Actualités

Sénégal, Côte d’Ivoire, France… Access Bank dévoile sa stratégie

Alors qu’Access Bank vient de s’installer en France, Herbert Wigwe, son directeur général, évoque la voie à suivre pour transformer le paysage bancaire en Afrique, et attirer à nouveau les investissements au Nigeria.

Mis à jour le 14 juillet 2023 à 10:20
 
 wigwe
 

 

Herbert Wigwe © Kelechi Amadi-Obi/Acces Bank

 

« Paris est en train de devenir le nouveau point de chute de l’élite commerciale du Nigeria. » Si l’on en croit la fréquence des voyages en France d’hommes d’affaires nigérians comme Abdul Samad Rabiu de BUA Group ou Mike Adenuga de Globacom, sans oublier le chef de l’État en personne, Bola Tinubu, il y a peut-être du vrai dans l’affirmation de ce banquier français.

À LIREHerbert Wigwe (Access Bank) : « Nous voulons être la Citibank de l’Afrique »

Ce n’est sûrement pas le directeur général d’Access Bank qui dira le contraire, lui qui inaugurait le 11 mai dernier la succursale parisienne de son établissement.

Au lendemain de la soirée de lancement, Herbert Wigwe confiait ses ambitions à Jeune Afrique : profiter de l’ère de croissance qui vient pour faire d’Access Bank la Citibank de l’Afrique. « Il s’agit d’être la porte d’entrée de l’Afrique vers le monde, l’équivalent de Citi. Une transaction sur trois qui aura lieu sur mon continent, dans les cinq prochaines années, se fera à nos guichets », envisage-t-il.

Toute petite banque

Access Bank a atteint une taille et une rentabilité considérables, ce que le directeur général attribue à son leadership et à l’efficacité de ses opérations. En 2022, ses revenus ont augmenté de plus de 40 %, pour atteindre un revenu brut de 1,38 trillion de nairas (1,78 milliard de dollars), tandis qu’une base d’actifs de 15 trillions de nairas en fait la plus grande banque du Nigeria. Malgré les fluctuations des taux de change et d’autres défis, Herbert Wigwe ne craint pas la concurrence des autres banques panafricaines.

À LIREÀ l’image d’Access Bank, les banques nigérianes poussent leurs pions en Afrique

En ce qui concerne la première banque d’Afrique, la Standard Bank d’Afrique du Sud, il affirme qu’elle n’est pas une concurrente immédiate. « Elle n’est pas présente dans toute la Cedeao », précise-t-il. « C’est une toute petite banque d’où nous venons, elle n’est qu’un point au Nigeria. »

Au Maroc, où la franchise panafricaine Attijariwafa Bank est en tête des classements, Wigwe affirme qu’Access Bank serait sur ses talons si le Nigeria n’avait pas souffert d’une si mauvaise gestion économique.

LE SEUL AVANTAGE D’ATTIJARIWAFA EST QU’ELLE VIENT D’UN PAYS OÙ LA MONNAIE EST PLUS STABLE

« J’ai 60 millions de clients, soit la même taille que Citibank au niveau mondial », déclare Herbert Wigwe qui déplore l’échec de la gestion politique au Nigeria, qui a permis l’effondrement de la valeur du naira. « Lorsque j’étais banquier, j’ai vu le taux de change passer de quatre nairas pour un dollar à 800. Cela s’est passé pendant […] ma courte vie. »

« Avec une bonne politique, notre taux de change ne se serait pas détérioré de la sorte et nous aurions des milliards de dollars de plus dans nos comptes. Pour une banque comme Attijariwafa, le seul avantage est qu’elle vient d’un pays où la monnaie est plus stable même si elle est loin d’avoir la sophistication ou la taille que nous avons. »

Vision globale

Herbert Wigwe ne cache pas ses ambitions sur le marché américain, renforçant ainsi l’engagement de la banque à étendre son empreinte mondiale. « Nous serons aux États-Unis, il n’est pas juste de vous dire quand, mais soit vous vous levez, soit vous restez dans votre petit coin », dit-il.

Avec des plans pour revisiter des marchés comme la Côte d’Ivoire et le Sénégal dans les 12 à 18 prochains mois, et l’ambition d’offrir des services bancaires à un plus grand nombre de sociétés panafricaines, Access Bank a pour objectif de devenir la première institution bancaire du continent.

