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Burkina Faso : la BAD accélère la cadence des financements

Le Fonds africain de développement s’engage à investir près de 41 millions de dollars pour développer l’aviculture, l’agriculture et la pisciculture. Ce projet tourné vers la résilience climatique concerne près de 240 000 personnes.

Mis à jour le 19 décembre 2022 à 16:50
 
 
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Bergers peuls et leurs troupeaux à Gorom Gorom, dans la province burkinabè d’Oudalan. © PHILIPPE ROY/Aurimages via AFP

 

 

Le financement approuvé le 16 décembre à Abidjan par le Conseil d’administration du Fonds africain de développement (guichet de prêts concessionnels de la Banque africaine de développement), se compose d’un don de 28,07 millions de dollars et d’un prêt de 12,88 millions de dollars.

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Cette contribution vient renforcer le soutien déjà considérable de la Banque africaine de développement (BAD) auprès de Ouagadougou. Le 30 octobre dernier, le portefeuille actif du bailleur de fonds au Burkina Faso comportait 16 opérations pour un financement total de 772 millions de dollars. Car en l’espace d’une seule année, l’institution panafricaine a mis en place plusieurs plans d’aide, notamment pour la promotion de l’hygiène, l’accès et l’assainissement de l’eau potable, le renforcement des services douaniers, l’électrification des zones périurbaines, la réhabilitation des routes nationales.

Problèmes de fond

Avec l’ultime financement de l’année en cours, la BAD entend contribuer à remédier aux causes de la faible productivité agricole et animale qui freine le développement du pays. Pour rappel, d’après les dernières données de la Banque mondiale, l’agriculture génère plus de 30 % du PIB burkinabè et emploie environ 80 % de la population active.

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Selon Marie-Laure Akin-Olugbade, directrice générale pour l’Afrique de l’Ouest et vice-présidente par intérim du groupe de la BAD, ce projet contribue à la lutte contre les changements climatiques « dans une perspective d’amélioration de la sécurité alimentaire, tout en ayant un impact positif important sur la réduction de la pauvreté, l’inclusion sociale et la création d’emplois ». Le plan sera mis en œuvre dans les régions des Hauts Bassins, de la Boucle du Mouhoun (Ouest), du Centre-ouest et du Centre qui sont le « grenier » historique du Burkina Faso. Ce qui permettra à plus de 7 500 déplacés pour cause d’insécurité de profiter de la reconstitution de leur capital productif dans les zones d’origine ou d’accueil.

Agriculture « climato-intelligente »

Les activités de ce projet visent le renforcement des bonnes pratiques d’agriculture « climato-intelligente ». Conformément à la définition de la Banque mondiale, il s’agit d’une stratégie de transformation et de réorientation des systèmes agricoles censée garantir la sécurité alimentaire face à la nouvelle donne climatique.

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Ce sont donc 240 unités de démonstration, 240 champs écoles et quatre fermes avicoles pilotes qui verront le jour dans le pays pour préparer l’introduction de cette agriculture innovante. En tout, 1 000 tonnes de semences hybrides de maïs, 200 tonnes de semences améliorées de soja, 9 000 tonnes d’engrais minéraux de fertilisants, 2 500 tonnes de phosphate produit localement, 40 tracteurs et 10 égreneuses vont être distribués aux producteurs.  Sans oublier la mise en place de 40 puits de forages d’eau d’irrigation alimentés par l’énergie solaire, la construction de nombreux magasins de stockage et fours de transformation du poisson, mais aussi l’acquisition de 25 millions de doses de vaccins contre la maladie de Newcastle [maladie très contagieuse et souvent grave qui affecte les oiseaux, notamment les volailles domestiques, NDLR] , de 24 millions de doses de vaccins contre la variole aviaire, ainsi que la construction d’une centrale d’achat des médicaments vétérinaires.

Renforcer la résilience

La BAD entend renforcer la capacité du pays et du secteur agricole à faire face aux effets néfastes des catastrophes climatiques, surtout aux sécheresses qui touchent particulièrement l’Ouest du Sahel, dont fait partie le Burkina Faso. D’après le Conseil national de secours d’urgence et de réhabilitation (Conasur), au moins 5 millions de Burkinabès sont directement touchés par ce fléau.

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Les activités comprendront donc le renforcement des capacités des acteurs en matière de financement des risques de catastrophe et l’élaboration d’une stratégie de financement des risques de catastrophes climatiques.

