Le dôme de chaleur au Maghreb fait craindre des pertes de rendement agricole. © FADEL SENNA/AFP.
Confrontée à un épisode caniculaire sans précédent, la Tunisie – qui, comme ses voisins méditerranéens, se trouve sous un dôme de chaleur – vit depuis quelques jours au rythme des coupures d’eau et d’électricité. À leurs pics, les températures ont atteint près de 50 degrés, et leurs conséquences commencent déjà à se faire sentir sur l’économie fragile du pays du Jasmin.
Responsable des températures extrêmes, le dôme de chaleur booste les ventes de climatiseurs, tout en accélérant les tensions sur les réseaux électriques en raison de la hausse de la demande. Pour soulager le réseau et contenir la crise, la Société tunisienne d’électricité et du gaz (STEG) a été contrainte d’intervenir en urgence avec un délestage électrique tournant à certaines heures.
Arrêt de production, retard de livraison, pénalités…
« Malheureusement, le délestage opéré par la STEG, n’est pas annoncé à l’avance. Par ailleurs, les pics de consommation génèrent souvent des chutes de tension, qui ont souvent de graves conséquences pour les industriels », explique à Jeune Afrique, Nafaa Ennaifer, vice-président de la Fédération tunisienne du textile et de l’habillement (FTTH).
En effet, ces perturbations de l’alimentation électrique causent beaucoup de dommages aux équipements électroniques, et perturbent les plannings de production. « Notre industrie est essentiellement dirigée vers l’export. Les arrêts multiples de production sont synonymes de retard de livraison et le non-respect des délais peut générer des pénalités », souligne Ennaifer.
S’il reconnaît un impact économique « important », le vice-président de la FTTH préconise une action rapide des autorités face au changement climatique. « Il faut donner un vrai coup d’accélérateur à la production des énergies renouvelables avec une législation adaptée pour répondre aux besoins croissants de consommation d’électricité, notamment en été, et aux impératifs de réduction de l’empreinte carbone de notre industrie », insiste Nafaa Ennaifer.
Des pertes de rendement agricole
Au-delà de ses répercussions sur les grands sites industriels, le dôme de chaleur au Maghreb fait également craindre des pertes de rendement agricole. « Avec des températures supérieures à 40 degrés, la situation est très contraignante pour les cultures, qui subissent un stress thermique, alors que les ressources hydriques vont progressivement diminuer », précise, à Jeune Afrique, Mohammed Benabbou, ingénieur et expert en climat et développement durable.
L’ABSENCE DE RESSOURCES HYDRIQUES CONDAMNE TOUTE L’ÉCONOMIE MAROCAINE
En déplacement à Médéa, à 90 km au sud-ouest d’Alger, le ministre algérien de l’Agriculture et du Développement rural, Mohamed Abdelhafid Henni a réitéré la volonté des autorités de dédommager les agriculteurs touchés par les températures caniculaires. Les pertes ont déjà été recensées, les propositions soumises au gouvernement, il reste maintenant à attendre le versement des indemnisations qui devrait se faire « prochainement », rassure Abdelhafid Henni.
Dans ce contexte climatique « exceptionnel », qui expose le pays à une nouvelle série de feux de forêt, le ministre algérien de l’agriculture souhaite voir le secteur s’orienter vers « des cultures stratégiques » avec des systèmes d’irrigation économes en eau. Ainsi, la modernisation des modes de gestion et d’exploitations des terres et de certaines filières agricoles demeure « indispensable » pour apporter une plus-value à l’économie algérienne, selon Abdelhafid Henni.
La sécheresse, un défi structurel
Bien que le Maroc n’échappe, lui non plus, à cette vague de chaleur, le royaume semble pour l’heure à l’abri des tensions sur son réseau électrique, contrairement à la Tunisie et à l’Algérie, où la Steg et Sonelgaz ont opté pour le délestage. Cependant, comme ses voisins maghrébins, le pays est soumis à des épisodes de sécheresse, dont les conséquences sont multiples.
« La raréfaction de l’eau induite par le réchauffement climatique pourrait avoir des répercussions dévastatrices sur la production et la fiabilité énergétiques au Maroc, mettant en question la viabilité physique, économique et environnementale de projets futurs », affirme, à Jeune Afrique, Afaf Zarkik, économiste marocaine au Policy Center for the New South.
« L’absence de ressources hydriques condamne toute l’économie marocaine », ajoute le spécialiste en développement durable, Mohammed Benabbou. Selon les derniers rapports de la Banque mondiale, la sécheresse au Maroc pourrait devenir « un défi structurel, impactant sérieusement l’économie à long terme ».