À LIREBanques : les Ouest-Africains prennent le contrôle

Pour se prémunir contre les difficultés liées à la monnaie nationale, Access Bank a adopté une vision globale, ouvrant récemment un bureau en France, ce qui peut paraître surprenant pour un observateur non averti. « Dans les années 1980 et 1990, la plupart des activités au Nigeria étaient contrôlées par les Français. Au fil du temps, elles ont diminué, mais il y a encore des investissements raisonnables », explique Herbert Wigwe.

LA SUCCURSALE FRANÇAISE PERMETTRA À ACCESS BANK DE SE LANCER DANS LA GESTION DES RÉSERVES DES PAYS FRANCOPHONES

Access Bank France est en fait la succursale parisienne d’Access Bank UK – une filiale à 100 % basée à Londres. Elle se concentrera sur le financement du commerce, en ciblant les clients impliqués dans divers flux transfrontaliers sur le continent. Access Bank pourra ainsi combler le vide laissé par les banques françaises, telles que la Société Générale, qui ont laissé en plan les clients d’Afrique francophone à la recherche d’un correspondant bancaire. « Quelqu’un va assumer ce rôle », a-t-il déclaré.

Wigwe pense également que la succursale française permettra à Access Bank de se lancer dans la gestion des réserves des pays francophones d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, qui conservent actuellement une partie de leurs réserves à la Banque de France.

Le déménagement d’Access Bank en France a été influencé par l’impact du Brexit sur le paysage financier, obligeant la banque à trouver un nouveau domicile dans la zone euro. Il témoigne de l’ambition de la banque d’être considérée comme un acteur universel pour les entreprises africaines et celles qui investissent sur le continent.

Choses stupides

La nouvelle administration nigériane doit travailler autour de trois conditions pour convaincre les investisseurs internationaux de revenir au Nigeria, estime Wigwe. « La première serait l’harmonisation des taux de change, c’est-à-dire la facilité avec laquelle les capitaux peuvent entrer et sortir du pays. Cette harmonisation semble déjà en cours, avec les réformes annoncées concernant le naira. »

VOUS APPORTEZ VOTRE CAPITAL, VOUS AVEZ UN DIFFÉREND, ET LE SYSTÈME JURIDIQUE NE FONCTIONNE PAS CORRECTEMENT

« La deuxième consiste à évaluer la perturbation et l’intrusion que constituent certaines agences par rapport aux investisseurs ; et la troisième est de s’assurer que le système judiciaire fonctionne – que les litiges commerciaux sont correctement résolus », a-t-il déclaré.

Tout en reconnaissant les difficultés rencontrées par les investisseurs dans le passé, le directeur de l’Access Bank est catégorique quant aux mesures prises pour y remédier. « Nous avons vu beaucoup de choses stupides se produire au cours des deux dernières années. Vous apportez votre capital, vous avez un différend, et le système juridique ne fonctionne pas correctement. Cela va changer. »

Quand la guerre Russie-Ukraine s’exporte au Sénégal : polémique autour du projet Thiès-Sébastopol

Un projet de partenariat entre la ville sénégalaise de Thiès et celle de Sébastopol, en Crimée, ravive les positionnements nationaux sur le conflit ukrainien.

Mis à jour le 11 juillet 2023 à 19:27
 
glez
h

Par Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

 

 

discussion

 

© Damien Glez

Revendiquée par un large nombre de décideurs africains, la neutralité dans le conflit entre l’Ukraine et la Russie est une ligne de crête étroite, y compris dans les enceintes politiques locales. Au pays de la Teranga, l’annonce d’une possible « coopération » entre les villes de Thiès et de Sébastopol suscite la polémique. Tout a commencé par la visite de Dmitry Kurakov, ambassadeur de Russie au Sénégal, dans la « cité du rail » sénégalais, le 4 juillet dernier…

Sébastopol, russe ou occupée ?

À l’issue de cet événement local, dont la dimension politique aurait pu paraître anodine, notamment en dehors de Thiès, le diplomate russe évoque, via Facebook, des « perspectives de coopération entre Thiès et l’une des villes de Russie dans les domaines économique, éducatif, culturel, y compris la possibilité de conclure des accords de partenariat ».