« Le Burkina Faso a conclu un accord avec Wagner », selon Nana Akufo-Addo

Depuis Washington, le président ghanéen a publiquement accusé ses voisins burkinabè d’avoir trouvé un arrangement avec la société militaire privée russe pour que ses mercenaires opèrent sur leur territoire.

Mis à jour le 15 décembre 2022 à 18:25
 
 
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Le secrétaire d’État américain Antony Blinken (2e gauche) rencontre le président du Ghana Nana Akufo-Addo (2e, droite), à Washington, le 14 décembre 2022. © MANDEL NGAN/POOL/AFP

C’est la première fois qu’un chef d’État – qui plus est d’un pays voisin du Burkina Faso – formule aussi clairement de telles accusations. Mercredi 14 décembre, lors d’une déclaration conjointe à la presse avec Antony Blinken, le secrétaire d’État américain, en marge du sommet États-Unis – Afrique à Washington, Nana Akufo-Addo a accusé les autorités burkinabè d’avoir « conclu un accord » avec la société militaire privée russe Wagner, qui lorgne le Burkina Faso depuis plusieurs mois après avoir réussi à s’implanter au Mali, fin 2021.

« Il y a un sujet sur lequel je souhaiterais attirer votre attention, a déclaré le président ghanéen aux journalistes présents. Aujourd’hui, des mercenaires russes sont à notre frontière nord. Le Burkina Faso a conclu un accord pour employer des forces de Wagner et faire comme le Mali. Je crois qu’une mine leur a été allouée dans le sud du Burkina comme paiement pour leurs services. Le Premier ministre burkinabè était a Moscou ces dix derniers jours. Avoir ces hommes qui opèrent à notre frontière nord est particulièrement préoccupant pour nous, au Ghana. »

Voyage secret à Moscou

Depuis le voyage du capitaine Ibrahim Traoré à Bamako, début novembre, plusieurs responsables ouest-africains et occidentaux s’inquiètent d’un rapprochement entre Ouagadougou et Moscou, par l’entremise des autorités maliennes, et donc d’une éventuelle arrivée des mercenaires de Wagner au Burkina Faso.

Le voyage secret du Premier ministre burkinabè à Moscou, le 7 décembre, révélé par Jeune Afrique, a ravivé ces inquiétudes. Selon des sources officielles russes, Kyélem Apollinaire de Tambèla y a rencontré, le 12 décembre, Mikhaïl Bogdanov, le vice-ministre russe des Affaires étrangères en charge de l’Afrique. Les autorités burkinabè, elles, n’ont pas toujours pas communiqué sur ce voyage fait en catimini ni sur ses motifs.

Le « soutien » de Prigojine

Selon un haut responsable français, l’objet de ce déplacement est « assez transparent : signer avec Wagner ». De son côté, Linda Thomas-Greenfield, l’ambassadrice américaine auprès de l’ONU, estime que « les rumeurs sur le déploiement de Wagner au Burkina Faso soulèvent de sérieuses préoccupations ».

Evgueni Prigojine, le patron du groupe Wagner, avait « souhaité la bienvenue » et avait apporté son « soutien » au capitaine Ibrahim Traoré à peine celui-ci s’était-il installé au pouvoir, le 2 octobre, après son coup d’État contre le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba.

Côte d’Ivoire : l’usine de la Mé, nouvel espoir des Abidjanais

La Côte d’ivoire abritera, à partir du premier semestre 2023, la plus grande infrastructure de production d’eau potable d’Afrique de l’Ouest. Baptisée projet de la Mé, du nom du fleuve qui en sera la source d’approvisionnement.

 
Par  - à Abidjan
Mis à jour le 14 décembre 2022 à 13:04
 
 

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L’usine de traitement d’eau potable de la Mé. © DR

 

Lancés en 2018, les travaux de construction de l’usine de traitement d’eau potable de la Mé ne se sont jamais arrêtés et ce même au plus fort de la pandémie de Covid-19. Ce projet d’ampleur installé sur 9 hectares et situé à 35 kilomètres d’Abidjan, sur les rives du fleuve Mé, fait partie de la stratégie du gouvernement pour combler le déficit d’approvisionnement en eau potable de la capitale économique ivoirienne et de son agglomération. L’urbanisation accélérée d’Abidjan au cours de ces dernières années aura, en effet, créé de nouveaux besoins en eau.

