »

Rien de significatif n’est pour l’heure sorti de la rencontre, et il faudra sans doute attendre la réunion de l’état-major de BBY, au cours des prochains jours, pour voir se dessiner le positionnement respectif des alliés d’hier, aujourd’hui orphelins de leur mentor et à la recherche d’une boussole.