À LIREGuerre en Ukraine : Dakar au centre d’une lutte d’influence entre les États-Unis et la Russie 

Rapidement, l’ambassade d’Ukraine à Dakar dénonce un « soi-disant jumelage ». Sébastopol était ukrainienne jusqu’à l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, évènement qui préfigura les tensions actuelles. Suite à un référendum unilatéral, la ville de Sébastopol fut présentée comme la troisième ville d’importance fédérale de Russie, au même titre que Moscou et Saint-Pétersbourg.

À LIREFrappes russes sur Kiev en pleine mission des présidents africains

Après la rencontre entre le maire de Thiès, Babacar Diop, et l’ambassadeur russe, la représentation d’Ukraine à Dakar rappelle, par voie de communiqué, qu’elle considère que « Sébastopol est occupée par les troupes russes ». Elle prend l’édile sénégalais à partie en demandant si celui-ci « profite […] d’une occasion opportuniste […] pour se “jumeler” avec un “grand État terroriste et criminel de guerre” ».

Les ambitions de Babacar Diop

Le 10 juillet, la mairie de Thiès réagit à deux niveaux. Comme pour botter en touche, elle explique, références officielles à l’appui, que la visite du diplomate russe faisait suite à une demande du ministère sénégalais des Affaires étrangères, ceci « dans le cadre de la coopération décentralisée ». Plus offensive, l’institution municipale dénonce des « attaques discourtoises et diffamatoires », de la part de la représentation ukrainienne, et des « insinuations infondées et aux antipodes de la bienséance en matière de la diplomatie internationale ».

À LIREAu Sénégal, Babacar Diop peut-il voler de ses propres ailes ?

En attendant la formalisation ou non d’un jumelage, le bras de fer local sera sans doute noyé dans la suite du pugilat géopolitique international. Il reste à savoir si cette mise en lumière nationale du maire de Thiès servira ses ambitions de leader des Forces démocratiques du Sénégal (FDS – Les Guelwaars). Dès le mois d’avril, tentant de se détacher du peloton de la coalition d’opposition Yewwi Askan Wi, Babacar Diop annonçait sa candidature à la magistrature suprême, comme « candidat des pauvres ».

Nouveaux cardinaux : le pape François a choisi des hommes de confiance

Analyse 

Le pape a annoncé dimanche 9 juillet la création de 21 nouveaux cardinaux, dont 18 électeurs. Parmi eux, de nombreux hommes proches de François, dont deux Français.

  • Loup Besmond de Senneville (à Rome), 
Nouveaux cardinaux : le pape François a choisi des hommes de confiance
 
Le pape salue les cardinaux à la fin de la messe du dimanche des Rameaux sur la place Saint-Pierre au Vatican, le 2 avril 2023. François a annoncé dimanche 9 juillet la création de 21 nouveaux cardinaux, dont 18 électeurs.REMO CASILLI/REUTERS

L’information, comme bien souvent, a pris tout le monde au dépourvu. En annonçant sa décision de créer 21 nouveaux cardinaux – dont 18 de moins de 80 ans, électeurs en cas de conclave –, le pape François a, dimanche 9 juillet, choisi de nommer des hommes de confiance pour rejoindre les rangs de ceux que l’on appelait jadis les princes de l’Église. Parmi ceux qui recevront la barrette rouge le 30 septembre prochain, à la veille du Synode sur l’avenir de l’Église, figurent quelques noms très attendus, mais aussi quelques surprises.

Comme le veut l’usage, François nomme ainsi cardinaux trois nouveaux chefs de dicastère, dont il est particulièrement proche. Mais la liste énoncée par François à la fin de son angélus dominical, place Saint-Pierre, comprend des noms très inattendus, à commencer par deux Français : l’évêque d’Ajaccio, Mgr François Bustillo, ainsi que Mgr Christophe Pierre, nonce aux États-Unis et homme de confiance du pape au cœur d’une Église américaine plus polarisée que jamais. Ils portent ainsi à six le nombre de cardinaux électeurs français en cas de conclave.

Lignes de fracture

Dans les noms lus par le pape, on retrouve aussi des responsables catholiques présents sur des lignes de fracture ou des terrains difficiles du monde, comme l’évêque de Hong Kong, l’archevêque de Juba (Soudan du Sud) ou encore le patriarche latin de Jérusalem. Les trois futurs cardinaux de plus de 80 ans – donc non électeurs – partagent tous la vision de l’Église portée par le pape : Mgr Agostino Marchetto, particulièrement préoccupé par la question des migrants, le Vénézuélien Diego Rafael Padron Sanchez et le père Luis Pascal Dri, l’ancien confesseur du pape en Argentine.