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Malgré la croissance économique soutenue du pays (7 % en 2021, et 6,4 % environ à moyen terme), Abidjan connaît des périodes de pénurie en eau potable qui affectent une partie de ses habitants. Selon les prévisions du gouvernement ivoirien, la production en eau potable de la ville d’Abidjan devrait atteindre les 800 000 m³ par jour environ à l’horizon 2025 – contre 640 000 m³ par jour actuellement. Un chiffre qui ne cessera de croître d’ici à 2030, pour représenter 1 million de m³ en 2030.

Développé par PFO Construction

Pour l’heure, on constate donc un déficit – entre production et besoins en eau potable – de l’ordre de 220 000 à 460 000 m³ par jour. Un écart qui pourrait se creuser encore davantage avec la démographie galopante d’Abidjan. En effet, sur plus de 29 millions d’habitants en Côte d’Ivoire, 15 millions vivent en ville et Abidjan concentre, à elle seule, 36 % de la population urbaine du pays.

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Ainsi, le projet d’usine de la Mé, fruit d’un partenariat public-privé, conçu et développé par PFO Construction, filiale du conglomérat ivoirien PFO Africa, doit permettre d’alimenter en eau potable 1,5 million d’Abidjanais. Les résidents des cités-dortoirs de Yopougon et d’Abobo, qui concentrent plus de 50 % des 5 millions d’habitants de la capitale économique, seront en partie alimentés depuis cet ouvrage. Tout comme la population de la commune huppée de Cocody, qui doit également être desservie par l’infrastructure.

Le calvaire des populations du nord d’Abidjan en termes d’approvisionnement en eau devrait donc devenir un vieux souvenir.


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Besix, Veolia…

Mais au delà du fait de répondre à un besoin en eau potable des plus urgents, le projet d’usine de la Mé comporte également un enjeu technique. Il s’agit en effet du premier projet qui traite de l’eau de surface. Les usines de traitement déjà actives dans le pays utilisent l’eau issue des nappes phréatiques. La capacité de traitement de l’unité de production de la Mé est ainsi estimée à 240 000 m³ par jour. Par conséquent, même si ce projet ne résorbera pas entièrement le déficit en eau potable, il devrait contribuer considérablement à le réduire.

Dans sa globalité, l’infrastructure est composée d’ouvrages de prise d’eau, d’une usine de potabilisation de l’eau, de canalisations et de deux châteaux d’eau de 5 000 m³s chacun. L’usine de traitement est adossée à un réseau de plus de 68 kilomètres de canalisations.

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Représentant un investissement de 45 millions d’euros, la station de production d’eau potable de la Mé mobilise plusieurs entreprises. Ainsi, le groupe belge Besix a réalisé les travaux de génie civil, notamment la construction des sites de l’usine et la prise d’eau. PFO Construction développe également ce projet en partenariat avec le français Veolia.

Les deux partenaires, qui s’inscrivent sur le long terme dans le domaine, ont créé une entreprise commune dénommée Société ivoirienne des eaux et de l’environnement (SIEE), qui sera chargée de l’exploitation, de la production et de la livraison à la société de distribution des eaux en Côte d’Ivoire (Sodeci), une filiale du groupe industriel français Eranove, qui a une concession de l’État ivoirien pour les approvisionnements en eau dans les foyers.

Côte d’Ivoire : quand le petit monde du renseignement africain se réunit à Abidjan

Des hauts gradés des services de renseignement d’une quinzaine de pays du continent ont participé fin novembre à la conférence IntellConf, organisée par Stéphane Konan, l’ancien conseiller d’Hamed Bakayoko.

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 12 décembre 2022 à 15:48
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Stephane Konan© ShieldAfrica Stephane Konan © ShieldAfrica

 

Les 23, 24 et 25 novembre, les salons de l’hôtel Azalaï, à Abidjan, ont vu défiler des clients un peu particuliers. Pendant trois jours, des hauts cadres des services de renseignement de l’Afrique du Sud, du Burkina Faso, du Botswana, du Congo, de la Côte d’Ivoire, du Cameroun, d’Eswatini (ex-Swaziland), du Ghana, du Soudan, du Tchad, du Niger, de la Tanzanie, de la Zambie et du Zimbabwe ont participé à un atelier sur la surveillance électronique et la cyberintelligence organisé par le Franco-Ivoirien Stéphane Konan.