Le rééquilibrage géographique voulu par le pape se poursuit, mais de manière moins marquée que lors de précédents consistoires, qui avaient frappé par la présence d’hommes venant de pays dont aucun cardinal n’avait jamais été originaire. Le 30 septembre prochain, le Collège cardinalice comprendra ainsi 137 électeurs, dont 53 Européens, 24 Asiatiques, 19 Africains et 17 d’Amérique du Nord ; 16 d’entre eux proviendront d’Amérique du Sud, 5 d’Amérique centrale et 3 d’Océanie. Au total 99 auront été créés par François, soit plus de 70 % des cardinaux de moins de 80 ans.

La Côte d’Ivoire sera-t-elle prête pour la CAN 2024 ?

La 34e édition de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) se tiendra en Côte d’Ivoire du 13 janvier au 11 février 2024. Si certains travaux sont bien avancés, d’autres ont pris un peu de retard…

Mis à jour le 6 juillet 2023 à 08:08
 
 

 RCI

 

Les supporters attendent le lancement du match de qualification pour la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2023 qui oppose la Côte d’Ivoire à la Zambie, à Yamoussoukro le 3 juin 2022. © Issouf Sanogo/AFP

 

Les Ivoiriens ont déjà le regard tourné vers la phase finale de Coupe d’Afrique des nations (CAN), la deuxième que leur pays accueillera après celle de 1984. Bien qu’ils soient qualifiés d’office pour la compétition en tant que représentants de la nation organisatrice, les Éléphants participent aux éliminatoires. Le 17 juin, leur lourde défaite en Zambie (3-0) a accentué un peu plus la pression sur Jean-Louis Gasset, le sélectionneur français, et ses joueurs.

Cette dernière sortie ratée de la sélection n’a que brièvement relégué au second plan toutes les autres questions liées à l’organisation de la CAN. À six mois du match d’ouverture, le 13 janvier prochain, la Côte d’Ivoire sera-t-elle prête ? « Tout avance très bien. Les Ivoiriens travaillent beaucoup et il n’y a aucune inquiétude à avoir : le pays tiendra ses engagements. Les stades sont prêts, avec de belles pelouses », affirme Véron Mosengo-Omba, le secrétaire général de la Confédération africaine de football (CAF), actuellement à Abidjan pour faire un point sur la livraison des différents chantiers.

L’inconnue Félix-Houphouët-Boigny

La Côte d’Ivoire doit présenter à la CAF les six stades retenus pour accueillir la compétition – Korhogo, Yamoussoukro, Bouaké, San Pedro et les deux stades d’Abidjan, Ebimpé et Félix-Houphouët-Boigny – mais également les structures d’entraînement. Les quatre premiers sont quasiment achevés – la sélection a ainsi accueilli les Comores en mars à Bouaké et recevra le Lesotho en septembre à Korhogo – même s’il reste ici et là quelques finitions, notamment les parkings.

À LIREAlgérie, Maroc… Les audits ont débuté pour la CAN 2025

À Abidjan, la situation semble plus préoccupante. Le stade olympique d’Ebimpé, baptisé « stade de Côte d’Ivoire », avait été fermé moins d’un an après son inauguration, fin 2020, en raison de l’état catastrophique de sa pelouse, qui a depuis été remplacée. Mais celui qui pose vraiment question est le stade Félix-Houphouët-Boigny. « Il est quasiment impossible de venir voir de près où en sont les travaux, car on nous demande des autorisations spéciales difficiles à obtenir. Mais de l’extérieur nous voyons bien qu’il y a encore du travail », explique Sanh Séverin, journaliste à Abidjan Sports.

Selon une source proche du comité d’organisation de la CAN (Cocan), les retards concernent davantage les extérieurs du stade et sa piste d’athlétisme, notamment la pose de la résine, une opération rendue délicate pendant de la saison des pluies. « Tout ce qui concerne la partie football, à savoir la pelouse, les vestiaires ou encore les tribunes, ne pose aucun problème », explique-t-elle.

De longs travaux de voirie à Abidjan

Dans la capitale économique, une autre question se pose : celle de la voie de contournement qui part de Cocody, passe par Abobo et débouche dans le vaste périmètre d’Ebimpé. Ce tronçon, long de 26 kilomètres, doit désengorger la ville où les embouteillages sont fréquents.

À LIRECAN en Côte d’Ivoire : les 60 millions de dollars de la discorde

En octobre dernier, Amédé Koffi Kouakou, le ministre de l’Équipement et de l’Entretien routier, avait constaté, lors d’une visite, le rythme pas assez soutenu des travaux, en raison notamment du peu d’empressement de certains riverains résidant sur le trajet de quitter leurs habitations, mais à cause également d’un mouvement de grève des ouvriers.

Dans les autres villes qui abriteront des matchs de la CAN, les travaux de voirie sont globalement satisfaisants, selon plusieurs sources contactées par Jeune Afrique.

Le logement, point noir à Bouaké

À Bouaké, ce sont les infrastructures hôtelières qui interpellent. Le cahier des charges de la CAF exige que les sélections et les officiels soient logés dans des établissements répondant aux normes de confort les plus élevées. « Or il n’y a rien de tout cela à Bouaké », argumente Sanh Séverin.

À LIREÀ Bouaké, la mue de l’ancienne cité rebelle de Côte d’Ivoire

« Nous étions dans un hôtel qui n’était pas au niveau des standards requis, avec des matelas très durs, un service de restauration inexistant et un confort très relatif », confie un membre de la délégation comorienne, qui y a séjourné deux jours. « On ne peut pas imaginer les Égyptiens, les Sénégalais, ou encore les Marocains et leurs stars passer dix jours dans des hôtels de ce niveau. »

Du côté de la CAF, on se veut rassurant. « Il y aura un village CAN où seront logées des équipes. Pour l’accueil des supporters ou des journalistes, des hôtels seront rénovés. Il y a encore du temps pour finir les travaux », nuance Véron Mosengo-Omba.

Des policiers d’élite français en renfort

La question de la sécurité est également prise très au sérieux par les autorités ivoiriennes. Au sein du Cocan, la sécurité a été confiée au général Youssouf Kouyaté, le directeur général de la police nationale.

À LIRELe plan d’Abidjan et Paris pour sécuriser la CAN

Parmi les principales menaces : le risque terroriste, notamment dans le nord du pays frontalier du Mali et du Burkina Faso, mais aussi la délinquance quotidienne qui sévit dans les grandes villes hôtes, en particulier Abidjan et Yamoussoukro.

Pour la sécurisation de la compétition, le gouvernement ivoirien a passé un accord avec son homologue français pour le déploiement temporaire d’éléments du Raid, l’unité d’élite de la police nationale française, en Côte d’Ivoire.

Au Sahel, ces otages nationaux trop souvent oubliés

Burkinabè, Maliens, Nigériens… Ils sont des centaines à être enlevés chaque année par le JNIM ou par d’autres groupes jihadistes. Dans l’indifférence quasi générale.

Flore Monteau et 
Mis à jour le 5 juillet 2023 à 08:04
 
 
maliens
 
 
 

Des Maliens fêtent la libération de Soumaïla Cissé, à l’aéroport de Bamako, le 8 octobre 2020. © Montage JA; Nicolas Renene/Le Pictorium

 

PRISES D’OTAGES AU SAHEL, LE NERF DE L’EXPANSION JIHADISTE (3/3) – « Je lance un appel au président Assimi Goïta » ; « Je vous demande de tout mettre en œuvre pour négocier ma libération » ; « J’ai été arrêté par les jihadistes »… Trois vidéos, trois visages marqués et, à chaque fois, les mêmes mots ou presque, lus sous la contrainte.

Fin mai, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, ou JNIM en arabe), filiale sahélienne d’Al-Qaïda, a diffusé les preuves de vie de trois otages maliens détenus dans le nord du pays depuis plusieurs semaines : Abdou Maïga, un ancien élu, Abdoulaye Kanté, un agent des eaux et forêts, et Oumar Diakité, un jeune caporal de l’armée malienne.

À LIRE[Série] Prises d’otages au Sahel, le nerf de l’expansion jihadiste

Leurs visages font alors le tour des réseaux sociaux. Des centaines d’autres otages tombés aux mains du JNIM au Sahel – au moins 850 ces six dernières années, d’après l’ONG Acled –, restent inconnus. Peu médiatisés, les enlèvements de citoyens maliens, burkinabè et nigériens sont pourtant de plus en plus fréquents dans la région.