Systèmes de surveillance

La Côte d’Ivoire était également représentée par les généraux Ousmane Yeo et Aly Badara Bassanté, respectivement commandant de la gendarmerie territoriale et commandant des unités spéciales de la gendarmerie. Plusieurs entreprises avaient été conviées : Pegasus Intelligence, spécialiste américain de la cyberintelligence basé à Dubaï ; la société de surveillance Intellexa ; Israel Aerospace Industries, l’une des principales sociétés d’aéronautique de l’État hébreu ; les Allemands de Plath Corporation GmbH ; le spécialiste français du traitement de données numériques critiques Tracip, et DarkOwl, une autre société américaine également installée à Dubaï.

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Vétéran des technologies de surveillance, ancien des services de renseignement israéliens et de leur division cyber, Tal Dilian, le fondateur d’Intellexa, a personnellement pris part à l’IntellConf d’Abidjan. Sa société a récemment été accusée d’avoir visé des téléphones de personnalités au bénéfice du gouvernement grec et d’avoir fourni du matériel de surveillance aux Rapid Support Forces (RSF), une milice soudanaise régulièrement accusée d’exactions.

Organisée depuis 2016 par la société Competence, l’IntellConf a d’abord eu lieu au Cap-Vert avant d’être délocalisée à Abidjan il y a trois ans. En parallèle de cette dernière édition, les participants ont été conviés à visiter les installations du centre de décision et de commandement de la gendarmerie ivoirienne.

Intérêts israéliens

Stéphane Konan, ancien expert de la cybercriminalité reconverti dans le business de la défense électronique, est le fondateur de Competence, une société qui détient des filiales en Côte d’Ivoire, au Brésil et au Nigeria.

À LIRED’Houphouët à Hamed Bakayoko, comment Israël a fait de la Côte d’Ivoire une terre promise

Fils de l’ex-ministre du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) Lambert Kouassi Konan, Stéphane Konan était un proche de l’ancien chef du gouvernement Hamed Bakayoko, décédé en mars 2021. Il fut son conseiller au sein du ministère de l’Intérieur, puis à la Défense. Il est considéré comme l’un des interlocuteurs privilégiés des Israéliens en Côte d’Ivoire.

Afrique – États-Unis : un sommet et dix dossiers chauds

Si le président Joe Biden n’a, pour l’instant, promis aucun tête-à-tête, la seconde édition de cette rencontre, lancée en 2014 par Barack Obama, promet déjà de faire l’objet d’intenses campagnes de lobbying.

 
Mis à jour le 11 décembre 2022 à 10:29

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Le président des États-Unis Joe Biden, à la Maison blanche, le 30 novembre 2022. © JIM WATSON/AFP.

 

 Il  y aura bien sûr des photos de groupe, des accolades chaleureuses et des messages de félicitations enthousiastes. Mais durant trois jours, du 13 au 15 décembre, il y aura surtout des centaines réunions parallèles, plus au moins discrètes. Car pour les dirigeants africains invités à prendre part au sommet États-Unis – Afrique à Washington, c’est une occasion unique de s’entretenir avec leurs homologues américaines – voire avec le président Joe Biden lui-même –, même si la Maison blanche n’a pas confirmé qu’il y aurait des rencontres en tête-à-tête.


Chacun tentera donc de se faire entendre sur ses dossiers prioritaires, et les lobbyistes se préparent à une intense semaine de rendez-vous et de bousculades, dans l’espoir d’obtenir pour leurs clients africains des entrevues avec ceux qui comptent.

« Le problème avec les sommets est que tout le monde y est présent, ce qui fait que personne ne peut obtenir un véritable tête-à-tête », explique Paul Ryberg, président de la Coalition africaine pour le commerce, un groupe basé à Washington qui fait du lobbying au nom des associations d’entreprises du continent. « Tout le monde essaie de rencontrer [le secrétaire d’État] Antony Blinken, et tout le monde essaie de rencontrer [la représentante américaine au Commerce] Katherine Tai, et ce n’est pas possible pour tous. »

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« Qui ne tente rien n’a rien, poursuit-il. Les chances sont assez minces que des progrès majeurs puissent être réalisés lors d’une réunion de 20 minutes. Mais d’un autre côté, si votre ministre du Commerce est en ville et que vous pouvez mettre la main, même pour 20 minutes, sur [la représentante adjointe au Commerce chargée de l’Afrique] Connie Hamilton ou sur quelqu’un de plus haut placé, foncez ! » Et voici les dossiers qui, à n’en pas douter, feront l’objet d’un intense lobbying :

• Les accords commerciaux

L’administration Biden a fait du commerce une pièce maîtresse de son engagement avec le continent. Le deuxième jour du sommet sera d’ailleurs entièrement consacré à un forum commercial États-Unis – Afrique, organisé conjointement par le département américain du Commerce, la Chambre de commerce américaine et le Corporate Council on Africa.