Au Burkina Faso, leur nombre a même été multiplié par plus de trente depuis 2017, selon un rapport de la chercheuse Flore Berger pour la Global Initiative Against Transnational Organized Crime (Gitoc).

Paiement de rançons

Parmi ces otages sahéliens, Abdou Maïga. Vêtu d’un chèche marron couvrant le haut de son visage, il apparaît assis face caméra, la mine visiblement accablée. Il s’exprime avec difficultés. « Je souffre beaucoup de maladie et de la chaleur », dit-il dans une vidéo dévoilée le 28 mai sur les réseaux sociaux, avant d’exhorter le président de la transition malienne, Assimi Goïta, et son Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, à « tout faire pour négocier [sa] libération ».

Enlevé le 23 avril, cet ancien député du Mouvement patriotique pour le renouveau (MPR, le parti du Premier ministre) se trouvait dans sa mosquée de Koutiala, à 400 kilomètres à l’est de Bamako, quand un groupe d’hommes armés a surgi et l’a embarqué de force dans un pick-up. Depuis, le paiement d’une rançon à ses ravisseurs est son seul espoir de recouvrer la liberté.

« Leur motivation première est de s’attaquer à l’État partout où il est visible afin de semer la terreur », explique Bourama Diarra, du Syndicat autonome des administrateurs civils du Mali. Préfets, sous-préfets, membres du cabinet du gouverneur, fonctionnaires… « Certains sont tués, d’autres décèdent pendant leur captivité, d’autres encore sont heureusement libérés », résume-t-il.

Professeurs et humanitaires visés

Eux aussi pris pour cibles dans les zones où les groupes jihadistes sévissent, les enseignants, travailleurs humanitaires et chefs religieux vivent dans la peur. Alors que les écoles ferment les unes après les autres – 1 000 attaques ont été enregistrées contre des établissements scolaires entre 2020 et 2021 au Burkina Faso, au Mali et au Niger –, des professeurs sont régulièrement violentés, enlevés ou exécutés, car considérés comme des relais de l’idéologie occidentale.

À LIREBurkina, Mali, Niger… Quand les jihadistes font la guerre aux écoles

Les travailleurs humanitaires, eux, partent en mission malgré la menace permanente qui plane au-dessus de leurs têtes. Leurs enlèvements sont fréquents. « J’ai essayé de faire comprendre [aux ravisseurs] que nous sommes des humanitaires et non des espions, mais ils m’ont coupé la parole en disant : ‘Ça, c’est de l’espionnage’ », témoigne un ancien otage malien cité dans un rapport du Centre des études sécuritaires et stratégiques au Sahel (CE3S). Enlevé par la Katiba Macina, en juin 2020, dans le centre du Mali, il a finalement été libéré.

Au Niger, dans la région du Tillabéri, dans l’ouest du pays, les femmes et les filles sont des cibles de choix. Enlevées, elles sont mariées sous la contrainte avec des membres du JNIM, dénonce l’ONG Amnesty International. Les jeunes hommes, eux, sont kidnappés afin d’être enrôlés de force.

« Avant, on entendait dire qu’il y avait eu un enlèvement ou un recrutement dans un autre village. Maintenant, ça arrive chez nous aussi », raconte un père de famille nigérien cité dans un rapport de l’ONG.

À LIRE[Tribune] Niger : enrayer la violence dans le Tillabéri 

Détentions courtes et cash rapide

Alors que les otages occidentaux ont longtemps été considérés comme des cibles privilégiées du fait de leur importante valeur marchande, les citoyens sahéliens représentent désormais l’immense majorité des otages du Sahel. « En enlevant les personnes influentes ou occupant une position stratégique au sein d’une communauté, le JNIM combat ceux qui sont considérés comme les représentants des valeurs occidentales. C’est aussi une manière pour le groupe d’asseoir sa gouvernance », explique Flore Berger.

Mais la stratégie des groupes jihadistes va plus loin, poursuit-elle. « Le JNIM a changé de vision par rapport aux enlèvements. Avant, il était focalisé sur l’enlèvement d’Occidentaux. Certains ont été gardés en captivité de nombreuses années, ce qui a créé une forme de frustration au sein des groupes, car des gouvernements occidentaux n’étaient pas pressés de régler leur situation », explique-t-elle. Résultats, les jihadistes opteraient de plus en plus pour des détentions courtes, et du « cash » obtenu rapidement, notamment à travers les otages locaux.

À LIREMali : le JNIM et les combattants touaregs, côte à côte face à l’EIGS ?

Pour ceux-là, le montant des rançons varie avec le statut des otages. Selon les témoignages recueillis par Flore Berger, la libération d’un petit commerçant dans le nord du Mali peut se négocier entre 300­ 000 francs CFA et 800 000 francs CFA, celle d’un propriétaire de bétail ou d’un commerçant d’or, jusqu’à 8 millions de francs CFA.

Le montant augmente pour un agent de l’État, et encore davantage s’il s’agit d’un homme politique de premier plan, comme l’opposant malien Soumaïla Cissé, enlevé en mars 2020. En échange de sa libération – et de celles de la Française Sophie Pétronin et de deux otages italiens –, le JNIM aurait demandé celle de 204 jihadistes prisonniers et une rançon de 2 millions d’euros, selon plusieurs témoignages.

À LIREMali : dans le secret des négociations qui ont permis la libération de Soumaïla Cissé et Sophie Pétronin

Faible mobilisation des pouvoirs publics

Régulièrement interpellés sur la question des otages nationaux, les gouvernements sahéliens affichent une position floue. « Généralement, on voit des organisations de soutien et les familles des otages se mobiliser, mais l’État ne fait pas grand-chose. Même lorsque ce sont des agents de l’État qui ont été enlevés, on peine à voir sa réaction », déplore Oumar Cissé, président du Collectif de soutien aux otages maliens.

À Bamako, les syndicats de l’administration civile commençaient à désespérer lorsque Aly Cissé, sous-préfet de Farako, a finalement été libéré le 30 mai, après quatre ans de détention. « Nous avions attiré l’attention des pouvoirs publics pour qu’ils s’impliquent dans sa libération », explique Bourama Diarra. Bien qu’aucune information officielle ait filtré sur les négociations qui ont mené à la libération, une rançon aurait été versée aux ravisseurs. Un « effort conjugué du ministère de l’Administration territoriale et du ministère de la Défense », assure-t-il.

Une centaine de jeunes enlevés

Pour d’autres, comme le rappeur malien Dr Keb, enlevé en 2021, mobiliser les pouvoirs publics a relevé du parcours du combattant. « Au départ, le gouvernement ne voulait rien entendre. Pendant deux mois, personne n’a levé le petit doigt », raconte son ami Togo Amadou. Alors que la famille avait commencé à cotiser, la rançon, initialement fixée à 60 millions de francs CFA, mais dont le montant final n’a pas été révélé, a été payée par l’État et l’artiste libéré.

Au Burkina Faso, où le Premier ministre, Apollinaire Joachim Kyélem de Tembéla, assurait, le 30 mai, qu’il « n’y [avait] pas de négociation possible » avec les « terroristes », les enlèvements de nationaux – 97 % du total des rapts dans le pays, selon Acled – ne cessent d’augmenter.

Dans l’Est, région qui connaît la plus forte concentration d’enlèvements, « plus d’une centaine de jeunes, dont on est toujours sans nouvelle, ont été enlevés entre 2021 et 2022 », témoigne un journaliste local qui déplore l’absence de communication gouvernementale.

VDP et kidnappings

Selon certains observateurs, le recrutement massif de Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), les supplétifs civils de l’armée, depuis l’arrivée d’Ibrahim Traoré au pouvoir, pourrait avoir contribué à cette hausse des enlèvements. En quête de renseignements et soucieux de maintenir leur influence sur les territoires où les VDP sont présents, les groupes jihadistes y multiplient les kidnappings. D’après Acled, la mobilisation des VDP coïncide ainsi avec une augmentation de 40 % des enlèvements depuis 2021.

À LIRELes VDP, l’armée dans l’armée d’Ibrahim Traoré

Un éleveur de Kompienga, dans la région de l’Est, enlevé en avril 2023 par des jihadistes à motos, raconte avoir vécu « un calvaire » pendant sa détention. Gardé une trentaine de jours « enchaîné sous un arbre », il a subi des interrogatoires quotidiens avant d’être libéré. « Ils pensaient que j’étais à l’origine du recrutement de VDP et cherchaient à savoir qui ils étaient et quel était leur plan d’action », témoigne-t-il. Certains de ses amis, enlevés eux aussi, ont eu moins de chance. Ils ont été assassinés.