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Soucieuse de contrer l’influence de la Chine sur le continent, l’initiative Prosper Africa, qui regroupe plusieurs organismes, organisera une « salle des marchés » dans le cadre du sommet : y seront annoncés, toutes les heures, les nouveaux engagements et contrats passés entre les uns et les autres. Parmi les priorités, le financement de l’énergie et des infrastructures, l’agroalimentaire et l’économie numérique.

• La Russie

Washington est déterminé à obtenir le soutien des pays africains à la campagne diplomatique et économique menée contre la Russie depuis l’invasion de l’Ukraine. Depuis des mois, l’administration américaine envoie des diplomates de haut niveau pour tenter de convaincre les dirigeants africains de prendre leurs distances avec Moscou et de respecter le régime de sanctions en dépit des conséquences du conflit sur les prix des denrées alimentaires et de l’énergie sur le continent.

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Si la Maison blanche ne compte sans doute pas sur une condamnation pure et simple de la Russie lors du sommet, elle pourrait chercher à obtenir une déclaration de soutien à la souveraineté de l’Ukraine. Il est également fort probable que l’administration Biden déconseillera aux dirigeants africains de travailler avec le groupe Wagner.

• RDC – Rwanda

Félix Tshisekedi et Paul Kagame seront tous deux à Washington, le premier étant bien décidé à obtenir des États-Unis et, d’une manière générale, de la communauté internationale une condamnation du second, qu’il accuse d’apporter son soutien militaire à la rébellion du M23. Le président congolais espère aussi obtenir la levée des dernières mesures qui, selon lui, l’empêche de s’armer pour défendre son territoire et ramener la paix dans l’Est.

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« L’essentiel est que [les Congolais] veulent faire pression sur Kagame pour qu’il élimine le M23 », commente Joseph Szlavik, un lobbyiste du gouvernement congolais. Plusieurs membres du Congrès, ajoute-t-il, ont demandé à rencontrer Kagame pendant sa visite – sans succès jusqu’à présent. Selon lui, le président rwandais pourrait chercher à tirer parti d’une éventuelle libération de Paul Rusesabagina pour atténuer la position des États-Unis.

• Éthiopie

Addis-Abeba, qui a été suspendu de l’African Growth and Opportunity Act (Agoa) au mois de janvier, continuera à faire pression pour retrouver un accès facilité au marché. Ces dernières semaines, le Premier ministre Abiy Ahmed a mis en avant le cessez-le-feu conclu le 2 novembre avec les rebelles du Tigré pour demander aux Occidentaux de lever un certain nombre de sanctions imposées à l’Éthiopie depuis le début de la guerre, au mois de novembre 2020.

Les lobbyistes embauchés par Addis-Abeba ont notamment fait circuler une lettre adressée le 18 novembre par le démocrate Don Beyer, membre du Congrès, à la représentante au Commerce, Katherine Tai, dans laquelle il exhorte cette dernière à lancer un examen immédiat de l’éligibilité de l’Éthiopie aux avantages commerciaux. « Nous espérons que la récente trêve négociée par l’Union africaine [UA], qui permet l’acheminement sans entrave de l’aide humanitaire au Tigré, permettra à l’Éthiopie de réintégrer rapidement l’Agoa », a déclaré Don Beyer.

• Tarifs douaniers

Katherine Tai accueillera justement une réunion de l’Agoa au premier jour du sommet, le 13 décembre, avec les ministres du Commerce des pays éligibles. Des représentants de l’UA, de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf), de la Banque africaine de développement (BAD) et de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA) y participeront également.

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Lancée en 2000 sous la présidence de Bill Clinton, l’Agoa représente la pierre angulaire des relations entre les États-Unis et l’Afrique depuis plus de deux décennies. Toutefois, le programme devant être renouvelé en 2025, la pression s’accroît pour que la politique commerciale des États-Unis à l’égard du continent soit plus ambitieuse et aille au-delà des préférences unilatérales.

« L’Agoa a été un fondement des relations commerciales entre les États-Unis et l’Afrique, explique Aubrey Hruby, conseillère en investissement pour l’Afrique. Étant donné son expiration prochaine et la nécessité de définir une voie à suivre, le sommet arrive à un moment critique. Trouver des moyens concrets pour encourager les investissements américains et renforcer les liens commerciaux entre les États-Unis et l’Afrique apparaît essentiel à la réussite du sommet. »

• Migration

Amy Pope, actuellement directrice générale adjointe de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) chargée de la gestion et de la réforme et candidate américaine au poste de directrice générale, sera à Washington pour y présenter son programme et ses priorités en ce qui concerne l’Afrique. L’élection aura lieu au mois de juin 2023.

• Kenya

William Ruto a certes pris part à l’Assemblée générale des Nations unies au mois de septembre, mais c’est à Washington qu’il s’apprête à faire ses débuts officiels. Parmi ses priorités : l’avancement des négociations commerciales et l’indemnisation des victimes kényanes des attentats à la bombe de 1998 contre l’ambassade des États-Unis.

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Avant qu’il ne quitte le pouvoir, Donald Trump avait entamé des négociations en vue d’un accord de libre-échange complet avec le Kenya – cela aurait été le premier avec un pays d’Afrique subsaharienne. Toutefois, l’administration Biden a abandonné cette option au profit de partenariat d’un autre type, portant sur le commerce et les investissements.

William Ruto devrait également plaider en faveur de l’ouverture du fonds d’indemnisation des victimes du terrorisme créé par le Congrès, afin que les victimes kényanes de l’attentat perpétré par Al-Qaïda à Nairobi puissent obtenir réparation.

• Zimbabwe

Il y a huit ans, lors de la première édition du sommet, Barack Obama avait boudé le régime de Robert Mugabe. Le Zimbabwe est cette fois invité, et c’est pour lui une première victoire diplomatique. L’invitation a été adressée au ministre zimbabwéen des Affaires étrangères, Frederick Shava, le président Emmerson Mnangagwa restant sous le coup de sanctions imposées pour la première fois il y a vingt ans en raison de son rôle présumé dans l’affaiblissement des processus démocratiques dans le pays, à l’époque où il dirigeait le Parlement.

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Dans sa quête d’un assouplissement des sanctions, Frederick Shava peut compter sur l’appui de l’Afrique du Sud, qui affirme depuis longtemps que les sanctions contre le Zimbabwe ont contribué à une crise migratoire et miné l’économie de toute la région. Harare aurait eu des chances de plaider sa cause, mais toute chance de progrès rapide sur la question a été compromise il y a quelques mois, lorsque des responsables de la sécurité ont harcelé des assistants du Sénat en visite au Zimbabwe, exaspérant le Congrès et Washington.

« Le département d’État est sérieusement préoccupé par une manœuvre d’intimidation aussi effrontée contre des fonctionnaires américains, confirme l’un de ses porte-parole. Et plus largement, nous sommes profondément préoccupés par le nombre croissant de faits de harcèlement, d’intimidation, de répression et de violence à motivation politique au Zimbabwe [à l’approche des élections de 2023]. »

• Climat et énergied.

• Les droits de l’homme

Enfin, des défenseurs des droits de l’homme venus de tout le continent sont attendus dans la capitale américaine. Ils veulent s’assurer que l’engagement du président Biden en faveur de la démocratie ne pâtira pas des accords commerciaux. À la veille du sommet, Amnesty International, Human Rights Watch, Humanity United et le Project on Middle East Democracy (Pomed) organiseront leur propre sommet sur les droits de l’homme, avec des militants de premier plan originaires du Cameroun, du Liberia, du Mali, du Soudan et du Zimbabwe.

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Le gouvernement américain accueillera pour sa part un forum de la société civile au premier jour du sommet, afin de refléter plusieurs aspirations de l’Agenda 2063 de l’UA en matière de bonne gouvernance et de démocratie. L’administration Biden invite également deux douzaines de journalistes à couvrir les débats.

« Pour promouvoir la liberté de la presse, la transparence et la responsabilité, le département d’État, par l’intermédiaire de ses ambassades en Afrique, a proposé de fournir une aide au voyage, consistant en un billet d’avion, pour 25 journalistes indépendants, explique un porte-parole du département d’État. Ces journalistes sont distincts de tous les membres de la presse inclus dans les délégations officielles des pays. »